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La capitulation, l’occupation dans la correspondance d’un couple feyzinois (suite) Le 26 Juin, la France a signé l’armistice, le soldat écrit du mas du Noyer près de Figeac (Lot). Peut-être serai-je démobilisé, je le souhaite ardemment. Jamais le temps ne m’a paru si long, ignorant votre sort à tous. Le 29 Juin le soldat écrit : Hier j’ai été envoyé à Figeac par le capitaine commandant le détachement auquel je suis attaché pour servir d’agent de liaison entre ce même détachement et la place de Figeac (n.b. il racontera plus tard que cet officier, patriote et excédé par l’attitude des autres officiers qui paradaient dans les cafés comme s’ils n’étaient pas des vaincus, ne voulait plus aller à Figeac et l’y envoyait aux nouvelles). Profitant de cette occasion j’ai demandé à la Direction des postes s’il serait possible de te téléphoner ou à défaut télégraphier. La seconde solution était seule possible car les relations sont rétablies avec le Département de l’Isère mais avec une telle marge de temps qu’on me l’a déconseillé, je serai donc obligé de me rabattre sur les lettres. Cependant tu pourrais toi-même me télégraphier et m’indiquer très brièvement si vous êtes à Feyzin et en bonne santé. Il parle ensuite d’un mandat de 150 francs dont il n’a touché que le coupon et n’a pu se le faire payer. « Seul le vaguemestre est qualifié pour le faire. Je lui ai écrit par l’intermédiaire du Bureau Central militaire ». Il est donc démuni d’argent comme la plupart de ses camarades. Ce qu’il attend surtout, c’est une proche libération. Le 30 Juin le soldat n’a toujours pas de nouvelles et se demande quelle décision a prise la famille. Sont-ils toujours à Feyzin ? Il demande aussi si l’on peut lui adresser un mandat télégraphique, si les banques fonctionnent. Le 2 Juillet, le soldat n’a toujours pas de nouvelles, comme tous ses camarades, dont la plupart viennent de l’Est, et n’en auront pas peut-être jusqu’à la démobilisation dont ils ne savent ni les modalités, ni la date même approximative ; « Il y a pour la plupart tant de travail à faire chez soi, alors qu’ici c’est l’oisiveté la plus complète. Je ne m’ennuie pas trop, je descends tous les deux jours à Figeac pour servir de liaison entre l’Etat-Major et le régiment auquel je suis rallié. Les officiers qui commandent le détachement sont très gentils et, si ce n’était la nourriture insuffisante et surtout le manque de nouvelles, nous serions relativement bien (…) Les plus malheureux sont certainement les prisonniers qui, eux, ne seront pas libérés avant la conclusion de la paix. Le 4 Juillet, la femme parle de sa joie immense de savoir son mari en bonne santé, ayant reçu ses lettres du 16, de Vierzon et du 26, de Figeac, et donne des nouvelles de la famille. Les Allemands sont ici depuis le 20 Juin. Ils n’ont séjourné que quelques journées dans le pays et maintenant nous ne voyons que les convois qui sillonnent journellement la route nationale. (…) Lorsque tu reviendras, tu auras donc le bonheur de nous retrouver tous réunis (puisque nous ne sommes jamais partis de chez nous) tu retrouveras aussi la maison en bon état et ta situation. Combien de malheureux n’auront pas cette joie, ayant leur famille dispersée, leur maison détruite ou leur situation brisée. Je dois te dire que nous avons travaillé jusqu’au lundi soir mais depuis tout a été arrêté (elle dit les démarches qu’elle a faites pour avoir des commandes, elle n’en n’a obtenu qu’une) mais en revanche tu auras du charronnage à faire, et en grande quantité certainement. Le « retour à la terre » étant d’actualité, les paysans et les artisans ruraux le seront aussi. (puis elle énumère les soldats feyzinois dont on sait où ils sont (Gentil, Nogier, Durdilly, leur beau-frère Alfred), et ceux dont on ne sait rien (Antoine et Henri Gode, Luizet, Gallifet, Janin, Couturier, Comte, Eugène