Pourquoi écrire aujourd’hui ?








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pourrait toujours sourire.
Il alla la rencontrer. Elle portait toujours son petit panier.
Il lui parla. Mal. Il rougissait et regardait de côté comme pour chercher de l’aide vers les plantes grasses sauvages et la rocaille. Il se redressa brusquement.
Rien ne venait. Il était prêt à se battre.
Alors, il s’assit à côté d’elle. Et ils conversèrent, avec peine. Le panier était serré contre son corps.
Puisqu’il le fallait, il la caressa, doucement, du cou sur le haut du dos et les épaules, sous les cheveux. Elle sourit. Ils s’embrassèrent.
Iwa était vraiment inquiet. Il avait connu des langues ourlées en gaufrettes pour des saignements à la Pasolini. Rien de semblable.
Il la prit par la taille et ils marchèrent sous le soleil cuisant.
La journée passa en paroles, en petits gestes, en regards. Iwa couvait de tous ses yeux un paysage qui, d’habitude, l’intéressait peu, ou comme toile de fond. Près de l’eau, il glissa ses mains sous sa chemise de coton. Elle était nue, la peau dure de sel et de soleil. Il se sentait ému, serein. Ils firent du tricot. De la tapisserie en point de croix. Après la mousse, il suivit la pente comme un feulement. Elle soupira. Il agrippa les tétons dans ses griffes, se colla. Alors, frémissants, ils descendirent dans l’eau et s’égarèrent. S’aimèrent. Sans commune mesure. Eternellement vierges de toujours recommencer.
Et puis, ils marchèrent encore, de crevasse, en fleur épineuse.
Le soir, ils se faufilèrent comme des voleurs dans la chambre d’Iwa.
La pension de famille était un vieux palais rose délabré, entouré de palmiers, transformé en hôtel, lui-même délabré. Les chambres restaient blanches, avec des parties de fresques romaines au plafond, une araignée, un lit et un lavabo. Dans la fenêtre qui donnait sur un jardin en friche : une moustiquaire crevée. Et puis, au loin, les criquets et la fraîcheur.
Mais les murs, eux, demeuraient imprégnés de la fournaise du jour, et ils suaient.
Il avait de longs yeux noirs aux terminaisons asiatiques, tantriques, pour pinces à linge, une épaisse chevelure d’anachorète, une silhouette élancée de reptile épanoui, un air amusé. Beau, pas beau, il la fascinait. Ils appréciaient la conjonction.
Iwa écoutait les bruits de la nuit. Saôuls, ils s’attouchèrent encore, à leur façon, comme chacun pétri sa pâte, parce qu’il eût été cruel et illogique d’attendre autre chose. Fond de cola dégazéifié en bouteille au ciel d’ozone, sur vodka. Ploc-ploc de la sueur conjointe, excitation de ce bruit dans les crissements des criquets de la nuit. Un frottement de tissu, un téton dressé. Obnubilés, tendus, voraces.
Aimer c’est oublier. Aimer c’est se perdre, oser la bêtise, larguer les amarres, les préceptes. Aimer c’est accepter le néant. Il partit au petit matin. Vite. Avant l’effroi, la nausée, la possession. Plus rien ne pouvait être aussi beau que cette nuit. Laissa sur le comptoir le prix de son séjour, devança son départ à elle de très peu. Complices de leur fin. Gorgés.
Il se cacha près de l’embarcadère et guetta, avant de traverser cette zone déserte, l’arrivée du bac. Entendit clairement les chiens.
Il était exténué et craignait qu’on ne l’écharpât pour sa faute sensuelle et sans suite.
Quelques minutes avant l’envolée du bateau, alors que celui-ci s’éternisait depuis de longs moments déjà après son retard considérable, et que le village s’agglutinait, bruyant, à recevoir et à envoyer marchandises et passagers, il se décida à avancer. D’un pas détaché de badaud.
Il pénétrait sur la scène, entre les corps, vide, les yeux brouillés par son interminable attente, les nerfs et les muscles raidis, claqués, anéanti.
Le soleil pesait.
Il s’écoula un temps sans consistance.
Enfin, par surprise, il fut tout près des agents du bac. Il comprit qu’il allait passer.
D’un coup de reins, il monta, aspiré, projeté par un mousse. On lui glissa un panier, il ne put le laisser tomber.
Et puis il marcha. Vite. Vers l’autre bord.
Il attendit, prostré. Le bateau partit.
Il était fatigué. Dans son petit panier, il y avait un journal de mode. Il jeta le tout par-dessus bord et alla faire la sieste.
Il rêva qu’il buvait à la terrasse d’un café.

Il buvait à la terrasse d’un café. Et rêvait qu’il était ailleurs. Ailleurs qu’au Mexique, dans les pluies fines d’Irlande aux cieux ouvragés. Petit tas de cendres noires au pied d’une falaise verte de craie blanche.
Ce qui reste ? Des reflets chez les autres. Des éclairs de propagande. Chacun meurt comme un slogan. Se vit comme une trahison.
