RENOVER
L’OBSERVATOIRE DE LA PARITE Rapport sur la création
d’un Haut Conseil à l’égalité
entre les femmes et les hommes

7 novembre 2012 Rapporteure : Danielle BOUSQUET
AVANT-PROPOS 3
I. POURQUOI REFONDER L’OBSERVATOIRE DE LA PARITE ? 7
A. L’Observatoire de la parité : un intitulé et des missions, aujourd’hui trop restrictifs 7
B. Des instances consultatives à adapter et à coordonner 9
Expliquer que les différentes instances travaillent de manière éclatée, non-coordonnée, le Haut Conseil doit être cette institution de référence 9
1. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle 9
2. La Commission nationale contre les violences envers les femmes 10
3. Le Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale 12
4. La Commission sur l’image des femmes dans les médias 13
C. Renforcer les liens avec les collectivités territoriales 15
D. Mutualiser et rationaliser les moyens existants 17
II. REPONDRE A L’IMPERATIF DE TRANVERSALITE 19
A. Favoriser l’interministérialité 19
B. Diffuser une approche intégrée de l’égalité dans toutes les sphères de la société 20
C. Enrichir la démarche du Ministère des droits des femmes sur les études d’impact genrées 22
III. LE VISAGE DU HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES 24
A. Ses missions 24
1. Organiser la concertation des acteurs compétents en matière d’égalité femmes-hommes 24
2. Observer les inégalités dans l’ensemble des champs de la vie sociale 25
3. Analyser et évaluer les politiques publiques – Améliorer la méthodologie des études d’impact genrées 25
4. Capitaliser les actions des territoires 26
5. Etre un lieu de veille et de diffusion de l’information 26
B. Ses champs de compétences 26
1. Parité politique, économique et sociale 27
2. Articulation des temps de vie 27
3. Violences de genre 28
4. Santé des femmes, droits sexuels et reproductifs 29
5. Socialisation et lutte contre les stéréotypes sexistes 29
6. Droits des femmes et enjeux internationaux et européens 30
C. Son organisation 32
1. La commission permanente 32
2. Les commissions thématiques 33
3. Les collèges 34
D. Son fonctionnement 35
1. Les membres et l’organisation du travail 35
2. Les ressources humaines 35
CONCLUSION 36
ANNEXES 37
AVANT-PROPOS
« La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ». Reconnu dès 1946 dans le préambule de la Constitution, ce principe fondamental n’a cessé de guider l’action du législateur depuis plus d’un demi-siècle.
D’abord reconnues à égalité avec les hommes en 1944 avec l’obtention du droit de vote, dans le monde du travail grâce à la loi de 1972 qui introduit le principe « à travail égal, salaire égal », puis à égalité avec les hommes dans l’accès aux responsabilités, dans l’article premier de la Constitution qui inscrit le principe selon lequel la loi « favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales », les femmes voient leurs droits défendus par un arsenal législatif puissant. Et cependant, bien qu’elle soit conquise et acquise en droit, l’égalité entre les femmes et les hommes peine à se concrétiser dans les faits et à se manifester dans la vie quotidienne des Françaises et des Français. Malgré la loi sur la parité, seul un quart des représentants de la Nation sont des femmes (26,6 % des députés et 21,8 % des sénateurs).
Malgré la loi de 1972 sur l’égalité professionnelle complétée par la loi Roudy de 1983 puis la loi Génisson de 2001, aujourd’hui la dure réalité vécue par les femmes, quel que soit leur niveau de qualification, c’est « à travail égal, salaire inégal », puisque les écarts de salaires bruts annuels moyens persistent autour de 27 %.
Plus diplômées que les hommes (48 % des femmes de 25 à 34 ans ont fait des études supérieures contre 39 % des hommes du même âge), les femmes se cognent toujours au « plafond de verre », restant éloignées des postes de décision aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique. Incitées dès la petite enfance à s’imaginer institutrices ou infirmières, orientées dès l’adolescence vers des parcours moins scientifiques et moins sélectifs que ceux des hommes, les femmes devenues adultes choisissent à 88 % d’exercer dans le secteur tertiaire. Or, les métiers de services sont aussi les plus précaires, puisqu’ils s’exercent en bonne partie sous forme de temps partiel. Aussi, 30 % des femmes qui travaillent sont-elles à temps partiel contre 6 % des hommes et elles représentent plus de quatre salariés sur cinq travaillant à temps partiel.
C’est dès l’enfance qu’il faut combattre le déterminisme de genre, en déconstruisant les stéréotypes sexistes qui conduisent, par exemple, à ce qu’aujourd’hui, encore, les femmes consacrent, en moyenne, 3h52 par jour aux tâches domestiques, contre 2h24 pour les hommes. Enfin, près de 10 % des femmes sont, encore aujourd’hui, victimes de violences sexistes de la part de leurs compagnons. Alors que 75 000 viols sont commis chaque année, en France, seul 1 agresseur sur 10 fait l’objet d’une poursuite judiciaire et 2 % des violeurs, seulement, sont in fine condamnés. La marche a été longue depuis 1945 et elle n’a pas encore atteint son but. En effet, à toutes les lois adoptées, à toutes les réformes engagées, il a manqué une cohérence qui aurait exigé des ambitions fortes, des objectifs clairement identifiés, des actions cordonnées pour parvenir à l’égalité réelle. Il a manqué une volonté politique soutenue à travers le temps, reconnaissant la situation d’infériorité et d’infériorisation des femmes comme la résultante d’un système social, qui a produit les inégalités de genre qui irriguent tous les aspects de la société. Aujourd’hui, enfin, dans le nouveau contexte politique, les droits des femmes sont redevenus un vrai sujet politique. Le premier changement, et il est majeur, c’est l’engagement du Président de la République en faveur des droits des femmes, engagement qu’il a concrétisé en 40 propositions :
-L’égalité professionnelle
-La lutte contre la précarité
-L’éducation sexuée et la sensibilisation au sexisme
-Le soutien à la parentalité
-Le renforcement de la parité politique et le partage du pouvoir de décision dans toutes les autres sphères
-La lutte contre les violences sexistes
-La consolidation des droits fondamentaux que sont les droits sexuels, l’éducation sexualisée, la contraception et l’IVG.
