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Conseil des droits de l’homme Vingt-neuvième session Point 3 de l’ordre du jour Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturel, y compris le droit au développement Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau Tabler sur la mobilité au cours d’une génération: suite donnée à l’étude régionale sur la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants*
Table des matières Paragraphes Page I. Introduction 1 3 II. Activités menées par le Rapporteur spécial 2−8 3 A. Participation à des consultations et conférences 2−3 3 B. Visites de pays 4−6 3 C. Suivi auprès de l’Union européenne 7−8 3 III. Suite donnée à l’étude régionale sur la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants 9−84 4 A. Introduction 9−12 4 B. Vue d’ensemble des migrations depuis 2013 13−23 5 C. Analyse de la manière dont l’Union européenne gère les migrations et contrôle ses frontières extérieures au regard des droits de l’homme des migrants 24−84 7 IV. Conclusions et recommandations 85−139 19 A. Conclusions 85−91 19 B. Recommandations 92−139 20 Annexe 26 I. Introduction Le présent rapport est soumis conformément à la résolution 17/12 du Conseil des droits de l’homme. Il décrit brièvement les activités que le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants a menées du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 et sa partie thématique est consacrée à la question de la gestion des frontières de l’Union européenne et les droits de l’homme des migrants. II. Activités menées par le Rapporteur spécial A. Participation à des consultations et conférences En novembre 2014, le Rapporteur spécial a organisé une consultation internationale sur les pratiques de recrutement et les travailleurs migrants au cours de laquelle un dialogue approfondi et dynamique s’est instauré à propos des principaux enjeux, obstacles et choix de politique générale. Les conclusions issues de ce dialogue figureront dans le rapport de 2015 que le Rapporteur spécial présentera à l’Assemblée générale. En outre, le Rapporteur spécial a contribué à un certain nombre de dialogues et de conférences, notamment la conférence annuelle sur les droits des migrants de l’Agence pour les droits fondamentaux de l’Union européenne et le septième dialogue sur la protection du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme (HCR), sur le thème «Protection en mer». B. Visites de pays Ayant constaté que les 1,8 million de Sri-lankais travaillant à l’étranger font l’objet de nombreuses violations des droits de l’homme, le Rapporteur spécial s’est rendu au Sri Lanka du 19 au 26 mai 2014. Il a recommandé au Gouvernement de prendre toute une série de mesures consistant notamment à conclure des accords bilatéraux avec les pays de destination, à abolir la pratique des frais de recrutement exigés des migrants et à assurer la pleine application du code de conduite des agences privées. Le Rapporteur spécial s’est rendu en Italie du 2 au 6 décembre 2014. Il a constaté qu’en dépit d’un climat économique et politique difficile ce pays avait pris des initiatives audacieuses pour faire face au nombre sans précédent de migrants et de demandeurs d’asile arrivant par bateau. Il a souligné que les États membres de l’Union européenne doivent collectivement soutenir les États qui sont en première ligne afin de trouver une réponse durable qui soit pleinement conforme aux droits de l’homme des migrants. Le Rapporteur spécial s’est rendu à Malte du 6 au 10 décembre 2014. À l’issue de cette visite, il a déclaré que Malte doit s’attendre à une poursuite de l’augmentation du nombre sans précédent de migrants et de demandeurs d’asile arrivant par bateau et à élaborer des programmes pour y faire face. C. Suivi auprès de l’Union européenne Les visites en Italie et à Malte ont été complétées par une visite au siège de l’Union européenne, à Bruxelles, dans le cadre de la suite donnée à l’étude effectuée par le Rapporteur spécial tout au long de l’année 2012 sur la gestion des frontières extérieures de l’Union. En 2013, le Rapporteur spécial continuait d’estimer qu’il importait de régler le problème des franchissements de frontière clandestins, là où se produisaient apparemment la plupart des violations les plus odieuses des droits de l’homme. L’augmentation du nombre de ces clandestins et de ceux qui périssaient en Méditerranée et les réponses déficientes des États membres de l’Union européenne ont amené le Rapporteur spécial à se pencher de nouveau sur ces questions. En outre, le Président du Conseil des droits de l’homme, à sa vingt-septième session, lui a demandé de surveiller la situation des migrants en mer. Le présent rapport doit être lu parallèlement aux rapports sur les visites effectuées en Italie et à Malte et au rapport présenté au Conseil des droits de l’homme sur la gestion des frontières de l’Union européenne (A/HRC/23/46). III. Suite