Intervention de Ron Bassman, président de NARPA, New York, États-Unis
Traduction simultanée d’Hélène Grandbois Ron Bassman (RB) : I’ll try to make it brief, because there is a lot of actions by a lot of people. In fact, our NARPA coordinator used to work with me in a similar job and Paul-Henri Thomas was a personal friend and was active in self help. He was also an activist and, through many years of psychiatric treatment and tardive dyskinesia, he’s also difficult to understand because of his language and all the treatments he received. Ann Cross, who received an award this year at NARPA conference, took a stand that, I think, was really important to this all process because she left her job to advocate on her free time for Paul-Henri, and she personally put on her own money because it’s difficult to get a psychiatrist to testify at the hearings. Also, two lawyers, who were really the best lawyers that we have in New York State, worked on this relentlessly. And it was a credible effort because Support Coalition International mobilized people over the country about this. There was a lot of newspaper coverage, and yet, it took, I suppose, about nine months to stop the treatment. There were stays that were done, a lot of legal machinations, the judge was outrageous, he did not let the lawyer ask certain questions, he said he was embarrassing to state psychiatrist by asking questions to him that he wasn’t aware of. HG : Paul-Henri Thomas était un activiste comme Ron vient de le dire. Il était aussi un activiste en Haïti avant de venir ici. Il était aussi membre des groupes d’entraide dans la région de New York. Il a eu beaucoup de difficultés à cause des traitements, il fait de la dyskinésie tardive, puis il a une difficulté de langage due aux traitements, entre autres choses; les traitements ne sont pas toujours aussi efficaces qu’on le dit. Et il y a eu quelqu’un de vraiment important qui s’appelle Ann Cross qui a eu un prix à NARPA cette année, qui a beaucoup donné de son temps et de son énergie, de son propre argent pour défendre cette cause-là. Elle a laissé son travail, puis elle a carrément pris cette cause-là en main. Il y a eu deux avocats aussi, les deux meilleurs, semble-t-il, dont on dispose dans l’État de New York, qui ont défendu Paul-Henri Thomas. Il y a eu beaucoup, beaucoup d’actions de la part de Support Coalition International. Une grande solidarité s’est formée et elle a permis de libérer Paul-Henri après neuf mois. Malgré toutes les insistances, le lobbying, les médias et tout ça, neuf mois se sont écoulés avant que cette personne-là puisse être libre. RB : That is the battle of Paul-Henri who was at NARPA with the lawyers who defended him, and Ann. The thing that I didn’t mention about Ann, she was on, because she couldn’t work. So, she left her job because she refused to be intimidated and, that’s really what it takes. You have to go with your hearth on it. HG : Il avait oublié de dire que la personne qui s’est occupée de cette cause-là a carrément démissionné de son travail pour s’en occuper. Il y a beaucoup de choses à faire en fait. Il y a énormément de choses à faire encore, et ça prend beaucoup de gens volontaires et courageux pour se battre pour des causes aussi difficiles. DW : It’s very important that I mention a sister, Wendy Funk. I have her book. What a most courageous sister in Canada ! She had 40 shock treatments in Alberta. In 1989, she went to a doctor for help for sore throat. So she asked the doctor for an antibiotic. Instead, he gave her an antidepressant… and didn’t tell her that he gave her an antidepressant and she got more than depressed. She comes back into the hospital for help. The next thing : they put her on a psychiatric ward and she gets 40 shock just before being threatened with a lobotomy in another hospital. She wrote a book about it, she kept the note hidden, fortunately, while she was locked up, incarcerated, and this is the book, « What difference does it make ? – The Journey of a soul survivor ». HG : Don tenait à mentionner le livre de Wendy Funk, une travailleuse sociale qui avait un mal de gorge et qui est allée voir un médecin pour ça. Mais le médecin, lui, avait décidé qu’elle travaillait trop, qu’elle était une femme, qu’elle n’était pas une bonne épouse, etc.. Alors, il lui a donné des antidépresseurs sans qu’elle ne le sache, même si elle avait demandé des antibiotiques. Elle s’est retrouvée dans un cercle infernal. En tout cas, c’est une histoire complètement abracadabrante et elle a au moins eu le courage de le dire dans un livre. Et ce livre-là est écrit à partir des notes qu’elle prenait à l’hôpital. Je pense que c’est un livre important de témoignage