II- La liberté d’expression, un exercice périlleux :
a- Attentat : Le 23 mai 2000, Ryadh Ben Fadhel, ancien rédacteur en chef de l'édition arabe du Monde diplomatique, est victime d'un attentat devant son domicile à Carthage. Cette tentative d'assassinat survient à la suite de sa publication dans le quotidien français Le Monde, le 21 mai, d'une tribune intitulée "En finir avec le syndrome de Carthage". Dans cette tribune, il critiquait le chef de l’état dans sa gestion « catastrophique » de l'affaire Ben Brik et suggérait à Ben Ali de quitter le pouvoir à la fin de son dernier mandat en 2004. Le lendemain, l’agence TAP publiait une dépêche affirmant qu’il s’agit d’un « suicide » !
Le 28 Mai 2000, soit cinq jours après l'attentat, le Président Ben Ali recevait Ben Fadhel, qui a échappé par miracle à la mort, et l'a assuré que toute la lumière sera faite sur ce crime. Un an après, l'enquête piétine et les criminels courent toujours. En mars 2001 Ryadh Ben Fadhel s'est fait retirer dans une clinique privée en France les deux balles qui s'étaient logées près de sa colonne vertébrale et fait procéder à l'analyse balistique. Le rapport a été remis au magistrat chargé de l'enquête. Mais personne n'a été entendu jusque là.
b- Emprisonnement : - Le 18 juin 2002, Mohamed Moada, président du MDS était jeté en prison, sans autre forme de procès, pour avoir critiqué le pouvoir sur les colonnes du journal londonien Al mustakillah, dirigé par Hachemi Hamdi. Il ne sera libéré que le 31 janvier 2002.
-Le 26 juin 2001, Sihem Bensedrine était emprisonnée et poursuivie pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles, suite à une interview donnée sur la chaîne Al Mustakillah, basée à Londres, où elle dénonçait l’usage systématique de la torture, la tutelle de l’exécutif sur la justice et la corruption. Elle sera libérée le 11 août, grâce à une large solidarité nationale et internationale.
- Le 5 novembre 2001, l’homme d’affaires Kamel Letaief, connu pour avoir été le bras droit de Ben Ali les premières années du changement, est arrêté et jeté en prison pour « atteinte aux bonnes mœurs ». Il avait déclaré dans un entretien au journal Le Monde : « c’est une mafia liée à la famille du chef de l’état qui dirige le pays et Ben Ali laisse faire. ». Il sera libéré le 17 novembre. Son affaire n’est pas classée.
c- Agressions : Le 3 février 2001, Jalel Zoghlami, le directeur de la revue Kaws El Karama a fait l’objet d’une agression à coup de barres de fer en pleine rue de la part d’agents qu’il a reconnus comme appartenant à la police politique. Il venait de publier un numéro de la revue avec à la une « Ben Ali basta ». Le 6 février, cette agression est renouvelée devant son domicile et cible également ses proches. L’enquête n’a toujours pas révélé les auteurs de cette agression.
d- Menaces et pressions : Au lendemain de l’émission du grand Maghreb diffusée le dimanche 17 juin, le directeur de la chaîne TV El Mustakilla, Dr Hachemi Hamdi a reçu de la part d’inconnus se réclamant des autorités tunisiennes des menaces d’attentat contre la station de TV. Le journaliste Zouhayer Latif, a également fait l’objet de menaces de mort. Par ailleurs, les proches de H. Hamdi, résidant au gouvernorat de Sidi Bouzid, sont soumis depuis à diverses formes de harcèlement policier et leurs voitures ont été abusivement confisquées. La chaîne a fait l’objet, en vain, de plusieurs poursuites auprès de l’ITC (organe britannique chargé des licences) pour que ses émissions soient interdites.
e- Suspension des journaux : La formalité du dépôt légal continue a être détournée par le Ministère de l’intérieur pour servir de formalité de censure. Le 12 janvier 2001, Le numéro 198 de l’hebdomadaire indépendant “El Mawquif (organe du PDP et seul organe d’opposition paraissant encore en Tunisie) est saisi en imprimerie. Le numéro 199, connaîtra le même sort le 18 janvier sous couvert de problèmes « techniques » qu’aurait connue l’imprimerie. Il est à noter que selon la loi en vigueur, le changement d’imprimerie ne peut se faire qu’après préavis de 10 jours adressé au Ministère de l’Intérieur. El Mawkif est le seul journal de l’opposition légale qui ne bénéficie pas des subventions publiques et des annonces publicitaires contrôlées par l’ATCE.
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