Art du droit et théorie politique de la régulation








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II – L’insuffisance de technique juridique

23. – With or without law. La technique juridique est réputée aride et ardue. Le droit des affaires est souvent son siège voire son avenir59. La crise financière a ainsi montré l’efficacité des techniques juridiques développées dans les banques, et la faiblesse des idées générales des autorités publiques et des considérations de gouvernance. Un parle stabilité financière, surveillance, … Le fin mot des opérations juridiques, clause ou nuance sur laquelle le juriste peut bâtir un marché, échappe au discours administratif et politique. La crise du subprime le démontre. Ce que le droit a perdu en légitimité, les mathématiques l’ont gagné60, sans que le mathématicien ne se reconnaisse responsable, tout le monde s’en souviendra61. Revenons donc au Droit.
Les autorités ont du mal à traiter les techniques juridiques les plus fines. Les raisons culturelles ont été vues. Il y a aussi des raisons stritement techniques, car le Droit repose sur des notions cohérentes et des règles qui n’excluent pas la logique. Or les dirigeants et titulaires de la parole publique ignorent que l’ordre juridique (qui n’est pas la création des juristes !) a ses contraintes propres et que poser une notion ou modifier une règle (un mécanisme ou une opération conventionnelle) pose la question de l’art juridique et, en vérité, de la science juridique.
Pour simplifier, le non-juriste est persuadé que la formulation et le vote d’une règle garantit son application. Il faudrait un autre plume pour expliquer pourquoi une règle a au moins quelques dizaines de raisons (de techniques juridiques) de ne pas s’appliquer. Dans ce jeu, certains juristes jouent un rôle catastrophique, car ils dilatent l’impossibilité d’action. Or l’action juridique est généralement possible. Le système juridique accepte plus facilement certaines solutions et en rejette d’autres, souvent pour leur incohérence, parfois pour des raisons plus nébuleuses, culturelles. L’insuffisante appréhension des mécanismes, opérations et règles (b), mais aussi des notions juridiques (a), dont seulement quelques-unes sont avancés,62 ainsi du déposant à la base même du système bancaire et habillé en consommateur…

a) Des notions et concepts.
24. – a) Des notions et concepts. Des dépôts bancaires et de leur propriétaire ? Un grand problème d’après crise est celui de la banque de dépôts. On souhaite unanimement que le banquier puisse rendre la monnaie déposée – raison pour laquelle on admet les renflouement et assainissements par des structures de defeasance. Pourtant la loi ignore la qualification du déposant ce qui permet à la jurisprudence de le voir tantôt propriétaire63 tantôt créancier64. Le propriétaire peut revendiquer la chose, moyen de droit a priori intéressant65. Pour exprimer le droit en vigueur et le risque, nous qualifions le droit du banquier d’utiliser les dépôts de droit réel d’usage (cela explique le risque réel de non-restitution)66 ; mais ce travail intellectuel ne vaut pas une politique législative claire. L’argent, la monnaie, soit la monnaie scripturale, est essentiellement aujourd’hui de la comptabilité67 « validée » par l’ordre monétaire68 (SEBC). Comment penser la sécurité des déposants quand on hésite sur sa qualification juridique ? Comment assurer cette sécurité quand on ne définit pas la monnaie ? Ce « trou théorique » explique de multiples réactions parasites ou dérives69. En disant cela, on ne vise qu’en passant l’incapacité technique des traités, lois, décrets… Plus profondément, nous dénonçons l’absence d’un système cohérent avec des notions juridiques compréhensibles par tous (y compris par un président de banque qui n’a jamais fait de Droit). L’insuffisance de technique juridique est à la base du système bancaire quand le Code monétaire et financier ne sait pas définir la monnaie parce que la BCE, au vu des traités constitutifs, ne le sait pas davantage.
