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C. Fondement de la plainte La plupart des décisions présidentielles rappellent que le manquement à des règles déontologiques ne peut se confondre avec d’éventuels manquements dans l’exécution du mandat et l’existence d’une éventuelle faute professionnelle engageant la responsabilité d’un avocat. Certaines décisions sont intéressantes dès lors qu’elles touchent aux limites de ces deux principes ou à la preuve du manquement. Exécution du mandat - Ainsi, il a été décidé que, dans l’exercice de son mandat, l’avocat se fait le porte-parole de son client et s’exprime en son nom et sur ses instructions et que dans ce cadre, il peut être amené à faire valoir des arguments qui peuvent paraître déplaisants pour la partie adverse sans devoir pour autant être susceptibles de poursuites disciplinaires : « à cet égard, deux observations me paraissent devoir être faite : d’une part, l’avocat est le mandataire de son client et est, en principe, le porte-parole fidèle de son mandant ; dans le cas contraire, il risque d’ailleurs de voir celui-ci développer à son égard la procédure de désaveu de mandataire prévu par le Code judiciaire (…) ; d’autre part, il est fréquent, dans le cadre de la procédure en divorce pour cause déterminée, d’assister à un ‘ déballage de linge sale ‘ qui amène à des considérations écrites ou verbales qui sont rarement du goût de celui qui en est l’objet. (…). Rien ne démontre que Me X. aurait en quoique ce soit dépassé son mandat »138 . Devoir de diligence - Le 24 juin 2010, le président du conseil de discipline de Bruxelles rappelle qu’« En effet, l’appréciation de ce devoir est nécessairement fonction du cadre dans lequel l’avocat intervient, soit en l’espèce, en tant qu’arbitre et les éventuelles exigences en matière de délai doivent s’apprécier dans le cadre de cette procédure avec les éventuelles sanctions pouvant intervenir. En outre, selon les explications reçues, ce délai paraît être justifié par des raisons légitimes dont les retards dans le règlement d’état d’honoraires. Enfin, le délai qui ne semble pas avoir été comme tel dénoncé en cours d’arbitrage, peut également être au moins pour partie justifié par l’ampleur du travail qui résulte de l’importance de la sentence rendue (54 pages). » Intervention contre un ancien client - « Il convient de rappeler que les règles et usages applicables à la matière, interdisent à l’avocat de consulter ou de plaider pour une partie, s’il a déjà consulté ou plaidé, dans le même litige, pour une autre partie ayant un intérêt opposé. Cette interdiction ne souffrant d’aucune exception. Il est également admis que cette même interdiction s’étend, sauf circonstances exceptionnelles à apprécier par le bâtonnier, à tous les litiges connexes à celui ou à ceux dans lequel ou lesquels l’avocat est déjà intervenu en la même qualité que ci-dessus ou si la connaissance que l’avocat possède des affaires de son ancien client, est susceptible d’avantager le nouveau. Enfin, il est également admis que s’il n’est pas interdit de devenir l’adversaire d’un ancien client, il convient néanmoins qu’un délai raisonnablement suffisant se soit écoulé entre les deux affaires. Or en l’espèce, il ressort clairement du dossier ainsi que des auditions des parties que le litige actuel (action en responsabilité médicale) est totalement étranger au litige dans lequel le bâtonnier X est intervenu pour la famille de Madame T (régularisation d’étranger). Par ailleurs, si, dans le cadre de son intervention pour la famille de Madame T - bien que lors de son audition du 1er juillet 2007, le bâtonnier X conteste être intervenu pour toute la famille de la plaignante, en précisant être intervenu uniquement pour son fils ‘ afin de le faire revenir de Bulgarie et d’obtenir sa régularisation ‘ -, il est probable que le bâtonnier X ait recueilli des informations sur la vie privée de la plaignante, on n’aperçoit pas en quoi ces informations pourraient avoir une quelconque