UNIVERSITE PANTHEON SORBONNE (PARIS I)
L3
LES CONTRATS SPECIAUX Cours de M. Le Professeur Stoffel-Munck
Travaux Dirigés 2017 Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
L 3
Droit des contrats spéciaux
Cours de M. le Professeur Stoffel-Munck
Travaux dirigés
Séance n°1: Les avant-contrats I. Les promesses unilatérales de vente
Document 1 : CE, 2 avr. 2015, n° 364539, Sté Cap Caraïbes , Lebon
Document 2 : La réforme sur la promesse de contrat II. La distinction entre promesse unilatérale et promesse synallagmatique de vente
Document 3 : Cass. 3ème civ., 28 mai 1995, n°95-20098 III. Le pacte de préférence
Document 4 : Cass. 1ère civ., 10 juillet 2002, n°
Document 5 : Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n°03-19376
Document 6 : Cass. 3ème civ., 23 septembre 2009, n°08-18187
Exercice : Commenter l’article 1124 nouveau du Code civil I. Les promesses unilatérales de vente
Document 1 : CE, 2 avr. 2015, n° 364539, Sté Cap Caraïbes , Lebon
« 1. Considérant que, par une délibération du 30 août 2007, le conseil municipal de Case-Pilote a décidé, dans le cadre du projet d'aménagement d'une zone d'activités, de fixer le prix de cession d'un terrain, situé au lieudit Plateforme, à la somme de 606 985 euros ; que, par une délibération du 14 novembre 2007, le conseil municipal a autorisé le maire à signer au nom de la commune la promesse unilatérale de vente de ce terrain à la société Cap Caraïbes ; que, par acte authentique du 18 décembre 2007, la commune a consenti à cette société la faculté d'acquérir le bien au prix de 606 985 euros en levant à cette fin, dans le délai de deux ans, l'option qui lui était offerte ; que, par une délibération du 8 septembre 2008, adoptée avant la réalisation de la cession, le conseil municipal de Case-Pilote a décidé de " dénoncer la promesse de vente " et de ne pas donner au maire l'autorisation nécessaire pour signer l'acte authentique de vente ; que, par acte du 4 décembre 2009, la société Gaïa W a été conventionnellement substituée à la société Cap Caraïbes dans le bénéfice de la promesse de vente et qu'elle a, en cette qualité, levé l'option le 15 décembre 2009 ; que, par une délibération du 26 janvier 2010, le conseil municipal de Case-Pilote a adopté le principe de la reconstruction de la caserne de sapeurs-pompiers communale sur une parcelle de 3 100 m² située au lieudit Plateforme et autorisé la mise à disposition de ce terrain au service départemental d'incendie et de secours (SID) de la Martinique ; que, par un jugement du 24 avril 2011, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté les demandes des sociétés Cap Caraïbes et Gaïa W tendant à l'annulation des délibérations des 8 septembre 2008 et 26 janvier 2010 ; que la commune de Case-Pilote se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel formé par les sociétés Cap Caraïbes et Gaïa W, a annulé ce jugement et les délibérations litigieuses ; qu'elle présente par ailleurs une requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt ; qu'il y a lieu de joindre ce pourvoi et cette requête pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 1101, 1134 et 1589 du code civil que, ainsi que le juge la Cour de cassation, la rétractation par le promettant d'une promesse unilatérale de vente, lorsqu'elle intervient avant que le bénéficiaire ait levé l'option dans le délai stipulé dans le contrat, se résout, conformément aux dispositions de l'article 1142 du code civil, en dommages et intérêts, à moins que les parties aient contractuellement décidé d'écarter l'application des dispositions de cet article ;
3. Considérant que, pour annuler la délibération du 8 septembre 2008 dénonçant la promesse de vente, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que le conseil municipal de Case-Pilote avait retiré illégalement, plus de quatre mois après son adoption, la délibération du 14 novembre 2007 ; qu'en statuant ainsi, alors d'une part, que cette délibération, qui se bornait à autoriser le maire à signer la promesse de vente, n'avait créé par elle-même aucun droit au profit de la société bénéficiaire, d'autre part, que celle-ci ne pouvait tenir de la décision du maire de signer la promesse unilatérale de vente le 18 décembre 2007 d'autres droits que ceux résultant de l'application des dispositions du code civil régissant les rapports entre les parties à un tel contrat de droit privé et enfin que, dès lors qu'il résultait du dossier soumis à la cour que la société bénéficiaire n'avait pas encore levé l'option, elle ne pouvait prétendre à la réalisation forcée de la vente, mais seulement à des dommages et intérêts, en saisissant le cas échéant le juge du contrat, la cour a inexactement qualifié la délibération du 8 septembre 2008 et entaché son arrêt d'erreurs de droit ; qu'en annulant, par voie de conséquence, la délibération du 26 janvier 2010, la cour a commis une autre erreur de droit ; que, pour ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Case-Pilote est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il s'ensuit que ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt deviennent sans objet et qu'il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Case-Pilote qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Cap Caraïbes et Gaïa W la somme de 3 000 euros à verser solidairement à la commune de Case-Pilote au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 octobre 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 364540.