d’une personne qui a reçu des électrochocs et qui a trouvé l’expérience extrêmement difficile et qui continue de trouver ça difficile. DW : The nurses of Ontario, the nurses of Canada, have yet to break their silence against shock. They know more about shock, because they deal with people during the procedure. The doctors refused to speak out against shock, the neurologists, who know more about the brain than any other speciality, they refuse to speak out. We are speaking out now, and it must be ban because it always causes damage. And the literature, since the 1940’s, on animal’s studies, autopsy studies, neurological studies, clinical studies, clearly shows it. And I would challenge anybody who claims that shock is safe, effective, and therapeutic. I will literally throw the book at them because I have the documentation and not just myself. Others in the academic world and the clinical world know it. Some doctors have started to speak out in the United States. They are disgracefully silent and it’s time to speak out. As long as I live, as long as I can take a breath, I will fight against the electroshock because they are absolutely ineffective and criminal. HG : Je ne pourrai peut-être pas mettre autant de passion que Don, mais j’ai la même passion intérieure. Moi aussi, jusqu’à la fin de mes jours, je ne lâcherai pas. Je ne supporte pas que ça existe encore. Même juste pour nos enfants et tout ça, puisqu’il n’y a pas de restriction d’âge de toute façon pour les électrochocs. Alors, c’est toujours dangereux que ça puisse survenir dans notre vie, qu’on le veuille ou non.
Atelier 3A - La garde en établissement: ma liberté entre 4 murs
Constance Foisy
Présidente de l’AGIDD-SMQ et conseillère, Collectif de défense des droits de la Montérégie
Québec, Canada Il avait été prévue par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, après trois années, de faire une évaluation de la loi concernant la garde en établissement. Naturellement, l’AGIDD-SMQ, après les trois années, a décidé d’amorcer l’évaluation de la loi, parce que le ministère n’avait toujours pas commencé ses travaux en ce sens. Cela a permis d’effectuer une certaine pression, c’est certain, mais il fallait faire d’autres pressions afin que l’évaluation s’effectue également de la part du ministère. L’AGIDD-SMQ a donc amorcé ses travaux en faisant une recherche à la grandeur du Québec, l’hiver dernier, qui s’est terminée par un forum national lors du colloque de l’assemblée générale annuelle de mai 2001. Au fait, ce que je vais partager avec vous aujourd’hui est le résultat de cette recherche, un premier bilan national concernant la garde en établissement et les revendications qui sont à faire à ce sujet. Il s’agit d’une recherche qui a été faite à partir du vécu des personnes concernant la garde en établissement, du vécu des personnes hospitalisées involontairement. Pourquoi les gens perçoivent-ils la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui comme étant coercitive ? Les intentions législatives sont pourtant de protéger les personnes et de permettre le respect de leurs droits. Dans les faits, ne s’agit-il pas plutôt d’un contrôle social ? On parle surtout de dangerosité. Si cette loi sert le contrôle social, on est en train de « ramer » à contre-courant, parce que, maintenant, on parle d’appropriation du pouvoir des personnes comme principe moteur du Plan d’action pour la transformation des services de santé mentale. On met de l’avant le principe directeur qu’est l’appropriation de notre pouvoir et, en même temps, on met en place des lois pour nous enfermer. Il y avait un questionnement sur cette incohérence dans les résultats de la recherche. Suite à cette recherche exploratoire, plusieurs questions sont ressorties. Le premier questionnement concerne l’obligation d’information des policiers. Comment se fait-il qu’une proportion si minime de personnes ait été informée par les policiers de leurs droits de communiquer avec un proche ou un avocat ? Par ailleurs, pourquoi un nombre aussi important de personnes estime que les policiers font usage de force abusive dans leurs interventions ? En ce qui concerne l’intervention en situation de crise, voici les questionnements : même si cette loi prévoit le recours à des intervenants en situation de crise, on constate que ceux-ci sont souvent absents. Cette situation n’est pas étonnante sachant qu’à Montréal, par exemple, et dans d’autres régions, rien de concret n’a encore été mis en œuvre pour permettre l’actualisation de l’article 8 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec. Doit-on croire que les impératifs budgétaires sont plus importants que le respect des droits des personnes ?
