Chapitre 5 Les relations internationales et le droit
Ce thème interroge les rapports entre le droit et les relations internationales (les rapports de puissance entre Etats), ainsi que la régulation entre Etats. Afin de préserver la paix, les Etats ont développé depuis l’Antiquité des rapports juridiques sous forme de contrats bilatéraux ou multilatéraux. La prolifération des traités multilatéraux et bilatéraux montrent un phénomène de mondialisation du droit des Etats.
Le traité de Westphalie (allemand), fondateur de l’ordre territorial européen en 1648 initie l’idée d’un concert européen diplomatique. Cette idée a été théorisée par notamment par C.I. Castel de Saint Pierre dans son « projet de paix universelle entre les nations » publié en 1713. Ses idées furent reprises notamment par J.J. Rousseau (jugement du projet de paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint Pierre, publié en 1782 et E. Kant (projet de paix perpétuelle), 1795) et leur acheminement aboutit à la création de la Société des Nations (SDN) en 1919, première tentative malheureuse de gouvernance mondiale. Ces réflexions encouragent la négociation entre les Etats afin de maintenir la paix dans le monde.
Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l’ONU a pris le relais, sa charte fondatrice prévoit des sanctions vis-à-vis d’un Etat en cas d’atteinte au maintien de la paix. L’ONU construit depuis 1945, dans différents domaines, un tissu de règles internationales basées sur le principe du contrat entre Etats qui limite la souveraineté de ces derniers. Depuis, la multiplication des traités permet le règlement pacifique de l’ensemble des différends qu’ils soient commerciaux, territoriaux ou idéologiques. Cependant, la réalité internationale reste marquée par la violence et les conflits.
La question de la sanction du non –respect des règles internationales reste posée. Même si la charte constitutive de l’ONU a prévu une Cour internationale de justice, il est difficile dans les faits de faire appliquer ce droit, souvent contingent des grands équilibres mondiaux.
La conciliation entre puissance et droit est donc très fragile. Le droit international étant alors le plus souvent l’expression d’un rapport de forces ou d’un accord a minima. Sa construction s’avère donc complexe.
Enfin, dans un monde de plus en plus connecté, les Etats qui sont interdépendants ont choisi de constituer des ensembles régionaux supranationaux (ex : l’UE) qui bouleversent les rapports de puissance et favorisent le multilatéralisme au détriment du bilatéralisme.
En quoi les relations internationales limitent-elles la souveraineté des Etats ? Les instruments juridiques (traités, organisations, régionalisation…) utilisés par les relations internationales sont-ils réellement efficace ? Est-il possible de remettre en cause l’applicabilité des traités internationaux ?
I/ La coexistence de la souveraineté des Etats et du droit international
A/ Le principe de la souveraineté des Etats
Etat : entité juridique formée de la réunion de trois éléments constitutifs (population, territoire, autorité politique) et à laquelle est reconnue la qualité de sujet du Droit international. L’Etat se manifeste par un système juridique, judiciaire et législatif, des symboles et la possession d’une armée. L’Etat-nation semble demeurer la référence de l’ordre international.
Souveraineté : caractère suprême d’une puissance (summa potesta) qui n’est soumise à aucune autre. La souveraineté étatique est le pouvoir suprême reconnu à l’Etat, qui implique l’exclusivité de sa compétence sur le territoire national et son indépendance dans l’ordre international, où il n’est limité que par ses propres engagements.
Non-ingérence
Ainsi, en vertu de l’article 2 alinéa 7 de la Charte des Nations-Unies, la communauté internationale ne peut s’ingérer dans les affaires des Etats. Mais quelle est la place du droit d’ingérence actuellement ?
B/ Les limites de la souveraineté des Etats
La souveraineté est limitée par la ratification des traités par les Etats et leur appartenance à des organisations régionales. Le développement du droit d’ingérence et les rapports de puissance entre les Etats peuvent aussi constituer des limites.
Le droit d’ingérence est la capacité à s’immiscer dans les affaires d’un autre pays. L’idée a été développée par Hugo Grotius (juriste des Pays-Bas) dans « De jure belli ac pacis » (du droit de la guerre et de la paix) en 1625. Il posa les fondements du droit international, lui-même fondé sur le droit naturel. Il considérait notamment que l’aide aux populations en détresse sans le consentement de l’Etat était nécessaire. En 1987, Bernard Koutchner et le professeur de droit Mario Bettati théorisent les premiers le devoir d’ingérence après avoir été émus du massacre des Biafrais au cours de la guerre du Nigéria. Enfin, des résolutions de l’assemblée générale de l’ONU de 1988 et 1990 sont relatives à « l’assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et des situations d’urgence du même ordre », ainsi qu’à l’autorisation des couloirs d’urgence.
II/ Les principes généraux du droit des traités
A/ La négociation et la ratification des traités
Le traité est une source de droit positif et il est un instrument qui limite la souveraineté des Etat dans de multiples domaines, ce qui pose le problème de l’applicabilité de ces traités.