Il reprit un alcool glacé marron aux feuilles de cardamone, additionné d’eau, et remua un peu, sans vraiment s’ébrouer. Roux. Il fit crisser les paillettes d’un granite lemone-vodka. Il racla un fond de fandango mêlé d’Ouzo herbu, aux taches blanches de copeaux de melon irrigué à Valence.
Iwa était nerveux. Ce Tintin-Reporter cognait parfois. Il se révoltait, à force d’être écrasé, méprisé, le cul botté, réduit en miettes de misères. Et la paresse ? Altière.
Il avait eu l’occasion de se battre à Mexico avec les étudiants, se planquant dans une petite chambre nue avec un lit et un électrophone, la remplissant à ras bord, de manière à devoir enjamber à cinq l’électrophone pour s’asseoir sur le lit. Des réunions s’étaient multipliées. Il avait dit ce qu’il pensait, au cours de longues discussions dans la nuit pendant lesquelles il fallait se méfier des voisins. Ils avaient passé du free-jazz et des congas. Il avait fallu foutre le camp à toute vitesse pour éviter l’armée, se cacher à nouveau dans un autre quartier. Il avait failli se faire prendre en collant des affiches. Ca avait tiré, beaucoup de ses camarades avaient été arrêtés. D’autres abattus, là, sur le carreau. Des pétarades indistinctes. Le sifflement de la balle, brusque, comme un lancé de serpentins. La chute. La répression était impitoyable. Il avait dû disparaître, et il se disait « merde ». La torture, seule, le terrorisait.
Mot d’ordre simplet (« bouffe ton fric») et lui avec cinq potes faisant avaler par surprise des billets en direct-live au ministre de l’économie, par ailleurs propriétaire pétrolier. Heureusement, il était hors-champ. Sinon, fatalitas avec sa trombine et sa dégaine… Il avait tout organisé, le commando et le buzz du net. Eternel anonyme. Il avait toujours eu raison trop tôt. Refusait d’organiser sa promo. Pas de traces. Rien. Orgueil dans le désespoir.
Des craquements. Monsieur Cochenille, un peu éméché, faisait osciller son verre de droite à gauche, et vice-versa, tout en combinant la chose avec un regard fixe porté vers les tranches de lumière : la part de sable éclatant, la part de ciel bleu bleu. Monsieur Cochenille songeait, las, que le temps n’avait rien de mieux à faire que de nous emmerder. Evaporé. Au loin, il lui arrivait d’effleurer les tendres madrépores encore toutes ruisselantes de leur écume et les rascasses du rivage ; plus près, il suivait avec attention le drame antique d’un scarabée hésitant et de cailloux qui roulent, réellement intrigué.
Par devant, les flots déposaient leurs habituelles cascades tandis que notre héros recommandait un rafraîchissement. Furieux qu’un cancrelat eût pu même l’imaginer, déblatérant sur son ennui feint. Sa saignée nomade. Il avait évidemment immensément chaud, et ne se risquait plus à l’extérieur à ces heures comme il le faisait imprudemment autrefois. De plus, il se sentait imprégné du sable, éponge à tanin en boulette noires, qui tapissait ses oreilles, craquait dans sa bouche, chatouillait les poils de ses narines, l’asséchait comme un désert. Il y en avait aussi dans ses bottes et entre les lames du plancher.
Derrière lui, vers le bar, ce noyau nourricier et convoité du café, il entendait les liquides qui coulaient. A droite, des cartes giflées sur la table et des grognements. Sa position à l’ombre rendait encore plus présente l’immensité brûlante et lumineuse de la place avec ses trois touristes, ponctuation incongrue et vite anéantie.
D’une manière générale, dans ce temps flottant, le seul intéressant, indéfini, il percevait avec limpidité, corporellement, les manifestations lointaines, comme autant d’indications fatidiques : léger vent de crécelle, les traces d’une danse à l’ombre d’une hacienda, preuve que des ombres passent, écart à la loi de la siesta, un coq égorgé dans une cour.
Tout concourt à faire sentir qu’il faut se taire, que l’heure est au sommeil et qu’un âne ou un enfant, isolés, peuvent, par moments, écrire leurs pas dans la rue, aussi étouffés que ceux d’un chien errant dans la neige. Et l’ascension du boulimique sur la pyramide à gradins. Pour ne plus la voir.
Sur la place de Texacoatl, de vieilles indiennes replient ce qu’elles avaient apporté pour le marché. Lentement, dans de grandes couvertures aux dessins géométriques.
Un cactus au coin de la rue Aromas. Son parfum hantait les jardins. Au coin d’Amigo Truxillo, c’étaient les pierres brûlées d’un mur en ruines qui faisaient courir leur goût d’argile et de sable.
Monsieur Cochenille tâtait l’épais bord de bois de sa table. Il avait compris que l’atmosphère était à la divagation et que tous les corps allongés et alanguis devaient exhaler une étrange torpeur, un amas de mirages.
Le souffle espagnol, qui constituait l’ossature et l’apparence de ces villages, ne pouvait faire oublier les rites des peuplades antérieures. Il demeurait un trouble de fond de gorge de sacrifice, sans compter les hallucinations du soleil, le dos des mendiants difformes et courbés, les carrioles qui passent, et la poussière. La raideur cadavérique. Singer la mort dans le coma.
