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Quarante troisième session Genève, 2-20 novembre 2009 Observation générale no 21 Droit de chacun de participer à la vie culturelle (art. 15, par. 1 a), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) I. Introduction et principes de base 1. Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l’homme et, au même titre que les autres droits, sont universels, indissociables et interdépendants. La promotion et le respect pleins et entiers des droits culturels sont indispensables à la préservation de la dignité humaine et à une interaction sociale positive entre les individus et les communautés dans un monde divers et multiculturel. 2. Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est étroitement lié aux autres droits culturels énoncés à l’article 15: droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications (art. 15, par. 1 b)); droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur (art. 15, par. 1 c)); et liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices (art. 15, par. 3). Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est aussi intrinsèquement lié au droit à l’éducation (art. 13 et 14), qui permet aux individus et aux communautés de transmettre leurs valeurs, leur religion, leurs coutumes, leur langue et d’autres références culturelles, et qui contribue à promouvoir la compréhension et le respect des valeurs culturelles d’autrui. Il est aussi corrélé à d’autres droits consacrés par le Pacte, notamment le droit de tous les peuples de disposer d’eux mêmes (art. 1) et le droit à un niveau de vie suffisant (art. 11). 3. Le droit de chacun de prendre part à la vie culturelle est aussi reconnu au paragraphe 1 de l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dispose que toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté. D’autres instruments internationaux évoquent le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles1; le droit de participer à tous les aspects de la vie culturelle2; le droit de participer pleinement à la vie culturelle et artistique3; le droit à l’accès et à la participation à la vie culturelle4; et le droit de participer à la vie culturelle, sur la base de l’égalité avec les autres5. Les instruments relatifs aux droits civils et politiques6, aux droits des personnes appartenant à des minorités de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d’utiliser leur propre langue, en privé et en public7 et de participer pleinement à la vie culturelle8, aux droits collectifs des peuples autochtones sur leurs institutions culturelles, leurs terres ancestrales, leurs ressources naturelles et leurs connaissances traditionnelles9, et au droit au développement10, contiennent aussi des dispositions importantes en la matière. 4. Dans la présente observation générale, le Comité aborde expressément le droit de chacun, énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15, de participer à la vie culturelle, en liaison avec les paragraphes 2, 3 et 4, ayant respectivement trait à la culture, aux activités créatrices et au développement de la coopération et des contacts internationaux dans le domaine de la culture. Le droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur, énoncé au paragraphe 1 c) de l’article 15, fait déjà l’objet de l’Observation générale no 17 (2005). 5. Le Comité a acquis une longue expérience dans ce domaine en examinant les rapports périodiques et en dialoguant avec les États parties. En outre, il a organisé à deux reprises une journée de débat général, en 1992, puis en 2008, avec des représentants des organisations internationales et de la société civile dans le but d’établir la présente observation générale. II. Contenu normatif du paragraphe 1 a) de l’article 15 6. Le droit de participer à la vie culturelle peut être assimilé à une liberté. Pour qu’il soit garanti, l’État partie doit à la fois s’abstenir (ne pas s’ingérer dans les pratiques culturelles et l’accès aux biens et services culturels) et agir de manière positive (assurer les conditions nécessaires à la participation à la vie culturelle, faciliter et promouvoir celle ci et assurer l’accès aux biens culturels ainsi que leur préservation). 7. Toute décision d’une personne d’exercer ou de ne pas exercer le droit de participer à la vie culturelle individuellement, ou en association avec d’autres, est un choix culturel qui, en tant que tel, devrait être reconnu, respecté et protégé au nom de l’égalité. Cela revêt une importance particulière pour tous les peuples autochtones, qui ont le droit de jouir pleinement, de manière collective ou individuelle, de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit international des droits de l’homme, ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. A. Éléments du paragraphe 1 a) de l’article 15 8. Le sens et la portée des termes employés au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte sur le droit de chacun «de participer à la vie culturelle» sont définis plus loin: «Chacun» 9. Dans son Observation générale no 17 sur le droit de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur11, le Comité considère que le terme «chacun», à la première ligne de l’article 15, peut s’appliquer à un individu ou à un groupe. En d’autres termes, les droits culturels peuvent être exercés par une personne a) en tant qu’individu, b) en association avec d’autres, ou c) au sein d’une communauté ou d’un groupe. «La vie culturelle» 10. Plusieurs définitions de la «culture» ont été données par le passé et d’autres le seront peut être à l’avenir. Mais toutes évoquent les multiples éléments inhérents à la notion de culture12. 