Tournier, Tonin Perraud) Le gendre du père Bélier est prisonnier, ainsi que le fils du père Ballot et un ancien chauffeur de chez Tronel… Le même jour il dit qu’il a lu dans les journaux régionaux que les relations postales ne sont pas rétablies avec les régions occupées. Il a besoin d’argent mais ne sait si elle pourra en envoyer. Le 5 Juillet, elle redit sa joie de revoir bientôt son mari et, sans espoir que tout reprenne comme avant, ajoute : Nous pourrons alors réorganiser notre vie. Combien de familles, hélas, n’auront pas cette joie ? (elle s’inquiète des conditions matérielles de ce « repli », nourriture, linge, chaussures etc.) et conclut : les évènements actuels dépassent tout ce qu’on aurait pu imaginer. Le 6 Juillet, il n’a toujours pas de nouvelles et faim, comme tous ses camarades d’ailleurs. Il y a tellement de gens sans nouvelles qu’ils sont comme perdus au milieu de cette inquiétude collective. Le 7 Juillet, elle indique ses démarches, infructueuses à Feyzin et Saint-Fons pour envoyer un télégramme, ce qu’elle a pu faire à Lyon, sans garantie qu’il arrive ! Elle parle aussi d’un mandat qu’elle a envoyé et annonce qu’elle en enverra un second à la prochaine adresse qu’elle espère obtenir. Le 8 Juillet, elle répète les informations qu’elle a (on ne sait jamais si la lettre précédente est arrivée). Hier nous avons vu arriver les premières troupes françaises regagnant Lyon. Quel plaisir nous avons éprouvé à revoir « nos soldats ». Doudou Besse se trouvait dans un convoi et a eu la chance de pouvoir passer chez lui. Jeudi prochain les troupes françaises vont faire leur entrée officielle dans Lyon, avec le Général Touchon qui reprend son titre de Gouverneur militaire. Nous nous sommes bien promis d’y aller, si nous le pouvons, pour acclamer l’Armée française. (elle raconte ensuite comment ils ont failli partir et sont revenus au bout de cent mètres, réalisant que c’était une erreur) D’ailleurs dans toutes les situations graves il y a toujours un côté drôle. Notre départ en fut un… Le même jour le soldat, toujours sans nouvelles de sa famille et presque sans argent (c’est le cas de la plupart de ses camarades), raconte qu’il va toujours un jour sur deux à Figeac (10 km), se repose ou se promène l’autre jour. Le 10 Juillet, elle a reçu la lettre du 4 et espère un prochain retour : « seront démobilisés entre les 11 et 15 juillet (…) agriculteurs et artisans ruraux des classes de mobilisation 19 à 25 ». Plusieurs régiments sont déjà arrivés à Lyon. (Elle donne encore des nouvelles de soldats parents ou amis qui sont sains et saufs). Si au moins tous nos pauvres soldats avaient cette chance ! Mais hélas, combien ne reviendront pas ! Le même jour il écrit qu’il a été heureux comme il ne l’avait pas été depuis bien longtemps en recevant la lettre du 4, « et quand tu évoques les souffrances que j’ai pu endurer pendant les jours interminables de notre retraite, tu ne te trompes sans doute pas, mais il s’agissait surtout de souffrances morales à la vue de cette cohue de malheureux : femmes, vieillards, enfants, tous exténués et terrorisés par les bombardements ». Le 11 Juillet, pas de nouvelles. Elle raconte qu’elle est allée voir un client. «M. P. m’a déclaré très gentiment : « Vous avez bien travaillé pendant l’absence de votre mari, alors maintenant reposez-vous jusqu’à ce qu’il revienne. » Lui-même peut bien parler ainsi ; il sait qu’il pourra passer à la caisse à la fin du mois. Si nous ne travaillons pas pendant ce temps… Elles sont loin les belles promesses faites pendant la guerre (n.b. ce client avait promis une « reconnaissance éternelle » pour des fournitures faites alors que son entreprise ne travaillait pas pour la Défense). Je profite de l’arrêt momentané de notre commerce pour faire des travaux de couture et tricot que j’avais négligés jusqu’ici faute de