influence sur le présent litige, et a fortiori, être susceptibles d’avantager le nouveau client. Il est d’ailleurs à noter que, non seulement Madame T ne précise pas ces informations susceptibles d’avantager le nouveau client, mais en outre et surtout, dans son recours, elle reconnaît expressément ‘ l’affaire ne doit pas être examinée d’un point de vue objectif mais bien d’un point de vue subjectif. Objectivement, le bâtonnier peut bien avoir raison concernant l’absence de liens (entre les deux affaires) ‘. Or, si les règles et usages en matière de déontologie peuvent tenir compte d’éléments subjectifs, elles ne peuvent pour autant éluder totalement les éléments objectifs, comme souhaité par la plaignante : en effet, raisonner de la sorte créerait une insécurité juridique totale dont le justiciable serait la première victime. En outre, il convient de relever également qu’interpellé précisément sur le fait qu’il avait déjà été contacté par la plaignante pour intervenir dans le présent litige, le bâtonnier X précise qu’il lui a aussitôt signalé qu’il ne pouvait pas intervenir pour elle puisqu’il était déjà le conseil de l’hôpital et que cet entretien peut être situé environ 10 ans après la clôture de son intervention dans le dossier de son fils. Il peut donc être considéré qu’un délai raisonnable et suffisant s’est écoulé, permettant ainsi au bâtonnier X d’intervenir contre son ancien client dans une affaire totalement différente à celle pour laquelle il était intervenu initialement »139. Preuve apportée par le plaignant - Dans sa décision du 8 décembre 2009, le président du conseil de discipline de Bruxelles souligne que « Je ne puis avoir égard, dans le cadre de votre plainte, aux propos tenus dans une lettre confidentielle qui vous a été transmise manifestement par erreur ». L’instruction A. Le rôle du bâtonnier Ouverture de l’enquête - Le bâtonnier est le seul organe de l’Ordre habilité140 à décider de l’ouverture d’une enquête disciplinaire. Il agit soit d’office, soit sur la base d’une plainte écrite, soit sur les dénonciations écrites du procureur général141. L’avocat et le plaignant sont informés par écrit de l’ouverture de l’enquête.142 A cet égard, le conseil de discipline de Liège, après avoir constaté que « Si une enquête a été ouverte à cette date, il ne semble pas ressortir des pièces du dossier que Me X. ait été averti de l’ouverture de cette enquête », rappelle que « Le but de la loi est de permettre à l’avocat, outre de savoir qu’il lui est fait un reproche déontologique soumis à enquête, de se faire entendre, de fournir des informations et des pièces complémentaires (…) et de se faire assister d’un avocat de son choix (…) »143. Compétence ratione personae - Tous les avocats du ressort de l’Ordre sont passibles de poursuites disciplinaires, qu’ils soient inscrits au tableau, sur la liste des stagiaires ou sur celle des avocats exerçant sous le titre professionnel d’un autre Etat membre de l’Union européenne (dits « avocats communautaires »). S’agissant de ces derniers, l’article 477 septies du Code judiciaire prévoit que « préalablement à l’ouverture d’une enquête disciplinaire (…), le bâtonnier de l’Ordre auprès duquel (ils) sont inscrits ou le président du conseil de discipline en informe dans les plus brefs délais l’autorité compétente de l’Etat d’origine, lui donne par écrit toutes informations utiles, notamment sur le dossier disciplinaire en cause, les règles de procédure applicables ainsi que les délais de recours, et prend les dispositions nécessaires afin que cette autorité soit en mesure de faire des observations devant les instances de recours. Il lui communique, par écrit, toute décision prise. » Les dispositions du Code judiciaire en matière de discipline s’appliquent également aux avocats, ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, qui exercent leur activité en Belgique sous le régime de la libre prestation des services144. Quant aux avocats honoraires, s’ils manquent « aux règles de