télécharger 73.46 Kb.
|
Université Populaire de Narbonne (UPS) Site de l’UPS : http://leolagrange-narbonne.com/les-comptes-rendu/ Site du café philo : http://cafephilo.unblog.fr/ Site de Michel Tozzi : www.philotozzi.com Mail de Michel Tozzi : michel.tozzi@orange.fr Revue de didactique de la philosophie Diotime: www.educ-revues.fr/diotime/ PÔLE PHILO ATELIER DE PHILOSOPHIE POUR ADULTES (2013-2014) (10ième année) Séance 9 du 12-04-2013 9h30-12h15 (Nombre de participants : 13) « La question des libertés individuelles » Introduction de la séance : Daniel Lacoste Animation - reformulation : Michel Tozzi Présidence de séance : Philippe Pomelas Synthèse écrite de la discussion : Jean-François Burghard Saisie des textes des participants : Jean-François Burghard
Il est évidemment nécessaire de définir les termes principaux de la question. I) Définition des libertés individuelles et du droit
L’expression est un peu floue : libertés individuelles, libertés publiques, droits de l’Homme, etc. On distingue plusieurs catégories de libertés :
Le texte fondamental dans ce domaine est la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, du 26 août 1789. Ces droits sont les suivants :
Sont aussi affirmés des principes de droit garants des libertés individuelles :
Ce sont des droits qui impliquent une abstention de l’Etat vis-à-vis de l’individu, et qui n’exigent pas une action positive de l’Etat. Ils participent d’une philosophie individualiste et d’une vision libérale de la société, ils sont la conséquence directe d’une méfiance à l’égard du pouvoir.
On les appelle aussi droits collectifs, ils manifestent une conception différente de l’organisation de la société, et préfigurent les politiques sociales de l’Etat providence. Les textes fondamentaux sont le préambule de la constitution de 1946 et la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. A noter cependant que ce dernier texte ne fait pas partie du droit positif français. (Le Conseil Constitutionnel n’accorde pas de statut juridique positif à ce texte voté par l’Assemblée Générale des Nations Unies). Ces droits sont les suivants :
En fait, la question est posée de savoir si cette troisième génération existe en droit positif. Le débat est actuellement ouvert autour de notions comme l’écologie, l’environnement, le droit à une alimentation et à des médicaments sains, les droits des minorités, etc.
Il suffit ici de dire que le droit a des rapports étroits avec la religion et avec la morale. Pourtant, il s’en distingue nettement (possibilité de sanction sociale) et le juriste doit toujours faire attention à ne pas confondre droit et morale. Seules certaines branches du droit concernent les libertés individuelles : Il s’agit tout d’abord et au premier chef du droit constitutionnel, c’est-à-dire le droit qui étudie les constitutions. C’est, nous l’avons compris, la source majeure des libertés publiques. Ensuite, il faut citer le droit pénal. C’est le droit qui énonce les peines, souvent privatives de liberté, (droit pénal spécial), mais aussi qui énonce les principes de fonctionnement et les grands principes de droit (droit pénal général). Enfin, il ne faut pas oublier la procédure pénale, suite de principes juridiques fondamentaux et catalogue de mesures coercitives mais aussi de garanties accordées au citoyen lorsqu’il est mis en cause dans un procès pénal. II) Le système juridique français et la protection des libertés individuelles Quelques éléments de réflexion concernant les libertés individuelles dans notre pays
La France est une démocratie représentative, type d’organisation collective sensée protéger le citoyen. L’Etat est géré par un régime politique qui a pris la forme d’une République. Lorsque ce choix a été fait pour la première fois fin 1792, l’idée des révolutionnaires était bien, entre autres, de protéger les droits individuels contre l’arbitraire du pouvoir royal, et de l’exécutif. Peu de temps après, le roi Louis XVI était guillotiné, on pensait alors que tout retour en arrière était impossible. En République, l’exercice du suffrage universel permet la désignation des plus hautes autorités du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, et aussi le contrôle sur l’action de ces deux pouvoirs, notamment en matière de protection des droits individuels. La sanction est réalisée dans les faits par la non-réélection. A noter que dans la devise de la République française, on retrouve la liberté, l’égalité et la fraternité (que l’on pourrait traduire en solidarité, notion qui annonce l’Etat-providence). Aujourd’hui cependant, les droits individuels sont-ils mieux sauvegardés en France que dans des monarchies parlementaires comme le Royaume Uni, la Belgique ou l’Espagne ?
