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Tribunal administratif N° 35489 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2014 3e chambre Audience publique du 16 décembre 2015 Recours formé par la société anonyme ... S.A., … contre des bulletins et contre une décision du bureau d’imposition en matière d’impôts ___________________________________________________________________________ JUGEMENTVu la requête inscrite sous le numéro 35489 du rôle et déposée le 21 novembre 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Stéphane Ebel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit luxembourgeois ... S.A., ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son administrateur unique actuellement en fonctions, tendant à la réformation :
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2015 ; Vu le mémoire réplique déposé par Maître Stéphane Ebel au nom et pour le compte de la société anonyme ... S.A. en date du 6 mars 2015 au greffe du tribunal administratif ; Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ; Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Stéphane Ebel et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou Thill en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 novembre 2015. ___________________________________________________________________________ Par un courrier de sa fiduciaire du 15 juin 2012, Monsieur ..., résident en Belgique, soumit au bureau d’imposition Sociétés … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », un projet suivant lequel il entendait constituer une société de droit luxembourgeois, dénommée ... S.A., ci après désignée par « la société ... », à laquelle il entendait apporter son savoir faire, qu’il proposait de voir considérer comme apport de capital caché correspondant à 80% du bénéfice commercial, de manière à conclure que 80% des dividendes devraient être considérés comme un remboursement de capital ne subissant aucune retenue à la source luxembourgeoise, et sollicita l’accord du bureau d’imposition avec cette interprétation de la loi fiscale luxembourgeoise. Par un courrier du 28 janvier 2013, le préposé du bureau d’imposition répondit de la manière suivante : « En référence à votre lettre du 18 juin 2012 concernant ... S.A., je confirme par la présente que les conséquences fiscales mentionnées dans votre courrier sont conformes à la législation fiscale et à la position administrative en vigueur. Il est bien entendu que ma confirmation ne peut être utilisée que dans le cadre de la présente structure et que les principes détaillés dans votre lettre ne sont pas transposables ipso facto à d’autres cas d’espèce. » Par un courrier du 22 novembre 2013, le bureau d’imposition informa la société ... de ce qu’il avait l’intention, en application du paragraphe 205, paragraphe (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », de s’écarter de la déclaration fiscale pour l’année 2012 au motif suivant : « La contribution en capital caché à raison de 80% n’a pu être retenue par le bureau d’imposition Sociétés …. En effet, en cas d’apport caché, le bureau d’imposition Sociétés … préfère se baser sur une étude effectuée par un tiers indépendant, alors que l’approche forfaitaire a été fournie par la fiduciaire même de la société « ... S.A. ». En date du 15 janvier 2014, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société ... le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2012, ci-après désigné par « le bulletin IRC », ainsi que le bulletin de l’impôt commercial communal de la même année, ci-après désigné par « le bulletin ICC », le bulletin IRC mentionnant plus particulièrement que l’imposition a été effectuée conformément à la prédite lettre du 22 novembre 2013 et que l’étude de valorisation d’un apport caché, entre-temps fournie, aurait été jugée insuffisante puisqu’elle n’apporterait pas d’éléments nouveaux par rapport à l’étude déjà présentée antérieurement. Par un courrier du 6 février 2014, la société ... s’adressa par l’intermédiaire de son mandataire au bureau d’imposition par rapport aux prédits bulletins d’imposition. Par un courrier du 14 février 2014, le bureau d’imposition prit position comme suit : « En réponse au courrier nous adressé par l'« Etude Duvieusart Ebel » en date du 6 février 2014, je vous informe que le bureau d'imposition Sociétés … n'envisage pas de reconnaître l'apport caché tel que présenté par la fiduciaire … le 4 novembre 2013 respectivement l'étude fournie par « … S.A. » le 5 décembre 2013. Le bureau d'imposition Sociétés … a confirmé en date du 28 janvier 2013 le traitement fiscal proposé par la société « … s.