Devoirs et obligations des établissements
Comment se fait-il que seulement 7,5% des personnes soutiennent qu’ils ont été informés de leur droit de communiquer avec un avocat ? Doit-on malheureusement croire que les intervenants se contentent de transmettre l’information sans aider les personnes à la comprendre ? En ce qui concerne les pratiques psychiatriques, les gens, en majorité, n’ont pas été informés de leur évaluation. Ils ne savaient pas qu’ils étaient en évaluation psychiatrique quand on la leur faisait subir. Doit-on comprendre qu’en plus de leur retirer leur liberté, on leur enlève le droit au consentement libre et éclairé ? Comment interpréter le fait que les représailles puissent faire partie des souvenirs de plusieurs personnes, alors que la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec rend exceptionnelle l’utilisation de mesures coercitives comme l’isolement et la contention ? Que doit-on penser du fait qu’un nombre si grand de personnes ne soit pas informé de leur plan de soin ? Le recours des personnes
Pourquoi près de 30% des personnes interrogées n’ont pas été signifiées par un huissier ? C’est quand même assez important. 30% des personnes n’ont pas été signifiées afin de les informer qu’elles allaient devoir se présenter en Cour ! Comment se fait-il que des personnes soient signifiées si tardivement qu’elles n’ont même pas la possibilité de contester la requête qui pèse contre elles ? Cela arrive souvent : les personnes sont signifiées en fin de journée et elles doivent se présenter devant la Cour le lendemain ou sont signifiées le vendredi après-midi et doivent se présenter devant la Cour le lundi matin. Elles n’ont pas beaucoup de temps pour se trouver un avocat ou pour avoir accès à une contre-expertise. Aujourd’hui, au Québec, avec l’arrêt Montambeault, il a eu une décision juridique disant que ça prend une contre-expertise pour aller à l’encontre de l’expertise des psychiatres, qu’un juge n’avait pas l’expertise nécessaire pour apprécier la preuve produite devant lui. Alors, quand on est signifié une ou deux journées avant de devoir se présenter à la Cour, on n’a pas le temps d’avoir accès à une contre-expertise. Ce sont des choses pour lesquelles il faut travailler afin que s’améliore le système juridique. Pourquoi seulement 24,5% des personnes ont fait appel au tribunal administratif du Québec ? Beaucoup de personnes ne savent pas qu’après avoir été mis en garde en établissement, elles ont le droit de contester cette garde devant le Tribunal administratif du Québec. Comment se fait-il que seulement 7,5% des personnes soutiennent que le rapport psychiatrique était annexé à la requête qu’on leur a envoyée ? Quand on se présente devant la Cour et qu’on est accusé de quelque chose, l’élément de la preuve est supposé être disponible autant pour l’accusé que pour la partie qui fait valoir l’accusation. Concernant la garde en établissement, les personnes n’ont pas le droit à leur rapport médical pour se défendre et, pourtant, c’est ce rapport qui est retenu comme preuve. Par contre, on constate dans les différentes régions du Québec que de plus en plus les médecins annexent le rapport à la requête. Mais ce n’est pas quelque chose de courant encore et il y a des pressions à exercer à ce niveau; vous avez le droit d’exiger, dans votre région, que les rapports médicaux soient envoyés avec la signification. Comment une personne peut-elle se préparer ou être bien représentée par son avocat si elle n’a pas accès aux éléments sur lesquels les psychiatres s’appuient pour évaluer sa dangerosité ? Pourquoi si peu de personnes sont entendues par la Cour du Québec ? Il semble bien cette loi n’assure pas plus que la précédente le respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées contre leur gré. Il est inacceptable que les établissements de santé puissent faire fi de leurs obligations au détriment des droits des personnes. Il est inadmissible que la perte d’un droit aussi fondamental que la liberté soit aussi aléatoire. Il