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Les relations entre le Liban et l’Union européenne : quelle chance pour dépasser le simple partenariat ?1 Par Georges Saad Docteur en droit public, Maître de conférences à la Faculté de droit et à la Filière francophone de droit, Université libanaise. Introduction Les autorités de l'Union européenne soulignent que la "politique méditerranéenne" devient une "priorité absolue". Union de vingt-cinq Etats, avec une population dépassant 450 millions de personnes et une production représentant un quart du produit national brut (PNB) mondial, l'Union européenne est effectivement un acteur mondial. Est mise en vigueur aussi la nécessité de mettre en place un ordre international fondé sur un véritable multilatéralisme sans oublier le cadre fondamental que représente la Charte des Nations Unies. Dans la littérature officielle de l'Union européenne l'on insiste sur le fait que la violence de la première moitié du vingtième siècle a cédé la place à une période de paix et de stabilité sans précédent dans l'histoire européenne et que les pays européens ont à coeur de traiter pacifiquement les différends et à coopérer par le biais d'institutions communes. Ainsi il est important de relever le ton optimiste qui domine. On signale à raison qu'au cours de la décennie écoulée, aucune région du monde n'a été épargnée par les conflits, que la plupart de ces conflits ont eu lieu à l'intérieur d'Etats plutôt qu'entre Etats. Puis un ton de modestie: si la fin de la guerre froide a laissé les Etats-Unis dans une position dominante en tant qu'acteur militaire disposant de capacités incomparables, il reste qu’aucun pays ne peut s'attaquer seul aux problèmes complexes d'aujourd'hui. Et un ton humaniste: près de trois milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, vivent avec moins de deux euros par jour. Quarante-cinq millions de personnes continuent de mourir chaque année de faim et de malnutrition. Mais dans la recherche des raisons le discours officiel de l'UE insiste sur l'échec de la croissance économique et sur les problèmes politiques et les conflits violents. Mais n'y a-t-il que cela? Si, et la littérature officielle va citer aussi la corruption, l'abus de pouvoir, la faiblesse des institutions et l'irresponsabilité, le non respect des droits de l'homme. Depuis le catastrophique 11 septembre le terrorisme international constitue une menace stratégique aux yeux de l'UE. On insiste sur son caractère nouveau: "non seulement il est international, communique par les réseaux électroniques et dispose de ressources conséquentes, mais il est également exempt des contraintes qui pèsent sur les organisations terroristes traditionnelles". Mais l'UE tente de comprendre les raisons d'un fondamentalisme aveugle dont les causes sont complexes: pressions exercées par la modernisation, les crises culturelle, sociale et politique et l'aliénation des jeunes vivant dans des sociétés étrangères. Le conflit israélo-arabe ou la nécessité de trouver une issue à ce conflit constitue pour l'Europe une priorité stratégique. En l'absence d'un tel règlement, aux yeux de l'UE il n'y aura guère de chances de résoudre les autres problèmes du Moyen-Orient. Il était important de débuter notre contribution sur "les relations entre le Liban et l’Union européenne : quelle chance pour dépasser le simple partenariat ?" par ce retour aux principes de base prônés par les autorités officielles de l'UE. Car toute vue sur une perspective d'avenir de ces rapports entre l'UE et le Liban partira nécessairement de l'évolution conceptuelle de l'UE.
Entre le Liban et l'Europe les relations économiques remontent très loin dans l'histoire)2. Preuve en est la relation entre La France et le Liban dans l'industrie de la soie (au 17ème et 18ème siècle, et si l'on se tient au 20ème siècle et à l'Europe d'après la deuxième guerre mondiale il faut citer l'accord non préférentiel signé en 1965, entré en vigueur en 1968. Un accord, de caractère préférenciel, a été négocié et signé en 1972 mais n'a pas obtenu les ratifications nécessaires à sa mise en vigueur. Le Liban va signer un troisième accord de coopération entre la CEE et le Liban à Bruxelles le 3 Mai 1977, accord qui va entrer en vigueur le 1er Novembre 1978(3). Enfin la conclusion par l'Union Européenne et le Liban à Bruxelles le 10 Janvier 2002 d'un accord d'Association, dûment finalisé le 17 juin 2002. Pour faire face à la lenteur qui peut résulter des procédures de signature les deux parties ont décidé de conclure un Accord Intérimaire qui permet l'entrée en vigueur immédiate des dispositions commerciales de l'Accord d'Association et qui a pris effet vers le milieu de 2002. Cet Accord