25. – Le déposant, un consommateur ? Face à l’urgent besoin de protection du client, le voilà qualifié de consommateur. Oublié le déposant, l’investisseur, l’emprunteur… Quel recul « fondamental ». Voilà l’ACP chargée de sa protection ! Passons sur le partage des eaux avec l’AMF… On a démontré il a plusieurs années que l’investisseur est une personne plus fragile que le consommateur. L’investisseur, duquel il faut rapprocher le déposant, donne « tout » à sa banque sans contrepartie immédiate tangible. Le consommateur paye généralement contre une chose. La différence justifie que le déposant ou l’investisseur soit mieux protégé que le consommateur ordinaire. Voilà une ignorance qui, brandie comme un progrès, ne peut être qu’un recul70.
26. – Incertaines notions fondamentales. Marché. Spéculation. Actif. Diverses notions manquent outre la monnaie. Le marché manque à la conception des choses, les actifs à leur identification, la spéculation à leur modération. Réformer c’est d’abord définir, en partie d’autorité, ces outils conceptuels. Sans notions générales et fermes, il ne peut y avoir aucun principe, donc aucune règle générale, donc aucun esprit de la loi ; à peine des règles spéciales, prescriptions pointilleuses et étroites.
On notera d’abord, sans nihilisme, la mauvaise assise de la notion de marché. Outre que certains l’identifient par son organisateur (une personne), il n’est pas assez dit que la notion fondamentale repose sur les contrats (encore eux, le marché étant un simple mode de communication pour les conclure)71. La loi, y compris en France, ne sait pas définir le marché de la finance et ses divers compartiments. Comment réformer la finance sans préalablement la définir !? Comment maîtriser sans définir de façon générale et abstraite ce que l’on entend maîtriser ? Là, le juriste est en partie responsable parce que les catégories des économistes sont assez claires et permettraient une première approche.
Il manque une définition juridique du marché des capitaux : réguler c’est d’abord appréhender. Deux réalités illustrent ce défaut de construction. Malgré divers marchés reconnus (actions, obligations, TCN, contrats financiers…), il y a toujours une technique hors marché ! Si on pose une définition véritablement globale, avec en cas d’innovation délégation générale à l’AMF pour réguler, ce ne peut plus être le cas. Ni à Paris ni à Bruxelles on ne sait faire, le droit anglais encore moins. Malgré la suffisance européenne, les places boursières sont restées sans concurrence pendant des années ; d’un seul coup la MIF a tout changé, sans technique de contrôle, au point qu’à peine transposée on parle de sa réforme72 ! Sans définition générale on a réduit le marché à des systèmes et des systèmes apparaissent partout les autorités étant dépassé, notamment par dark pools. A nouveau, comment réglementer une « bourse », un marché, quand on ignore ce que c’est juridiquement ?
Des incertitudes règnent également pour d’autres notions fondamentales, ou qui semblent l’être telle la spéculation73.
Pour les actifs financiers, l’échec de l’avènement de la notion tient à partie à l’hésitation relative à la catégorie des instruments financiers. Cela a peut-être eu du bon en laissant les titres financiers (valeurs mobilières) sur une réglementation complète. Il existe aujourd’hui au sein des instruments financiers, en France et en Europe, les titres financiers et les contrats financiers (options, futures, dérivés). Bien que nous ayons pensé – en pure théorie – à leur unité fondamentale par la négociabilité, on avait annoncé la survie de ces deux catégories74 ce qu’une loi a clarifié après un rapport de place. Sur un plan pratique le rapprochement n’avait guère d’intérêt. La réforme de l’article L. 212-1 a conforté cette césure. Regroupés ou pas on a cependant bien du mal à savoir ce qu’est un actif, un actif financier75.
