II- La Justice Au Service Du Pouvoir Exécutif Garantit L’impunité à Ses Agents :
La déviation de la justice dans l’accomplissement de sa fonction en assurant au pouvoir exécutif la faculté d’exercer des représailles contre les opposants politiques et les militants pour les droits de l’homme, a coïncidé avec une autre déviation au sein de la justice qui refuse de poursuivre et demander des comptes aux agents du pouvoir exécutif, impliques dans des actes de tortures des agressions des meurtres et autres crimes en les aidant à échapper aux sanctions violant ainsi le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, principe formulé dans l’article 6 de la constitution.
Les citoyens ne sont pas protégés par la loi ils sont l’objets d’agressions et d’actes de terreur de la part des agents de la police des gardiens des prisons et même des valets au sein du régime du secteur de la presse.
La protection illégale accordée par le pouvoir exécutif à ses agents et à ses valets par l’annulation de toute poursuite contre eux devant les tribunaux représente une violation du principe de l’égalité devant la loi et devant la justice.
L’article 6 de la constitution de la république tunisienne stipule “ Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, Ils sont égaux devant la loi ”.
De son coté l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme affirme “ Chaque personne est dans une égalité totale avec les autres, elle a le droit pour être jugée équitablement et publiquement à un tribunal indépendant et neutre qui fait la part entre ses droits et ses engagements et pour toute accusation pénale dirigée contre elle ”.
Ce principe signifie que le recours à la justice est un droit accordé par la loi à tous les tribunaux doivent traiter les citoyens sur le même pied d’égalité, mais la situation en Tunisie est tout à fait à l’oppose comme le prouve les exemples suivants :
La Falsification des procès verbaux d’enquête n’entraîne pas des poursuites :
Les officiers de la sûreté de l’état qui rédigent les rapports d’enquête lors de leurs interrogatoires des opposants au pouvoir, recourent à des falsifications des données fournis par les prévenus, il s’agit là d’acte qui tombent sous la loi pénale entraînant des sanctions des coupables à des peines d’emprisonnement à perpétuité selon l’article 172 du code pénale.
Malgré la constatation de ces délits graves le ministère public n’effectue aucune enquête et ne prête aucune attention à ce problème tant que ces actes criminels sont accomplis par des agents du pouvoir exécutif à l’occasion de la poursuite des opposants au régime.
Prenons en une image dans les affaires 590, 591, 595 jugée par la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis en date du 13 / 3 / 2001, il est spécifié dans les rapports émanant de la sûreté de l’état que ses agents avaient réussi l’arrestation des inculpés dans les affaires évoqués.
A vrai dire, il fut établi à travers leurs déclarations qu’ils avaient été livrés par la police libyenne à la police tunisienne d’une façon contraire à la constitution et aux accords de coopération judiciaires conclus entre les pays de l’union du Maghreb Arabe. Cette fronde est confirmée dans le jugement prononcé par la cour d’appel de sfax devant lequel les accusés avaient été déférés dans l’affaire n° 8672 en date du 16 / 12 / 1999 et qui affirme “ Il résulte des enquêtes menées à propos de cette affaire qu’à la suite de l’expulsion des étrangers résidents en Libye dune façon irrégulier, les autorités libyennes ont pu en juillet 1996 arrêter les tunisiens… ”.
La torture n’entraîne pas des poursuites Les prévenus qui sont présentés à la justice se plaignent souvent d’avoir été soumis à des tortures lors de leurs interrogatoires par les agents de la sûreté de l’état, ils demandent le constat des séquelles par un médecin. Le juge ou bien fait semblant d’ignorer la demande de visite médicale présentée par l’avocat. Voici des cas où des actes de tortures furent évoqués sans recevoir une réponse positive de la part du juge :
L’accusé Ahmed Amari impliqué dans les affaires 590, 591 et 595 a évoqué devant la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis les actes de torture par des agents de la sûreté de l’état, il remarque que les traces étaient encore visibles à l’œil nu et il demande un examen médical pour confirmer ses affirmations et pour poursuivre les coupables.
Le tribunal ne daigna pas accorder le moindre intérêt à ses accusations. Au contraire le président de la cour Hédi Ayari l’avait interrompu lors de la séance tenue le 17 / 4 / 2001 en disant : « il n’y a pas d’actes de tortures pratiqués en Tunisie ».