d'Association liant l'Union Européenne au Liban est d'une importance considérable puisqu'il donne vie et vigueur au Partenariat Euro-Méditerranéen lancé par la Conférence de Barcelone en 1995. ►Accord de coopération de 1977 Les accords de 1965 et 1972 se caractérisent uniquement par les échanges commerciaux. L'accord de 1977 couvrait un domaine plus vaste que les précédents: coopération économique et technique, aide financière4.. L'accord de 1977 a mis en place un Conseil de coopération chargé de la bonne application de l'accord et du règlement des litiges. En outre, il a posé un principe de non discrimination et évoqué le possible réexamen de l'accord. La Communauté Européenne a développé une coopération technique et financière très importante avec le Liban depuis le 3 mai 1977, date de la signature de l'Accord de Coopération économique, technique et financière entre la Communauté Economique Européenne et le Liban. Cet Accord a constitué un cadre juridique permettant au Liban de bénéficier de Protocoles de coopération technique et financière de la Communauté Européenne. Quatre protocoles financiers ont été signés entre 1977 et 1992. La Conférence euro-méditerranéenne des Ministres des Affaires étrangères tenue à Barcelone (27-28 novembre 1995) a marqué le début d'un nouveau Partenariat entre l'Union Européenne (UE), ses 15 Etats Membres et leurs 12 Partenaires Méditerranéens5, comprenant une coopération bilatérale et régionale (Processus de Barcelone ou de Partenariat Euro-Méditerranéen). Puis a eu lieu la signature de l'accord d'association entre le Liban et l'UE signé à Bruxelles le 18 avril 2002. B- Exposé rapide de l'accord d'associationNous allons d'abord relever les trois objectifs dans la Déclaration de Barcelone: La définition d'un espace euro-méditérranéen commun de paix et de stabilité par le renforcement du dialogue politique et de sécurité. La construction d'une zone de prospérité partagée au moyen d'un partenariat économique et financier et l'instauration progressive d'une zone de libre-échange. Le rapprochement entre les peuples au moyen d'un partenariat social, culturel et humain qui vise à favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles (partenariat social, culturel et humain). La dernière Conférence euro-méditerranéenne des Ministres des Affaires étrangères a eu lieu à Bruxelles les 5 et 6 novembre 2001. La Conférence a démontré le besoin pour un engagement renouvelé vis-à-vis du processus euro-méditerranéen. Important de signaler l'engagement "politique" des Ministres d'œuvrer pour l'établissement d'un Etat palestinien démocratique, viable et indépendant, et à la reconnaissance du droit d'Israël de vivre en paix et en sécurité à l'intérieur de frontières internationalement reconnues. Relevons tout d'abord dans les "Considérants de l'accord" l'importance que les parties attachent au respect des principes de la Charte des Nations Unies et, en particulier, au respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et des libertés économiques qui constituent le fondement même de l'association. On peut dire d'ores et déjà que ce qui distingue cet accord des accords précédents c'est cet engagement politique, cette toile de fond philosophique qui donne une couleur particulière et de nouvelles perspectives. Le préambule aborde en deuxième lieu l'importance que revêt, pour la Communauté et le Liban, un régime de libre échange, tel que garanti par l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) et par les autres accords multilatéraux joints au traité instituant l'OMC. Mais ce n'est qu'en deuxième lieu: c'est comme si l'économique passait maintenant après le politique. On signale aussi le désir d'établir un dialogue politique régulier sur les questions bilatérales et internationales d'intérêt commun et la volonté de la Communauté d'apporter au Liban un soutien significatif à ses efforts de restructuration, de réforme et d'ajustement sur le plan économique, ainsi que de développement social. Points importants relevés dans cet accord: - Fournir un cadre approprié au dialogue politique. - Fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux. - Le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme, tels qu'énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme qui inspire les politiques nationales et internationales des parties et constitue un élément essentiel du présent accord. - La prospérité, la stabilité et la sécurité de la région méditerranéenne et le développement d’un climat de compréhension et de tolérance entre les cultures. - La consolidation de la sécurité et de la stabilité dans la région méditerranéenne et au Moyen-Orient en particulier. - La définition des moyens d'améliorer