probité et de délicatesse ou aux conditions de l’octroi du titre », le conseil de l’Ordre peut, après les avoir entendus, leur retirer l’autorisation de porter le titre145. Les mandataires de justice restant soumis à toutes les obligations déontologiques du barreau compatibles avec la mission dont ils sont chargés, relèvent aussi de la discipline du bâtonnier146. Compétence ratione materiae - A l’intervention du bâtonnier, « Le conseil de l’Ordre est chargé de sauvegarder l’honneur de l’Ordre des avocats et de maintenir les principes de dignité, de probité et de délicatesse qui font la base de leur profession et doivent garantir un exercice adéquat de la profession »147. Les conseils de discipline sont chargés « de sanctionner » les atteintes à l’honneur de l’Ordre et les manquements à ces devoirs ainsi que « les infractions aux règlements »148. Si la discipline vise essentiellement les manquements commis par un avocat dans l’exercice de son activité professionnelle, il est généralement considéré que les actes de la vie privée peuvent également donner lieu à des poursuites. Plusieurs sentences le rappellent : « L’avocat, en raison même du caractère de sa profession, de l’expérience qu’elle lui procure et des responsabilités qu’elle engendre, a pour devoir de faire preuve dans les actes de sa vie privée de plus de prudence et de circonspection qu’un simple particulier ; il ne peut jamais oublier les termes de son serment qui le lie pour tous les actes de sa vie ; il doit toujours se souvenir qu’il appartient à l’Ordre et que ses actes peuvent, lorsqu’ils s’écartent des règles de l’honneur et du droit, compromettre l’Ordre en même temps que lui-même’ (Pierre Lambert, Règles et usages de la profession d’avocat du barreau de Bruxelles, 3ème édition, page 418) »149. Compétence ratione temporis – Les avocats omis du tableau, de la liste des stagiaires ou de celle des « avocats communautaires » n’échappent pas à la discipline du bâtonnier pour les faits qui ont été commis avant leur omission « si l’enquête a été ouverte au plus tard un an après »150 cette omission. Dans une sentence du 16 mars 2010, le conseil de discipline d’appel écarte l’argument de « viol de la liberté d’association et du droit de retrait » invoqué par un avocat à charge de qui l’enquête disciplinaire avait été ouverte le lendemain de son omission, en décidant que « le fait que la procédure disciplinaire soit diligentée alors que l’appelant n’a plus la qualité d’avocat ne fait dès lors en rien échec à sa démission, qui produit ses pleins et entiers effets ». Statuant dans la même décision sur l’« exception de juridiction et d’incompétence » soulevée, il considère que « l’appelant ne se trouve pas dans la situation prévue par l’article 469, § 2 (lire : alinéa 2) du Code judiciaire qui vise l’avocat qui demande et obtient son inscription auprès d’un autre Ordre lorsque son inscription s’accompagne de l’omission de l’avocat du tableau ; qu’en effet l’appelant était déjà membre de la Law society lorsqu’il a demandé et obtenu son omission du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Bruxelles ; qu’il est d’ailleurs douteux que ces dispositions s’appliquent également à l’inscription à un barreau hors de Belgique, l’économie de cette disposition légale étant d’assurer la discipline du barreau sur le territoire belge ». Clôture de l’enquête - L’enquête est immédiatement clôturée si le bâtonnier estime que la plainte dont il est saisi est irrecevable, non fondée ou que le manquement est véniel151. Dans les autres cas, le bâtonnier décide, sur la base de l’enquête qu’il mène lui-même ou du rapport qui lui est présenté par l’enquêteur, s’il y a lieu ou non de renvoyer l’avocat devant le conseil de discipline152. Appel principal et incident du bâtonnier - Dans les 15 jours de la notification qui lui est faite de la sentence par le secrétaire du conseil de discipline, le bâtonnier peut interjeter appel (principal). Sur l’appel formé par l’avocat ou le procureur général, le