Au cours de la même séance et devant la même cour, Khaled Rabii et Youssef Khedhiri s’étaient plaints d’avoir été soumis à des tortures. Le président les a interrompus pour les empêcher de donner des détails, de citer les noms d’agents présents dans la salle.
Le prévenu Fathi Khmiri impliqué dans l’affaire n° 490 lors de son jugement porte plainte pour actes de tortures ayant laissé des séquelles sur plusieurs parties de son corps, la cour avait tenu la même conduite en l’interrompant et en refusant d’entendre les détails des sévices subis.
Lotfi Farhat impliqué dans l’affaire n° 1503 examinée par la chambre criminelle du tribunal militaire permanent de Tunis le 31 / 01 / 2001 a évoqué les tortures qu’il a subies, mais la cour n’avait pas jugé utile d’ouvrir une enquête.
Malgré les plaintes des prévenus, cités plus haut et relatives aux actes endurés qui avaient le caractère de crimes punissables par la loi, aucune enquête ne fut ouverte et aucune démarche ne fut entreprise contre les coupables parmi les agents de la sûreté de l’état à qui la justice a accordé une immunité en violation de la loi.
L’agression avec recours à la violence n’entraîne pas de poursuites La fréquence des agressions physiques et violences exercées sur la voie publique par la police politique s’est accrue depuis le mois de décembre 2000, le pouvoir a donné à ses agents de la police politique des directives pour recourir à la force physique pour intimider les militants des droits de l’homme et les démocrates, afin de les empêcher de tenir ces rassemblements, ces réunions ou ces manifestations malgré leur caractère pacifique.
Les agressions avec le recours à la violence tombent sous l’article 218 du code pénal tunisien qui prévoit des sanctions allant jusqu’à trois ans de prison. Toutefois ces peines ne touchent en aucun cas les agents de la police politique ni les autres catégories de la police accomplissant ce genre de crimes sous les directives des autorités.
De nombreuses victimes de la violence policière ont porté plainte auprès du ministère public.
Ils ont déposé des plaintes auprès du procureur de la république sans qu’il en résulte jusqu’à ce moment des poursuites à l’encontre des agents auteurs des agressions malgré la présence de preuves, témoignages et certificats médicaux et en dépit du fait que les victimes aient fourni l’identité des agresseurs ou des photos permettant de les identifier, ce qui donne la preuve du refus des juges de poursuivre les coupables et d’appliquer la loi enfreignant aussi le principe de l’égalité des citoyens devant la loi.
Les péripéties de l’affaire dans laquelle le militant pour les droits de l’homme Jamel Ben Brik Zoghlami fut impliqué pour agression et voie de fait à l’encontre d’un agent public dans l’exercice de ses fonctions, démontre la méthode de la police qui consiste à travestir les faits et monter des affaires afin d’échapper à la responsabilité de ses crimes tout en dénaturant les faits de façon que l’agresseur devienne victime et la victime coupable. Jalel Ben Brik fut agressé le 26 / 4 / 2000, Il fut traîné par de nombreux agents au poste de police où il fut tabassé.
Ils ont ensuite rédigé un rapport spécifiant que la victime avait agressé les agents de l’ordre et signalant ( supplément n° 9 ).
Le ministère public ne tarda pas comme à déférer Jalel Ben Brik Zoghlami en état d’arrestation devant la chambre correctionnelle de Tunis qui le condamne à une peine de prison de deux mois ( affaire n° 11180/2000 jugée le 03 / 6 / 2000). En appel, la culpabilité fut confirmée, mais la peine fut allégée (affaire 1100/11987/2000 jugée le 18 / 5 / 200 ).
Les prisonniers politiques n’ont pas été eux non plus à l’abri d’actes de grande violence à l’intérieur des prisons. Les gardiens ont commis de nombreuses agressions en tabassant en piétinant et en injuriant des prisonniers qui avaient exprimé des protestations au sujet de leurs conditions de détention, les autorités, comme d’habitude, se sont abstenus de poursuivre les coupables.
Le directeur de la prison de 9 avril de Tunis, Slah Brahem a agressé violemment avec le concours d’un autre agent le prisonnier Abdelattif Bouhjila qui menait une grève de faim et se trouvait dans un état de santé vulnérable. A la suite d’une plainte déposée par ses avocats auprès du procureur de la république du tribunal de première instance de Tunis le dossier fut confié au doyen des juges Omar Mansour qui a entendu la victime mais les poursuites furent bloquées à ce niveau.