temps. Quand il fait beau je m’occupe un peu du jardin. Le travail ne manque jamais. Le même jour, il écrit que maintenant qu’il les sait tous en bonne santé il commence à préparer l’avenir et donne quelques idées auxquelles son père et sa femme ont sans doute déjà pensé : étant donné la pénurie de travail en caisserie, le réserver à ses sœurs, apprendre le charronnage à un ouvrier, trier les déchets, etc. Il demande si sa femme peut envoyer un mandat de 100 ou 200 francs au nom de l’institutrice, qui le lui renverra s’il arrive après son départ. Le 12 Juillet, toujours pas de nouvelles. Je t’attends d’un instant à l’autre, je ne quitte pas la maison, espérant avoir un coup de téléphone (n .b. l’atelier travaillant pour de grosses Sociétés avait le téléphone, le seul du quartier jusque dans les années 50). Nous aurons le temps de parler travail et affaires quand tu seras là. Elle cite les soldats de retour, Grenier, Joly. Le même jour il revient sur sa joie de savoir sa famille et Feyzin épargnés ayant vu beaucoup de destructions dans la zone du Front et hors cette zone, dans la vallée de la Loire : Montluçon, Orléans, Tours, sont presque complètement détruites, Guéret et d’autres villes sans doute. « J’ai la chance inappréciable d’en sortir sain et sauf, et libre (…) Mais je ne considère pas la chose en égoïste. Tu me cites trop de noms familiers de gens qui sont encore dans l’inquiétude, je les plains sincèrement et surtout Lucienne Couturier (n.b. une voisine paysanne dont le frère est prisonnier) parce que, pour elle, la charge est vraiment trop lourde (…) Je regrette aussi que J. Gallifet soit parmi les disparus et j’espère qu’il donnera de ses nouvelles rapidement. (toujours sa stupéfaction de cet effondrement si rapide. L’avant-veille de leur première retraite, il avait encore confiance)…. Le 13 Juillet, elle espère à la fois qu’il est déjà parti et qu’il a reçu son mandat. Elle attend. Le 14 Juillet, elle commente quelques lettres de Juin du soldat qu’elle vient de recevoir. La fille écrit : J’ai assisté au défilé ce matin. Je te raconterai quand tu seras là. Le même jour il dit qu’il n’a pas écrit la veille, « attendant la confirmation de la bonne nouvelle. A moins d’un retard tout-à-fait imprévisible je serai démobilisé demain matin. Nous serons conduits à Figeac dans un centre de rassemblement où nous attendrons des trains. Mais il se pourrait très bien, si je m’aperçois que l’attente risque d’être longue, que je m’embarque à vélo, ce qui me demanderait trois et quatre jours (éloge du vélo, qui lui a rendu de grands services, il espère être à la maison à la fin de la semaine, il se demande aussi où est la tante de Paris). D’autres lettres de la famille disent les mêmes choses. On répétait souvent les mêmes informations pour être sûr qu’elles arrivent. Des télégrammes répètent « toute la famille en bonne santé » Une lettre ultérieure adressée à des amis dit qu’il est parti de Gonesse, 25 km au Nord de Paris, à Figeac (600 km en vélo entre le 12 juin et le 26 juin). Le 10 Août une lettre du personnel du bureau d’ordre de Tulle (Corrèze) qui s’est cotisé pour lui prêter un peu d’argent l’informe : vos lettres et votre mandat sont bien arrivés et nous vous remercions très sincèrement. Cette œuvre que vous qualifiez de généreuse n’est autre qu’un geste spontané de nous tous devant une nécessité et ce geste que beaucoup auraient fait pour vous tous aurait pu rester sans remboursement ; c’est tellement peu que nous sommes ici tout confus d’avoir aussi peu contribué à votre débâcle (bien sincères remerciements et vœux de bonne chance et parfaite santé). Le 25 juillet, la sœur de la femme, boulangère, lui écrit qu’elle passe chaque soir 2 heures à compter les tickets de pain, « c’est bien distrayant » Après l'armistice du 22 juin 1940, les Allemands, par ordonnance, instaurent une censure très