à r.l. » (courrier du 15 juin 2012) en l'absence d'une étude de valorisation du savoir-faire de M. .... Comme le bureau d'imposition est de plein droit de vérifier la véracité des éléments décrits dans la demande de traitement fiscal du 15 juin 2012, cette étude de valorisation a été demandée dans le cadre de l'imposition de l'année 2012. D'abord une étude a été produite par la fiduciaire-même, une étude que le bureau d'imposition n'a pas acceptée vu qu'elle n'a pas été faite par un expert ou un tiers indépendant. Une deuxième étude a donc été livrée par la société « … S.A. ». Cependant cette étude n'apporte pas d'éléments nouveaux en la comparant à la première étude. Je vous rappelle que la preuve des faits libérant de l'obligation fiscale ou réduisant la cote d'impôt appartient au contribuable (§ 170 et suivants de la L.G.I. et art. 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives). Il appartient donc à votre société de justifier l'apport caché annuel à raison de 80% par une étude satisfaisante. En l'absence d'une telle justification le bureau d'imposition Sociétés … estime que la restructuration par M. ... est menée avec la seule intention d'éviter l'impôt par le montage d'une structure artificielle c'est-à-dire motivée principalement à des fins de considérations fiscales (voir également le §6 StAnpG). De ce fait le bureau d'imposition Sociétés … n'est pas tenu de se conformer à l'accord fiscal obtenu le 28 janvier 2013 (§ 96 L.G.I.). Compte tenu de ce qui procède, le bureau d'imposition ne procédera pas à une imposition rectificative suivant § 94 L.G.I. de l'année en question. Je vous rends également attentif au fait que la retenue sur tantièmes est de 20%, c'est-à-dire que la reconnaissance de 80% des tantièmes en tant que capital fiscal n'est pas acceptée non plus (voir art. 91 al.1 n°2 et 152 titre 2 L.LR.). Au cas où vous ne seriez pas d'accord avec la décision prise par le bureau d'imposition Sociétés …, je vous prie d'envoyer une lettre de réclamation au directeur de l'Administration des contributions directes (§ 228 L.G.I.). » Par un courrier du 4 avril 2014, la société ... fit introduire une réclamation contre les prédits bulletins ainsi que contre la décision du 14 février 2014 auprès du directeur de l’administration des contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ». A défaut de réponse du directeur suite à cette réclamation, la société ... a fait introduire, par requête déposée le 21 novembre 2014 au greffe du tribunal administratif, un recours en réformation contre le bulletin IRC des collectivités de l’année 2012, contre le bulletin ICC de la même année et contre la décision du bureau d’imposition du 14 février 2014. Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les bulletins et contre la décision du 14 février 2014. Ledit recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délais de la loi. A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir rappelé les différentes étapes de la procédure ayant mené aux bulletins et à la décision du bureau d’imposition qui sont déférés, fait état de deux ordres de moyens. Premièrement, elle s’empare de l’existence d’un accord préalable obtenu le 28 janvier 2013 de la part du préposé du bureau d’imposition tendant à la reconnaissance, au titre de chacun des exercices à compter de l’exercice 2012, d’un apport caché en know-how octroyé par son actionnaire unique, Monsieur ..., et qui lierait l’administration, en faisant valoir qu’elle aurait clairement et de façon complète exposé son cas d’imposition, que la réponse de l’administration émanerait d’un fonctionnaire ayant les pouvoirs nécessaires et que la réponse de l’administration telle qu’elle avait été donnée aurait été formulée sans réserves particulières. Deuxièmement, la demanderesse conclut à la reconnaissance de l’apport caché litigieux, en se référant à l’article 18 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 sur l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « L.I.R. », en faisant valoir que tant suivant la jurisprudence que suivant la doctrine, un actionnaire cédant à une société des biens économiques gratuitement ou à un prix anormalement bas effectuerait un apport caché. Cet apport caché s’analyserait en la différence entre la valeur de marché des biens transférés et la contrepartie reçue au titre des biens apportés, étant entendu que