27. – De l’appréhension des notions. La pratique actuelle consistant à utiliser des concepts anglais (quand encore il y a concept juridique !) interdit de réglementer sérieusement dans un système de droit écrit de tradition romaine. L’impératif de sélection des notions a deux réalités. Parfois, il faut définir formellement. Parfois, la notion s’entend de façon unanime et il y a plutôt danger à la définir qu’à la laisser évoluer seule et capter de nouvelles réalités. Les notions sont au cœur des mécanismes, opérations juridiques ou règles.

b) Des mécanismes, opérations et règles.
28. – b) Des mécanismes, opérations et règles. Subprimes versus mise en garde. Outre l’ignorance des grandes notions, les administrateurs qui rédigent les lois appréhendent guère les « petits mécanismes juridiques » (aux effets « économiques macro-prudentiels » !). La crise des subprimes a pour origine un prêt doté de deux ou trois clauses originales. Il n’est nul besoin de verbiage américain pour mieux considérer le client.
En France, la mise en garde s’applique désormais assez bien pour les investisseurs, soit ceux qui investissent dans des actifs. La jurisprudence a compris, la MIFID a renforcé les exigences des professionnels et a eu un effet déclencheur. Elle exprime un droit d’assez mauvaise qualité et le progrès réel de protection de l’investisseur reste à prouver. En créant des formulaires, des papiers, à faire signer de tous les clients, les banquiers ont classé en avertis des non-avertis et le problème se posera encore en termes de droit commun, le droit de l’Union n’étant pas assez fin ni précis. Néanmoins, le professionnel est tenu d’une obligation de mise en garde pour la plupart des risques de l’investissement, cela a été jugé avant l’entrée en vigueur de la MIFID76.
Pour le crédit, le professeur LEGEAIS doute de l’efficacité du devoir de mise en garde créé par les juges, en 2005, en matière de crédit77 ; on s’engage dans la voie du « prêt responsable ». En tout cas, il semble que le droit ici applicable n’ait pas favorisé les excès comme on a connu aux Etats-Unis. Les règles sur le surendettement, récemment renforcées, conforte cette situation ; la loi de 1989 avait placé le banquier dans la ligne de mire des commissions de surendettement (C. cons. art. 331-6 et 331-7). L’absence de pratiques déraisonnables a pu tenir en partie à ce que les banquiers avaient conscience qu’un prêt déraisonnable pouvait engager leur responsabilité civile. Naturellement, la vitesse des affaires peut contourner cette situation de droit encourageante. Il suffit de conclure des prêts dont on cède la créance pour un schéma de titrisation ou un autre : celui qui fabrique le risque ne le porte alors plus. Ces moyens sont cependant insuffisants pour certifier qu’un banquier ne développe pas des pratiques peu honnêtes – la surveillance des bilans des banques importe.
29. – De la titrisation ou … de la cession de créance ? Des contrats sur titres, du parking de titres ? La proposition généralement faite de « responsabiliser » les banques dans leurs opérations de titrisation, pour la prendre à sa base, peut surprendre le juriste. La titrisation n’est fondamentalement qu’une cession de créance (d’un actif si vous préférez). La cession est libre. Ce régime de liberté est inspiré de la vente. Cette dernière oblige d’ailleurs le vendeur à garantir assez largement la chose vendue, spécialement si la chose est neuve et vendue par un professionnel.