est irrecevable que ce qu’on appelle des soins se traduise en violation du droit à l’intégrité et à la dignité des personnes. Les pratiques de contrôle social sous-jacentes à cette loi, et dont nous font part bon nombre de personnes, nous interpellent et appellent au changement. Même si on est appuyé par des lois, il faut un changement des pratiques. C’est avec nos revendications et notre mobilisation à tous et à toutes qu’on va réussir à obtenir ces changements essentiels. C’est aussi en dénonçant les abus qu’on y arrivera. Dans les différentes régions du Québec, souvent, je constate que les gens n’osent pas porter plainte quand ils subissent une injustice. Si tout le monde qui vit des abus osait porter plainte, le poids des plaintes de tout ces gens, qui arriverait en même temps dans le réseau, ferait une différence. C’est sûr qu’une feuille, toute seule, qui arrive ne fait pas de différence, mais on l’a vu, quand on forme un mouvement collectif, on peut faire changer les choses. Oser porter plainte ! Je l’ai fait et cela a été bénéfique pour moi. Oser le faire. Ce n’est pas supposé de vous porter préjudice et c’est comme ça que les pratiques vont changer positivement. Le problème avec les lois, ce ne sont pas les droits des personnes, mais c’est plutôt de les faire respecter. Cela nous amène donc à deux scénarios possibles. Demain matin, on pourrait dire qu’on fait des pressions, qu’on veut faire abolir la loi, qu’on ne veut plus qu’il y en ait de lois sur la garde en établissement. C’est un peu irréaliste en considérant qu’on n’a pas ce pouvoir-là sur la présente situation. Par contre, le deuxième scénario, qui est plus réaliste, serait que tous les partenaires du réseau se mettent en mode de changement en se questionnant et en modifiant leurs pratiques dans le but de respecter les intentions législatives et les droits des personnes. Naturellement, avec la collaboration de nous tous, des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, ce serait plus efficace. Ce faisant, cela est en lien direct avec le principe moteur du Plan d’action pour la transformation des services de santé mentale qui est, rappelons-le, l’appropriation du pouvoir. C’est la seule solution afin qu’il y ait un changement réel dans l’application et le respect des droits des personnes. Il faut ensemble, collectivement, faire des pressions pour que dans les faits cette loi s’applique réellement et concrètement.
Atelier 3B - La garde en établissement : ma liberté entre 4 murs
Carole Hayes-Collier
Militante et formatrice, Bureau of Consumers Affairs
New York, États-Unis J’ai élargi le concept de confinement, dont je veux vous parler, à un confinement à l’intérieur des quatre coins de la planète. Je suis impliquée comme survivante de la psychiatrie depuis 1972. Depuis près de trente ans après mes incarcérations, je réalise que les tentacules du système psychiatrique se sont développées encore plus grandes et plus puissantes. Elles s’étendent tout autour de nous, que nous soyons à l’extérieur au grand air ou que nous soyons confinés à l’intérieur des quatre murs d’une institution psychiatrique. Je veux vous présenter un contexte historique. Mais, premièrement, je veux faire appel à la mémoire de tous ceux qui sont décédés avant nous, qui sont décédés à cause du système psychiatrique, qui sont décédés sous la contrainte, la réclusion, qui sont décédés à cause des effets secondaires et des effets directs des médications, de la drogue, qui sont décédés de maladies que nos avons développées, diabètes, maladies du cœur, plusieurs maladies qui sont ressurgies comme résultat direct de toutes sortes de traitements sur les patients psychiatrisés. Je vais prendre un moment juste pour les remercier et puissions-nous honorer leur mémoire dans notre activisme et nos démarches vers le futur. J’irai même dans le sens d’un profond recueillement à la mémoire de nos frères et sœurs qui nous ont précédé lors de l’holocauste des années 40. On a accepté de tuer et de mutiler quelques milliers de