sévère. Mais, même si nous ne croyons pas la presse officielle, il faut la lire pour mesurer la propagande que subissent nos parents, l'image que le gouvernement du Maréchal veut donner de lui-même à travers ces grands quotidiens de province qu'il contrôle étroitement. Le Progrès joue sur la typographie et s’exerce au double titrage : en gros caractères les titres imposés par la censure, en plus petits les sous-titres que leur conscience dicte aux rédacteurs : SANGLANTE INCURSION DES AVIONS BRITANIQUES SUR LA REGION PARISIENNE. ON COMPTE JUSQU'A PRESENT 500 MORTS ET 1200 BLESSES. Le Maréchal Pétain décide que la journée des funérailles sera un jour de deuil national. Autre mode de résistance : l’omission : la projection à Lyon du film le Juif Süss ne fera pas l’objet d’un compte-rendu alors qu’on on exalte le théâtre de Molière, « la mesure, le goût et la vérité qui sont les images des libertés françaises », ou d’Edmond Rostand, y compris l’Aiglon, « dont le théâtre se meut toujours dans l’honneur et la dignité ». Il ne donne comme informations religieuses que la présence du clergé autour de Pétain dans les cérémonies officielles, qui illustre leur connivence et correspond à la tendance anticléricale du Progrès au début du siècle. Dans cette information biaisée il faut apprendre à lire entre les lignes : le 17 Juillet « le Reich ne considérera pas Londres comme ville ouverte » signifie qu’elle sera bombardée sans merci. Les journaux s’efforcent de rassurer, maintiennent l’information pratique. Le 18 Juillet « la démobilisation et le retour des réfugiés : six millions de personnes devront être ramenées dans leurs foyers ». Le 19 « à bord des quatre premières péniches rentrées à Lyon en remontant le Rhône. Ces péniches avaient quitté Lyon l’avant-veille de l’Occupation mais, pour la remonte, quel travail : tous les ponts détruits à franchir ! » On comptait sur le ravitaillement fluvial, beaucoup de routes étant coupées par la ligne de démarcation. Le 20, « Pour résorber le chômage le gouvernement étudie un vaste programme de travaux de reconstruction ». Les seules consignes de Vichy volontiers respectées sont les encouragements à la pratique du sport. Chanson des chantiers de jeunesse : une fleur au chapeau, à la bouche une chanson.... Claire image pour une sombre époque. A la convention d’armistice le régime a abandonné aux vainqueurs les réfugiés allemands (Arthur Koestler par exemple), le 22 Juillet, on retire leur nationalité à 15154 étrangers sur environ 500 000 naturalisés depuis 1927, ce qui est passé sous silence. A part ça, les journaux remplissent comme ils peuvent leur devoir d’information politique et militaire. Tous les jours sont rapportés en termes prudents les raids d’avions allemands et la contre-attaque au-dessus de la Manche par l’aviation britannique et le 23 Juillet « l’Angleterre continue la lutte ». Le 24 « le Conseil des Ministres décide que tous les Français qui ont quitté leur pays entre le 10 Mai et le 30 Juin seront déchus de leur nationalité ». Le 25 « le sort des possessions françaises d’Amérique : les Etats-Unis proposent à la conférence panaméricaine de les prendre sous mandat » (n.b. d’après les conditions de l’armistice, les colonies françaises restent du ressort du gouvernement français). Le 27, « la famille a son code » Pétain sera parrain des épouses qui ont eu 15 enfants avec cadeau de l’Etat pour la famille : une boîte de sardine, un petit pain d’épices, un sachet de crème de dattes. (d’après Max Gallo : Pétain en vérité). Le Progrès signale comme « excellentes mesures » : le salaire différé (n. b. contrat des salariés agricoles, logés et nourris à la ferme, payés une fois l’an), la répression de l’avortement, la réglementation de la légitimation et de l’adoption, la protection de la race, la répression de l’outrage aux bonnes mœurs, la lutte contre l’alcoolisme. Le 