Dans le bon sens du Code civil, la créance est un peu du vent. La loi ne garantit donc pas la solvabilité du débiteur. Achetez une créance vous ne pouvez pas jurer que vous serez payé. Mais législateur, autorités et ici juristes ont cru devoir assimiler les actifs à des choses, des biens ordinaires, reléguant leur nature profonde de créance (ou de groupe de créance avec parfois quelques droits potestatifs…) et invoquant, pour clore le débat, par un magnifique et illusoire droit de propriété. Depuis que les juristes ont cédé au mimétisme, via la propriété des titres, voire la propriété des actifs, tout le monde a pu oublier le « bon » régime juridique de la cession de créance. On a d’ailleurs – pouvoirs publics et juristes – mis en sommeil la négociabilité qui est pourtant partout… ou même on l’a dissoute dans des « biens négociables », alors que l’idée s’effondre sur elle-même puisque de principe tous les biens sont cessibles et la négociabilité n’a rien à voir avec eux. On voudrait ainsi, d’illusions en illusions, que les actifs « incorporent » à jamais une valeur fixe, sûre. Mais le marché des créances ne sera jamais comparable à l’idée simpliste que l’on se fait du marché des biens (dont les cours sont du reste éminemment variables). Les créances n’auront jamais une valeur fixe, certaine ou sûre. La propriété joue comme un leurre, et ce n’est pas gratuitement que toutes les parties intéressées au développement de la place parisienne l’auront défendue. Les investisseurs auront largement pu y croire ! La créance est pour partie incertitude. Elle est justement cela : un lien personnel contingent de la capacité de paiement du débiteur.
La maîtrise de la titrisation passe d’abord par un rappel de la créance initiale. En réduire les applications pose un problème majeur d’atteinte à la propriété (au sens large de la Convention européenne), puisque vendre c’est user de sa chose. Car plus loin, on n’évitera probablement pas l’émission de titres représentant ces créances. Comment empêcher un émetteur de faire appel public à l’épargne pour obtenir une somme avec laquelle il acquerra lesdites créances ? Quelle que soit la technique juridique, ce procédé est entré dans les mœurs et il semble difficile de revenir en arrière.
La circulation des actifs se pose également quand ils forment dès le début un titre. Les contrats sur titres ont prospéré presque sans limite. Sur le principe, et dans un premier temps, il faut reconnaître la liberté. Mais, dans un second temps, il faut borner la liberté. Nous avions ainsi pu nous étonner de voir toute sortes de contrats su titres apparaître avec le vague assentiment d’autorités de place peu au courant de la technique contractuelle. Mais, en nous écriant « à quand le parking de titres ? »78, sauf quelques citations convenues, nous n’avions peu convaincu que le système juridique se pervertissait à ne faire de place qu’à la liberté, et sans véritable méthode. Or ce travers est au cœur de la crise qui repose sur la diffusion de risques. Or, plus les contrats sur titres son nombreux, peu harmonisés entre eux, et plus les acteurs invoquent quelque originalité pour se soustraire à telle ou telle règle. Ces contrats sont pourtant plus faciles à maîtriser que les fonds communs, indivisions spéciales. Les réglementer suppose aujourd’hui d’appréhender diverses structures (sociétés, fonds d’indivision, trust…) à travers leurs actes juridiques : les contraindre à alerter les souscripteurs des risques et de la nature des actifs. Cela renvoie pour partie à l’information de l’investisseur, qui est loin d’être une mission facile, et à la notation.

30. – L’information de l’investisseur79. Alors que la Directive services en investissement invitait à la responsabilité des vendeurs de titres80, les textes n’ont finalement été véritablement appliqués, dans la rigueur de leur lettre et esprit, qu’en 200881. Auparavant, il aura été difficile de convaincre que les banquiers vendaient à tout-va, sans assez de précaution. Les choses sont en place mais le terrain est fragile, la rigueur du juge varie. On prend là un seul aspect de l’information de l’investisseur. Il y aurait aussi à dire sur la complexité des notices destinées au public ou la communication des autorités de régulation. Pour l’assurance, un aspect au moins nous aura inquiété82 et la jurisprudence a effectivement suivi pour les assurances vie83, où les contrats interrogeaient et où tardivement, la jurisprudence aura appliqué un texte clair et protecteur dont on se refuse à croire qu’il n’aura pas été utilisé par les avocats auparavant… De ces deux points on doit dire que les juristes, à travers les juges, ont pu manquer de vigilance quand leur jurisprudence est tout de même surveillée par les managers… On sort de l’époque où on donnait aux banquiers le Bon Dieu en confession, ainsi qu’à d’autres84.
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