télécharger 32.22 Kb.
|
Expertise juridique des associations de consommateurs : « sécurité de l’installation électrique et rapports locatifs » L’objet de cette note est d’étudier les modalités de l’incorporation dans la réglementation d’un dispositif permettant de rendre obligatoire pour le bailleur, la délivrance d’un logement dont l’installation électrique répond aux 5 points de sécurité. Un point sur la réglementation existante (I) permettra de jeter les bases d’une évolution possible (II). I La réglementation existante1Aujourd’hui, les obligations du bailleur en matière de sécurité de l’installation électrique résultent de l’article 6 de la Loi du 6 juillet 19892. Cet article ne vise pas spécifiquement la sécurité électrique, mais plus généralement, il précise que le bailleur est tenu :
C’est au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent qu’est revenu le soin de fixer les conditions d’une installation électrique répondant aux exigences de l’article 6 de la Loi de 1989. A cet égard l’article 2. 4 du décret de 2002 précise :
Notons tout de suite que le décret contient d’autres dispositions relatives à l’installation électrique qu’il ne classe pas, cependant, dans la partie sécurité mais dans la partie éléments d’équipement et de confort du logement. Ainsi, le logement doit-il comporter un réseau électrique permettant l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne. On constate que la simple lecture de la réglementation ne permet pas au locataire, ni même au bailleur, de connaître avec précision les exigences de sécurité que l’installation électrique doit remplir. Essayons tout de même de définir ces exigences afin de répondre à la question suivante : la réglementation actuelle permet-elle à un locataire d’exiger le respect des 5 points de sécurité dans son logement ? a) Sécurité électrique et logement décent3 Il faut bien se garder de conclure, à la lecture du décret de 2002 que le l’installation électrique du logement loué doit être conforme aux normes actuelles. L’installation doit être conforme aux normes de sécurité définies par les lois et règlements. Or, aucune réglementation n’impose une norme pour les logements qui ne sont pas neufs ou dont l’installation électrique n’a pas été entièrement refaite. Le texte se comprend donc de la façon suivante : lorsque l’installation électrique d’un logement est soumise, à un moment t, à une norme par une règle de droit, cette installation doit respecter cette norme, au même moment t, pour que le logement soit considéré comme décent. Tout logement doit donc être conforme à la norme en vigueur au moment où l’installation électrique a été installée ou entièrement rénovée4. Pour les logements anciens, concrètement l’exigence du décret ne porte que sur l’absence de risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité ou à la santé du locataire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le guide d’évaluation « Qu’est-ce qu’un logement décent ?» élaboré par la DGUHC et édité par le Ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale et le Secrétariat d’Etat au logement se contente de préciser qu’un logement qui n’est pas décent au regard de son installation électrique est un logement dont :
En dehors des défauts manifestes de l’installation et du respect des normes en vigueur au moment de la mise en place de l’installation, et contrairement à une opinion largement répandue, il n’existe donc aucun critère précis de sécurité de l’installation électrique. Le décret ne permet donc pas à un locataire d’exiger de son bailleur que le logement respecte les 5 points de sécurité définis par les professionnels, puisqu’il impose des exigences a minima. Bien plus, la référence au bon état d’usage et de fonctionnement dans le décret de 2002 montre les lacunes du texte qui n’apporte finalement rien de plus que la Loi du 6 juillet 1989 en matière de sécurité électrique. b) Sécurité électrique et Loi du 6 juillet 1989 On a vu que la Loi du 6 juillet 1989 était générale, ne contenant pas de disposition particulière sur l’installation électrique du logement. Mais pour autant quelles sont les exigences de sécurité de l’installation électrique dont peut se prévaloir le locataire au regard de cette Loi ? Les 5 points de sécurité de l’installation électrique peuvent-ils être exigés par le locataire ? Tout d’abord, il résulte de la Loi du 6 juillet 1989 que l’installation électrique doit