Jérémy Stauffacher Droit des Successions
Droit des Successions
1. Cours du 18 septembre 2012
Partie 1. Introduction §1. Notions, fondements, sources Le droit des successions (ou droit successoral) est la partie du droit privé qui s’occupent du transfert à une ou plusieurs personnes physiques ou morales des droits et des obligations (souvent pécuniaires) d’une personne décédée. Le but est donc de régler le sort du patrimoine d’une personne à son décès. La personnalité finit par la mort : l’être humain perd la capacité d’être sujet de droits et d’obligations. Certains et certaines prennent fin, mais d’autres sont simplement transféré(e)s (changement de titulaire) : ils peuvent notamment être transmis aux successeurs du défunt. Le droit des successions est la partie du droit privé en vertu de laquelle les droits et obligations d’une personne décédée passent à une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Le but du droit des successions est de régler le sort du patrimoine d’une personne au moment de son décès.
Au sens objectif, le droit des successions (tel que décrit ci-dessus) doit être distingué des droits de succession, qui sont les droits subjectifs privés conférés à certaines personnes (successeurs en particulier). Dans le CC (source principale : art. 457-650 CC), les successions prennent place entre le droit de la famille et les droits réels. Il s’agit en effet d’un prolongement du droit de la famille (successeurs choisis en fonction des liens familiaux) et d’un élément essentiel de la propriété privée (transmission de biens). Il existe donc un double fondement (familial et économique) qui permet d’expliquer l’implantation du droit des successions dans les ordres juridiques nationaux.
En ce qui concerne les sources du droit des successions, on retiendra bien entendu les art. 457-650 CC qui forment le titre troisième du Code civil. On peut mentionner comme sources accessoires dans le CC les art. suivants : 31 ss (fin de la personnalité), 39 al. 2 ch. 1 (enregistrement des décès), 109 et 120 al. 2 (effets de l’annulation du mariage et du divorce), 204 ss et 236 ss (liquidation du régime matrimonial). En outre, on trouve dans le CO quelques règles relatives à l’influence de la mort sur certains rapports juridiques. De même, il existe un certain nombre de lois fédérales pertinentes : la LDFR (loi sur le droit foncier rural, art. 11-35), la LPart (loi sur le partenariat enregistré, art. 1 ss) ou encore la LFors (loi sur les fors, art. 18). Enfin, au niveau cantonal, les règles se trouvent la plupart du temps dans les lois d’application du CC (abstraction faite des dispositions sur les impôts successoraux).
Le droit des successions règle le sort du patrimoine transmissible (au contraire de certains éléments intransmissibles, comme certains droits : droits d’usufruit, servitudes personnelles proprement dites, rentes, etc.) d’une personne physique (le système pour les personnes morales est différent) au décès de celle-ci. Le droit des successions ne concerne donc pas les questions liées au moment de la mort, au droit de mourir (aide au suicide) ou au sort du cadavre (géré par le droit administratif). En outre, les proches sont protégés dans leur sentiment par rapport au défunt, d’où la question des oppositions de la famille du défunt par rapport à différents actes (liés à la police, aux enquêtes, aux autopsies).
En matière de succession, le défunt est appelé le de cuius (is de cuius successione agitur : celui dont la succession est en discussion). Le droit des successions amènent une idée de continuité : les personnes changent mais les droits subsistent (les dettes également). Les survivants récupèrent le patrimoine du de cuius. En Suisse, 30 milliards de francs sont concernés par le système des successions (2,5% du PNB national). Sans droit des successions, toute la vie économique serait affectée : en effet, les dettes seraient éteintes à la mort des personnes (physiques et morales). De ce fait, les transactions seraient risquées, le paiement étant toujours subordonné à la vie des personnes. De même, le sort des biens des personnes poserait problème : à la mort de celles-ci, leurs biens deviendraient « sans maître » et seraient donc certainement occupés par les premiers arrivés, par les plus riches ou les plus puissants. On pourrait envisager que l’État récupère automatiquement les biens des défunts mais dans ce cas, les achats à long terme n’auraient plus aucun intérêt.
Enfin, il faut tout de même préciser que même si le droit des successions intervient matériellement au décès d’une personne, ses règles exerceront tout de même une influence durant la vie des gens et ce en fonction des conséquences successorales de chaque acte (mariage, filiation, adoption ou autres). Le régime matrimonial joue ainsi un rôle central en matière de droit des successions (questions de liquidation).
§2. Principes fondamentaux En droit des successions, il existe 6 grands principes généraux :
Le principe de l’unité de la succession : le sort du patrimoine du de cuius fait l’objet d’un régime juridique unique qui s’étend à l’ensemble des actifs et passifs, peu importe leur nature ou leur origine. La mort d’une personne n’ouvre donc qu’une seule succession.