sensiblement la situation dans le domaine de l'enseignement et de la formation, particulièrement la formation professionnelle. - L’encouragement et l'établissement de liens forts entre les agences spécialisées dans la réalisation d'actions communes, et l'échange d'expériences et de savoir-faire (entre jeunes, entre les universités et les établissements d'enseignement).. - L’encouragement de l'accès de la population féminine à l'éducation, y compris à l'enseignement technique et supérieur et à la formation professionnelle. - La coopération visant à prévenir la détérioration de l'environnement, à maîtriser la pollution et à garantir l'utilisation rationnelle des ressources naturelles, dans le but d'assurer un développement durable. D'autres points: la protection des consommateurs, la lutte contre le blanchiment d’argent, la prévention et la lutte contre la criminalité organisée, l'égalité de traitement et de l'intégration sociale des ressortissants libanais et communautaires, le développement et le renforcement des programmes libanais de planning familial et de protection de la mère et de l'enfant, la lutte contre le terrorisme6. C- Le soutien financierL’aide financière de l’UE (programme Meda1 et 2) vise à assister le Liban dans ses efforts pour entreprendre les réformes et les ajustements nécessaires afin de permettre la mise en oeuvre de l’Accord d’Association entre l’Union Européenne et le Liban. Parallèlement, la coopération des Etats Membres de l’Union Européenne avec le Liban en 2001 s’est attachée à mettre en oeuvre plus rapidement les projets en cours et à approuver de nouveaux projets dans des domaines-clés tels que l’adduction d’eau, l’appui à vie professionnelle et au développement du secteur privé, le renforcement de la formation des droits de l’Homme.. Aides en chiffres: - 916 millions d'euros pour le développement et la reconstruction du Liban depuis 1978. - 417 millions d'euros en dons (de la Commission Européenne dans le cadre des protocoles financiers, du Programme MEDA, principal instrument financier du Partenariat Euro-Méditerranéen, et d'autres lignes budgétaires thématiques). - 499 millions d’euros sous forme de prêts ( 492 millions de la Banque Européenne d'Investissement/BEI et 7 millions de la Commission Européenne à des conditions favorables). Le Liban bénéficie également de programmes de coopération régionale notamment dans le cadre du Partenariat Euro-Méditerranéen. L’assistance financière a été établie selon les priorités suivantes: - Appui à la transition économique, en particulier au secteur privé et au programme de reconstruction. - Renforcement de l'équilibre socio-économique, en particulier la capacité de gestion administrative et autres actions à caractère social (actions en faveur de la réinsertion des déplacés, groupes défavorisés, lutte contre la drogue, formation professionnelle, etc.). La Commission Européenne et le Gouvernement Libanais ont identifié de nombreux projets pour le financement tels que "L'Assistance à la Réhabilitation de l'Administration Libanaise-ARAL"; Le "Programme de Planification de l'Investissement; Le "Fonds de Développement Economique et Social-FDES". Les quatre priorités suivantes ont été identifiées par la Commission Européenne et le Gouvernement Libanais pour la période 2002-2004 (Meda 2): Priorité 1 : Développement du secteur commercial. Priorité 2 : Programme intégré de développement rural pour alléger la pauvreté. Priorité 3 : Soutien à la protection de l'environnement. Priorité 4: Programme TEMPUS de coopération dans l'enseignement supérieur. Les programmes MEDA Régional complètent et renforcent les programmes bilatéraux; ils prévoient la mise en œuvre d'activités dans chacun des trois domaines de la Déclaration de Barcelone, à savoir la dimension politique et de sécurité, la dimension économique et financière et la dimension sociale, culturelle et humaine. Le Liban participe activement à plusieurs de ces programmes régionaux, notamment dans les domaines suivants : - Société de l'Information euro-méditerranéenne. - Elaboration de statistiques régionales harmonisées. - Coopération entre les Chambres de Commerce du nord et du sud de la Méditerranée. - Coopération entre petites et moyennes entreprises euro-méditerranéennes. - Environnement en Méditerranée. - Coopération dans le secteur agricole pour la formation, la promotion de la recherche et la communication des informations scientifiques et techniques dans le contexte de la transition économique Energie. Transports. Télécommunications. Préservation du patrimoine culturel. Echanges entre les jeunes. Coopération audiovisuelle. En outre la Commission Européenne a financé des événements culturels au Liban dans