3.3.Problèmes pratiques et frais juridiques élevés D'après les données empiriques recueillies dans le cadre de l’étude36, 47 % des parties prenantes consultées se heurtent à des problèmes pratiques pour assurer l’opposabilité d'une cession aux tiers. À l'inverse des titres négociables, généralement inscrits sur des comptes électroniques, les créances privées ne sont attestées que par un contrat de crédit. Dès lors, le risque est plus élevé de voir la même créance privée servir de sûreté auprès de plus d'un seul preneur, sans que ces preneurs ne sachent que la créance privée a déjà été donnée en gage à une autre personne. De plus, le manque de règles harmonisées en matière de conflit de lois augmente le nombre de dispositions de droit matériel potentiellement applicables à la fourniture de créances privées en tant que garanties, ce qui pourrait rendre plus difficile le respect des critères d'éligibilité de l'Eurosystème37.
En outre, les frais juridiques moyens d'opérations transfrontières impliquant des cessions, dont une proportion importante découle de la nécessité de faire preuve de la diligence requise par rapport à plusieurs systèmes juridiques, sont souvent très élevés et peuvent se chiffrer en centaines de milliers d'euros. Par exemple, une entreprise d’affacturage a déclaré des frais juridiques allant de 350 000 GBP à 1 000 000 GBP par opération.
4.Approches envisageables 4.1.Considérations générales L’étude38 montre, ainsi qu'il est aussi exposé dans le plan d'action pour une union des marchés des capitaux, qu'il est nécessaire de définir une règle de conflit de lois harmonisée régissant les aspects de la cession touchant aux tiers, afin de garantir la sécurité juridique et d'équilibrer les intérêts de toutes les parties concernées dans une cession transfrontière. Une règle de ce type favoriserait également les échanges transfrontières, notamment en réduisant les frais juridiques et les obligations de diligence et en contribuant à la disponibilité de capitaux et de crédits à des taux abordables pour les PME.
Il ressort également de l'étude qu'il se peut qu'un critère de rattachement unique ne convienne pas pour tous les types d'opérations de cession, et qu'une combinaison de critères de rattachement qui prendrait en considération les intérêts des différentes parties prenantes serait plus appropriée. Toutefois, étant donné qu'une réglementation sectorielle entraîne un risque de complexité intrinsèque et des problèmes de caractérisation, il convient d'en limiter l'utilisation autant que possible.
Parmi tous les critères de rattachement possibles, la loi du contrat de cession, la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle et la loi régissant la créance cédée ont été plébiscitées par une majorité de parties prenantes, ainsi que par un grand nombre d’États membres.
Certaines questions connexes mériteraient elles aussi d'être clarifiées, telles que la portée de l'article 14 du règlement Rome I39.
Ces considérations ont fait émerger trois approches possibles40.
4.2.La loi du contrat entre le cédant et le cessionnaire À l'heure actuelle, les aspects patrimoniaux de la cession entre le cédant et le cessionnaire sont régis par la loi du contrat de cession41. Dans le cadre de cette approche, tous les aspects patrimoniaux de la cession – y compris l'opposabilité d'une créance cédée ou subrogée et la question du rang respectif du cessionnaire et des titulaires de droits concurrents – seraient régis par la loi choisie par le cédant et le cessionnaire pour leur contrat de cession. Toutefois, afin d'éviter de causer le moindre préjudice à des tiers, ce choix devrait être limité, en ce qui concerne l'opposabilité de la cession42, à la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle ou à la loi régissant la créance cédée ou subrogée.
En l’absence de choix d'une loi, ou si la loi choisie ne correspond pas aux deux solutions envisagées, tous les aspects patrimoniaux de la cession seraient régis par la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence habituelle43. Cette solution éviterait le recours à des règles sectorielles et réduirait le nombre de lois applicables à un même ensemble de créances44.
Les questions de rang entre cessionnaires concurrents peuvent être résolues en analysant les effets de chaque opération, en cascade, conformément à sa propre loi applicable. L’analyse devrait suivre la règle d'antériorité en droit des biens, selon laquelle le droit le plus ancien dans le temps l'emporte (prior in tempore, potior in jure), qui n'est limitée que par les règles relatives à l'acquisition de bonne foi dans le cadre des opérations ultérieures.
Le principal avantage de cette solution est qu'elle garantit l'application de la même loi à tous les aspects patrimoniaux d'une cession, tout en offrant une certaine flexibilité permettant aux acteurs présents sur différents secteurs du marché d'opter pour une loi qui réponde à leurs besoins spécifiques. Dans le même temps, le débiteur conserve la protection que lui garantissent les règles existantes. Cette solution pourrait également couvrir les cas de cession en bloc de créances actuelles et futures, étant donné que la loi du pays dans lequel le cédant a sa résidence pourrait être appliquée, soit en vertu du choix des parties, soit par défaut.
Le principal inconvénient de cette solution est le risque de contournement des obligations en matière de publicité dans certains États membres. Toutefois, ce risque est réduit du fait que le choix de la loi se limite à deux lois, toutes deux étroitement liées à la cession en question.
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