patients à cause d’un précédent très clairement établi, de conversations et de dialogues à propos de nous, nos symptômes, nos incapacités, nos habiletés… Ce fut l’annulation des discussions de valeurs et d’étique. Il y eût la dépersonnalisation d’êtres humains vers laquelle on peut nous mener encore une fois. Nous devons demeurer vigilants à cet égard. Nous sommes devenus « du monde » très tardivement. Nous n’étions seulement que des sujets de recherches. Nous étions considérés comme des non-travaillants à une époque où le travail était la seule valeur considérée importante. Certainement qu’autour du monde, des programmes de vocation sont sur nos têtes quelque part. C’est quelque chose que l’on prévoit peut-être faire. Il y a beaucoup de victimes qui sont demeurées souffrantes et qui sont à l’extérieur dans un atelier ou dans un environnement de travail soutenu à faire des choses qui ne font pas appel à nos dons et nos possibilités, mais utilisent seulement nos défis pour nous détruire. J’ai moi-même un emploi que j’adore parce qu’il fait appel à mon activisme vis-à-vis du système en général. C’est douloureux, mais ça fait partie du travail de ma vie. Dans l’Allemagne nazie, nous étions considérés comme des « mangeurs sans utilités ». L’utilisation d’un autre langage, qu’il ait été français, anglais, peu importe, nous permettait de décrire nos expériences et de communiquer entre nous à savoir ce qui advenait de nous. Lorsque nous fûmes définis comme des « mangeurs sans utilité », incapables de vivre dans ce monde, ils nous mirent de côté et nous placèrent dans des institutions. Cela provoqua de la ségrégation et nous conduisit vers ce qui était considéré comme un traitement bénévole par ces horribles créatures. On nous sépara de nos familles, on nous sépara de nos amis. Nous sommes alors devenus des gens anonymes sur la surface de la terre, facilement exterminables, facilement utilisables pour les buts de leurs recherches et facilement détruits. Les recherches qui furent effectuées sur nous furent faites avant l’extermination des juifs et autres classes de gens. Elles furent menées dans le cadre d’un projet nommé T-4 en Allemagne, cette Allemagne qui menait les quartiers généraux de six institutions où nous fûmes dirigés pour être détruits, tués et envoyés aux fours crématoires. Les expériences T-4 mettaient au point des méthodes pour perfectionner l’assassinat de gens. Elles furent révélées lorsqu’on en découvrit l’utilisation en Allemagne ainsi que dans d’autres pays. On expliqua même à nos familles qu’elles étaient utilisées ultimement pour nous empêcher de souffrir. Ça explique ce qui est arrivé à des milliers de nos frères et sœurs. Notre mort devint l’allègement de notre souffrance dans un contexte où nous étions perçus comme des gens qui souffrent sans questionnement. Je ne m’étais jamais interrogée au sujet de notre histoire. Au cours de ma vie, j’ai souffert, j’ai été en grandes douleurs, j’ai été traumatisée. Mais mon expérience du système de santé mentale a poussé encore plus loin le traumatisme et la souffrance. Alors lorsque quelqu’un mentionne que je suis une personne souffrante, j’ai également peur qu’on m’arrive avec l’ultime solution à ma souffrance, soit d’y mettre fin ou mettre fin à ce que je ressens en me plaçant sous l’effet de drogue puissante au point de me mettre complètement hors de moi. Je ne dois jamais perdre de vue cette perspective et je dois demeurer vigilante pour continuer d’étudier notre histoire qui n’a surement pas débutée par l’holocauste, mais plusieurs variantes utilisées lors de l’holocauste existent toujours aujourd’hui. Il est important d’en être bien conscients, d’être informés et attentifs à tout ce qui concerne nos droits. Il y eût près de 500 personnes qui quittèrent l’Allemagne nazie lorsqu’elles furent libérées des camps de concentration. Elles portaient encore les cicatrices de numéros tatoués sur leurs bras qui leur furent donnés dans les camps. Ils étaient Juifs. Ces gens repartirent vers Israël. En 