être en bon état de fonctionnement au moment de l’entrée dans les lieux. Autrement dit, tous les éléments présents dans le logement doivent fonctionner correctement. En revanche, il n’y a pas d’exigence concernant des équipements supplémentaires. Dès lors, les exigences de sécurité dont peut se prévaloir le locataire sur le fondement de ce texte sont extrêmement variables en fonction des installations rencontrées. Ainsi, le locataire pourra-t-il exiger la réparation des fils dénudés ou des prises cassées au moment de son entrée dans les lieux. Il pourra aussi exiger, s’il y a un dispositif différentiel, que celui-ci fonctionne correctement. En revanche, s’il n’y a de dispositif différentiel, le locataire ne pourra pas l’exiger. Ensuite, on a vu que le bailleur devait assurer au locataire la jouissance paisible du logement et le garantir des vices ou défauts de nature à faire obstacle à cette jouissance paisible. En matière électrique, les vices ou défauts ne doivent pas constituer un obstacle au bon usage de l’installation. Là encore, sur le fondement de ce texte, il n’est pas possible d’affirmer que tout locataire peut exiger la conformité de l’installation aux 5 points de sécurité définis par les professionnels. Il revient au juge, dans son appréciation souveraine de déterminer si une installation non conforme à ces exigences est constitutive de troubles de jouissance pour le locataire. Enfin, pendant la durée du contrat, le bailleur, dans le cadre de son obligation d’entretien, doit entretenir l’installation sauf si les travaux peuvent être considérés comme des réparations locatives. Encore une fois, la mise en sécurité au regard des 5 points dépendra de l’état de vétusté de l’installation et donc de chaque situation. Si le degré de vétusté de l’installation nécessite son remplacement, la mise en sécurité sera effective. En revanche, si les travaux ne nécessitent pas un remplacement complet, le locataire ne pourra pas exiger une mise en sécurité, sauf à convaincre le juge que son installation n’est pas sécurisée. En conclusion, s’il n’est pas possible d’affirmer qu’un locataire ne peut pas exiger une mise en sécurité de son installation, force est de constater que cette mise en sécurité n’est pas de droit et qu’elle dépend des circonstances de chaque espèce. Il est donc nécessaire de modifier la réglementation afin d’ériger clairement en obligation à la charge du bailleur, la mise en sécurité de l’installation électrique au regard des 5 points définis par les professionnels. II L’évolution de la réglementationLa première question concerne le type de modification envisagée : législative ou réglementaire. L’étude de la réglementation actuelle ne laisse pas de doute. A partir du moment où la Loi du 6 juillet 1989 ne permet pas une mise en sécurité de l’installation électrique de tout logement donné en location, c’est bien une modification législative qui doit être étudiée. Dès lors quatre options principales se présentent :
Une modification de l’article 6 de la Loi du 6 juillet 1989 semble préférable. En effet, ce texte a vocation à s’appliquer dans le secteur privé et dans le secteur social. Il s’applique également, pour la partie concernant le logement décent, aux logements meublés, aux logements loués ou attribués en raison de l’occupation d’un emploi ou de l’exercice d’une fonction et aux locations consenties aux travailleurs saisonniers. Il est important de continuer à faire de ce texte le texte de référence en ce qui concerne la définition des obligations du bailleur et de poursuivre l’extension de sa portée. Une fois le choix de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 effectué, il reste à préciser les modalités de la modification. Il ne semble pas souhaitable d’inclure dans la loi la liste des points de sécurité, la Loi doit conserver son caractère général. Il convient donc d’accompagner la révision d’une référence à texte à caractère réglementaire. Mais une nouvelle fois les options sont multiples, il peut être envisagé :