le know-how apporté en l’espèce par Monsieur ... l’aurait été sans contrepartie autre que le droit aux dividendes et les tantièmes dans le cadre d’un « know-how licence agreement ». La demanderesse fait valoir que suite à la demande afférente du bureau d’imposition une étude effectuée par un tiers indépendant aurait été fournie par la société ... S.A. le 5 décembre 2013. Pourtant le bureau d’imposition aurait procédé à l’imposition en retenant que l’étude de valorisation de l’apport caché serait jugée insuffisante. La demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir rejeté les études fournies par elle, sans toutefois exposer en quoi celles-ci seraient insuffisantes et sans exposer les points sur lesquels il souhaiterait des explications. Elle se trouverait dès lors dans la situation où le bénéfice de l’accord préalable accordé serait refusé sans raison exprimée de manière claire et valable et partant sans motivation, ce qui l’empêcherait de se positionner utilement. Elle souligne que sa réclamation auprès du directeur aurait été accompagnée d’une nouvelle étude de valorisation établie par la même société ... S.A. le 12 mars 2014, présentant plusieurs méthodes différentes de valorisation de l’apport caché et permettant de justifier de façon supplémentaire la fixation de la reconnaissance de l’apport caché à hauteur de 80% de ses revenus nets. Elle souligne que chacune de ces méthodes de valorisation conduirait à valoriser le know-how à plus de 80% du chiffre d’affaires, soit à un montant excédant même le pourcentage visé par elle. Elle donne encore à considérer que cette étude serait plus particulièrement fondée sur l’ouvrage de l’OCDE intitulé Valuation of Intangibles for Transfer Purposes 2011. Comme le directeur ne s’est pas prononcé suite à sa réclamation, cette nouvelle étude n’aurait pas du tout été prise en considération par l’administration des contributions. Afin d’illustrer la réalité de l’apport du know-how fourni par Monsieur ..., la demanderesse précise qu’elle aurait conclu un contrat avec la société belge …, dont l’objet social serait la recherche de financements à long terme pour des maisons de repos, contrat conclu intuitu personae en considération de la personne de Monsieur ..., et partant pour son know-how spécifique. Par rapport à la motivation fournie par le bureau d’imposition dans son courrier du 14 février 2014 et fondée sur la théorie de l’abus de droit sur base du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, maintenue en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », la demanderesse fait valoir que l’administration n’apporterait pas la preuve d’un tel abus de droit, en soulignant que son actionnaire et administrateur unique l’aurait constitué pour des raisons patrimoniales, de sécurisation entre ses différentes activités et de limitation de la responsabilité. Le délégué du gouvernement pour sa part, tout en admettant la signature d’un accord fiscal du 28 janvier 2013, fait valoir que cet accord aurait porté sur le traitement fiscal d’un apport caché de savoir-faire que la demanderesse aurait souhaité apporter dans son patrimoine d’exploitation afin de l’amortir au fur et à mesure des années à venir et fait valoir que cet accord fiscal n’aurait présenté aucune particularité, tout comme la structure envisagée dans l’accord fiscal. De ce fait, le bureau d’imposition n’aurait pas jugé nécessaire de consigner par écrit qu’une étude élaborée par une partie tierce serait indispensable afin d’être en mesure de vérifier et d’analyser le bien-fondé et la vraie nature des idées à la base de la confirmation préalable de la structure projetée, une telle condition ayant, d’après le délégué du gouvernement, été évidente. Après coup, le bureau d’imposition se serait rendu compte lors d’un contrôle de la déclaration fiscale et une fois en possession de l’ensemble des documents et justificatifs nécessaires à retracer la structure et les idées ayant incité Monsieur ... à l’instaurer, que le seul but de ce dernier, résident belge, seul associé et administrateur, étant de par sa profession un expert hautement qualifié en matière d’assurance et de réassurance, aurait été celui de se procurer d’importants avantages fiscaux en procédant à la création d’une entreprise de nationalité luxembourgeoise dans laquelle il serait à même d’incorporer, moyennant un apport caché en principe fiscalement neutre, un goodwill composé de son propre savoir-faire professionnel, qui, au fur et à mesure des années, devrait