1948, quand se forma le nouvel état d’Israël, ils arrivèrent chez eux sans leurs familles, incroyablement déprimés, complètement défaits. Comme résultat, on les confina dans les centres psychiatriques d’Israël. Cinquante ans plus tard, l’activisme israélien a découvert que ces gens étaient toujours internés dans les centres psychiatriques. Ils étaient toujours sans leur famille, sans amour, sans contacts humains, confinés loin du monde et punis parce qu’ils avaient survécu à une des pires atrocités jamais arrivée sur la surface de cette terre. Je fais un saut dans le temps pour nous ramener aux évènements du 11 septembre 2001. Ce fut un éveil terrible et douloureux pour le monde. On a pensé que plusieurs des nôtres s’écrouleraient, paniqués, embourberaient les salles d’urgence, courraient pour obtenir de l’aide. Étonnamment, puisque que plusieurs d’entre nous du système psychiatrique ont déjà survécu à des traumatismes, nous étions beaucoup plus résilients pour secourir, être à l’écoute de gens qui étaient peut-être souffrants pour la première fois de leur vie. Ce drame nous a permis de faire partie du monde, faire partie du changement, faire corps avec tous pour dire que nous avons tous besoin les uns des autres. Plusieurs sont devenus des activistes pacifistes, plusieurs ont confectionné des drapeaux. Le but était la solidarité et la reconnaissance de nos frères et sœurs. Je pense que nous avons démontré le triomphe de notre esprit en montrant aux gens qui ont survécu à des traumatismes qu’ils peuvent devenir les leaders du monde. Ils peuvent être des gens qui représentent des valeurs incroyables. Et, encore là, nous avons vu partout dans les nouvelles l’importance de la présence des professionnels de la santé là, avec leurs trousses de médicaments, pendant que des gens s’écroulaient pour de vraies raisons. Vous savez, c’est comme de prétendre que nous n’avions pas de structure sociale, que nous ne serions pas affectés et que ces incidents ne feraient pas appel à nos expériences de vie. Nous avons démontré fragilité et espoir, faiblesse et force, ainsi que la capacité de se serrer les uns les autres pour offrir notre soutien et aller de l’avant dans le monde. Et ça ne signifie pas que nous n’avons pas également des jours horribles. Nous voyons maintenant quelques concepts de choses qui se produisent involontairement. On a pu voir des images de gens qui étaient arrêtés sur la rue et emmenés par la police. Les rapports qu’on érige sont ensuite envoyés à des centres psychiatriques. Je me rappelle d’avoir été là à une occasion. La seule chose qui me préoccupait était l’article du livre de mon employeur qui dit que si vous ne vous présentez pas au travail pendant trois jours, vous êtes renvoyés. Je travaillais à un endroit où je devais souvent quitter, parce que j’étais une survivante de la psychiatrie. Mais les règles étaient claires. La police nous enferma alors pour 72 heures. Je n’avais pas le droit d’utiliser le téléphone. Et ma plus grande terreur, et je ne pouvais le croire, était que j’allais perdre mon emploi. Et je leur ai dit. Ils m’ont répondu que ce n’était pas important. Ce n’était pas important ! Au fond de mon cœur, mon emploi était « la seule chose » à laquelle je pouvais m’accrocher et qui me permettait de sortir du système pour éviter des incarcérations ultérieures. C’est évident que c’est de force et nous le savons lorsque nous sommes attachés, contraints, lorsque nous sommes drogués contre notre volonté. Mais les termes communs actuels utilisés dans cette pharmacologie de drogues le présentent autrement en disant que ça aide nos souffrances, que ça nous aide. J’ai vu la plupart des recherches passer sous mes yeux et je les ai étudiées attentivement. Nous devons être très vigilants face à ces recherches, parce qu’elles sont menées pour prouver que les médicaments de ces compagnies sont utilisés dans un contexte limité à des circonstances de travail d’une expérimentation contrôlée. Ils procèdent par étape en commençant l’expérience sur