La conviction des agents d’être à l’abri de toute sanction les incite à recourir fréquemment aux agressions violentes.
Abdellatif Bouhjila fut de nouveau l’objet de violences et de piétinement de la part de Slah Brahem, directeur de la prison de Tunis et de deux adjoints, Badreddine et Jamel, le samedi 17 novembre 2001 à la suite de son transfert du bagne de Borj Erroumi.
Mahdî Khouja, prisonnier d’opinion, s’est plaint d’avoir subi une agression physique particulièrement violente de la part du même responsable, assisté par l’agent Zoubeyr. Il a déposé, le 15 novembre 2001, une plainte, enregistrée sous le N°6051488/2001, qui n’a eu aucune suite à ce jour.
Plaintes enregistrées par la justice et n’ayant eu aucune suite L’affaire déposée, sous le N° 87457/4 auprès du quatrième bureau d’instruction du Tribunal de première instance de Tunis, par Mme Khedija Chérif, militante des droits humains, pour “ violences physiques ” et “ insultes ”, contre des agents de la police politique. Une seconde agression a été commise à son encontre par des membres de la police politique le 10 mars 2001, devant le palais de justice de Tunis. L’avocat Taoufik Bouderbala l’a alors accompagnée au bureau du premier adjoint du procureur Nejib Maaouia pour établir un procès verbal, vu le caractère de flagrant délit revêtu par le délit. Mais le magistrat refusa d’accéder à cette demande. Le juge d’instruction chargé de l’enquête ne l’a pas entendue à ce jour, malgré les déclarations faites en juillet 2001 par le ministre des droits de l’homme au quotidien français “ Le Monde ”, affirmant que l’agent coupable avait été sanctionné.
La plainte enregistrée le 4 avril 2001 auprès du secrétariat du procureur de la république auprès du tribunal de première instance de Tunis n° 6013177/2001, au nom du professeur Abdelkader Ben Khemis, membre dirigeant du CNLT contre des membres de la police politique qui l’avaient agressé le 1er mars devant le siège du CNLT. Mr Ben Khemis a été entendu le 19 avril par l’adjoint du procureur et lui a remis une photographie de son agresseur.
La plainte enregistrée le 21 juillet 2000 au secrétariat du procureur de la république de Tunis sous le n° 1008658/2000 au nom de Mme Sihem Bensedrine militante des droits humains contre le commissaire de police d’El Menzah et l’inspecteur Abdelbaki Ben Ali à la suite des violences qu’elle avait subies le 26 avril 2000 au poste de police d’El Menzah. Bien que l’identité des agresseurs soit bien établie, aucune mesure n’a été prise à leur encontre, aucun acte n’a été entrepris dans le cadre de cette plainte.
Par contre, lorsque le juge Jedidi Ghani déposa le 18 juin 2001 une plainte en “ diffamation ” contre Mme Bensedrine, porte-parole du CNLT, qui l’avait mis en cause lors d’une émission de télévision enregistrée à Londres, elle fut transmise pour instruction en un temps record, et la militante interpellée le 26 juin 2001 à sa descente d’avion, déférée devant le juge d’instruction et écrouée.
La plainte contre Taoufik Bouaoun, le chef du district de la sûreté de Tunis et son adjoint Walid Bellazreg ainsi que deux autres agents pour violences physiques, enregistrée le 11 décembre 2000 auprès du secrétariat du procureur du tribunal de première instance de Tunis, au nom de Me Abderraouf Ayadi, militant du CNLT. Depuis l’audition du plaignant par l’adjoint au procureur, aucun acte n’a plus été entrepris pour donner suite à la plainte, pas même l’audition des agresseurs.
La plainte déposée pour “ tentative de meurtre ” le 27 juillet 2001 par Me Saïda Akremi, militante des droits de l’homme, et enregistrée sous le n° 56347 auprès du secrétariat du procureur du tribunal de première instance de Ben Arous ; au volant d’une voiture de police, un agent de la police politique avait délibérément tenté de la renverser, alors qu’elle se rendait à pied au rassemblement organisé devant la prison de La Manouba en soutien à la prisonnière d’opinion Sihem Bensedrine. Le procureur Jamel Bazarbacha s’est abstenu d’ordonner l’ouverture d’une enquête, préférant transmettre la plainte qui concerne Taoufik Bouaoun, un haut responsable de la police, au procureur de L’Ariana, qui n’a rien entrepris depuis.