donnée à l’étude régionale sur la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants A. Introduction Nonobstant certains faits nouveaux positifs, les problèmes de droits de l’homme soulevés dans le rapport de 2013 du Rapporteur spécial sont toujours là. Les migrants qui périssaient en Méditerranée fournissent la preuve visible et frappante du manque persistant d’efficacité et des paradoxes des politiques de gestion des frontières de l’Union européenne et de l’absence d’une approche cohérente et fondée sur les droits de l’homme en matière de migrations. Ces événements tragiques ont projeté sur le devant de la scène la question des droits de l’homme des migrants qui empruntent des itinéraires migratoires maritimes. Des souffrances moins souvent évoquées jonchent également toutes les phases de la migration, y compris à l’intérieur de l’Union européenne. Considérant la part de l’Union européenne dans les ressources mondiales et son imposant corpus de textes normatifs, les morts récentes de migrants doivent être considérées comme le résultat d’une volonté politique et de choix de politique générale de l’Union. Toutes ces souffrances et cette tendance à la clandestinité des migrations sont le symptôme de carence systémique à l’intérieur même du système de gestion des frontières de l’Union européenne et un signe évident de perte du contrôle des migrations dans la région en dépit d’investissements soutenus dans la sécurisation desdites frontières. Ces carences ont aussi des causes plus profondes et en disent beaucoup sur la manière dont l’Union européenne réagit à la différence et à la diversité. Les tentatives de maintien du statu quo risquent de coûter cher. Les souffrances humaines ne cessent de croître à mesure que des migrants meurent en mer ou connaissent des souffrances à grande échelle aux frontières, à l’intérieur de l’Union européenne, ainsi que dans les pays voisins. En outre, les pertes de ressources résultant de l’investissement dans un système inefficace et de l’impossibilité de maximiser les avantages inhérents aux migrations organisées ne sont guère négligeables. Afin de remédier à cette situation, l’Union européenne doit se pencher sur l’ensemble du système des migrations et examiner comment ses politiques et ses concepts de base en la matière pourraient être réorientés dans le sens d’une approche fondée sur les droits de l’homme. Se placer dans une perspective à long terme et miser sur la mobilité au cours des vingt-cinq années à venir permettront à l’Union d’être mieux en mesure de réagir aux importants changements économiques, sociaux et démographiques qui s’annoncent. B. Vue d’ensemble des migrations depuis 2013 1. On ne constate non pas une croissance soutenue des migrations d’origine hors Union européenne mais une augmentation du nombre des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile On ne constate pas de croissance soutenue du volume total des migrations en provenance de pays tiers au cours des cinq dernières années. Selon les estimations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2012, l’Union européenne a connu une baisse de 12 % du nombre de migrants non ressortissants de ses pays membres1. Cette diminution globale des courants migratoires en direction de l’Union européenne traduit le fait que cette région considère désormais que, de manière générale, l’immigration de ressortissants de pays tiers n’est plus souhaitable et qu’une très forte réduction de l’immigration régulière s’impose. Cette façon de voir les choses a des effets secondaires directs sur les courants d’immigration irrégulière. Alors que l’immigration régulière dans les pays de l’Union européenne est en recul, une tendance à la hausse de l’immigration irrégulière et des demandes d’asile est manifeste depuis le rapport de 2013. L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres (FRONTEX) a signalé qu’au cours du quatrième trimestre de 2014, l’immigration irrégulière était à son plus haut niveau (100 000 entrées irrégulières) depuis 2007, année de début de la mise en commun des données dans le cadre du Réseau d’analyse des risques (FRAN) de FRONTEX. Une augmentation notable du nombre des demandes d’asile est également à signaler. Après un niveau record en 1992 (670 000) puis en 2001 (424 200), le nombre des demandes d’asile dans l’Union européenne est retombé à un peu moins de 200 000 en 2006. À partir de ce niveau relativement bas, le nombre des demandes d’asile a recommencé à augmenter progressivement jusqu’en 2012, évolution qui s’est ensuite considérablement accélérée au point que le nombre des demandeurs d’asile avoisinait les 450 000 en 2013. À l’échelle mondiale, la proportion de personnes déplacées par les situations d’urgence qui demandent le statut de réfugiés en Europe demeure faible. Comme l’indique le HCR, le monde connaît actuellement les plus forts taux de déplacements de populations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et, au début de 2015, il y avait 1,3 million de réfugiés enregistrés au Liban et 1,9 million en Turquie. En comparaison, l’Union européenne a examiné 620 000 demandes d’asile en 2014. 