XI.Horreur dans les prisons au Togo. 110 - Les prisons togolaises ne constituent pas seulement des lieux de privation de liberté. Tout porte à croire qu’elles sont organisées pour participer à la torture et la destruction de la personnalité du détenu, qu’il soit politique ou de droit commun.
La prison de Lomé est surpeuplée depuis des décennies. Les détenus s’y entassent les uns sur les autres. Dans un local d’environ 25 mètres carrés s’empilent en moyenne 80 détenus. Collés les uns aux autres comme des sardines, couchés sur le flanc, ils ne peuvent bouger pendant le sommeil, s’ils réussissent à dormir. L’éclairage et l’aération des cellules sont exécrables.
Les autorités togolaises ne se contentent pas d’arrêter arbitrairement des citoyens, de les garder des mois voire des années dans les camps de gendarmerie, au siège de la Brigade antigang ou à la Direction Générale de la Police Nationale. (DGPN) et de les torturer, avant de les envoyer en prison. Lorsqu’ils arrivent en prison, le calvaire de certains n’est pas terminé. On leur inflige les traitements les plus inhumains pour leur faire passer l’envie de se mêler de politique.
Ainsi plusieurs jeunes de l’UFC ont été descendus dans de grandes fosses septiques qui récupèrent les excréments des prisonniers. On les oblige à vidanger la fosse à l’aide d’un seau. Souvent, la personne descendue dans la fosse est immergée jusqu’à la taille ou même jusqu’au cou dans les excréments où pataugent les vers de toutes natures. Comme les fosses sont profondes, ils doivent remonter à l’aide d’une échelle pour aller vider le seau sur un terrain situé dans l’enceinte de la prison.
Ces excréments servent, sans aucun traitement, d’engrais pour fertiliser le jardin potager où l’administration de la prison cultive des légumes avec lesquels sont préparés les repas des prisonniers. C’est une des raisons pour lesquelles les prisons du pays sont des lieux où l’on contracte toutes sortes de maladie. Ce traitement a été infligé à plusieurs jeunes de l’UFC, notamment Toto Guézéré à la prison d’Atakpamé ainsi qu’à Kossi Ayédéwou et Ayi Hillah à la prison civile de Lomé en guise de souhait de bienvenue.
Kossi Ayédéwou vient d’être libéré. Son corps est entièrement couvert de gale.
Mawussi Dénagnon est un jeune élève qui a été interpellé le 17 juin 2003 à Atakpamé, préfecture de l’Ogou. Jugé le 3 décembre 2003, après plus de 5 mois de détention, à la prison d’Atakpamé, il a été libéré, prétendument au bénéfice du « pardon judiciaire ». Pendant son incarcération, il a subi les pires brimades et tortures physiques, infligées quotidiennement par des détenus comme lui avec la complicité des gardiens. Il a le corps couvert de boutons qui le démangent affreusement . Il s’agit ici aussi de gale.
Le manque d’hygiène est patent dans les prisons togolaises. Dans la majorité d’entre elles, notamment à la prison civile de Lomé, pour se laver, pour aller aux toilettes, même disposer d’une place pas trop mauvaise pour se coucher, le prisonnier ou le détenu doit débourser de l’argent.
XII.Usage de l’armée à des fins de politique partisane Le régime togolais est une dictature militaire à façade civile. L’armée est omniprésente dans la vie du pays. C’est l’instrument par lequel le régime se maintient au pouvoir. Les forces armées et de sécurité sont mises à contribution par le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité et les préfets pour empêcher le libre exercice des activités des partis politiques pourtant garanti par la Constitution, ainsi que pour intimider, harceler les militants de l’opposition. Quand elles n’agissent pas elles-mêmes, les forces armées et de sécurité couvrent les agressions organisées par les milices du RPT contre les partis de l’opposition, aussi bien en période normale que pendant les campagnes électorales.
Les forces de sécurité n’hésitent pas elles-mêmes à participer à la fraude électorale en détruisant les urnes dans les localités considérées comme favorables à l’opposition ( cas de : Lomé, Centre Notre Dame des Apôtres, juin 1998) ou en abattant les jeunes gens ayant découvert des urnes bourrées par le RPT, parti au pouvoir ( cas de Egbla Kossi, à Djagblé, en 2003).
L’actuel commandant militaire de la région des Plateaux, le commandant ATI, a dirigé lui-même en 1998, l’enlèvement d’urnes du centre NDA de Lomé et leur destruction. C’est peut-être cet « acte de bravoure » qui lui a valu cette promotion !