des gens qui n’ont pas de diagnostic, ensuite sur un petit groupe et jusqu’au groupe le plus vaste. Il y a un groupe sur lequel on devait expérimenter un médicament nommé Haldol ou du Zyprexa, un intramusculaire utilisé afin de pouvoir vous injecter un médicament peu importe où vous vous trouvez, sur la rue ou ailleurs. Avec le Zyprexa, ils ont découvert que les infirmières s’y objectaient. Mais ils ont choisi un groupe de gens involontairement confinés dans un centre psychiatrique et ils leur ont demandé leur consentement au moment où ces gens entraient dans ce qu’on appelle un état psychotique. D’une certaine façon, c’était une façon de priver les fumeurs de cigarettes pour une fin de semaine. Rendu au lundi matin, vous retrouvez probablement une personne assez agitée pour devenir volontaire si on lui offre cinquante dollars. Je pense à toutes ces différentes formes de corrosion qui deviennent de plus en plus sophistiquées et elles sont bien réelles. Nous devons les reconnaitre et les arrêter quand ça nous est possible. Nous devons protéger les gens, nous devons nous protéger. Il y a aussi un grand cri humanitaire pour faire sortir de prisons des gens soumis à des traitements de santé mentale. Soyez alertes face à ce que vous entendez à ce sujet. On a récemment retrouvé un autre mort dans l’unité de santé mentale de notre prison. Non, je suis désolé, l’homme n’a pas pu revenir à l’unité de santé mentale. Il est sorti à l’extérieur, dans la société, et s’est pendu. Il s’est donné la mort hors de ce milieu parce qu’il n’était pas aimé dans l’unité de santé mentale. C’était évident. Il y a une poursuite d’entamée à ce sujet. Un autre garçon de seize ans se faisait assaillir par son père avec un bâton de baseball. Dans un revirement, il a réussi à prendre l’arme et c’est le père qui est décédé dans la bataille. On plaça le garçon dans l’unité de santé mentale de la prison en attendant son procès. Il n’avait pas été condamné. Pendant qu’on le gardait à l’unité de santé mentale, il prenait tout son temps sous la douche lorsque se sont produits des incidents qui ne sont pas d’ordre psychologique. On lui ordonna de sortir de sous la douche. Le personnel s’occupa de lui. Lorsqu’il a réagi, les gardes de la prison sont entrés et l’ont battu très sévèrement. Ensuite, il ne put fonctionner normalement. Pourtant, auparavant, il était un élève brillant, le meilleur de sa classe. Maintenant, il est toujours dans un centre psychiatrique en attente d’un procès, peut-être indéfiniment pour le reste de sa vie parce qu’il ne peut toujours pas admettre qu’il ait tué son propre père. Il pense que son père est toujours là dans les murs où il est confiné. Il faut être sur nos gardes à propos des traitements volontaires, parce que ce sont souvent des cas de dopage de force. Souvent, ces bénévoles sont mieux protégés que ceux qui sont dans le système psychiatrique. Mais dans chaque état, province, territoire et pays, nous devons demeurer vigilants à ce que ce ne soit pas seulement les atrocités qui révèlent réellement les histoires. C’est cette réalité de peines quotidiennes que nous devons assumer; c’est cette insulte qui consiste en chacun de ces détails qui nous font perdre notre sens de l’estime de soi, chaque millimètre de nos vies pour lesquels nous devons nous battre. C’est quelque chose de précieux et dont nous devons nous défendre contre n’importe quelle attaque les uns les autres. Nous devons, premièrement, nous assurer que toute la recherche effectuée comprenne les valeurs des vies humaines et des êtres humains. Actuellement, à la fin de chaque projet de recherche sur les médicaments, on peut y lire : « Si vous mourez ou développez une maladie ou des séquelles à long terme, nous n’en sommes pas responsables ». Alors, si on vous présente un formulaire de consentement ou que quelqu’un en charge de vous le signe à votre place, soyez certains qu’ils sachent que les cinquante dollars qu’on peut toucher seront peut-être le prix pour quelque maladie permanente possible.