La séparation des pouvoirs est un principe de gouvernement prônant la séparation des principales fonctions de l'État, qui sont confiées aux différentes composantes de ce dernier. Les trois fonctions concernées sont le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. L'objet de cette séparation est de garantir des institutions étatiques qui respectent au mieux les libertés fondamentales des individus. La séparation des pouvoirs est ainsi devenue un élément essentiel des démocraties représentatives. En France, on a opté pour une séparation souple des pouvoirs, et donc l’exécutif possède un pouvoir normatif, qu’il exerce sous la forme de règlements. Sur le plan politique, le président de la République a la possibilité de dissoudre l’Assemblée Nationale, alors que le parlement a la possibilité de renverser le gouvernement. Dés 1958, certains ont critiqué la constitution de la Vème République en affirmant qu’elle portait atteinte à la séparation des pouvoirs.
Cette question est importante : si un pays a des textes juridiques très protecteurs des libertés individuelles, mais que ces textes peuvent être modifiés facilement pas les autorités, les garanties sont sérieusement amoindries. Par ordre d’importance on trouve les textes suivants :
La déclaration des droits de l’Homme est intégrée à la constitution.
La violation des règles de la hiérarchie des textes est sanctionnée par la nullité du texte.
Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif peuvent édicter des règles contraignantes. Mais la constitution réserve au seul Parlement (pouvoir législatif) le droit de porter atteinte aux libertés fondamentales.
Article 34 de la constitution : sont du domaine exclusif de la loi :
La compétence du législateur se fonde également sur d'autres dispositions de valeur constitutionnelle, notamment l’'article 3 de la Constitution, qui dispose que les conditions d'exercice du droit électoral sont déterminées par la loi.
Article 37 de la constitution : Le domaine réglementaire est défini par l'article 37 de la Constitution qui dispose que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».
Le droit pénal général est soumis à des principes intangibles, garantissant les libertés individuelles :
Ceci est logique puisque toutes les infractions pénales sont volontaires, et elles nécessitent donc la conscience de commettre une infraction. Ce principe a été violé par le régime de Vichy. A noter qu’en droit fiscal, on applique au contraire le principe de rétroactivité.
Pour condamner un individu, il faut qu’il ait commis exactement les faits qualifiés infractions par le code pénal. La procédure pénale obéit elle aussi à des principes très stricts, qui garantissent la liberté ou les droits de la défense :
La Justice est organisée de façon à respecter un équilibre entre la protection d’un côté des droits de la société et des victimes, et de l’autre côté, la protection des droits des mis en cause. Le procureur de la République mène l’accusation et représente la société et la victime, l’avocat prend en charge la défense. Toutefois, la possibilité pour le procureur de classer une affaire sans suite (principe de l’opportunité des poursuites) est critiquable. La juridiction (tribunal, cour d’appel, cour d’assise) souvent collégiale, est neutre, composée de magistrats indépendants ou de citoyens. Le Principe d’inamovibilité de la magistrature garantit l’indépendance des magistrats, mais c’est une question controversée. A noter la présence en droit français d’un juge d’instruction, qui instruit à charge ou à décharge, c'est-à-dire qui cherche à mettre en évidence la vérité. Ce dispositif est complété par la chambre des mises en accusation et le juge des libertés. Ce système est sensiblement différent de celui en vigueur au Royaume Uni, qui recherche le précédent, là où les Français appliquent la loi. Il est encore plus différent du système américain, où les services de l’Etat ne se préoccupent pas des éléments à décharge. D’où un nombre important d’erreurs judiciaires. La création de nouvelles juridictions reste en France du domaine de la loi (Parlement), et ne fait pas partie des traditions françaises. La création de sections spéciales par le régime de Vichy a soulevé une émotion certaine dans le monde judiciaire (et ailleurs).
