1.4.Opérations sur titres et créances Le plan d'action pour une union des marchés des capitaux relève, outre l'insécurité en matière de cession de créance, une insécurité similaire en ce qui concerne les opérations transfrontières sur titres. En effet, tant les titres que les créances font souvent l'objet d'opérations financières similaires, telles que la collatéralisation.
Des législations sectorielles contenant certaines règles de conflit de lois ont été adoptées dans le secteur du droit des valeurs mobilières, en vue de réduire le risque systémique inhérent aux systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres9, de limiter le risque de crédit dans les opérations financières par la constitution de garanties en espèces, en instruments financiers ou en créances privées10, ou de faire respecter les droits de propriété dans le cadre de l'assainissement et de la liquidation d'établissements de crédit11. Ces règles de conflit particulières s'appliquent dans les États membres de l'UE et désignent la loi de l'État où se trouvent le registre, le compte concerné ou le système de dépôt centralisé. Toutefois, ces règles ont été mises en œuvre ou sont appliquées de manière différente d'un État membre à l'autre. Il en résulte une insécurité juridique et des frais supplémentaires susceptibles de créer des entraves au bon fonctionnement des opérations financières dans le marché intérieur.
De même, aucune approche générale de la question du conflit de lois n'a encore été adoptée à ce jour dans le domaine des valeurs mobilières12. Le droit matériel des valeurs mobilières n'a pas non plus fait l'objet d'une harmonisation à l'échelon de l'UE à ce jour, malgré l'évolution récente de la législation européenne dans le domaine de l'infrastructure des marchés financiers, notamment le règlement sur l'infrastructure du marché européen (EMIR)13, le règlement relatif aux dépositaires centraux de titres (DCT)14, ainsi que la directive MiFID II15 et le règlement MiFIR16, et en dépit des travaux en cours depuis plusieurs années17.
À la lumière des objectifs analogues susceptibles d'être poursuivis par les opérations sur créances et sur titres, il peut être utile de coordonner tous travaux portant sur les conflits de lois pour les deux types d'opérations, et ce d'autant que la distinction entre une «créance» et un «titre» n'est pas toujours claire dans la pratique.
1.5.Instruments internationaux Les problèmes de conflit de lois qui se posent dans le contexte des opérations sur créances et sur titres ont fait l'objet de travaux au niveau international. Une convention des Nations unies sur la cession de créances dans le commerce international a été élaborée en 2001, mais n'est pas encore entrée en vigueur. Ses principes ont été intégrés dans le guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties, en 2007. De même, la convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire, datant de 2006, n'est toujours pas entrée en vigueur.
1.6.Étude externe et consultations Une étude18 sur la question de l'opposabilité d'une cession ou subrogation aux tiers, ainsi que du rang de la créance faisant l'objet de ladite cession ou subrogation par rapport aux droits détenus par d'autres personnes a été réalisée pour le compte de la Commission européenne (ci-après l'«étude»). Ses conclusions se fondent sur des données statistiques, empiriques et juridiques provenant de douze entités juridiques de l'Union européenne19 représentant un éventail de traditions juridiques, ainsi que de six pays tiers importants sur le plan économique20.
2.Importance des opérations de cession dans le commerce international et sur les marchés des capitaux 2.1.Exemples d'opérations de cession À l'origine, la cession concernait une créance unique, qui était transférée du créancier à un ou plusieurs cessionnaires ultérieurs.
Exemple 1: transfert pur et simple d'une créance unique
Le créancier/cédant C cède au cessionnaire A sa créance21 vis-à-vis du débiteur. A peut notifier cette cession au débiteur, par exemple lorsque la législation nationale du pays dans lequel C a sa résidence habituelle l'exige22. A cède ensuite à son tour la même créance au cessionnaire B. B peut décider de ne pas notifier la cession, par exemple parce que la loi régissant la créance sous-jacente ne l'exige pas, lorsqu’aucune notification ou inscription n'est requise pour rendre la cession opposable. Par la suite, C devient insolvable et son administrateur d’insolvabilité s’efforce de vérifier si B est le véritable titulaire de la créance.
| Dans un passé récent, les opérations de cession ont évolué pour inclure la cession de créances en bloc et la cession de créances tant actuelles que futures. Les entreprises ont désormais largement recours à des opérations de ce type pour se procurer les capitaux et les crédits nécessaires au financement de leurs activités commerciales.