bâtonnier peut introduire un appel incident, dans le mois de la dénonciation de l’appel principal qui lui est faite par le président du conseil de discipline d’appel153. Motivation de l’appel - Le Code judiciaire ne prévoit pas que l’appel doit être motivé. Dans son arrêt du 14 mai 2009, la Cour de cassation, tout en constatant que l’article 463, alinéa 4 du Code judiciaire « ne contient aucune règle quant à la motivation de l’appel incident », précise cependant que « Si, en vertu de l’article 1068 du code judiciaire, l’appel d’une décision d’un conseil de discipline de l’Ordre des avocats saisit du fond du litige le conseil de discipline d’appel, il appartient au procureur général, au bâtonnier et à l’avocat concerné de déterminer, par l’appel principal ou incident, les limites dans lesquelles le conseil de discipline d’appel doit statuer sur les contestations qui ont été soumises au conseil de discipline »154. Le conseil de discipline d’appel rappelle à cet égard que « l’appel du bâtonnier peut (…) tendre à l’aggravation mais aussi à la diminution de la sanction infligée ou à la réformation de la sentence attaquée en raison des griefs qu’elle aurait retenus ou rejetés » et qu’il doit donc « pouvoir être entendu (…) pour s’expliquer sur l’appel qu’il a introduit »155. Présence et rôle du bâtonnier devant le conseil de discipline - Le bâtonnier (lorsqu’il n’a pas lui-même mené l’enquête) n’est pas « partie à la procédure de première instance »156 et n’assiste donc pas à l’audience157. Le conseil de discipline d’appel158 décide « qu’à l’inverse du plaignant, le bâtonnier qui interjette appel devient une partie à la cause comme le ministère public ou l’avocat poursuivi lui-même ; que le bâtonnier doit donc pouvoir être entendu (…) »159. Sur le moyen évoqué de ce que « l’enquêteur représente le barreau concerné et, dans son rapport, reprend, le cas échéant, objectivement les demandes de son bâtonnier », la même décision énonce que « le rôle du bâtonnier, à l’audience, n’est pas nécessairement celui de la partie poursuivante ; que la faculté qui lui est donnée d’interjeter appel de la décision de première instance est notamment la contrepartie au fait que, dans certains cas, ce n’est pas le bâtonnier qui a pris l’initiative des poursuites mais bien le président du conseil de discipline du ressort ; (…) ; que la présence du ministère public, du bâtonnier ou de son représentant et de l’enquêteur à l’audience d’appel, n’est pas de nature à créer un déséquilibre en défaveur de l’avocat poursuivi dont la situation objective et subjective ne se mesure pas au nombre des autres parties ». Représentation du bâtonnier devant le conseil de discipline d’appel - Dans la même décision encore, le conseil de discipline d’appel souligne « qu’il appartient au bâtonnier (…) de déterminer la personne qui le représente dans la procédure d’appel ; que le conseil de discipline d’appel n’a pas à s’immiscer dans ce choix sauf s’il devait être contraire à un principe d’ordre public », estimant de même « qu’il ne lui appartient pas de s’immiscer dans des questions de délicatesse qui sont de la compétence exclusive des autorités ordinales » (L’avocat poursuivi soutenait que le représentant du bâtonnier avait été son conseil six ans plus tôt). Pourvoi en cassation - Dans le mois de la notification de la sentence du conseil de discipline d’appel, le bâtonnier peut saisir la Cour de cassation tout comme peuvent le faire l’avocat et le procureur général160. Le pourvoi est suspensif « à moins que la sentence n’en décide autrement » 161. Le conseil de discipline d’appel, dans sa sentence du 18 mai 2011162, fait droit à la demande formulée en ce sens par le bâtonnier considérant qu’ « En l’occurrence, les faits de la cause - bien qu’anciens - sont graves en manière telle que tout nouveau délai à l’exécution de la sanction prononcée (une suspension d’un an) en annihilerait les effets légitimement attendus ». |
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