111 - Le 29 novembre 2003, à Lomé, à l’occasion de la clôture du congrès du RPT, parti au pouvoir, de nombreux officiers et soldats en tenue, étaient rangés de manière ostentatoire dans la salle. Or le statut de l’armée et des forces de sécurité impose la neutralité en matière politique. Tous les personnels de ces corps sont tenus de rester à l’écart de tout parti politique. Dans la réalité, cette présence remarquée, est destinée à effrayer citoyens et populations en leur faisant savoir que les militaires ne sont qu’avec le RPT.
Comme mentionné dans la rubrique 3 « assassinats, agressions et voies de fait », le 3 juin 2003, au lendemain de la présidentielle du 1er juin 2003, le lieutenant-colonel Ernest Gnassingbé, fils du chef de l’Etat, déploie des moyens militaires impressionnants et disproportionnés : camions de transports de troupes, jeeps montées de mitrailleuses etc..., pour envahir le quartier de Bè, réputé fief de l’opposition et empêcher un soulèvement populaire contre la proclamation de la victoire frauduleuse de son père.
Des éléments des Forces Armées Togolaises (FAT) prennent les domiciles d’assaut, balançant des grenades lacrymogènes, tapant sur tout ce qui bouge, fracassant des crânes etc…Il y a eu plusieurs blessés graves.
Comme mentionné dans la rubrique 7 « Confiscation des média d’Etat etc.. », le 23 août 2002, le chef d’Etat-major de Général des Forces Armées Togolaises (FAT), le général Zachari Nandja, fustige avec force, les partis politiques « qui affichent une attitude anti-patriotique et ternissent l’image du Togo… » dans un discours prononcée lors d’une réunion de l’Etat-major,.(cf quotidien national Togo-Presse, n°6347, du lundi 26 août 2002) sous prétexte de répondre à une soit-disant association de femmes du parti au pouvoir, venue le « supplier » en ces termes : « Vaillantes forces de l’ordre et de sécurité, de grâce, protégez-nous contre les forces du mal que sont l’UFC et ses acolytes…. ».
En fait la démarche de cette association de femmes sans aucune existence légale, n’a été qu’un subterfuge pour permettre une fois de plus à la haute hiérarchie des FAT d’intimider les partis politiques de l’opposition démocratique en s’immisçant dans le débat politique.
Pour bien marquer l’emprise de l’armée sur le pays, le régime persiste dans la nomination d’officiers supérieurs des Forces Armées et de Sécurité à des fonctions civiles à la tête des administrations civiles (ministères, préfectures et autres), des Régies financières (Impôts et Douanes), des plus importantes sociétés d’Etat, comme l’IFG (ancien OTP, exploitant les phosphates), et le Port Autonome de Lomé (PAL), en totale contradiction avec l’esprit et la lettre de la Constitution.
Directeur général des Impôts : Lieutenant-colonel Emmanuel de Souza,
Directeur Général des Douanes : Commandant Bakari
Directeur de l’IFG (phosphate) : Chef d’escadron Panassa
Directeur Général du Port Autonome de Lomé : Lieutenant-colonel Awa Béléyi,
Ceci pose le problème de la bonne gouvernance, parce que ces officiers relèvent directement du chef de l’Etat, militaire comme eux, auquel ils doivent en principe respect et obéissance absolue et auquel ils doivent rendre compte d’abord.
XIII. Encore de très nombreux départs en exil 112- Des dizaines de togolaises et de togolais, civils comme militaires, ont encore été contraints de prendre le chemin de l’exil ces derniers temps, particulièrement, peu avant le premier juin 2003, date du dernier scrutin présidentiel, ainsi que les jours et semaines qui ont suivi.
Ils se retrouvent en très grande difficulté dans les pays voisins, les responsables du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) affirmant ne pas disposer de ressources pour leur venir en aide.
XIV.En guise de requête urgente: il est temps pour la Communauté Internationale d’agir plus rigoureusement Ce document constitue un cri d’alarme. Ce qui se passe au Togo est monstrueux. Le lecteur a pu se rendre compte du calvaire que vivent les populations togolaises, depuis une quarantaine d’années. Le lecteur a également pu se rendre compte, en filigrane, du courage et de la détermination des mêmes populations ainsi que du travail opiniâtre des partis de l’opposition démocratique.
L’élection présidentielle du 1er juin 2003 a eu au moins un mérite. Celui d’apporter la preuve, à la lumière de l’attitude des autorités pendant tout le processus électoral, que le régime togolais n’a qu’une obsession: se maintenir au pouvoir. Pour y parvenir, il utilise deux armes: la violence et le mensonge. Tous ses discours sont destinés à tromper la communauté internationale.