La modification de l’existant semble préférable. Il s’agirait alors d’élargir la portée du décret sur le logement décent en érigeant, dans l’article 6 de la Loi de 1989 la mise en sécurité de l’installation électrique du logement au rang d’obligation à la charge du bailleur et de renvoyer au décret sur le logement décent pour la détermination des exigences de sécurité. Une proposition de nouvelle rédaction de l’article 6 pourrait être la suivante : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation et dont l’installation électrique répond à des exigences de sécurité définies par le décret prévu à l’alinéa suivant». Enfin, il suffira d’insérer un nouvel article après l’article 3 du décret de 2002 reprenant les disposition de l’arrêté du 19 décembre 2003 et dont la forme pourrait être la suivante : « Art. 3-1 L’installation électrique du logement répond aux exigences suivantes :
Cette méthodologie permet d’inclure les 5 points de sécurité de l’installation électrique dans les caractéristiques du logement décent et conserver ainsi l’harmonie du dispositif. Le projet de Loi « Habitat pour tous » actuellement en cours d’élaboration, pourrait être le vecteur de cette modification législative. Conclusion : les sanctions C’est l’article 20-1 de la Loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la Loi SRU du 13 décembre 2000 qui prévoit les sanctions de l’inobservation, par le bailleur, des règles de décence du logement. Si le logement ne répond pas à l’un des critères, le contrat de bail n’est pas nul. Cependant, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité. A défaut d’entente entre les parties, le juge peut être saisi. Ce dernier détermine éventuellement la nature des travaux à effectuer et le délai de leur exécution. A défaut de mise en conformité, le juge peut réduire le montant du loyer. Les sanctions prévues sont à la fois suffisantes et à la fois lacunaires. Elles sont suffisantes car elles permettront au locataire, (si l’obligation de mise en sécurité est intégrée à la réglementation), d’exiger une mise en sécurité de l’installation électrique. Elles sont lacunaires car elles obligent le locataire à agir en justice pour obtenir satisfaction si le bailleur n’exécute pas spontanément ses obligations. Or, une action en justice en cours de bail n’est jamais une bonne chose dans la relation entre le bailleur et son locataire. De plus, le locataire sera souvent réticent à engager une action pour obtenir la mise en sécurité. Enfin, elles sont lacunaires car elles ne garantissent pas que le logement soit sécurisé au moment de l’entrée dans les lieux. Il est donc nécessaire de compléter les dispositifs pour que la réglementation traduise la préoccupation majeure du groupe de travail : toute installation électrique d’un logement doit être mise en sécurité. Cette préoccupation pose la question de la remise au moment de l’entrée dans les lieux d’un certificat de mise en sécurité de l’installation électrique attestant que le logement mis en location est sécurisé. Juin 2005 1 Les développements de ce paragraphe concernent les logements soumis à la Loi du 6 juillet 1989. Cependant, ils ont vocation à concerner, par analogie, tous les logements donnés en location et soumis au code civil. En effet, l’article 1719 du code civil concernant les obligations du bailleur contient des dispositions proches de la Loi de 1989. 2 La Loi du 6 juillet 1989 s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale ainsi qu’aux garages, places de stationnement, jardins et autres locaux loués accessoirement au local principal par le même bailleur. Elle ne s’applique pas aux locations saisonnières, aux locations meublées, aux logements-foyers, aux logements attribués ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi, aux locations consenties aux travailleurs saisonniers. 3 Il faut avoir présent à l’esprit que la réglementation relative au logement décent s’applique, depuis la Loi SRU, (Art 187, L. n°2000-1208 du 13 décembre 2000), à tous les logements loués à titre d’habitation principale. Cette réglementation ne s’applique donc pas qu’aux logements soumis à la Loi du 6 juillet 1989. 4 Décret n°72-1120 du 14 décembre 1972 relatif au contrôle et à l’attestation de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur et décret du 28 octobre 1969 sur la réglementation des installations électriques des bâtiments d’habitation. 5 A noter que cette option doit s’accompagner d’une modification de la loi du 6 juillet 1989 car la Loi, dans sa rédaction actuelle, ne permet d’inclure dans le décret sur le logement décent qu’une typologie de risques manifestes, c’est à dire pouvant être décelés sans compétence particulière. Or, il faut avoir une bonne connaissance des installations électriques pour déterminer si une installation est sécurisée au regard des 5 points. |