être amorti à raison de 80% des recettes brutes, de manière à aboutir à un résultat fiscal se chiffrant à pas plus de 20% de la base imposable initiale. Face à cette découverte, le bureau d’imposition aurait dû refuser de faire droit à la demande de la demanderesse. S’agissant des études produites par la demanderesse, le délégué du gouvernement souligne qu’elles auraient été élaborées, à titre amical, par un confrère de Monsieur .... Lors d’un contrôle interne au sein de l’administration des contributions directes mené par un expert en la matière au sein de la division économique, il se serait avéré que les deux études se seraient révélées peu pertinentes et probantes et cela non seulement par leur degré de professionnalisme, mais aussi par les méthodes sélectionnées pour arriver à la valeur souhaitée du goodwill. Le délégué du gouvernement passe ensuite en revue les critères de l’abus de droit au sens du paragraphe 6 StAnpG tels que retenus par la jurisprudence en la matière et soutient qu’on serait en présence de la création d’une société de droit luxembourgeois et de la tentative par une personne physique, résidente belge, d’apporter un goodwill basé de facto uniquement sur ses propres connaissances et expériences professionnelles, afin de le monnayer à travers sa société nouvellement créée, de sorte que le premier critère tenant à l’utilisation de formes et d’institutions de droit privé se trouverait vérifié. Quant au critère de la recherche d’une économie d’impôt, celui-ci serait également rempli dans la mesure où une économie d’impôt à raison de 80% pourrait être réalisée à l’aide de la construction artificielle. La structure ne générerait d’ailleurs pas uniquement une économie d’impôt au niveau de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal, mais procurerait ce même avantage au niveau de la retenue d’impôt sur les tantièmes à verser à l’administrateur unique de la société, sans y compter les avantages réalisés au niveau de l’imposition en Belgique. S’agissant du troisième critère tenant à l’usage d’une voie inadéquate, le délégué du gouvernement donne à considérer que la demanderesse ne serait dirigée que par un seul associé et administrateur, qui, de surcroît, ne l’utiliserait que pour offrir les services professionnels qu’il aurait, avant la constitution de la demanderesse, offert d’une manière tout à fait pareille et semblable à sa clientèle. La clientèle s’orienterait en effet vers les qualités des services professionnels offerts par l’associé de la demanderesse et cette dernière, venant tout juste d’être créée, ne jouerait pas le moindre rôle dans ce mécanisme. Elle ne constituerait qu’une société intermédiaire dont la seule fonction consisterait dans la facturation et le rassemblement efficace et hors de la Belgique de l’ensemble des flux monétaires. S’y ajouterait qu’à défaut de personnel et à défaut de toute substance réelle, elle ne pourrait pas exister sans son associé et instigateur unique. Pareillement, la clientèle serait prête à payer les mêmes tarifs stipulés, de sorte que sur le plan purement économique, la raison d’être de la demanderesse serait dénuée de sens. Le délégué du gouvernement ajoute que conformément à ses recherches effectuées sur internet, la demanderesse n’y serait pas trouvable, tandis que Monsieur ... serait particulièrement présent, constat à partir duquel le délégué du gouvernement soulève la question de savoir si l’intention réelle de la demanderesse est celle d’édifier une clientèle ou si sa réelle raison d’être ne se situe pas à un autre niveau, en l’occurrence sur le plan fiscal. Le délégué du gouvernement argumente ensuite que le goodwill n’aurait en principe pas vocation à représenter tout le capital immatériel dans le bilan, mais aurait plutôt pour fonction de rapprocher l’actif de sa valeur de marché. Il soulève dès lors dans ce contexte la question de savoir de quelle manière une société nouvellement créée pourrait disposer d’un goodwill, sauf à apporter un poste factice à l’actif dans le seul objectif de l’amortir par la suite et d’en faire un contrepoids destiné à contrebouter les recettes monétaires. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse souligne avoir clairement exposé son cas avant de demander un accord préalable au bureau d’imposition, de sorte que l’administration se serait prononcée en pleine connaissance de cause. Elle ajoute que le principe de sécurité juridique aurait dû commander à l’administration de demander toute information lui permettant de donner sa position. Quant à l’objectif poursuivi par elle au moment de sa constitution, la demanderesse donne à considérer que celui-ci tiendrait à la ségrégation des risques en matière patrimoniale entre Monsieur ... et son épouse, par opposition à d’autres structures exploitées par lui-même dans lesquelles son épouse et/ou sa fille seraient présentes. Quant au choix du Luxembourg, celui-ci aurait été fait pour des motifs tenant à la place financière elle-même, puisqu’elle aurait encore d’autres ambitions au Luxembourg, entre autre à travers sa filiale ... S.A., et souhaiterait se lancer dans l’activité de gestion des captives de réassurance, activité qui n’existerait, en Europe, qu’au Grand-Duché de Luxembourg et à Malte, et pour laquelle cette société aurait obtenu le statut de professionnel du secteur des assurances, d’ailleurs grâce aux compétences de son actionnaire. Elle souligne encore que cette société disposerait bien d’un site internet et d’un numéro de téléphone puisqu’elle opérerait suivant un autre modèle commercial qu’elle-même et pour laquelle une certaine visibilité serait importante. Elle conteste ensuite être une société sans substance, en faisant valoir qu’elle aurait depuis sa constitution loué des bureaux. Par ailleurs, la demanderesse conteste que les conditions de l’abus de droit sont remplies dans son chef. S’agissant du rôle de Monsieur ..., elle fait valoir que jusqu’au 1er septembre 2012, celui-ci aurait été le président du comité de direction de ... en Belgique et qu’à ce titre, il aurait été en charge de la supervision des filiales du groupe, notamment au Grand-Duché du Luxembourg, et n’aurait eu aucune activité personnelle de consultance en dehors de ce groupe. La demanderesse déclare qu’elle aurait été créée dans le cadre de l’organisation des nouvelles activités de Monsieur ... suite à son départ du groupe .... Les motifs à la base de sa constitution seraient des motifs extra-fiscaux tenant notamment au statut de la place financière luxembourgeoise et à la velléité du développement futur des activités en relation avec les captives de réassurance. Par rapport aux contestations sur l’existence d’un goodwill amortissable fiscalement, la demanderesse fait valoir que le goodwill constituerait la différence entre la valeur comptable d’une entreprise et la valeur de son patrimoine. Tout en admettant qu’une société nouvellement constituée ne disposerait a priori pas de goodwill, elle fait valoir que sa situation serait autre puisque la réalisation d’un chiffre d’affaires et d’un bénéfice dès le premier exercice dans les proportions telles que constatées en l’espèce démontrerait à l’évidence l’existence d’une survaleur excédant la valeur de son patrimoine, et qui serait représentée par le know-how de Monsieur ... mis à sa disposition sans contrepartie. Elle fait valoir que la division économique de l’administration des contributions directes aurait elle-même reconnu l’existence d’un apport non rémunéré par Monsieur ..., et aurait pareillement reconnu que ce goodwill trouve sa source dans les prestations de services rendues par Monsieur ... dans le cadre du « know-how licence agreement » signé en l’espèce. Elle souligne que le savoir-faire de Monsieur ... serait constitué non seulement de méthodes, mais aussi d’une clientèle potentielle, de la connaissance des besoins de cette clientèle en matière d’actuariat, de normes Solvency 2 etc., et d’un carnet d’adresses résultant de son travail des dernières années consistant à occuper des fonctions de management d’importants groupes. Dès lors, la demanderesse conclut que sa valeur intrinsèque excèderait sa valeur strictement bilantère et cela grâce à l’apport à titre gratuit du savoir-faire personnel de Monsieur .... Si ce dernier était remplacé par un actionnaire sans expérience, son chiffre d’affaires serait d’ailleurs diminué considérablement. La demanderesse s’interroge encore sur la pertinence de la position de l’administration puisque la conclusion de l’accord préalable lui aurait permis de conserver une base imposable dans la mesure où la déduction porterait sur les revenus nets de la société et ne créerait ainsi aucune perte fiscale. En revanche, s’il avait été décidé d’activer fiscalement un goodwill amortissable sur dix ans, la société aurait pu présenter des pertes fiscales. Par rapport à la question de la valorisation de ce goodwill, la demanderesse conteste les conclusions du rapport de la division économique suivant