La plainte contre Abdallah Kaabi, ministre de l’Intérieur, et Mohamed Ali Ganzoui, déposée le 10 septembre 2001 par le Dr Moncef Marzouki au bureau d’ordre du procureur du tribunal de première instance de Tunis et enregistrée sous le n° 6034487/2001, suite au harcèlement policier, aux atteintes multiples à sa liberté individuelle et aux agressions verbales constantes dont il était l’objet. Cette plainte n’a fait l’objet d’aucun acte de procédure.
La plainte contre X, déposée le 18 avril 2001 au bureau d’ordre du procureur de la république du tribunal de première instance de Tunis, par Mme Souheyr Belhassen, vice-présidente de la LTDH, et enregistrée sous le n° 6015031/2001. La plaignante avait été agressée le 14 avril 2001, à l’aéroport de Tunis-Carthage par un agent de la police politique qui l’a violemment frappée à la poitrine et copieusement insultée. Cette plainte n’a pas connu un traitement plus heureux que les précédentes.
La plainte n°6052373/2001 déposée le 21 novembre 2001 par le Dr Sahbi Amri contre le chef du secteur de la police d’El Manar à la suite de l’agression dont il a été victime le 16 octobre de la part des membres des services de sécurité qui lui avaient aussi dérobé une valise et un porte-documents.
La plainte contre X, déposée en mars 2001 par Me Neziha Boudhib à la suite de son agression près de l’hôtel “ El Mechtel ”, lors de la célébration du trentenaire de l’AJTA, par un agent de la police politique qui l’avait jetée à terre, après lui avoir arraché des documents qu’elle tenait en main. Aucune suite n’a été donnée à cette plainte. La protection accordée illégalement par les autorités à leurs partisans, s’étend aussi à leurs agents travaillant dans la presse, qu’elle charge de mener des campagnes de calomnies et de dénigrement contre les défenseurs des droits humains et les opposants en général. Le procureur se charge généralement de classer les plaintes, sans autre forme d’instruction, et de rejeter toute poursuite contre ces “ journalistes ”.
M. Kamel Jendoubi, le président du CRLDHT, a déposé le 3 avril 2001 une plainte pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles contre Mohamed Nejib Azzouz, le responsable de l’hebdomadaire “ les annonces ” (al ilan) au bureau d’ordre du procureur de la république auprès du tribunal de première instance de Tunis ou elle fut enregistrée sous le n°100/5 s. Le même jour, il a également poursuivi, pour des faits similaires, le responsable d’ “ el hadath ”, Abdelaziz Jeridi, par une plainte enregistrée par les mêmes services, sous le n°101/5 s. Le procureur de la république s’est cependant empressé de les classer, l’une et l’autre, en vertu de deux décisions datées, respectivement, des 14 et 18 mai 2001. Il faut souligner que cette liste des plaintes que le ministère public refuse d’examiner et d’instruire comme l’exige la loi, est loin d’être exhaustive. Elle ne reflète nullement la densité des atteintes et des crimes commis par les agents du pouvoir. La grande majorité des victimes renonce à porter plainte que ce soit en raison de leur conviction en l’inutilité de la démarche et de la solide impunité dont les agresseurs jouissent, soit du fait de l’obstruction qu’elles rencontrent au niveau de l’enrôlement des affaires ou même du simple enregistrement des plaintes par les bureaux d’ordre des juridictions compétentes.
La voiture du Dr Moncef Marzouki fut dérobée en septembre 2000 ; bien que le coupable soit connu, la victime s’était abstenue de déposer plainte.
L’ancien vice-président de la LTDH, M. Hichem Gribaa, victime d’un vol par effraction de ses bureaux en août 2001, n’a pu obtenir du commissaire chargé de l’enquête l’inscription du nom de Mohamed Ali Ganzoui, secrétaire d’état à l’intérieur qu’il soupçonnait d’avoir commandité ces représailles.
M. Ali Ben Salem, trésorier du CNLT, s’est vu opposer un refus, par le bureau d’ordre du procureur, d’enregistrer une plainte contre le ministre de l’Intérieur Abdallah Kallal, à la suite de la violente agression policière dont il avait été victime le 26 avril 2000 devant le domicile du journaliste Taoufik Ben Brik (voir chapitre torture). Il a du, par la suite, envoyer sa plainte par voie postale, avant de recourir a la juridiction française (idem).