L’opposition démocratique a fait le choix de la lutte pacifique pour mettre fin à la tyrannie. Elle n’a jamais ménagé sa peine pour faire triompher cette option. Inlassablement, elle a signé des Accords, participé à des élections qu’elle a remportées, à chaque fois. Mais le changement tant attendu n’intervient pas.
Depuis longtemps, l’opposition togolaise s’efforce de préserver le Togo de la violence qui détruit plusieurs pays de la sous-région ouest africaine : Liberia, Sierra Leone, Côte d’Ivoire etc... La patience et la sagesse dont l’opposition fait preuve sont interprétées par le régime togolais comme un signe de faiblesse.
Le choix obstiné de la lutte pacifique n’est pas pris en compte à sa juste valeur par la communauté internationale non plus. Le langage diplomatique de celle-ci, ne désigne pas clairement le chef de l’Etat togolais, Gnassingbé Eyadéma, comme un dangereux fauteur de guerre. Tout se passe pour le Togo comme si la communauté internationale attend que l’irrémédiable se produise avant d’intervenir plus sérieusement. Tous les signes avant-coureurs d’une explosion sont palpables, visibles au Togo. L’exaspération des populations est à son comble. Et l’on nous parle de stabilité !
L’argument de la stabilité est pauvre. Il est cynique et manifeste un mépris profond pour les populations qui subissent la dictature prétendue « stable ». Il n’est invoqué par ses tenants que parce que ceux-ci n’ont pas d’autres arguments pour justifier leur soutien à une dictature. Car, il est évident que la « stabilité » d’une dictature est factice et précaire. Et qu’il n’y a de stabilité réelle que celle fondée sur la légitimité démocratique. L’exemple de la Côte d’Ivoire devrait édifier les donneurs de leçon de la stabilité dictatoriale. Quel régime était plus « stable » que celui de la Côte d’Ivoire ? N’a-t-il pas suffit que le Président Houphouët Boigny disparaisse pour que la résurgence des problèmes que son régime autoritaire lui permettait d’éluder, entraîne la Côte d’Ivoire dans l’instabilité, les coups d’Etat et, pour finir, la guerre civile ?
Nous ne voulons pas pour le Togo, d’une « stabilité » qui mène à la guerre civile !
Avant de terminer, nous ne pouvons pas ne pas rendre hommage à l’Union Européenne, à sa Commission et à un certain nombre de pays dont les USA, le Canada, etc. pour leur implication dans la recherche d’une solution juste et durable à la crise togolaise.
L’UFC exhorte toute la communauté internationale à prendre la juste mesure de la situation au Togo et à s’associer plus énergiquement aux efforts des forces démocratiques togolaises visant à mettre fin à la tyrannie et à la misère des populations togolaises.
Pour le Bureau National,
Le Premier Vice-Président, Emmanuel Bob Akitani
XV.Annexes Ci- après :
1- Photo de Kossi Egbla, militant de l’UFC, abattu par les forces de sécurité, le 1er juin 2003, jour du scrutin présidentiel, alors qu’il venait de découvrir au domicile du chef de village de Djagblé, préfecture de Zio, des urnes bourrées de bulletins pré-votés en faveur du candidat du RPT, Gnassingbé Eyadéma, et qu’il s’apprêtait à aller signaler cette situation aux observateurs de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
2- Photo de Koffi Agobia, militant de l'UFC, arrêté le 1er Juin 2003, par des militaires alors qu'il s'opposait au bourrage des urnes au village de Mission-Tové, préfecture de Zio. Conduit au camp de la FIR (Force d'Intervention Rapide), il a été sauvagement torturé.
3- Photocopie de la première page du quotidien gouvernemental Togo-Presse n°6334, du 6 août 2002, désinformant l’opinion sur la qualité du sieur Philippe Bardiaux, présenté comme Médiateur de la République française.
4- Photocopie de la page 6 du quotidien gouvernemental Togo-Presse du 7 avril 2003 présentant des individus qui dénigrent et injurient l’Archevêque de Lomé, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro.
5- Photocopie du certificat médical délivré par l’expert commis par le Procureur de la République pour attester de la torture infligée au journaliste Dodzi Kokou Dzilan à la Direction Générale de la Police Nationale.
6- Photocopie de l'arrêté n° 0287 du Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation (MISD), portant fixation des barrages de fouille de sécurité.
7- Photos des violences et brutalités commises par les forces de sécurité togolaises contre des militants de l'Opposition lors des manifestations.
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