Article 4 : Les sociétés Cap Caraïbes et Gaïa W verseront ensemble à la commune de Case-Pilote une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions des sociétés Cap Caraïbes et Gaïa W présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Case-Pilote et aux sociétés Gaïa W et Cap Caraïbes.». Document 2 : La réforme sur la promesse de contrat « Sous-section 3
« Le pacte de préférence et la promesse unilatérale « Art. 1123.-Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
« Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
« Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir.
« L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat. « Art. 1124.-La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
« La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
« Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul.
II. La distinction entre promesse unilatérale et promesse synallagmatique de vente
Document 3 : Cass. 3ème civ., 28 mai 1995, n°95-20098
« Sur le premier moyen :
Vu l'article 1589 du Code civil ;
Attendu que, pour ordonner l'expulsion de M. Rosan X... d'une parcelle appartenant à M. Jean-Louis X..., l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 juin 1995) retient que l'énoncé dans la promesse de vente de l'intention des parties de ne transférer la propriété du terrain qu'à compter de la signature " de l'acte authentique de réalisation " empêche l'acte signé le 10 juin 1987 de valoir vente ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté l'accord des parties sur la chose et sur le prix et sans relever d'autres circonstances de nature à démontrer que les parties avaient fait de la réitération par acte notarié un élément constitutif de leur consentement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée. » III. Le pacte de préférence
Document 4 : Cass. 1ère civ., 10 juillet 2002, n°00-13669
« Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que la société du Havre a consenti à M. X... un droit de préférence pour la location d'un emplacement dans un centre commercial ; que soutenant que les offres faites par cette société n'étaient pas conformes aux engagements convenus, M. X... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris pour la voir condamnée, sous astreinte, à lui proposer un choix de locaux correspondant à leur accord ; que M. X... ayant, en cause d'appel, demandé l'annulation du bail consenti par la société du Havre à la société Tie Rack qu'il avait appelée en intervention, l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2000) a déclaré irrecevable cette demande ;
Attendu, d'abord, que l'arrêt retient, à bon droit, que l'article 1143 du Code civil n'est pas applicable à la violation d'un pacte de préférence qui met une obligation de faire à la charge du débiteur ;
Qu’ensuite, il relève que la demande d'annulation du bail, seulement formée en cause d'appel, n'était justifiée par aucune évolution du litige puisque M. X... connaissait l'existence du bail consenti à la société Tie Rack dès le mois de novembre 1996 ; qu'ainsi, la cour d'appel a, à bon droit, décidé que cette demande était irrecevable ; que mal fondé en ses deux premières branches, le moyen est inopérant en ses autres griefs qui critiquent des motifs surabondants ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ». Document 5 : Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n°03-19376
« Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 13 février 2003), qu'un acte de donation-partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant un pacte de préférence a attribué à Mme Adèle A... un bien immobilier situé à Haapiti ; qu'une parcelle dépendant de ce bien a été transmise, par donation-partage du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M. Ruini A..., qui l'a ensuite vendue le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude, par acte de M. B..., notaire ; qu'invoquant une violation du pacte de préférence stipulé dans l'acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en tant qu'attributaire, Mme X... a demandé, en 1992, sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude alors, selon le moyen :