Il s’agit des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale. La police nationale est dirigée par un directeur général placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur. La direction générale comprend une dizaine de directions centrales. Seule la direction centrale de la police judiciaire est en charge des missions de police judiciaire, elle est alors placée pour emploi sous l’autorité des magistrats (procureurs de la République ou Juges d’instruction). Ce système mériterait d’être réformé dans le sens d’une plus grande indépendance de la Justice. La police judiciaire pourrait dépendre directement du ministère de la Justice. La police judiciaire est organisée en services territoriaux (SRPJ) à compétence limitée à la région géographique concernée. Si tous les policiers affectés à la PJ peuvent participer aux enquêtes, seuls les Officiers de police judiciaires (OPJ) sont autorisés à accomplir les actes les plus graves (perquisitions, saisies, interrogatoires, auditions, fouilles, etc.) La compétence d’OPJ nécessite un examen technique spécial et une habilitation nominative délivrée par le procureur général. Ce dernier peut retirer cette habilitation à tout moment. La violation de ces règles entraîne la nullité de la procédure (dossier). Mais les autorités administratives et politiques peuvent-elles détourner ces règles ? (affaire du SAC – 1960 - et de la cellule antiterroriste de l’Elysée – 1982).
La police judiciaire doit se conformer à des cadres d’enquête très stricts :
Enfin, il convient de préciser que d’une manière générale, le code de procédure pénale règlemente strictement l’action des policiers : les règles sont nombreuses et concernent : les heures légales et le formalisme des perquisitions, les formes et garanties de la garde-à-vue (avis au magistrat, registre, présence de l’avocat, visite du médecin, nourriture, prolongation…), les écoutes téléphoniques, les interrogatoires, les vérifications de l’ADN, la retranscription écrite de la procédure, les conditions de l’usage des armes par la police et la légitime défense, etc. Une polémique récente a porté sur les conditions dans lesquelles un ancien président de la République pouvait être placé sous écoutes judiciaires. 5
Ils sont nombreux : Contrôle et recours hiérarchique, contrôle des autorités judiciaires, Ces deux autorités interviennent tout au long des enquêtes. Contrôle et enquête de l’Inspection Générale de la Police Nationale, contrôle de l’Inspection Générale de l’Administration. Recours juridictionnels : dépôt de plainte devant les autorités judiciaires, appel des décisions des juridictions de jugement ou du juge d’instruction, recours en cassation. Plainte devant les juridictions administratives, appel et recours au Conseil d’Etat. Saisine du Conseil Constitutionnel et commission d’enquête parlementaire. Saisine des institutions et juridictions européennes. Conclusion Tout d’abord, il existe une critique marxiste de la déclaration des droits de l’Homme : déclaration conçue par une classe bourgeoise, mettant l’accent sur l’importance de la propriété privée, libertés individuelles formelles ne pouvant être exercées par la classe prolétarienne. On peut s’interroger sur l’origine de la notion de droits de l’Homme. Les historiens citent la Perse, mais en ce qui concerne les français, nous faisons référence à la philosophie des Lumières. Cependant, certains mettent en avant la notion de droit naturel. Ce droit non écrit, qui s’oppose au droit positif, s’imposerait à tous, partout, quelles que soient les conditions. Les droits de l’Homme seraient en quelque sorte, consubstantiels à la notion d’humanité (La politique extérieure des grandes démocraties, vis-à-vis des pays dits émergents, ne cesse de promouvoir cette vision philosophique ou religieuse, en tout cas transcendantale). Existe-t-il un système politique, ou bien des dispositions juridiques qui garantiraient définitivement la protection des libertés individuelles ? Montesquieu ne le pense pas: « C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites » (De l’esprit des lois, 1748). Les libertés individuelles constituent un ensemble de valeurs essentielles. Après la satisfaction des besoins primaires (au sens défini par Maslow), l’être humain occidental