11. De l’avis du Comité, la culture est une notion vaste qui englobe, sans exclusive, toutes les manifestations de l’existence humaine. En outre, l’expression «vie culturelle» est une référence explicite à la culture en tant que processus vivant, qui est historique, dynamique et évolutif et qui a un passé, un présent et un futur. 12. La notion de culture ne doit pas être considérée comme une série de manifestations isolées ou de compartiments hermétiques, mais comme un processus interactif par lequel les personnes et les communautés, tout en préservant leurs spécificités individuelles et leurs différences, expriment la culture de l’humanité. Elle prend en compte le caractère individuel et «autre» de la culture en tant que création et produit d’une société. 13. Le Comité considère que, aux fins de la mise en œuvre du paragraphe 1 a) de l’article 15, la culture comprend notamment le mode de vie, la langue, la littérature orale et écrite, la musique et la chanson, la communication non verbale, la religion ou les croyances, les rites et cérémonies, les sports et les jeux, les méthodes de production ou la technologie, l’environnement naturel et humain, l’alimentation, l’habillement et l’habitation, ainsi que les arts, les coutumes et les traditions, par lesquels des individus, des groupes d’individus et des communautés expriment leur humanité et le sens qu’ils donnent à leur existence, et construisent leur vision du monde représentant leurs rapports avec les forces extérieures qui influent sur leur vie. La culture façonne et reflète les valeurs de bien-être ainsi que la vie économique, sociale et politique d’individus, de groupes d’individus et de communautés. «De participer» ou «de prendre part» 14. Les termes «participer» et «prendre part» ont la même signification et sont utilisés de manière indifférenciée dans les instruments internationaux et régionaux. 15. Il existe au moins trois composantes principales interdépendantes du droit de participer ou de prendre part à la vie culturelle: a) la participation, b) l’accès et c) la contribution à la vie culturelle. a) La participation recouvre en particulier le droit de chacun − seul, en association avec d’autres ou au sein d’une communauté − d’agir librement, de choisir sa propre identité, de s’identifier ou non à une ou plusieurs communautés données ou de modifier ce choix, de prendre part à la vie politique, d’exercer ses propres pratiques culturelles et de s’exprimer dans la langue de son choix. Chacun a aussi le droit de rechercher et de développer des connaissances et des expressions culturelles et de les partager avec d’autres, ainsi que d’agir de manière créative et de prendre part à des activités créatrices; b) L’accès recouvre en particulier le droit de chacun − seul, en association avec d’autres ou au sein d’une communauté − de connaître et de comprendre sa propre culture et celle des autres par l’éducation et l’information, et de recevoir un enseignement et une formation de qualité qui tiennent dûment compte de l’identité culturelle. Chacun a aussi le droit d’accéder à des formes d’expression et de diffusion grâce à n’importe quel moyen technique d’information ou de communication, de suivre un mode de vie impliquant l’utilisation de biens et de ressources culturels tels que la terre, l’eau13, la biodiversité, la langue ou des institutions particulières, et de bénéficier du patrimoine culturel et de la création d’autres individus et communautés; c) La contribution à la vie culturelle recouvre le droit de chacun de participer à la création des expressions spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotionnelles de la communauté. Elle est étayée par le droit de prendre part au développement de la communauté à laquelle une personne appartient, ainsi qu’à la définition, à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de décisions qui influent sur l’exercice des droits culturels d’une personne14. B. Éléments du droit de participer à la vie culturelle 16. Les conditions ci après sont nécessaires à la pleine réalisation du droit de chacun de participer à la vie culturelle dans des conditions d’égalité et de non discrimination: a) La disponibilité s’entend de la présence de biens et services culturels dont chacun est libre de jouir et de bénéficier, notamment: les bibliothèques, musées, théâtres, cinémas et stades de sport; la littérature, y compris le folklore, et les arts sous toutes leurs formes; les espaces publics indispensables à l’interaction culturelle tels que les parcs, les places, les avenues et les rues; les bienfaits de la nature dont jouit un État tels que les mers, lacs, fleuves, montagnes, forêts et réserves naturelles, y compris la flore et la faune qui s’y trouvent, qui donnent aux différents pays leurs caractéristiques et leur biodiversité; les biens culturels incorporels tels