le cadre du Programme MEDA, tels que le Festival du Cinéma européen, le Festival euro-arabe de Jazz, des concerts d'orchestres européens et euro-méditerranéens.. Sans oublier les dif férents prêts obtenus par le Liban7. Concrétisation et illustrations: ☻ L'Union européenne a décidé d'accorder 15 millions d'euros au Liban pour l'aider à renforcer la qualité de ses produits dans le cadre de l'accord d'association euro-méditerranéen. D'une durée de 4 ans, la convention de financement pour ce projet "qualité" a été signée par le ministre libanais de l'Economie Marwan Hamadé et le chef de la délégation de la Commission européenne au Liban Patrick Renauld (novembre 2004). ☻ Il faudrait signaler le programme européen indépendant ELCIM (centre libano-européen pour la modernisation industrielle), d’un montant d’11 millions d’euros, programme qui entend apporter une assistance technique et financière à l’industrie libanaise et préparer le marché libanais au libre-échange en modernisant les entreprises industrielles locales et améliorant leur niveau de production; il vise aussi à diminuer l’écart entre les industries du Sud et celles du Nord, en développant leur compétence et en les rendant plus compétitives. Mis en place en mai 2001, le projet doit être achevé en août 2004. Selon des responsables ses objectifs ont été atteints à près de 75 %. Principalement créé comme support à l’association euro-méditerranéenne, qui doit être mise en place en 2010, le programme ELCIM offre une double assistance aux entreprises industrielles libanaises, exception faite de celles qui s’occupent de tourisme, d’agriculture ou de commerce, comme l'explique le directeur du projet, Patrick Houard-Debraconier. L’assistance technique d’ELCIM profite tant aux sociétés, à titre individuel qu’aux groupes d’entreprises, aux collectivités ou aux institutions publiques. Elle se matérialise, au niveau individuel, dans l’établissement, par des experts libanais et européens, d’un diagnostic de l’entreprise, suivi d’un plan d’action de remise à niveau. ELCIM n'est pas une banque. Elle se charge du dossier et établit les contacts avec les banques, afin d’aider la société intéressée à choisir la source de financement la plus adéquate. Installé à Beyrouth, et possédant des représentants dans les différentes régions de Saïda, Tripoli et Zahlé, ELCIM a tenté, durant ces trois années, de couvrir au mieux l’ensemble des régions libanaises. Les responsables de ce projet notent la difficulté de collaboration entre les villes mais aussi entre les populations de différentes communautés, ainsi que le caractère individualiste du Libanais, traditionnellement plus marchand qu’industriel, ainsi que la solide structure familiale qui prévaut au sein des entreprises libanaises, ce qui a parfois ralenti la mise en place du programme. L'Union européenne affirme que les entreprises libanaises doivent réaliser qu’elles devront faire face à d’importants problèmes si elles ne se décident pas à évoluer et à entamer un programme de modernisation industrielle, afin d’être conformes aux normes européennes, notamment aux standards ISO. Non sans mentionner cette note optimiste: le Libanais est courageux, motivé et ouvert, qualités qui représentent un atout de taille dans sa capacité d’adaptation industrielle. D- Réflexions sur un dépassement du partenariat Euro-Méditerranéen Au risque de virer vers un certain chauvinisme l’on peut dire que pour beaucoup (Libanais ou non) le Liban est plus qu'un pays, il est une idée, un message. Les liens avec l'Europe et notamment la France perdurent depuis le Moyen-Age jusqu'aux temps modernes « contre toutes les épreuves de l'Histoire », comme aiment à dire les francophones libanais. Le peuple libanais, dans une bonne partie, est très européanisé. Souvent considéré comme un pont entre l'Orient et l'Occident, « c'est par on ne sait quelle alchimie, que l'on s'y sent vraiment comme au coeur du monde 8». Je reconnais que c’est plus de la poésie que de l’analyse scientifique.. Mais il fallait passer par là.. Les Libanais attendent beaucoup de l'Europe et l'on peut dire que les dissensions internes disparaissent dès qu'il s'agit de l'Europe. De colonialistes dans le passé pas très lointain9, les rapports avec l'Europe sont maintenant conçus comme rapports d'association. Peut-être ceci est-il dû, entres autres raisons, aux positions politiques de l'Europe, concernant la question palestinienne, caractérisées par une objectivité appréciable. Mais à mes yeux ce regard vers l'Europe prend de nos jours et depuis une dizaine d'années d'autres formes. Ce n'est plus seulement le pôle économique qui domine; ni la position politique. C'est un regard nouveau, humaniste et