ressent le besoin d’exister dans la liberté. Pourtant, si l’absence de libertés individuelles est indéniablement condamnable, l’abus de ces mêmes libertés constitue aussi un danger pour la démocratie. Michel Tozzi définissait récemment « l’individualisme démocratique », qui transforme l’autre en « un coupable potentiel d’empiètement sur mon désir, et dont je suis la victime potentielle », l’individu considérant désormais « qu’il a son droit privé d’ignorer la société ». Thème développé entre autres par Marcel Gauchet, Pascal Bruckner, Gilles Lipowetsky, Alain Ehrenberg. Toute la difficulté alors réside dans la coexistence de cet individualisme forcené avec le processus de socialisation. Pourquoi cette montée de l’individualisme ? Cherchez à qui profite le crime et vous aurez la solution : dans le cadre de la société de consommation, tout ce qui permet d’isoler les individus et de détruire les liens humains favorise la consommation, et donc le profit pour certains… Au regard du conflit possible et même inévitable entre les libertés individuelles et l’intérêt collectif, représenté par la société et les Etats, il est absolument nécessaire de trouver un équilibre harmonieux. Si l’on se représente une sorte d’échelle avec d’un côté les droits de la collectivité et de l’autre les droits de l’individu, où positionner le curseur représentant le compromis acceptable ? Chacun apportera sa réponse en fonction de sa sensibilité. II) Synthèse de la discussion (Jean-François) La conception des libertés et des droits fondamentaux a changé selon les époques. Dans un premier temps, on a favorisé les droits individuels qui étaient des droits-libertés pour éviter un Etat autoritaire, pour y ajouter dans un second temps les droits-créances, fondant pour les individus un Etat-Providence. Aujourd’hui, dans certains domaines comme l’environnement, on voit poindre des extensions du droit (3e génération). La démocratie a mis en place des procédures pour éviter les abus de pouvoir. La force au service de la démocratie est légitime. En s’y soumettant, les citoyens ne font qu’obéir à eux-mêmes (Rousseau). Se pose alors la question de la légitimité du pouvoir, fondé souvent sur une faible majorité. L’Etat-Providence a pour rôle de redistribuer de manière plus juste et équitable une part de la richesse nationale (droits-créances). C’est le rôle de l’Etat de lutter contre les inégalités. Il est, cependant des domaines où le monde du travail est organisé par la société civile (L’Ordre des médecins peut suspendre un confrère). Ces corps intermédiaires permettent de trouver un consensus déontologique. En cas de litige, l’Etat, n’intervient qu’en dernier ressort. En droit anglais, l’Etat n’empiète pas sur les individus et la notion d’Etat-Providence est difficilement concevable (Cf. les difficultés du Président Obama pour la mise en place d’une protection sociale minimale). - Existe-t-il un conflit entre le droit et les libertés individuelles ? L’usage des réseaux sociaux entre en conflit avec le droit du respect à l’image. Le juge aux affaires familiales peut donner des directives ressenties comme une intrusion dans la vie privée. La liberté d’un groupe protégé par le droit de grève entre en conflit avec la liberté de circuler d’une personne. Les règlements et décrets qui prévoient la protection des personnes âgées dépendantes (droit de garder son choix de vie, la maîtrise de son patrimoine…), se dévalorisent en n’étant plus adaptés à leurs situations. Plus généralement, la liberté n’est que théorique si l’individu n’a pas la capacité de l’exercer (droit formel et non réel dit Marx). La liberté de chacun s’arrête ou commence le droit d’autrui. Mais comment arbitrer en cas de conflit entre la liberté et le droit, quel est la notion la plus fondamentale ? Il existe des inégalités face à la liberté et au droit : la richesse qui permet de choisir un « bon » avocat, la composition du jury d’Assises, la marge d’appréciation du Juge dans l’interprétation de la loi, l’existence de jugements différents selon les tribunaux. La collégialité a été conçue comme une garantie contre la subjectivité, pour éviter ainsi une justice trop humaine. - La liberté est-elle relative ou absolue ? Le droit naturel, le droit positif d’où viennent-ils ? Les philosophes divergent : pour Spinoza, toute liberté est illusion par méconnaissance des déterminismes qui nous font agir. Le libre-arbitre cartésien affirme que notre volonté est toujours libre de choisir. Pour Sartre, notre liberté est absolue. Pour Marx au niveau collectif, et Freud au niveau individuel, la liberté doit être dégagée de ses déterminismes (notion de libération par la révolution ou la cure). Pour les anarchistes, optimistes sur la bonté du mal, l’Etat est oppresseur, anti-libertés individuelles, il doit être supprimé. Au contraire pour Hobbes (« L’homme est un loup pour l’homme »), l’existence du mal nécessite des lois protectrices par un Etat fort. Dans le droit, le préjudice à l’égard d’autrui doit être réparé. Pour celui qui enfreint la loi, une condamnation est prononcée, même en cas de désobéissance à une loi injuste (Socrate). Certaines situations de crise peuvent remettre en question l’obéissance aveugle à la loi, car on peut estimer une loi injuste : le légal n’est pas le légitime. - Le droit est-il un progrès pour l’humanité ? Pour les orientaux, la nécessité du droit est l’échec d’une relation harmonieuse entre les hommes. En occident, il y a un caractère positif du droit, s’il débouche sur des lois justes. Il est reconnu comme un progrès lié à la démocratie (Règles de procédures, débats contradictoires du procès, présomption d’innocence, médiation, réparation des dommages, etc.). - Y a-t-il une contradiction entre la liberté et la sécurité ? Les comportements individualistes nécessitent des mesures de sécurité. Mais celles-ci peuvent aller à l’encontre des libertés individuelles. Comment concilier pour les individus l’aspiration à plus de liberté et l’aspiration à plus de sécurité ? Une société libérale peut-elle être en même temps sécuritaire ? - Limitation de notre liberté ? Notre liberté est forcément limitée par nos contraintes naturelles. Seule la liberté de l’esprit permet de prendre ses distances, en cas de désaccord sur les contraintes sociales. L’évolution des mœurs, la progression des idées nécessitent une adaptation permanente pour garantir les droits fondamentaux. Parfois, c’est une restriction (Code la Route), ou une amélioration (droits des femmes) de ces droits. Le droit naturel, considéré comme ayant un fondement divin ou biologique, est souvent opposé à l’avancée du droit (exemple du mariage pour tous). Un équilibre est à trouver entre libertés individuelles et libertés collectives. En démocratie, la liberté pure n’existe pas. L’absence de loi amène à la loi du plus fort. La loi protège. « Entre le faible et le fort, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » (Lacordaire). - La justice ? Pour Guy Carcassonne – professeur de Droit Constitutionnel – la France n’est pas un Etat de droit. Il y a un « désamour de la société pour la Justice ». Il parle d’ « injustesse ». La justice qui se veut juste, doit de plus en plus prendre en compte la demande individuelle de libertés. Soumise à des groupes de pression, la justice ne parvient pas à limiter l’augmentation des inégalités, elle n’est plus libre. III) Régulation et décisions pour la suite (15’) - 17 mai : Atelier commun avec le groupe philo de l’Université Populaire de Perpignan. - 14 Juin : « Le Beau et l’expérience esthétique » : Lili. Textes de participants La question des libertés en France par rapport au droit La République française est une démocratie qui a fortement intégré les libertés individuelles et collectives dans son droit, ses lois et ses institutions. Il est fait référence aux différentes générations des droits de l’homme dans sa Constitution, à laquelle aucune loi ne doit déroger : droits-libertés qui protègent l’individu d’un Etat autoritaire ou de l’emprise de la religion (laïcité) ; droits-créances qui font obligation à l’Etat de s’occuper des plus vulnérables ; sanctions prévues par la loi relatives aux infractions concernant l’atteintes aux libertés fondamentales ; procédures pénales avec des protocoles précis et certaines garanties (présomption d’innocence, droits de la défense, recours divers…) ; principes d’organisation des institutions (séparation des pouvoirs, Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat etc.)