que les langues, les coutumes, les traditions, les croyances, le savoir et l’histoire, ainsi que les valeurs qui en constituent l’identité et contribuent à la diversité culturelle des individus et des communautés. Parmi tous les biens culturels, la relation de parenté interculturelle productive qui s’établit lorsque différents groupes, minorités et communautés peuvent librement partager le même territoire revêt un intérêt particulier; b) L’accessibilité s’entend des possibilités effectives et concrètes qui sont offertes aux individus et aux communautés de jouir pleinement de la culture, dans des conditions qui sont accessibles physiquement et financièrement à tous dans les zones urbaines et rurales, sans discrimination15. À cet égard, il est essentiel que l’accès des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi que ceux qui vivent dans la pauvreté, soit assuré et facilité. L’accessibilité comprend aussi le droit de chacun de rechercher, de recevoir et de partager des informations sur toutes les manifestations culturelles dans la langue de son choix et l’accès des communautés aux moyens d’expression et de diffusion; c) L’acceptabilité implique que les lois, politiques, stratégies, programmes et mesures adoptés par l’État partie en matière de droits culturels devraient être élaborés et mis en œuvre d’une manière acceptable pour les individus et les communautés concernés. À cet égard, des consultations devraient être organisées avec les individus et les communautés concernés afin de veiller à ce que les mesures adoptées pour protéger la diversité culturelle soient acceptables aux yeux de tous; d) L’adaptabilité s’entend de la souplesse et de la pertinence des stratégies, politiques, programmes et mesures adoptés par l’État partie dans chaque domaine de la vie culturelle, qui doivent être respectueux de la diversité culturelle des individus et des communautés; e) L’adéquation se réfère à la réalisation d’un droit particulier d’une manière qui soit pertinente et qui convienne à une modalité ou un contexte culturel donné, c’est-à-dire qui soit respectueuse de la culture et des droits culturels des individus et communautés, y compris des minorités et des peuples autochtones16. Le Comité s’est référé à maintes reprises à la notion d’adéquation culturelle (ou d’acceptabilité culturelle) dans ses observations générales précédentes, en particulier celles relatives aux droits à l’alimentation, à la santé, à l’eau, au logement et à l’éducation. La manière dont les droits sont mis en œuvre peut avoir une incidence sur la vie culturelle et la diversité culturelle. Le Comité tient à souligner à cet égard la nécessité de prendre en compte, dans la mesure du possible, les valeurs culturelles attachées, entre autres, à l’alimentation et la consommation d’aliments, l’utilisation de l’eau, la façon dont les services d’éducation et de santé sont dispensés et la manière dont les logements sont conçus et construits. C. Limitations du droit de participer à la vie culturelle 17. Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est intimement lié à l’exercice des autres droits reconnus dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Par conséquent, les États parties ont le devoir de s’acquitter de leurs obligations découlant du paragraphe 1 a) de l’article 15, d’une part, et de celles découlant d’autres dispositions du Pacte et d’autres instruments internationaux, d’autre part, afin de promouvoir et de protéger l’ensemble des droits de l’homme garantis par le droit international. 18. Le Comité tient à rappeler que, s’il convient de tenir compte des particularismes nationaux et régionaux et de la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales17. Ainsi, nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l’homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée18. 19. Dans certaines circonstances, en particulier dans le cas de pratiques néfastes − liées notamment à des coutumes et traditions − qui portent atteinte à d’autres droits de l’homme, il peut être nécessaire d’imposer des limitations au droit de chacun de participer à la vie culturelle. De telles limitations doivent répondre à un objectif légitime, être compatibles avec la nature de ce droit et être indispensables à la promotion du bien-être général dans une société démocratique, conformément à l’article 4 du Pacte. Elles doivent donc être proportionnées, ce qui signifie que c’est la mesure la moins restrictive qui doit être adoptée lorsque plusieurs types de limitations sont possibles. Le Comité tient également à souligner la nécessité de prendre en considération les normes internationales relatives aux droits de l’homme concernant les limitations qui peuvent ou non être légitimement imposées à des droits intrinsèquement liés au droit de participer à la vie culturelle comme le droit à la vie privée, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et d’expression, le droit de réunion pacifique et la liberté d’association. 20. Le paragraphe 1 a) de l’article 15 ne peut être interprété comme supposant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant la destruction des droits et des libertés reconnus dans le Pacte ou à des limitations plus amples que celles prévues dans ledit Pacte19. |