29, « interdiction de la circulation ferroviaire de la zone libre à la zone occupée ». Le 2 Août « les opérations préliminaires de l’attaque allemande contre la Grande Bretagne : le Reich mène les hostilités avec la même résolution qu’il a fait campagne contre la Pologne et la France ». Et l’on revient à la France : nombreux articles sur les jardins ouvriers et les jardins citadins. Le 3 « projet de dissolution des Sociétés secrètes », « nouvelles restrictions : riz, pâtes, savon, margarine », « les immobilisés : les grands bateaux de transport qui apportaient les charbons et les métaux du nord, qui ne peuvent ni aller à Marseille à cause des ponts écroulés, ni remonter dans la zone occupée », « avec les laveuses du Rhône », « les petits métiers font florès ». Ces articles rappelant la tradition donnent brièvement l’illusion d’une vie normale. Mais le 9 « la Cour suprême de Justice s’est réunie à Riom en audience solennelle », elle aura pour charge de juger les dirigeants d’avant-guerre, déclarés d’avance responsables de la défaite. Le 14, allocution de Pétain « la patience est peut-être aujourd’hui la forme la plus nécessaire du courage », « faisons notre devoir les uns et les autres en toute confiance. Le salut de la France sera la récompense de notre union », « adoption du projet de suppression des Sociétés secrètes », avec exclusion des Francs-Maçons de la fonction publique, ce qui est passé sous silence malgré les consignes de Vichy qui veut des relais pour sa propagande. Le 15 Août « avec les charbonniers de Haute Savoie », le 16 « les métiers qui renaissent : le presseur d’huile » mais « nouveaux et vifs combats entre appareils britanniques et alliés ». Tous les jours on rapporte les bombardements allemands sur l’Angleterre et les soucis quotidiens « quand la cour devient jardin » ou « une photo du Président Herriot devant sa voiture à gazogène ». Gros titres imposés par la censure et sous-titres qui relativisent : le 26, « la destruction de la Grande-Bretagne se poursuit systématiquement, déclare la radio allemande », « pas de dommages très importants indique le communiqué britannique ». Les lecteurs croient ce qu’ils ont envie de croire. Ou d’espérer. Pour lutter contre le désarroi, l’angoisse diffuse, Le Progrès tire des leçons de morale à partir des faits divers et multiplie, comme dans les éditoriaux-billets d'Émile Brémond ou de Rémy Roure, les appels à la patience et au courage. Il essaie de divertir par les feuilletons et les jeux, donne des conseils alimentaires, hygiéniques et médicaux (dans Hippocrate dit oui), Le 11 septembre, recette de la confiture sans sucre, 30 Novembre premières recettes de topinambours. Le 24 octobre 40 lors de l’entrevue Hitler-Pétain, flanqué de Pierre Laval, à Montoire, il est convenu que la France doit participer de son plein gré à l’effort de guerre allemand. Le 11 décembre Pétain vient à Lyon. Dès le 30 octobre, au terme d'un discours radiodiffusé, le maréchal Pétain a invité les Français à collaborer avec l’Allemagne. Le 12 Novembre, Le Progrès donne des informations économiques sur la zone occupée. Ce ton normal, visant à rassurer les lecteurs, est-il efficace ? De toute façon le 13 Novembre, il faut bien dire que les principaux groupements ouvriers et patronaux sont dissouts. Le Progrès, qui s’oriente vers la Résistance, doit sans cesse ruser avec les consignes de la censure. Ses silences aussi peuvent prendre un sens pour les lecteurs avertis, auditeurs de Londres ou de radio Sottens, ou premiers lecteurs de la presse clandestine qui grandit, un peu sous la protection du quotidien lyonnais qui fournit du papier, du plomb et au besoin une efficace boîte aux lettres et un refuge (on « traboule » beaucoup du hall de la rue de la République à la rue Belle-Cordière). Il faut lire entre les lignes. Par contraste avec les chaleureuses approbations du Nouvelliste