La tentative de meurtre et le meurtre prémédité ne donnent lieu à aucune poursuite Le pouvoir n’oblige pas seulement les moyens d’information à occulter les crimes accomplis par la police, mais il instrumentalise également la justice dans le même objectif. L’agence de presse étatique Tunis Afrique Presse (TAP) a diffusé le 18 septembre 2000 une dépêche, reprise par de nombreux journaux, affirmant qu’un citoyen s’était pendu au moyen de sa chemise, attachée à une fenêtre, dans un poste de police de la ville de Menzel Bourguiba, sans donner plus de précisions sur les motivations de ce “ suicide ”.
Le ministre de l’Intérieur a quant à lui déclaré au cours d’une conférence de presse que la mort d’Abderahman Jhinaoui était due à une “ hépatite ” alors que l’enquête venait d’être ouverte (affaire n°8453/3 voir chap torture).
Le premier cas est celui de Ridha Jeddi, infirmier à l’hôpital de Menzel Bourguiba, arrêté pour ivresse et tapage sur la voie publique, qui a subi un passage à tabac ayant entraîné la mort durant sa garde à vue au poste de police.
La justice s’est-elle transformée en auxiliaire de la police politique ? L’exercice de la justice s’est étroitement lié à l’action répressive en cautionnant une volonté effrénée de représailles La justice qui a pour mission d’appliquer la loi, outrepasse ses prérogatives. La police exerce la première étape sous forme d’arrestation et interrogatoire du suspect. Venait ensuite la livraison de ce dernier à la justice qui se charge dans cette deuxième étape de prononcer et d’exécuter la sanction. Dans la troisième étape, quand le condamné a purgé sa peine, la police politique reprend la surveillance du condamné en le soumettant à des mesures vexatoires et humiliantes, lui imposant de se présenter aux postes de police plusieurs fois par jour pour empêcher toute réinsertion.
Le juge s’est en fait transformé en un auxiliaire de la police politique et non pas le contraire comme cela est établi dans le code de procédure pénale (article 10 et 11).
Il joue le rôle d’exécutant de la volonté du pouvoir politique et prend ses décisions en dehors des sièges des tribunaux.
L’état de la justice sous tutelle du pouvoir politique ne s’arrête pas au niveau de la dictée des décisions de justice, mais va bien au delà en politisant l’appareil. Cela consiste dans la volonté du pouvoir exécutif de la pousser à adhérer à l’exécution de ses choix politiques et économiques. Prenons par exemple ce communiqué émanant du procureur de la république du tribunal de première instance de l’Ariana, Hedhili Mannai, accroché dans le hall et disant textuellement : “ Sujet : les dons au profit de la caisse de solidarité nationale, 26/26.
Dans le cadre du renforcement de la profondeur humaniste de l’esprit de son Excellence le président Zine El Abidine Ben Ali et pour insister sur la concrétisation de l’élan de solidarité pratiqué par le Rassemblement constitutionnel démocratique (le parti au pouvoir), le procureur de la république auprès du tribunal de première instance de l’Ariana porte à la connaissance de tous les employés, juges, fonctionnaires, auxiliaires de justice, que les dons au profit de cette caisse se déroule au sein du tribunal et sous sa présidence personnelle.
Que Dieu nous conduise tous sur la voie du bien pour la Tunisie…. ”(supplément n°10). Le CNLT considère que la réforme de la justice et la suppression de la tutelle que le pouvoir exerce sur elle et la modification de la législation sur l’institution judiciaire sont devenues une urgence en vue de mettre un terme aux injustices qui ne cessent d’augmenter et qui se transforment en une manifestation qui menace de détruire moralement et matériellement la société. Il juge que la cessation des injustices qui frappent non seulement les opposants politiques et les militants des droits de l’homme mais aussi les hommes d’affaire, les commerçants et touts les autres groupes, constitue un objectif nécessaire et urgent à travers la proclamation d’une amnistie générale dont le CNLT avait avec la participation de la LTDH lancé la campagne le 19/6/2001 estimant qu’il s’agissait là d’une mesure obligatoire pour traiter les conséquences de la déviation de la fonction de la justice.
A propos de “ la vision globale des droits de l’homme dans leur dimension politique, économique et sociale ” Les différents épisodes de l’affaire Abdelmajid BOUDEN Maître Abdelmajid Bouden, avocat tunisien originaire de la ville de Kairouan, résident à l’étranger est dirigeant d’une société de droit britannique, le groupe arabe de finance et d’investissement international (ABCI).