philosophique. En effet le Liban a vécu dix-sept ans durant une guerre fratricide atroce. Parmi les raisons de cette guerre la lutte entre la tendance pro-européenne et la tendance pro-arabe n’était pas absente. La guerre militaire est terminée mais pour laisser place à d'autres crises.. Parallèlement, si le progrès technologique au niveau de la communication a eu aussi des inconvénients dont par exemple celui de faciliter une mondialisation qui n'a pas réalisé les promesses faites au tiers monde, il a eu au moins l'avantage de faciliter les contacts et d'envahir les intérieurs des ménages dans le fin fond des déserts. L'ouverture se réalisa. Et qui dit ouverture au monde dit dans le cas du Liban ouverture surtout à l'Europe, à nos portes, et notamment à la France, « mère-patrie », ne serait-ce que dans l'imaginaire. Plusieurs éléments y ont aidé: le nombre considérable de diplômés dont une bonne partie font leurs études en Europe; l'immigration libanaise installée depuis longtemps dans tous les continents; la démocratie qui devient heureusement la mode du "siècle". Cette démocratie, du moins dans son sens formel mais oh! combien important, caractérise les pays européens. Le manque de démocratie, la dictature, le parti unique, l'autoritarisme, ce sont des anti-valeurs que les Libanais combattent. Et il faut reconnaître que le Liban est le pays arabe qui se distingue, par rapport à ses voisins de la région, par un respect relatif des libertés publiques et individuelles. Pour toutes ces raisons, j'ose l'affirmer, une bonne partie de Libanais trouvent insuffisants ces accords de partenariat et d'association. Il y a comme un besoin que l'Europe aille plus loin, en particulier avec le Liban. Ils estiment que si l'Europe est le principal partenaire commercial du Liban, et l'un des bailleurs de fonds important qui appuie son programme de modernisation économique, elle présente surtout cette garantie du respect des droits fondamentaux vers l'établissement de libertés démocratiques. Il est vrai que les accords de Taëf10, signés en 1989, ont mis fin à quinze années de guerres mais les causes du conflit sont toujours là11 et ces accords ne sont pas appliqués, dans l'indifférence internationale, ce qui pour beaucoup de Libanais affaiblit le Liban et le livre aux appétits d'Israél. La Syrie aussi est de plus en plus cité comme jouant un rôle important dans le recul des libertés individuelles et publiques au Liban. Les Libanais attendent beaucoup de l'UE, politiquement parlant, puisque cette dernière a elle-même donné le ton dans le dernier accord d'association: d'abord le président de la Commission européenne Romano Prodi avait souligné que l'Union Européenne a fait de sa "politique méditerranéenne" une "priorité absolue". Il est vrai qu'on insiste sur la libéralisation du commerce bilatéral et la libéralisation économique au Liban, mais je pense qu'une lecture calme de l'accord me laisse voir que l'engagement politique passe avant tout. Sinon quel sens donner alors aux exigences de la démocratie qui est évoquée avant la question du libéralisme? quel sens donner à l'appel au respect des droits de l'homme ? à la nécessité d'établir des structures de dialogue et de développer la coopération dans des domaines comme l'éducation, la culture ou la lutte contre la criminalité ? Si l'un des objectifs du partenariat euro-méditerranéen lancé à Barcelone en 1995 est la création d'une zone de libre échange à l'horizon de 2010, ce partenariat devrait étudier les possibilités d'un rapport plus profond, d'une éventuelle fédération à l'horizon 2020 par exemple, dans laquelle entreront les pays méditerranéens qui, suite à des référendums libres et démocratiques, opteraient pour ce choix. Cette éventuelle fédération12 euro-méditerranéenne sera bâtie sur des valeurs essentielles en rapport avec le respect des droits de l'homme, à savoir: la démocratie, la tolérance, le respect de la dignité de la personne humaine, la laïcité. Le Liban, dans un contexte de liberté, optera, j'ose le penser, pour ce choix. Il n'y a pas de séparation totale au Liban entre la religion et l'Etat, mais aucune religion n'est la religion de l'Etat, ni une source constitutionnelle de la loi, contrairement à l'état des lieux dans tout le monde arabe, à des nuances près. S'il n'opte pas pour ce choix il attendra en s'efforçant d'y parvenir. Et l'UE peut d'ores et déjà l'aider à y parvenir13. Ainsi, peut-être, le Liban devancera la Turquie, qui, selon certaines composantes de l'UE ne remplit pas encore les conditions "de démocratie" exigées pour l'entrée dans l'Union européenne. E- Craintes et efforts Cependant ces idées que je lance prématurément se heurtent déjà à de nombreuses craintes. Craintes