ou du Lyon Républicain, Le Progrès fait silence sur les subventions à l'école libre, la fermeture des loges maçonniques, les révocations d'enseignants, les premières manifestations d'antisémitisme. Toutes ces distances que Le Progrès prend ainsi avec Vichy et sa politique sont-elles perçues et comprises des lecteurs d'alors ? Difficilement, une information qui n’est pas donnée, même si ne pas la donner est un acte de désobéissance, est une information que la plus grande partie de la population ne sait pas, ou ne croit pas. En zone Sud, l’Etat décrète qu'il est interdit d'employer la formule " le gouvernement de Vichy " car il n'y a selon lui qu'un seul gouvernement, "le gouvernement français ". Les quotidiens parisiens repliés en zone sud sont frappés par les pénuries de papier, d’où baisse de pagination et de diffusion. La presse est rationnée : cinq fois moins de papier en 1943 qu’en 1938. Les subventions des autorités allemandes ou de Vichy équilibrent les comptes moyennant un encadrement très ferme qui passe par la répartition du peu de papier disponible au travers du Comité d’organisation des industries, arts et commerces du livre (COIACL). En zone Nord, l’ordonnance du 8 Octobre 1940 impose aux personnes souhaitant fonder un journal de fournir des preuves de leur "aryanité" depuis au moins trois générations. Trop indépendant de Pétain, Laval est disgracié, remplacé par Flandin puis Darlan avec la même politique. Il est même arrêté, mais le 27.12.1940 Otto Abetz débarque à l’hôtel Sévigné à Vichy, avec une douzaine de SS, menace Pétain et fait libérer Laval destitué le 13.12. D’où l’idée d’un double jeu de Pétain, qui renâcle à prôner la collaboration. Pas Laval. Abetz qui l’a fait libérer, l’emmène à Paris où il vivra sous la protection de l’armée allemande. Flandin n’est ministre que deux mois, Darlan lui succède le 2 Février 41. La vague d'attentats se prolonge jusqu'au mois de Novembre et déclenche un processus de représailles consistant en l'exécution d'otages juifs ou communistes. L'escalade des représailles culmine, le 22 octobre, avec la mise à mort de vingt-deux internés du camp de Chateaubriant, parmi lesquels le syndicaliste Jean-Pierre Timbaud et le jeune Guy Môquet, 17 ans, fils d'un député communiste. Ce n'est pas la première fois que les Allemands fusillent dans la France occupée, mais jusqu'alors les victimes avaient été reconnus coupables au regard de la loi allemande, alors que certains internés de Châteaubriant n’étaient coupables qu’au regard de la loi française, pour avoir perpétré des sabotages avant la capitulation. Le premier Statut des Juifs du 3 Octobre 1940, interdit aux Juifs français d'exercer un certain nombre de professions (fonctionnaire, journaliste, dirigeant de certaines entreprises, etc.), et la loi du 4 Octobre sur les « ressortissants étrangers de race juive » prévoit d'enfermer les étrangers juifs dans des camps d’internement au sud du pays où ils seront rejoints par des convois de Juifs déportés par les Allemands depuis des régions que le IIIe Reich considère comme définitivement annexées, comme l'Alsace, la Lorraine et même la Belgique. 50 % de la communauté juive est privée des moyens d’existence normaux, tant en vertu des lois de Vichy que des ordonnances allemandes. Après les minorités, on s’occupe des femmes : le 17 Décembre, il y a quelques femmes dans les Conseils Municipaux, maintenant nommés en non élus : c’est en vertu de leurs qualités traditionnelles qu’elles entrent dans les Conseils Municipaux, qualifiés d’assemblée ménagère ! C’est vrai que les tâches qui leur sont laissées ressortent plutôt du service aux autorités que de véritables choix pour la commune. Déjà banni de la ville par le Gouvernement, Herriot n’est plus maire par décret paru au J.O. et relayé par la presse le 20.12. |
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