Autant d’enjeux qui doivent faire l’objet d’une approche spécifique pour mieux appréhender le caractère systémique de leur imbrication et l’aspect transversal de ces questions. Cet engagement fort du candidat François Hollande sur les droits des femmes a été immédiatement mis en œuvre par le nouveau Président qui a instauré -moment historique dans notre République- un gouvernement paritaire et le retour d’un Ministère des droits des femmes. Cette nouvelle donne politique et institutionnelle doit conduire, aujourd’hui, à un saut qualitatif des Pouvoirs publics sur cet enjeu d’exigence d’égalité réelle, enjeu parfois ignoré, souvent minimisé. Un engagement plus fort des Pouvoirs publics, la mise en place de politiques publiques d’égalité, dans tous les domaines, et ce sera l’ensemble de la société qui, à son tour, sera irriguée et deviendra plus exigeante.
C’est ainsi que, plus on dénoncera les mécanismes de domination, plus justement on les analysera, et plus les politiques publiques mobiliseront fortement en faveur de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Alors que cette nouvelle ambition n’est enclenchée que depuis quelques mois, c’est bien une nouvelle manière d’appréhender les droits des femmes qui se fait jour. Les acteurs mobilisés pour l’égalité de genre voient, avec raison, dans la période qui s’ouvre, une chance historique d’effectuer un bond qualitatif, sans comparaison avec les politiques menées ces dernières années. Il faut rappeler, en effet, que la société civile était souvent bien seule à agir –avec parfois le soutien de quelques collectivités territoriales- parfois, au coup par coup, contre les remises en cause des droits des femmes. L’attente et les exigences sont très fortes Aujourd’hui, c’est avec tous ces acteurs de l’égalité de genre qu’il convient de construire des politiques cohérentes, transversales, afin de faire progresser l’égalité dans tous les domaines et sur tous les terrains. Car il existe enfin une volonté politique affirmée de valoriser les expériences de terrain et les innovations que, partout, les acteurs et actrices de la société civile mettent en place, parfois depuis de nombreuses années. Il faut souligner, par ailleurs, l’immense différence de contexte que porte le mouvement féministe. Indéniablement, les associations féministes se sont mobilisées pour que soit créé un Ministère des droits des femmes. Et, parallèlement, elles expriment la forte attente d’un cadre où elles puissent prendre la parole, être reconnues, entendues, et travailler avec les autres acteurs de l’égalité, ainsi qu’avec les représentants des Pouvoirs publics. La capacité qu’a, d’ores et déjà, montrée la Ministre des droits des femmes à avancer sur tous les sujets, a contribué à créer la confiance qu’ont, aujourd’hui, les associations féministes envers l’action du Gouvernement. Cependant, s’il n’y avait pas un lieu de concertation indépendant, qui rassemble les associations aux côtés d’autres partenaires, où elles puissent être écoutées, qui permette une expression forte de leur part, elles seraient contraintes de trouver d’autres voies et d’autres lieux pour s’exprimer. Elles le feront, alors, de manière éclatée, et sans que soit créé le rapport de forces nécessaire pour faire avancer partout l’exigence d’égalité. Ce nouveau contexte politique et institutionnel demande, à l’évidence, d’imaginer de nouveaux outils d’information, de réflexion et de concertation. C’est pourquoi, comme l’indique la lettre de mission de la Ministre des droits des femmes, « le Gouvernement a décidé de repenser le rôle et les missions de l’Observatoire de la parité ». Ces nouveaux outils joueront le rôle d’interfaces entre la société civile et les décideurs politiques, apporteront un soutien ambitieux et exigeant aux politiques menées en matière d’égalité et concourront à renforcer l’exigence de prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, il existe déjà un certain nombre d’instances de consultation, peu ou mal identifiées, peu ou pas coordonnées. De l’avis général, l’organisation de ces instances consultatives en matière de droits des femmes (aux compétences et statuts divers) doit être optimisée au regard des objectifs que le Gouvernement se fixe aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, afin de dégager les principes fondateurs qui serviront de base à l’édifice d’une nouvelle instance, le choix a été fait d’auditionner, le plus largement possible, les forces vives du combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qu’il s’agisse de chercheu-res, d’associations, des anciennes Rapporteures de l’Observatoire, d’élus, de juristes, etc… Ce rapport propose donc de rationaliser et de reconfigurer les instances existantes dans l’objectif de mettre en place une instance de coordination indépendante qui rende, enfin, incontournable, la question de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment en valorisant l’expertise sur ce sujet.
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