des intentions réelles de l'UE. Jusqu'où l'UE compte s'ouvrir aux partenaires méditérranéens? Pour les craintifs l'UE se préoccupe surtout d'économie, de chercher des solutions à la question cruciale du terrorisme, de la criminalité organisée, aux contraventions à la propriété intellectuelle, etc. Bref elle est à la recherche de ses propres intérêts. Un nouveau colonialisme, plus subtile, mieux adapté. Ainsi la lutte pour la promotion des droits de l'homme viendrait en dernier et servirait de paravent. Avec les pays méditerranéens il n'est pas question de rêver à un quelconque élargissement. Je ne partage pas cette vision pessimiste. Je crois à un nouvel esprit européen, à une véritable volonté d'ouverture. En ce qui concerne le Liban l'on comprend qu'il y a d'énormes efforts à déployer pour un véritable rapprochement de l'UE. Arrêtons-nous devant quelques idées rapides. L'accord d'association se heurte déjà à beaucoup d'embûches: il évoque la question de la discrimination au travail alors que le Liban n'a pas encore signé la convention 87de l'OIT (constitution libre des syndicats), et son code du travail a besoin d'amendements radicaux. L'accord évoque la protection de la mère et de l'enfant alors que les relations matrimoniales sont régies par les lois relatives à chaque confession, ce qui nous amène à la nécessité d'établir un régime juridique laïc. Que d'autres problèmes encore relatifs à l'établissement d'un Etat de droit: effectivité des textes, besoin de nouvelles législations, indépendance de la magistrature (on a beaucoup parlé récemment de certaines décisions juridictionnelles très politisées, notamment au sujet de l’invalidation de l’élection parlementaire du candidat opposant au régime -et donc à la présence syrienne- Gabriel El Murr). L'Union a noté récemment son mécontentement à l'égard des mécanismes de fonctionnement libanais très lourd: en effet la délégation de la Commission européenne à Beyrouth a publié le 18 Février 2004 un communiqué pour exprimer son mécontentement à la suite du report de la signature d’une convention de financement pour un projet de développement agricole au Liban qui doit bénéficier d’un don européen de 10 millions d’euros. L'Union européenne s’est déclaré « préoccupé par les mécanismes de décision » libanais qui « alourdissent le fonctionnement de la coopération entre l’Union européenne et le Liban ». Pourquoi alors proposer des idées fédératives dans ces conditions? Pour deux raisons: d'abord puisque le Liban a, plus que tout autre pays arabe, et en puissance, une réelle force. Ensuite puisque ces idées forceront le pays à avancer. Merci. °++°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° Le ministre de l’Économie et du Commerce, Marwan Hamadé, le chef de la délégation de la Commission européenne, Patrick Renauld, et le président du Conseil du développement et de la reconstruction, Jamal Itani, ont signé hier au Sérail la convention de financement du projet d’appui à la mise en œuvre de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Liban, en présence du Premier ministre, Rafic Hariri. Le projet d’appui à la mise en œuvre de l’accord d’association est financé par un don de douze millions d’euros. Il vise à appuyer l’Administration et toutes les institutions libanaises concernées par la mise en œuvre de l’accord d’association en leur apportant assistance technique, opportunités pour l’échange d’expériences, formation de personnel et tout autre outil de coopération nécessaire à la réalisation des objectifs de l’accord d’association. Le projet a pour objectif essentiel d’assister le gouvernement libanais dans cet effort. Il appuiera la préparation et la mise en œuvre d’actions de nature variée telles que l’amélioration de l’environnement législatif pour les petites et moyennes entreprises, le fonctionnement des douanes, la mise en place de standards de qualité et l’application des droits de propriété industrielle. La coordination technique et l’exécution administrative du projet seront confiées à une structure rattachée au bureau du Premier ministre, alors que son exécution technique sera confiée à « des points focaux », désignés par les principaux bénéficiaires directs du projet, en l’occurrence les ministères de l’Économie et du Commerce, des Finances, de l’Industrie et de l’Agriculture. L’ambassadeur Renauld a affirmé qu’avec la mise au point d’un calendrier d’application, la convention d’appui à la mise en œuvre de l’Accord d’association repose sur « quelque chose de concret ». Moderniser l’économie Le ministre de l’Économie et du Commerce, Marwan Hamadé, a déclaré pour sa part que le Premier ministre et lui-même veulent réaffirmer leur foi en « un avenir commun