lesquelles il faudrait tenir compte de la circonstance que le « know-how licence agreement » ne serait pas conclu à titre exclusif et qu’il pourrait être résilié avec un préavis de trois mois et fait valoir que l’apport caché serait annuel et serait donc constaté chaque année à la lumière du chiffre d’affaires effectivement réalisé. Elle ajoute que la déduction notionnelle d’un montant forfaitaire de 80% des revenus nets exclurait la réalisation de pertes fiscales du fait de l’amortissement du goodwill. Elle critique encore le rapport de la division économique précité en ce qu’il met en doute les différentes méthodes de valorisation se dégageant des études d’évaluation produites par elle, sans qu’il ne précise de quelle manière et selon quelle méthode le goodwill pourrait être évalué. Les contestations des méthodes de calcul utilisées dans les études d’évaluation fournies par elles seraient d’autant plus surprenantes que celles-ci se référeraient à l’ouvrage de l’OCDE, intitulé Valuation and exploitation of intellectual property 2011. Dans ce contexte, la demanderesse se réfère encore à un ouvrage de la doctrine belge en matière de prix de transfert. S’agissant du premier moyen invoqué par la demanderesse et fondé sur l’existence d’un accord liant l’administration, force est de constater que suivant la législation applicable au courant de l’année d’imposition litigieuse, les conditions d’une décision préalable de l’administration sur un cas d’imposition individuel n’étaient pas réglementées. Toutefois les conditions et la portée d’un tel accord préalable peuvent être déterminées sur le fondement du principe général du droit de la confiance légitime et de sécurité juridique. En effet, pour des raisons tenant au respect du principe de sécurité juridique, il faut que les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse soient tenues d’honorer les expectatives ainsi créées. Dans cette hypothèse, la réponse personnelle que l’administration fiscale aura donnée le cas échéant au contribuable liera celle-ci à ce dernier1 si des conditions déterminées sont réunies.23 Ainsi, le contribuable doit d’abord avoir posé une question par écrit de façon à permettre à l’administration fiscale d’analyser convenablement la situation exposée par le contribuable. Le contribuable doit plus particulièrement avoir exposé clairement son cas et de façon complète, de façon à mettre l’administration en état de se prononcer en pleine connaissance de cause. La réponse individuelle fournie doit ensuite émaner d’un fonctionnaire compétent, ou à tout le moins d’un fonctionnaire dont le contribuable a légitimement pu croire qu’il était investi des pouvoirs suffisants. L’administration doit encore avoir voulu se lier par les renseignements donné au contribuable, c’est-à-dire que la réponse fournie l’aura été sans restrictions ni réserves ; enfin, les renseignements fournis par l’administration doivent avoir eu une influence déterminante sur le contribuable. Force est de constater qu’il se dégage du courrier du 15 juin 2012 adressé par la fiduciaire de l’époque de Monsieur ... et de la demanderesse à l’administration que le cas d’imposition a été exposé de façon détaillée, la fixation forfaitaire à hauteur de 80 % des bénéfices nets de l’apport caché sur les 10 ans à venir, actuellement critiquée par la partie étatique, y figurant, la fiduciaire ayant plus particulièrement expliqué le choix de procéder par une évaluation forfaitaire de la valeur de l’apport caché à hauteur de 80 % par la considération que la détermination d’un montant fixe serait difficile à évaluer, et qu’une évaluation commerciale en vertu d’un certain pourcentage des revenus annuels de la société serait préférable. Après avoir expliqué en détail la structure qui allait être mise en place, la fiduciaire a repris en résumé les idées de base comme suit : « - ... S.A. bénéficie d’un apport caché, estimé à 80 % des bénéfices nets avant impôts, résultant de l’exploitation de droit de propriété intellectuelle. Cet apport caché sera déductible chaque année du revenu imposable à l’IRC et à l’ICC.
