III.7. Détention
De très sérieux problèmes en matière de droits de l’homme en Haïti résultent du recours abusif à la détention ainsi que des conditions de détention. Le taux de détention provisoire reste en effet extrêmement élevé (cf. ci-dessous) et les conditions de détention, que ce soit dans les commissariats de police ou dans les prisons, continuent de porter gravement atteinte à la dignité humaine. Par ailleurs, malgré une volonté affichée d’y remédier, la réponse donnée par les autorités haïtiennes à ce problème reste très insuffisante.
III.7.1. La garde à vue et la détention dans les commissariats de police
Au second semestre 2012, la SDH a continué de documenter de nombreux cas de personnes se trouvant en garde à vue au-delà du délai légal de 48 heures, dans l’ensemble du pays. A titre d’exemple, lors d’une visite au commissariat de Pétion-Ville le 17 septembre, la SDH a constaté que sur les 38 personnes détenues au commissariat, 21 personnes se trouvaient détenues hors du délai de 48 heures. Bien souvent, les agents de la PNH justifient ces dépassements de délais par « les besoins de l’enquête », alors que ce motif est illégal. Ils invoquent également des raisons logistiques (manque d’essence, manque de véhicules, etc.), dans la mesure où certains commissariats se trouvent particulièrement éloignés des tribunaux, auprès desquels les prévenus doivent être déferrés. A cet égard, il convient de signaler que la PNH continue effectivement de manquer cruellement de moyens. De plus, le manque d’accès à l’assistance légale aggrave le phénomène de détention préventive prolongée. Par ailleurs, la SDH a constaté la présence, dans les cellules de certains commissariats, de personnes détenues ayant déjà été déférées devant un juge, et qui devraient donc se trouver dans une maison d’arrêt. Ainsi, les agents du commissariat de Port-au-Prince ont indiqué à la SDH que de nombreuses personnes leur étaient envoyées « en dépôt » pour deux ou trois semaines par le parquet ou les juges d’instance. De même, certaines personnes déjà condamnées se trouvent détenues dans certains commissariats. Par exemple, le 16 octobre, le Comité de suivi de la détention préventive de Croix des Bouquets (département de l’Ouest), a constaté que cinq des 24 personnes détenues dans les cellules du commissariat de Calvaire avaient déjà été jugées et condamnées à des peines allant de 3 à 12 mois d’emprisonnement.
III.7.2. La détention préventive
Au second semestre 2012, la SDH a continué à recenser des abus graves de la détention préventive dans les prisons. En novembre 2012, selon la section Justice de la MINUSTAH, 71.8% de la population carcérale de Haïti se trouvait en détention préventive dans l’attente d’être entendue par un juge. La proportion était de 87.1 % dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Fin novembre, 6225 personnes détenues étaient en attente de leur procès et très souvent détenues avec des condamnés.32
III.7.3. La détention excédant le jugement
Au cours de la période en revue, la SDH a documenté plusieurs cas de personnes qui restent en détention après avoir purgé leur peine en raison de l’absence d’un mécanisme central qui permettrait aux autorités de consigner la date d’incarcération et de libération des détenus. Ainsi, le 30 novembre, lors d’une visite à la prison des Gonaïves (département de l’Artibonite), la SDH a noté que 12 personnes ayant déjà purgé leur peine étaient toujours détenues. Le 21 novembre, lors d’une séance de travail avec le commis greffier du parquet de Petit-Goâve, la SDH a constaté que seule la date d’incarcération - et non la date d’arrestation - était mentionnée dans les registres, rendant difficile la détermination de la date de libération. Par ailleurs, la SDH a documenté un certain nombre de cas pour lesquels les autorités connaissent la date de la fin de la sentence des détenus mais conditionnent leur libération. Ainsi, le 16 octobre, à Jacmel (département du Sud-est), la SDH et l’OPC ont porté à l’attention du commissaire du gouvernement le cas de deux prisonniers ayant purgé leur peine depuis le 14 juillet, mais qui se trouvent toujours détenus parce qu’ils ne s’étaient pas acquitté d’une amende envers l’état haïtien. Le 18 octobre, le commissaire décidait d’ordonner leur libération à condition qu’ils paient la moitié de l’amende. Fin décembre, les deux personnes restaient détenues, n’ayant toujours pas pu payer cette amende.
III.7.4. Actions menées pour lutter contre les irrégularités relatives à la durée de la détention |