1 / que l'obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l'exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à l'impossibilité de contraindre le débiteur de l'obligation à l'exécuter matériellement ; qu'en dehors d'une telle impossibilité, la réparation doit s'entendre au premier chef comme une réparation en nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties au litige, la cour d'appel a fait de l'article 1142 du code civil, qu'elle a ainsi violé, une fausse application;
2 / qu'un pacte de préférence, dont les termes obligent le vendeur d'un immeuble à en proposer d'abord la vente au bénéficiaire du pacte, s'analyse en l'octroi d'un droit de préemption, et donc en obligation de donner, dont la violation doit entraîner l'inefficacité de la vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune impossibilité ; qu'en la refusant, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du code civil ;
3 / qu'en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu'en subordonnant le prononcé de la vente à l'existence d'une faute commise par l'acquéreur, condition inutile dès lors que la cour d'appel a constaté que le pacte de préférence avait fait l'objet d'une publication régulière avant la vente contestée, la cour d'appel a violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 ;
Mais attendu que, si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société Emeraude savait que Mme X... avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ». Document 6 : Cass. 3ème civ., 23 septembre 2009, n°08-18187
« Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 avril 2008), que par acte notarié du 23 mai 2003, la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle a vendu à M. X... et à Mme Y... un lot d'une superficie de 999 m² dans un lotissement communal, au prix de 42 685 euros ; que dans un paragraphe intitulé "conditions particulières imposées par la commune - Pacte de préférence", l'acte de vente comportait une clause, valable pendant vingt ans, prévoyant qu'avant toute revente à un tiers, le rachat du terrain devrait être proposé à la commune ; que la clause précisait que le prix de revente du terrain nu ne pourrait excéder le prix d'acquisition initial, réactualisé en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction, et que le prix du terrain avec une construction serait égal au prix de vente du terrain nu majoré du prix de revient de la construction, évalué par un expert ; que M. X... et Mme Y... ayant, le 21 octobre 2006, signé un compromis de vente de leur terrain au prix de 120 000 euros, la commune les a avisés qu'elle entendait exercer son droit de priorité au prix d'acquisition réactualisé en fonction de l'érosion monétaire ; que M. X... et Mme Y... ont alors assigné la commune pour faire annuler la clause instituant, à son profit, un droit de priorité ;
Attendu M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que le pacte de préférence qui impose au promettant, au cas où il déciderait d'aliéner le bien, de donner préférence au bénéficiaire du pacte, à un prix prédéterminé dans le contrat, constitue une atteinte au droit de propriété lorsque la durée de cet engagement est de vingt ans de sorte que la clause instituant un tel pacte doit être annulée ; qu'en décidant le contraire, tout en constatant que le contrat conclu entre M. X... et Mme Y... et la commune stipulait que les premiers s'engageaient, au cas où ils décideraient de vendre, à donner préférence à la commune, à un prix prédéterminé au contrat, pendant une durée de vingt ans, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la stipulation avait été librement convenue, qu'elle avait pour but, en fixant d'ores et déjà un prix, institué pour une durée de vingt ans, d'empêcher la spéculation sur le bien dans un contexte marqué par la rareté de l'offre et le "décrochage" des possibilités financières de la plupart des ménages par rapport à l'envolée des prix de l'immobilier, et que M. X... et Mme Y... avaient bénéficié en contrepartie de son acceptation de la possibilité d'accéder à un marché protégé de la spéculation immobilière, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que les modalités stipulées, notamment quant à la durée de validité de la clause, n'étaient pas, au regard de la nature et de l'objet de l'opération réalisée, constitutives d'une atteinte au droit de propriété, en a exactement déduit que la demande en nullité devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ».
Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
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