Exemple 2: affacturage
Un fournisseur C (une PME) souhaite céder l'essentiel de ses créances actuelles et futures23 vis-à-vis de clients de plusieurs États membres au facteur A; en contrepartie, celui-ci, moyennant un escompte sur le prix d'achat, est disposé à fournir des liquidités à C, à assurer le recouvrement des dettes et à accepter le risque de créances douteuses. Pour proposer un escompte intéressant à C, A aurait besoin de savoir que la cession sera opposable aux tiers en cas d'insolvabilité de C.
A peut aussi être préoccupé par le fait que si, en vertu de la loi de la cession, qui régit les effets patrimoniaux de cette dernière entre A et C, toutes les créances sont cessibles, il se peut qu'en vertu de la loi régissant certaines des créances parmi celles cédées en bloc, la cession soit interdite24.
| La sécurité juridique quant à la loi régissant l'opposabilité aux tiers d'une cession et le rang d'une cession par rapport à d'autres cessions concurrentes est devenue d'une importance cruciale, notamment dans les opérations de crédit impliquant des PME, qui sont souvent dans l’incapacité de se financer dans un contexte transfrontière, ou sont contraintes d'accepter des conditions désavantageuses à moins de pouvoir offrir des sûretés, souvent sous la forme de créances sur leurs débiteurs.
Exemple 3: cession à titre de garantie
Une PME C veut exploiter au maximum la valeur de ses créances à l'égard des acheteurs de ses produits pour obtenir un crédit garanti, à la fois de la part du cessionnaire A et de la part du cessionnaire B, en utilisant les mêmes actifs comme garantie. Pour accorder des crédits à C, A et B auraient besoin de connaître le rang de leurs droits de sûreté portant sur le même actif25.
Il se peut aussi que C cède, de manière frauduleuse, les mêmes créances à A et à B à leur insu. En cas d'insolvabilité de C, l’administrateur d’insolvabilité devrait pouvoir déterminer le rang de priorité respectif de A et de B.
| Il existe un mécanisme complexe pour se procurer du crédit à des conditions avantageuses: la titrisation. La titrisation est une technique de financement par laquelle des actifs homogènes générateurs de revenus (souvent des créances) – qui, seuls, pourraient être difficiles à échanger – sont rassemblés et vendus à une entité tierce créée pour l'occasion, laquelle les utilise comme sûreté pour émettre des titres qu'elle vend sur les marchés financiers26.
Exemple 4: titrisation
Une grande chaîne de magasins C cède à une entité ad hoc A les créances découlant de l'utilisation par ses clients des cartes de crédit «maison» qu'elle émet27. A émet ensuite des titres de créances au profit des investisseurs sur les marchés des capitaux. Ces titres sont garantis par le flux des revenus provenant des créances sur cartes de crédit qui ont été transférées à A. À mesure que les créances sont réglées, A utilise le produit qu'elle reçoit pour rémunérer les titres.
| Avec l'augmentation des investissements transfrontières, il est fréquent que des valeurs mobilières telles que des obligations soient cédées en garantie des crédits fournis par les investisseurs. La chaîne de détention des titres entre investisseurs et émetteurs est complexe: les valeurs mobilières peuvent être détenues à travers plusieurs rangs d'intermédiaires, potentiellement situés dans des pays différents, comme c'est éventuellement le cas aussi des investisseurs. Il est donc difficile de déterminer qui possède quoi, ce qui peut être lourd de conséquences pour la stabilité financière.
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