Il a présenté au CNLT son cas appuyé par des copies des décisions rendues par les tribunaux français. Dans son exposé Me Bouden signale qu’en 1982 il avait souscrit ainsi que sa société au capital de la Banque Franco-Tunisienne (BFT), laquelle appartient à la Société Tunisienne de Banque (STB) et qu’il avait viré, à cet effet, plus de 4 millions de dollars$, après avoir obtenu l’aval du ministère tunisien des finances et de la Banque Centrale de Tunisie (BCT).
Dès réception du montant en question, M. Bouden se voit notifier que les autorisations administratives n’avaient pas été accordées et apprend que le montant du virement avait été transféré sur un compte gelé et non rémunéré qui fut par la suite utilisé par la BFT pour réduire ses difficultés financières et ce jusqu’à l’année 1984.
La société ABCI avait réussi à acquérir 500000 actions du capital (soit 50% du capital) de la BFT, pour un montant de 2772962 $ mais n’avait pu, en revanche, se faire rembourser le solde des 4000000$ transféré à cet effet, tout comme elle n’avait pu obtenir aucun droit de regard sur le mouvement de ses avoirs.
C’est pourquoi la société ABCI avait décidé de recourir à l’arbitrage de la Chambre de Commerce International (CCI) qui avait rendu en 1987 une sentence arbitrale obligeant la BFT à la restitution des 4000000$ transférés par l’ABCI pour couvrir sa souscription au capital de la BFT et, ce, déduction faite du montant réel des actions acquises, ainsi que les dommages et intérêts.
La société ABCI s’est également rendue compte que les bilans qui avaient servi à déterminer le montant de sa souscription, avaient en fait été falsifiés afin de dissimuler les déficits de la BFT, car les crédits octroyés aux tiers et non remboursés s’élevaient, à l’époque, à 17,5MDT, alors que le capital nominal de la BFT était de 1 MDT.
La situation a empiré lorsque les nouvelles autorités politiques, en place en 1987, avaient commencé à interférer directement dans le domaine des affaires. Me Bouden avait alors été convié à venir en Tunisie pour rencontrer le président de la république pour trouver une solution au problème…
il se retrouva condamné à 6 ans de prison à l’issue d’une longue série de poursuites judiciaires et interdit de quitter le territoire. Pour éviter l’exécution de cette peine, M. Bouden se trouva contraint de signer le 12 juin 1989 un protocole avec la STB aux termes duquel il devait tout simplement s’engager à renoncer à l’exécution de la sentence arbitrale et cédait les 500000 actions qu’il avait acquises dans le capital de la BFT, ainsi que tous les droits en découlant, contre la seule promesse que les autorités l’autorisent à quitter le territoire tunisien, avec une compensation financière de 1MDT.
Bien entendu aucune contrepartie n’avait été versée à la société ABCI ; pire que cela, M. Bouden et sa famille ont été l’objet d’une persécution continue qui l’obligea à fuir à l’étranger en 1991, par crainte pour sa sécurité.
Depuis lors, il entama une véritable bataille juridique devant les tribunaux français qui se sont prononcés en sa faveur. Mais les autorités tunisiennes se refusent toujours à exécuter ces sentences.
M. Bouden affirme par ailleurs que la justice britannique s’est déclarée compétente pour connaître du litige relatif à l’exécution des sentences arbitrales et ce, après que l’Etat tunisien eut engagé plus de 8M$ - pris sur les deniers publics – pour payer les honoraires des trois plus grands cabinets d’avocats de Londres, soit exactement l’équivalent de ce que l’Etat tunisien doit à M. Bouden.
Le litige entre les deux parties n’est donc pas clos. M. Bouden reçoit régulièrement des émissaires du président de la république tunisienne, porteurs de fausses promesses de remboursement des fonds investis en Tunisie et d’annulation des condamnations prononcées à son encontre. Le CNLT a pu vérifier que M. Bouden et sa société ont investi dans l’économie nationale des fonds importants et qu’ils ont été, par la suite, indûment empêchés par l’Etat tunisien de les récupérer. Il entend de son côté faire toute la lumière dans les différents volets de cette affaire en vue de délimiter les responsabilités et de faire reconnaître les droits de ce citoyen à une juste indemnisation conformément aux lois et normes bancaires en vigueur, ainsi que sa réhabilitation dans ses droits civiques.
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