III.6. Allégations d’utilisation de forces de sécurité parallèles
Au cours de la période en revue, la SDH a documenté plusieurs cas de recours, par des autorités judiciaires et administratives, à des forces de sécurité parallèles composées de civils, pour mener des tâches réservées aux seules autorités chargées de l’application des lois. Par ailleurs, des figures politiques locales ont fait appel à des brigades civiles au motif de garantir leur sécurité. La formation de tels groupes représente un risque notamment en période pré-électorale. Par ailleurs, dans plusieurs cas, les juges de paix ont fait appel à des personnes civiles pour délivrer des mandats d’arrêt ou arrêter des personnes, alors que seuls les agents de la PNH sont autorisés à le faire. Ainsi, en octobre, le juge de paix des Roseaux (département de la Grande Anse), aurait recruté des civils pour délivrer des mandats d’arrêt, au motif qu’il n’a pas d’autre choix dans la mesure où les agents de la PNH refusent de se rendre dans des localités isolées par manque de moyen de transport. Bien que cet argument soit révélateur du manque de ressources réel des forces de police, cette pratique est illégale et comporte de graves risques d’abus. Aux Irois par exemple (département de la Grande Anse), des individus recrutés par le juge de paix, munis de faux badges portant le nom du ministère de la Justice, se seraient livrés à des actes d’extorsion auprès de la population les jours de marché. De même, le 27 septembre, à Mombin Crochu (département du Nord-est) des brigadiers “recrutés” par le juge de paix avec l’accord du maire, ont battu un homme alors qu’ils étaient à la recherche de son frère. La situation observée dans l’arrondissement d’Ouanaminthe a été particulièrement préoccupante au cours de la période en revue. Dans cet arrondissement, l’ancien vice-délégué départemental31 a, à plusieurs reprises, procédé à l’arrestation de personnes en dehors de tout cadre légal.
Notamment :
Fin septembre, l’ex-vice-délégué a ordonné l’arrestation de sept personnes, sans mandat, par des personnes qu’il avait « recrutées » y compris des agents de la sécurité de la vice-délégation et des repris de justice. Fin octobre, deux de ceux qui avaient été arrêtés restaient détenus à la prison civile de Fort-Liberté.
Le 1er octobre, l’ex-vice-délégué et le juge de paix suppléant ont arrêté par le même biais 12 personnes, dont neuf à Dajabón (République dominicaine), sans aucune participation des autorités judiciaires dominicaines. Fin décembre, deux des personnes arrêtées, restaient détenus à la prison de Fort-Liberté pour « association de malfaiteur ».
Enfin, dans le même arrondissement, à Mapou, le juge de paix suppléant et l’ex-vice-délégué, appuyés par un groupe de civils armés et des agents de l’UDMO arrêtaient cinq individus suspectés de jeter des pierres et de tirer en l’air la nuit, le 15 novembre. Tous ont été battus par les forces civiles avant d’être embarqués par les UDMO. Des inspecteurs des douanes et des repris de justice auraient pris part à cette « opération ». L’ex vice-délégué a rejeté l’accusation d’avoir eu recours à des forces parallèles au motif que ces personnes avaient depuis été nommées inspecteurs des douanes. Il faut noter que les inspecteurs des douanes ne font aucunement partie de la PNH et que ces personnes ont été récemment nommées par le délégué départemental, avec l’approbation du ministre de l’Intérieur, en dehors du processus de recrutement habituel.
En octobre, toujours à Ouanaminthe, les deux maires adjoints de la commune, deux agents exécutifs intérimaires (AEI) candidats aux prochaines élections locales, ont mis sur pied des brigades de sécurité allant jusqu’à leur fournir des badges au nom de la mairie. De façon similaire, vingt personnes auraient été recrutés pour travailler bénévolement dans le cadre d'une compagnie de sécurité privée, nommée "Etoile plus sécurité", afin de protéger les intérêts d'un candidat aux élections municipales, à Port-de-Paix (département du Nord-ouest). Le commissaire du gouvernement du département serait membre du conseil d'administration de cette compagnie. Un autre candidat aux élections locales aurait, de son côté, également constitué sa propre compagnie de sécurité. La situation observée aux Irois (département de la Grande Anse) a été également préoccupante au cours de la période en revue. Ainsi, le 8 novembre, 12 personnes se déclarant victimes de M. Viliena, maire par intérim de la commune, ont cherché refuge au sous-commissariat de police des Irois pendant six jours, après avoir fait l’objet de menaces de mort de la part des partisans de ce dernier. Par ailleurs, le 11 décembre, un représentant de la Croix rouge haïtienne aux Cayes (département du Sud), a informé la SDH qu’il avait reçu des menaces de mort après avoir distribué de la nourriture à des personnes jugées « peu importantes », omettant ceux qui avaient voté pour le Président Martelly. Selon plusieurs sources, les auteurs de ces menaces seraient liés au groupe nommé « le Police », un groupe formé d'une centaine de jeunes portant des uniformes bleu marine et qu’on suspecte d’être impliqués dans des activités criminelles. Au même moment, les agissements de ce groupe étaient dénoncés par le commissaire du gouvernement candidat au Sénat sur une liste de l’opposition.
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