Aux États-Unis, nous avons obtenu une décision de la Cour suprême concernant deux femmes avec des diagnostics psychiatriques qui étaient confinées dans un centre psychiatrique et dont l’une aurait développé des incapacités mentales. On a dit à Louise, tout comme deux ans auparavant, qu’elle pourrait sortir du centre s’il y avait de la place pour elle à l’extérieur dans la communauté. On a dit la même chose à Elaine trois ans auparavant en lui faisant savoir que l’équipe de traitement était d’accord avec cette décision. Mais le système continua de répéter qu’il n’y avait pas de places pour elles. Alors, tant pis ! Elles se sont rendues en Cour suprême et la décision du juge va comme suit : basé sur la discrimination et non sur une base volontaire, mais sur la discrimination, il ne sera pas permis qu’elles soient confinés contre les souhaits de l’équipe de traitement, soit leur souhait à elles à cause d’un manque d’alternatives, si ce n’est pas plus coûteux que d’aller à l’institution. Il y a beaucoup d’essais qui se font à ce niveau, mais une part est également en développement aux États-Unis et je suis convaincue de l’étendue internationale de ce qu’on appelle une « directive anticipée » qui dit au système : « Si je suis déclaré incompétent et incapable de prendre mes propres décisions, mais maintenant que je suis moi-même, je prétends savoir ce qui pourrait être bon ou non pour moi ». Le plus spécifique que nous puissions être, le mieux ce sera pour nous. Je peux vous dire que de passer au travers tout ce processus est très douloureux et je ne veux pas croire que cela puisse m’arriver à nouveau. Je ne peux imaginer qu’on me reprenne ma liberté encore une fois, qu’on me retire, me drogue et me fasse vivre des électrochocs à nouveau. Mais je dois me rappeler que c’est une possibilité, puisque c’est déjà arrivé. Mais tout le monde qui passe par le système de santé mentale passe par ce moment de coup de barre, se disant : « Wow ! Attendez, je croyais que je vivais dans un monde libre, mais… ». Sachant bien que je ne suis pas une sainte, j’ai établi une directive anticipée qui désigne une personne, un ami dans lequel j’ai confiance, dans mon cas mon mari, qui lui donne le droit de prendre une décision en mon nom. Parce qu’il comprend clairement ma volonté par rapport à ces choses. Je lui donne des alternatives lui permettant d’agir pour moi quand je suis hors contrôle. Ils doivent considérer nos directives anticipées dans cette procédure. Alors voilà, ce sont des outils pleins d’espoirs que je pense que nous détenons pour défier le confinement. Nous avons parcouru un long chemin pour nous sortir de la contention et de l’isolement du passé. Ce que nous avons aussi découvert, c’est que ça soulève un autre problème. C’est qu’ils nous laissent sortir des hôpitaux, mais ensuite ils nous imposent une équipe communautaire que j’appelle en bout de ligne une clinical SWAT team (escouade tactique d’intervention armée). Ils viennent s’assurer que nous prenions toute la médication qu’ils veulent que nous prenions. Plus nous reprenons le contrôle de nos vies, plus nous avons de chances de devenir des survivants prospères. Je crois que notre mouvement a prospéré. Je viens de recevoir de bonnes impressions de ce qui se passe ici au Québec, toujours en agrandissant et en croissance dans plusieurs pays du monde. Mais je pense que nous devons être clairs au sujet de mouvements qui viennent vers nous et qui s’avèrent être les choses les plus dangereuses. Nous devons être vigilants pour ce que cela représente. Je vous remercie.
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