Le principe de la succession universelle : le droit des successions est régi par le principe de la succession universelle : l’ensemble des actifs et des passifs du de cuius passent, du seul fait de la mort de ce dernier, à ses héritiers (art. 560 al. 1). L’héritier est donc le successeur universel du de cuius, il succède seul ou avec ses cohéritiers et répond aussi des dettes de celui-ci. Dès lors, il n’y a pas de succession à titre particulier pour cause de mort : aucun bien ne passent directement du de cuius à un successeur à titre particulier. La loi offre tout de même la possibilité de transmettre un ou plusieurs biens à une personne sans que celle-ci ne réponde des dettes (legs, art. 484 al. 1-2 CC). Malgré tout, le légataire ne succède pas directement et ne bénéficie que d’une créance (créance contre les héritiers en délivrance de son legs, art. 562 al. 1). Ainsi, l’acquisition par le légataire s’effectue dans le cadre de la succession universelle et n’est qu’indirecte. Par souci de simplification, on dit souvent que le légataire est un successeur à titre particulier. Il faut en tous cas se souvenir qu’il ne reçoit que certains actifs et qu’il ne répond pas des dettes.
Le principe de la saisine des héritiers : les héritiers acquièrent la succession de plein droit dès que celle-ci est ouverte (art. 560 al. 1) : le mort saisit le vif, son hoir le plus proche. L’acquisition par les héritiers présente donc les deux caractéristiques suivantes :
Elle se produit immédiatement à l’ouverture de la succession (à la mort du de cuius, art. 537 al. 1). Il y a donc continuité dans la titularité des droits et des obligations (de cuius – héritiers).
Elle se produit de plein droit : l’héritier devient ipso iure titulaire des droits et des obligations du de cuius (même s’il ignore le décès). L’acquisition ne dépend donc pas d’un acte positif d’acceptation (sous certaines exceptions).
Le légataire, au contraire, n’acquiert pas de plein droit les biens légués : ils passent d’abord aux héritiers qui sont alors chargés de remettre le legs à son bénéficiaire, selon les règles ordinaires du transfert entre vifs à titre particulier.
Le principe de la nécessité de la succession universelle : nul ne meurt sans héritier. S’il n’y a aucun héritier, c’est la collectivité publique qui hérite (art. 457-460). Le principe de succession universelle est de droit impératif, le de cuius ne peut donc pas exclure toute succession. Si tous les héritiers répudient la succession, celle-ci est liquidée par l’office des faillites (art. 573 al. 1). Si un solde subsiste, celui-ci revient aux héritiers, comme si la répudiation n’avait pas existé.
Le principe de la communauté héréditaire : lorsque le de cuius laisse plusieurs héritiers, ceux-ci acquièrent ensemble l’universalité de la succession et forment alors, de par la loi, une communauté héréditaire (hoirie, communauté en main commune, art. 602 CC). Pour que chacun devienne propriétaire individuel, il faut alors procéder à une nouvelle opération : le partage de la succession (art. 604 ss CC), fonctionnant selon les règles ordinaires des transferts entre vifs propres à chaque catégorie de biens (inscription au RF, transfert de possession, cession écrite de créances et autres). Si, au contraire, il ne laisse qu’un seul héritier, celui-ci devient ipso iure titulaire des droits du défunt. Dès lors, sauf processus diverses (mise à jour du RF), aucune démarches n’est nécessaire au transfert des biens successoraux.
Le principe de la responsabilité personnelle et solidaire des héritiers : les héritiers répondent non seulement sur l’actif successoral mais également sur leurs propres biens (art. 560 al. 2). Entre eux, ils assument une responsabilité solidaire (art. 603 al. 1) : chacun peut être recherché pour tout ou partie de la dette, quitte à se retourner ensuite contre ses cohéritiers s’il a payé plus que sa part (art. 143 ss CO). L’acquisition de la succession n’est donc pas toujours sans risque. De ce fait, il existe divers moyens de se protéger : l’héritier peut ainsi refuser la succession par répudiation (art. 566 ss CC). Il renonce dès lors aux actifs successoraux mais se libère également de toute responsabilité. Il peut aussi demander l’établissement d’un inventaire des actifs et des passifs et n’accepter ensuite la succession que sous bénéfice d’inventaire (il ne répond alors que des dettes inventoriées, art. 580 ss CC). Enfin, s’il souhaite limiter sa responsabilité aux actifs successoraux, il peut aussi demander la liquidation officielle de la succession. Dans ce cas, il ne répond plus personnellement des dettes mais perd le contrôle de la liquidation successorale : il touchera sa part de l’excédent actif s’il en existe un (art. 593 ss CC).
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