arabo-européen et euro-méditerranéen ». Il a souligné qu’avec les partenaires de Bruxelles tout comme avec la délégation de l’UE dirigée par M. Patrick Renauld, le gouvernement œuvrera pour lancer les premières actions concrètes qui doivent être menées dans les prochaines semaines et dans les mois à venir. En ce qui concerne l’Accord d’association entre l’Union européenne et le Liban, M. Hamadé a affirmé qu’il ouvre d’immenses perspectives au pays, estimant qu’il s’agit d’« une occasion pour s’ancrer à un espace qui constitue naturellement son partenaire privilégié et celui du monde arabe ». Selon le ministre de l’Économie, la signature hier de la convention de financement représente « le coup d’envoi véritable d’une opération qui va s’étaler sur plusieurs années et qui va impliquer d’autres soutiens, chiffrés à des dizaines de millions d’euros ». Ces aides « permettront au Liban, secteur public, secteur privé et société civile confondus, de se hisser au niveau de la participation, d’ajuster les lois, d’adopter des mesures de contrôle de qualité, d’instaurer des dialogues, d’améliorer les techniques et les technologies requises dans tous les domaines (commerce, industrie, agriculture, environnement, recherche, justice, enseignement, transport, informations, tourisme, douanes, etc.) », a ajouté M. Hamadé. Il a précisé que le Liban sera ainsi doté d’instruments juridiques, techniques et institutionnels qui lui permettront de profiter au maximum de son accord d’association avec l’Europe. L’Accord d’association va être mis en œuvre dans le cadre d’un plan de travail détaillé et d’un calendrier d’exécution mis au point en collaboration avec M. Renauld et son équipe. Il permettra au Liban de « moderniser son économie et ses institutions et de se repositionner sur la scène économique mondiale », a ajouté le ministre. Période de grâce M. Hamadé a par ailleurs exprimé son souhait de voir un Liban prospère « évoluer au sein de trois cercles de libre-échange : le marché commun arabe, le partenariat Euromed et l’Organisation mondiale du commerce ». L’adhésion du Liban à l’OMC est prévue pour la fin 2004. Enfin, et mis à part la circulation des marchandises, la protection de la propriété intellectuelle et la coopération économique et sectorielle, le Liban devra également instaurer des dialogues politiques, engager des initiatives culturelles et développer des coopérations en matière sociale et financière. En réponse à une question sur les commentaires de M. Renauld concernant la lenteur du processus, M. Hamadé a reconnu qu’il existe des difficultés au niveau du dialogue politique. Il a ajouté que la présence libanaise à la conférence des ministres des AE, en Crète il y a quelques semaines, et sa participation la semaine prochaine à Palerme à la conférence des ministres du Commerce « dissiperont bientôt les craintes de M. Renauld ». Se voulant rassurant quant aux conséquences de l’accord de partenariat sur l’économie nationale, M. Hamadé a affirmé que grâce au traitement privilégié, « le Liban peut profiter de tous les avantages au niveau de la libéralisation du marché ». De plus, il bénéficiera d’une période de grâce au cours de la première phase d’application, où toutes les obligations incomberont à la partie européenne. « Le Liban devra faire ses preuves dans les années à venir », a affirmé M. Hamadé. Le problème se situe en effet au niveau de la qualité des produits. Pour que les producteurs libanais puissent accéder aux marchés européens, des contrôles de qualité doivent être menés. « C’est pour cela que le projet d’appui tombe à point nommé, car il vise à aider le Liban à se préparer aux niveaux économique et technique, ainsi qu’au niveau des secteurs privé et public, pour qu’il profite pleinement des marchés européens », a précisé M. Hamadé. Quant aux critiques adressées il y a quelques jours par le syndicat des fleuristes, lesquels s’estiment lésés par l’accord d’Euromed, M. Hamadé a répondu que « le soutien au secteur des plants et des fleurs est une des priorités pour la première année d’application 1 - Ce papier a un caractère provisoire. Je lui apporterai les corrections et développements nécessaires en vue de la publication dans les Actes de ce colloque. 2 - Fady Nammour, Le cadre juridique des rapports de l'Union Européenne avec le Liban, revue al Adl, 2003, numéro 2 et 3, p. 64 et s. 3 - Trois protocoles ultérieurs sont venus compléter l'accord de 1977, deux conclus le 12 décembre 1980, suite à l'entrée de la Grèce aux Communautés Européennes et un troisième en date du 9 juillet 1987, suite à l'entrée de l'Espagne et du Portugal. 