… Ce qui pose problème, ce sont : - les abus policiers par rapport à certaines procédures non respectées (ex : discrimination au faciès), même s’il y a une police des polices ; - l’inégalité devant la justice. Ex : raison d’Etat, qui s’affranchit de l’Etat de droit censé l’encadrer ; moindre pénalisation des cols blancs, affaires classées sans suite, pressions de l’exécutif sur le judiciaire (attentant à l’indépendance des juges), ressources nécessaires pour se payer un grand avocat etc. Inégalité due aussi à la subjectivité des juges (celle de leur appartenance « de classe », celle plus générale de tout jugement humain), et encore plus des jurés, très sensibles aux passions ; - la séparation relative des pouvoirs (le pouvoir judiciaire est acoquiné avec les médias, et le Ministère public - le parquet - est sous l’autorité hiérarchique du Garde des sceaux), contrairement au principe constitutionnellement affiché des pouvoirs ; - l’imperfection de la législation quant à la justice (ex : niches fiscales, fuite de capitaux non imposables…). C’est la critique marxiste d’un Etat bourgeois partisan, représentant la classe dominante, d’une « justice de classe » ; de droits formels purement théoriques, mais non actualisés (ex : droit au travail), ne correspondant pas à des droits réels ; - la suspicion jetée sur la réelle représentativité des élites et des élus qui légifèrent (élus par une minorité d’inscrits ; pays légal éloigné du pays réel…) ; - la dérive actuelle sécuritaire, qui est liberticide, due à un « sentiment d’insécurité » souvent déconnecté de faits objectifs, demandeur de lois protectrices et répressives, exploité par les medias et l’extrème-droite, désignant des boucs émissaires ; comment donc articuler démocratiquement les aspirations également légitimes de liberté et de sécurité ? - La retombée de l’individualisme sociétal, où la revendication de toujours plus de liberté individuelle pour soi se paye en retour d’une demande parallèle de toujours plus de sécurité pour se protéger de la liberté des autres (demande paradoxale d’une société « libéral-sécuritaire »). La démocratie des droits de l’homme alors « se retourne contre elle-même » (M. Gauchet). On le voit, la question est complexe, d’autant que : les types de libertés peuvent se contredire (ex : droit au travail/liberté de licenciement, droit de grève/droit au travail ou liberté de circulation, droit d’expression/droit au respect, à la non diffamation…). Il faut de plus articuler liberté individuelle et liberté collective (ex : droit d’entreprendre/droit de grève). Mais aussi la liberté avec d’autres principes de légitimité, comme l’égalité. Comment trancher ? Quels critères, quels arbitrages ? Et reste entière la question de la liberté : elle n’est définie juridiquement que négativement : pouvoir faire ce qui n’est pas interdit, ce qui ne nuit pas à autrui. Mais comment définir la liberté plus positivement ? Quel est son rapport (nécessaire ?) à la contrainte, l’obligation ? Michel Sur le plan philosophique, les Chinois ont certainement raison de considérer que le droit est la conséquence d’un échec des relations sociales, relations qui devaient permettre de résoudre les conflits. Pourtant, à mesure qu’ils rentrent dans la société de consommation, ils adoptent de plus en plus de règles de droit… En effet, cette conception, un peu théorique, nécessiterait une société réellement égalitaire, ce qui n’est évidemment pas le cas des sociétés capitalistes. Les révolutionnaires de 1789 pensaient que la loi devait protéger le faible contre le fort. Dans cette optique, c’est donc à la loi de réglementer les libertés individuelles, pour permettre la liberté du plus grand nombre. En effet, comme dans le yin et le yang, toute augmentation de la liberté des uns risque de se produire au détriment de la liberté des autres. En tout cas, l’abus des libertés (incivilités, infractions…) nuit à la collectivité. Il faut veiller à ce que l’individualisme, cette donnée essentielle de l’être humain, ne dépasse pas certaines limites imposées pour le bien de tous. La revendication de libertés absolues, sans limites, aboutit à la loi de la jungle, et au triomphe du plus fort au détriment du plus faible. Même dans les cafés-philo, cet espace de liberté, il a été nécessaire d’édicter des règles pour