Le tribunal est dès lors amené à retenir que la première condition décrite ci-dessus et tenant à l’exposé clair du cas d’imposition se trouve vérifiée. D’autre part, il n’est pas contesté par la partie étatique que la réponse fournie émane d’un fonctionnaire compétent pour ce faire. S’agissant de la condition tenant à la volonté de l’administration de se lier, le préposé du bureau d’imposition a confirmé que « les conséquences fiscales mentionnées dans [le courrier du 15 juin 2012] sont conformes à la législation fiscale et à la position administrative en vigueur », de manière à conforter la demanderesse de ce que la structure qui allait être mise en place et le mode d’imposition proposé est conforme à la loi, sans que le préposé du bureau d’imposition n’ait formulé une quelconque réserve, la seule réserve formulée étant celle relative au constat que cette confirmation ne couvre pas d’autres structures et est limitée au seul cas de l’espèce. Enfin, le tribunal constate que les renseignements ainsi donnés ont eu une influence déterminante sur le contribuable, étant donné que la structure telle qu’elle a été exposée dans le cadre du courrier précitée du 15 juin 2015 a été mise en place par la suite. Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’administration fiscale est tenue à respecter en l’espèce l’accord préalable accordé le 22 janvier 2013. S’il est vrai que la partie étatique argumente en substance qu’au moment de l’imposition il serait apparu que le seul but de l’opération serait d’obtenir un avantage fiscal, et invoque ainsi l’existence d’un abus de droit au sens du § 6 StAnpG, le tribunal constate néanmoins que ces éléments nouveaux ne se dégagent pas du dossier. La partie étatique met certes en question l’évaluation faite de l’apport du know how à hauteur de 80% des bénéfices nets avant impôts et requiert dans ce contexte un rapport d’évaluation indépendant. Or, tel que cela a été relevé ci-avant, le principe de cette évaluation forfaitaire a été clairement exposé dans la lettre de demande d’un accord préalable. A défaut d’avoir formulé une quelconque réserve dans l’accord du 28 janvier 2013 plus particulièrement par rapport à cette évaluation, que ce soit quant au principe d’une évaluation forfaitaire ou que ce soit quant au pourcentage retenu, le bureau d’imposition ne saurait plus revenir sur sa position. Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que dans la mesure où, tel que cela a été retenu ci-avant, les éléments du cas d’imposition tels que soumis au bureau d’imposition ont été suffisamment précis, d’une part, et à défaut d’éléments nouveaux qui auraient été révélés au moment de l’imposition, d’autre part, que l’accord du bureau d’imposition empêche en l’espèce ce dernier d’invoquer l’existence d’un abus de droit, respectivement de contester l’évaluation faite de l’apport caché. Le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, et en conséquence le bulletin de l’impôt commercial communal ayant repris le revenu imposable retenu dans le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, tout comme la décision prise par le bureau d’imposition le 14 février 2014, encourent partant la réformation, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens présentés par la demanderesse, cet examen devant surabondant. La demande en condamnation de l’Etat à payer une indemnité de procédure de 1.000 euros est toutefois rejetée dans la mesure où il n’est pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à l’unique charge de la demanderesse les frais non compris dans les dépens. Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ; reçoit le recours en réformation en la forme ; au fond le déclare fondé ; partant, par réformations des bulletins émis le 15 janvier 2014 et de la décision du 14 février 2014 déférés, dit que l’apport caché d’un know how, correspondant à 80 % des bénéfices nets, est déductible du revenu imposable soumis à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal ; rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 1.000 euros ; condamne l’Etat aux frais. Ainsi jugé par : Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2015 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri. s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17.12.2015 Le greffier du tribunal administratif 1 Voir réponse du ministre des Finances Luc Frieden à la question parlementaire n° 354 du 7 janvier 2010 de Monsieur François Bausch. 2 André Elvinger, Jean Hoss, Congrès IFA 1976, Rapport Luxembourgeois : La protection juridique du contribuable (Contacts avec l’administration et sécurité juridique), pp.4-5, et Alain Steichen, op.cit., n° 542, p.552. 3 Trib. adm. 14 février 2011, n° 26812 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Impôts, n° 541, confirmé en appel par un arrêt du 27 juillet 2011, n° 28115C du rôle |
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