4 - plus de 80% des exportations agricoles libanaises bénéficient de concessions tarifaires. Toutes les personnes physiques et morales du Liban et des Etats membres de la CEE peuvent participer aux adjudications, appels d'offres, marchés et contrats.. Pour les projets dont la valeur estimée est inférieure à 1 million d'UCE, une procédure accélérée peut être utilisée, de manière à faire participer des entreprises libanaises à l'exécution des travaux. 5 - Les 12 Partenaires Méditerranéens situés au Sud et à l'Est de la Méditerranée sont l'Algérie, le Maroc et la Tunisie (Maghreb); l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, l'Autorité Palestinienne et la Syrie (Machrek); Chypre, Malte et la Turquie. La Libye a récemment acquis le statut d'observateur dans certaines réunions. 6 - Le rôle important de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a été souligné. La question des réfugiés et le droit d'asile; la lutte contre l'immigration clandestine et le trafic d'êtres humains; la coopération judiciaire et la lutte contre la criminalité organisée. 7 - Citons à titre d'exemple l'aide de 1,1 million d'euros (signature du contrat en 2003) pour la réhabilitation de la Bibliothèque nationale du Liban. Le projet vise à sauvegarder les collections de la Bibliothèque nationale du Liban et à revitaliser le dépôt légal. Il vise également à préparer la transformation de la BNL, qui est actuellement un département du ministère de la Culture, en un établissement public autonome. Un centre technique va effectuer les travaux de préservation, de conservation et de classement des ouvrages. 8 - Propos de Jean Druart, sur Libanvision.com et encore: « la magie de sa pluralité et la proximité de tant de différences en font un univers plein de découvertes, de nuances et de subtilités. Après tant de blessures, le défi qui s'ouvre désormais à lui est de devenir durablement une terre sereine, modèle de tolérance et de co-existence ».. 9 - C'est pourquoi le projet du grand Moyen Orient sent le nouveau venu. En général on préfère ceux qu'on connaît. Surtout que ce projet se contente de reprendre les idées du "processus de Barcelone". 10 - Quinze ans après ces accords, censés trouver une solution à la crise libanaise, crise de nature essentiellement politico-confessionnelle, les racines du conflit sont toujours présentes. Certains songent justement à une solution à l'américaine.Et c'est pour cette raison qu'une aide-issue à travers l'Union européenne prendra toute son importance. 11 - Il suffit de savoir qu'au Liban il existe 19 communautés religieuses, dont le tribunaux jouissent d'une compétence exclusive en matière de mariage, divorce, adoption.. Ces communautés sont: Les communautés chrétiennes rattachées à Rome : la communauté maronite (qui tire son nom d'un anachorète du IXè siècle, Maron, vivant dans le Nord de la Syrie). La communauté grecque catholique. La communauté arménienne catholique. La communauté syrienne catholique. La communauté chaldéenne. La communauté latine. Les communautés non rattachées à Rome : La communauté grecque orthodoxe. La communauté syrienne orthodoxe. La communauté arménienne géorgienne. La communauté nestorienne. La communauté évangélique. Les communautés musulmanes: La communauté sunnite. La communauté chiite. La communauté druze. Il y a aussi la communauté israélite, la communauté copte. A côté de ces communautés organisées par des lois et décrets, il existe encore deux autres communautés officiellement reconnues mais non organisées en raison de leur faible importance numérique: les Ismaéliens et les Alaouites. 12 - Fédération ici est employée non dans un sens fondamentaliste, positiviste, constitutionnel mais dans un sens associatif, sorte de partenariat radical et spécifique. 13 - La signature de l'accord d'association (le premier ministre libanais en était réjoui) implique l'instauration de mécanismes d'évaluation et de suivis réguliers sur la mise en oeuvre de ces exigences, en s'entraidant par ceux (associations et individus) qui luttent sur le terrain et qui peuvent transmettre la réalité de l'état des lieux. |
![]() | ![]() | «droit privé et droit public des affaires»; membre du conseil d’administration de la Faculté | |
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![]() | «des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité... | ![]() | «Codes Bleus», 14e éd., 2015 (1527 p.). Ce code commenté, qui fait l’objet d’une réédition annuelle, rassemble les textes relatifs... |
![]() | ![]() | «S’il n’y a pas de droit pénal spécial, le droit pénal général serait en réalité un cadre vide». Le droit pénal général est la grammaire... | |
![]() | «introduction générale au droit», auteur : François T; Jean Luc Aubert, collection U«Intro droit et thèmes fondamentaux du droit... | ![]() |