éviter des abus. Daniel Les hommes ont besoin de droits et de liberté, mais que serait un pays sans loi ? L’Etat gère la société avec le droit. D’ailleurs, les hommes politiques, dans leur débat, répètent souvent « il faut légiférer ». Mais on peut se poser la question : est-ce que la loi ne porte pas atteinte à la liberté individuelle ? Est-ce que l’homme subit la loi ? Il faut de plus en plus de lois pour assurer l’ordre dans la société, mais est-ce vraiment le rôle de l’Etat qui se veut de plus en plus paternaliste ? L’homme ne devrait-il pas davantage s’assumer et se responsabiliser ? La perte de valeurs, de repères est peut-être à l’origine de cette soumission à l’Etat. Que reste-t-il de la liberté ? La pensée qui est sans limite est au-dessus de la loi. « Aie le courage de te servir de ton propre entendement » (Kant). Marie-Hélène Les règles qui régissent la conduite des hommes et qui sont sanctionnés par la puissance publique se fondent sur des principes les plus nobles : droits de l’Homme et libertés fondamentales. La liberté individuelle n’est jamais absolue. Si l’évolution de la société nécessite une adaptation permanente des droits fondamentaux, cette adaptation doit être juste, mesurée et la même pour tous, toujours fondée sur une éthique respectueuse de la pensée et de la dignité humaine. Il est possible de répondre que le droit garantit les libertés individuelles. Jean-François • Les libertés individuelles : les plus fondamentales sont les libertés d’opinion, d’expression, de circulation, de pensée, de conscience, de religion et le droit à la vie privée. Exemple : l’usage de Facebook symbolise la liberté de pensée et d’expression ; mais il peut entrer en contradiction avec le respect d’autres libertés fondamentales : le respect de la vie privée, le droit à l’image, le respect de la dignité de la personne. • Les libertés collectives : elles correspondent à des libertés auxquelles ont droit des groupes de personnes. Il s’agit notamment des libertés d’association, de réunion pacifique, la liberté syndicale et le droit de grève. Exemple : Le droit de grève dans les transports s’exprime collectivement par un groupe mais entrave ma liberté de circulation ce jour-là. Le jugement est toujours humain et la marge d’appréciation du juge est empreinte de relativité et de subjectivité. Le sort de ma liberté dépend de qui me défend et du territoire de la décision (« ténor du barreau » ou avocat commis d’office, jury d’Assises sévère ou clément). Plus je veux de liberté pour moi-même, plus cela va réduire la liberté d’autrui. Est-on dans une société « liberale/sécuritaire » ? Qu’est ce qui progresse et qu’est ce qui régresse en termes de liberté ? On remarque que la liberté des gays dans l’expression et le droit augmente, mais qu’il y a plus de sévérité pour les pédophiles. La liberté n’est pas seulement de faire ce qui n’est pas interdit par la loi, car ce qui est légal peut être éthiquement illégitime. Obéir à la loi peut me rendre complice de l’injuste et désobéir peut rendre juste. La loi c’est ce qui permet et pas seulement ce qui interdit. Il y a aussi toutes les contraintes qu’on s’impose et toutes les libertés dont on se prive. L’obéissance à la loi qu’on se prescrit est liberté. La liberté fondamentale est celle de penser. Elisabeth |
![]() | «De la vocation des facultés de droit (françaises) de notre temps pour la science et l’enseignement», R. I. E. J., 2014. 107-109.... | ![]() | «Philosophie» et «américain», pour nous Européens, et surtout Français, semblent deux termes largement incompatibles. Cette séance... |
![]() | «fonctionnement» de la commune devra verser 10 600 € cette année et, pour rappel, a versé en 2013 la somme de 14 000 € | ![]() | «traditionnels» qui sont le plus attachés au made in France; les cadres pour leur part sont plus attachés aux produits européens... |
![]() | «Qu'est-ce qu'un auteur ?», Bulletin de la Société française de philosophie, 63e année, no 3, juillet-septembre 1969, pp. 73-104 | ![]() | «anah» (cgi, art. 31, I-1°-m) aux i-a-1-c, i-a-2-d et i-a-3 du boi-rfpi-spec-20-40-20-30 |
![]() | ![]() | «les atteintes aux libertés se multiplient de façon inquiétantes». (cf revue pouvoirs, numéro 130 de l’année 2009 consacré à «l’état... | |
![]() | ![]() |