Convention internationale ou Traité international : accord conclu entre deux ou plusieurs Etats. C’est un instrument majeur de régulation de l’ordre international. Le traité est « l’expression de volontés concordantes, émanant de sujets de droit dotés de la capacité requise, en vue de produire des effets juridiques régis par le droit international (DUPUY Pierre-Marie).
La Convention de Vienne sur le droit des traités (du 23 mai 1969), entrée en vigueur en 1980, est une source incontournable. Ce traité codifie les principes coutumiers du droit international.
Un traité doit être négocié (représenté par des plénipotentiaires) et signé dans un premier temps puis ratifié pour le rendre applicable car cela limite le principe de la souveraineté nationale. En France, la ratification d’un traité ne peut être signé par le Président de la république que s’il y’a eu au préalable une loi adoptée soit par le parlement français, soit par référendum. Seule la ratification entraîne en principe une obligation juridique pour un Etat. La signature révèle juste la volonté d’adhérer à une convention ou à un accord et a seulement la valeur d’une obligation morale. Ainsi, la convention européenne des droits de l’homme (après les atrocités de la seconde guerre mondiale) a été signée en 1950 mais a été ratifiée par la France qu’en 1974.
Remarque : les Etats n’hésitent plus à limiter leur souveraineté dans un contexte de mondialisation (accords commerciaux, environnementaux, politiques…) et les traités internationaux s’imposent au nom du principe de bonne foi.
B/ La difficulté de faire respecter le droit international
Le système juridique international est créé par les traités et conventions internationales et il est souvent intégré dans des organisations internationales (ex : l’Organe de Règlement des différents (commerciaux), ainsi que l’arbitrage dans le cadre de l’OMC). Les compétences du juge international peuvent être générales (ex : CJUE) ou restreintes (ex : tribunal du droit de la Mer). Ces instances restent fragiles face aux équilibres politico-stratégiques.
La Cour internationale de justice (CIJ) a été Instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies. la Cour internationale de justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU), situé à La Haye. Elle est composée de quinze juges élus, pour neuf ans renouvelables, par l'Assemblée générale de l'ONU et par le Conseil de sécurité. L’anglais et le français sont les langues officielles. La CIJ a deux fonctions : elle règle les différends juridiques entre les Etats (fonction contentieuse), et donne des avis sur des questions juridiques que lui soumettent les organes de l’ONU ou d’autres institutions (fonction consultative). En aucun cas elle peut trancher un différend entre des individus. La CIJ interprète les textes onusiens. La Cour produit donc du droit dans la limite de l’accord des Etats. Elle reste donc tributaire des grands équilibres internationaux.
D’autres juridictions internationales existent : La Cour Pénale Internationale instituée en 1998 a pour fonction de punir les crimes contre le droit humanitaire comme les génocides ou les crimes de guerre. Sa compétence est très limitée d’autant qu’elle est subordonnée à l’incapacité de la justice nationale pour juger le criminel. D’autres juridictions ont été mises en place. L’ordre juridique international paraît donc morcelé.
Le respect des traités internationaux concerne aussi le juge national. Il revient aux Etats d’adapter la législation interne d’après le principe de la hiérarchie des normes. Les accords et conventions internationaux ont une place supérieure à la loi (art. 55 de la Constitution française). La Constitution peut être même modifiée lorsque c’est nécessaire.
Si un Etat ratifie un traité et ne l’applique pas. Il peut aussi être sanctionné par des comités internationaux (ex : comité des droits de l’homme de l’ONU : rapport puis plainte…, les ONG) ou l’emploi du « soft law » (un moyen de pénétrer dans l’ordre juridique interne sans une sanction claire) ou par le moyen diplomatique.
III/ Les organisations internationales : de la coopération à l’intégration
Le droit international résulte de relations interétatiques et il est de plus en plus lié à des domaines d’activité supranationaux.
Depuis la seconde guerre mondiale, les organisations internationales à vocation universelle ou régionale se multiplient et sont des sujets de droit qui concurrencent les Etats. Ainsi, les organisations à vocation universelle (ONU, OMC, FMI, UNESCO dès 1945…) ont une vocation de coopération : accepter de mettre en commun les compétences.
Les organisations internationale peuvent agir sur la scène internationale à l’instar des Etats dans les domaines qui relèvent de leur compétence (ex : l’UE est habilitée à signer des traités en son nom). Toutefois, la finalité des ces organisations sont différentes. Les organisations régionales (UE…) ont une vocation d’intégration avec un transfert de la souveraineté (et donc de compétences) dans certains domaines (ex : la monnaie). Le développement du régionalisme montre la volonté de gagner en puissance et d’influencer l’évolution des relations internationales. Donc, le droit international tend vers le régionalisme.
Exemples de droit coutumier : droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, interdiction de la torture, du recours à la force.
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