2. Les annonces migratoires divergent Les évolutions des migrations en direction de l’Union européenne ne touchent pas tous les États de cette région de la même manière. Des pays tels que l’Allemagne, la Finlande et la France ont connu une augmentation de ces flux en 2012, alors que l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont connu une diminution de l’immigration permanente2. Des divergences apparaissent également en ce qui concerne l’évolution des demandes d’asile, Eurostat donnant pour 2014 des chiffres qui vont de 126 705 en Allemagne à 55 au Liechtenstein. Toujours selon Eurostat, la proportion de demandes d’asile en cours de traitement en Allemagne, en Suède et en Italie allait de 37 % en 2010 à 60 % en 2014. 3. Migrations par voie maritime et décès en mer Il existe bien un certain nombre d’itinéraires maritimes précaires vers l’Union européenne, mais le plus fréquemment emprunté depuis 2013 est de loin celui qui passe par la partie centrale de la mer Méditerranée. L’augmentation considérable du recours à cet itinéraire a eu pour conséquence tragique des pertes massives de vies humaines. Selon les estimations du HCR, 3 000 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en mer en 2014. Les événements des quatre premiers mois de 2015 donnent à penser que l’utilisation de cet itinéraire et les morts de migrants qui vont de pair avec ce phénomène alors qu’elles auraient pu être évitées se poursuivent à un rythme alarmant. La majorité des migrations par voie maritime passe certes par la partie centrale de la mer Méditerranée mais l’Union européenne sait bien que, par suite des efforts faits pour sécuriser la frontière avec la Turquie, davantage de réfugiés et de migrants empruntent l’itinéraire qui mène aux îles grecques par la mer Égée. FRONTEX a signalé que jamais le nombre des migrants empruntant ces voies-là n’a été aussi élevé qu’au cours de la période allant de juillet à septembre 2014. En octobre 2014, le HCR a averti que la situation devenait critique. 4. Développement de la xénophobie antimigrant Avec en arrière-plan un climat économique difficile, une progression des partis nationalistes populistes à l’intérieur de l’Union européenne et la tragédie des attentats terroristes de Paris au début de 2015, on constate une recrudescence de la xénophobie et des propos haineux. Cette recrudescence de la xénophobie visant les migrants constatée depuis la parution du rapport de 2013 du Rapporteur spécial représente une évolution notable de la perception des migrants en Europe ainsi qu’un obstacle à l’élaboration de politiques plus progressistes. 5. Faits nouveaux positifs Les faits nouveaux positifs suivants, notamment, sont à signaler en ce qui concerne les droits de l’homme des migrants à l’intérieur de l’Union européenne: a) Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour européenne de justice, contestant les pratiques d’externalisation, la «logique de Dublin», la détention des immigrants et les problèmes d’accès à la protection sociale; b) Action de la responsable des droits fondamentaux de FRONTEX, Inmaculada Arnaez Fernandez, et de ses collaborateurs, s’agissant notamment de l’établissement d’un code de conduite pour les opérations conjointes de rapatriement, du manuel Vega Children Handbook et de la création d’un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux; c) opérations de recherche et de sauvetage assurées tant par le Gouvernement italien que par FRONTEX dans le cadre des programmes Mare Nostrum et Triton. Le Rapporteur spécial note toutefois que les opérations Triton ont été limitées, comme on le verra plus loin; d) Initiatives concernant les migrations régulières, notamment le système de la carte bleue, la directive sur les travailleurs saisonniers et le projet de directive sur les étudiants et les chercheurs; e) Efforts faits par le Parlement européen et la Commission européenne en réaction à la crise actuelle en Méditerranée; f) Attention accordée aux droits de l’homme des migrants par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment à la conférence annuelle de 2014 de cet organe. Nonobstant ces éléments positifs, le primat constamment accordé à la sécurité continue de structurer la manière dont l’Union européenne aborde la gestion de ses frontières. Les droits de l’homme des migrants ne sont pas intégrés aux politiques de manière globale et cohérente. Le système demeure caractérisé par sa complexité, par le manque d’harmonisation entre les politiques en la matière et les normes régionales et internationales relatives aux droits de l’homme, par le partage limité des responsabilités et par l’absence de la volonté politique nécessaire pour engager les changements qui s’imposent. |