Le patron annonçait pour le dîner des tortillas.

Iwa dormait avec Conchita et Lope. Conchita avait treize ans, affublée d’un prénom espagnol, petite, à tête de seigneur et au regard droit dans les astres, pas commode. Lope, vieille rossinante, descendant exténué des soudards, mais profondément gentil, soixante-et-onze. Ils faisaient vivre à eux trois leur maison décrépite. Chacun y apportait les éléments de sa gloriole. Lope collectionnait les cailloux, Iwa s’intéressait surtout aux questions culinaires et entreprenait de grandes recherches de plantes nouvelles ou d’herbes aromatiques, Conchita aimait la sieste.
Ils s’accommodaient fort bien de tout cela.
Cochenille buvait du pulque. Ile n’aurait pas détesté, au sud, dans la corne qui gratouillait le pôle, cavaler à travers la pampa, parmi les gauchos gavés de vent, de maté et de viande rouge. Pour s’aplatir ?
Un chien errant, la tête basse, comme celle d’un loup, dérivant dans la rue. Un bout de temple sur la terre sèche. A l’est. Promontoire pour basculer la tête, cou tordu, vers le ciel. Incantation oubliée, repaire de serpents. Chapeau des morts.
Il humait l’odeur de la poussière se rapprochant de celle de la corde et de la colle. Après des heures de silence, un filet d’eau avait coulé vers l’est. Cette manifestation prenait tous les aspects de l’insolence.
Il souffrait un peu de l’estomac.
Le soir, quand, lentement, descendait le soleil sur l’horizon, comme un combattant victorieux se gardant des représailles, les rats recommençaient leurs occupations et les habitants leurs distractions. Dans le gris qui tombait, et, surtout la fraîcheur naissante, tout un peuple s’éveillait et soulevait son engourdissement pour se livrer à ses tâches, simple apparence dans un jeu hésitant à désigner les fonctions.
L’essentiel, en fait, pour la population, était que le rideau fermé lui ouvrait les portes de l’action consciente, que les dîners s’échafaudaient, que les fêtes se tramaient dans le calme des cuisines, de la terre et des cendres, que quelques uns s’étiraient et osaient des pas vers les chemins et les rocailles en parlant de ce que l’on pouvait faire d’un cochon et de quelques épines.
Iwa retournait voir Conchita et Lope, quand l’un ou l’autre était là.
Il bavardait, grignotait des extraits de tomate ou de céleri, mâchouillait de la coca, embrassait celui qui le côtoyait. Il lisait aussi un peu.
Et puis, le soir, il sortait. Tout le monde sortait. Les rues vivaient la nuit. Le noir annonçait les libations et les sarabandes.
Au début, il s’asseyait dans un coin au bar, sur un tabouret de bois, et commençait à s’enivrer tout en feuilletant vaguement de vieilles revues érotiques déchirées, au sperme collé de bas à couture, et aux mouches écrasées de graine rouge, tandis que craquaient déjà les premières danses.
Petit à petit, le rythme montait et Cochenille caracolait avec des jeunes filles décorées d’algues claires et bruissantes, aux seins bondissants, ou se retrouvait abasourdi à boire avec les vieux du village, ou à hurler, ou à cogner sur une troupe éméchée qui voulait tout casser et surtout lui casser la figure.
Et puis la nuit le prenait et ses songes montaient dans le soleil. Et il dormait.


Le matin, il allait chercher de l’eau avec Conchita ou Lope. Ensuite, c’était la sieste.
Des heures durant, dans son affalement stratégique, il regardait le monde –la cour de ferme en fait- avec le sourire tranquille d’un sage navajo ou d’un Don Juan laissant s’agiter ce grand benêt de Castaneda. Consul aphasique. Chamane immobile.
Il fumait de longs cigares.
Un jour, il sortit de sa réserve et décida de pousser jusqu’à l’intérieur des terres.
On lui avait raconté qu’au-delà des montagnes, une petite communauté avait construit une ville baroque, de pacotille, d’agrégats, de rapiècements dorés, d’incrustations plastiques, maintenant abandonnée. Cela avait suffi pour le décider.
Il s’était mis en route très tôt le matin, afin de profiter de l’accalmie, et marchait sur un sentier de pierrailles.
Il voulait absolument se persuader, au cours de son effort, que le sol sec recelait une grotte et un lac. Crénom. Un lac. Un gigantesque lac de pulque alimenté par les racines des cactus venant y déposer leur sève, comme un dû millénaire.
Ile y voyait des Indiens assis en cercle, immobiles, méditant sur les circonvolutions des fumées épaisses de leurs sacrifices, une poche squameuse d’iguanes et d’onguents, de crânes, de tâches de sève séchée, de plumes rouges, de couteaux, d’herbes, un plan d’eau visqueux et sa barque lente traversant cette surface immobile pour porter un message au royaume des morts.
Il y voyait un monde inversé, un enfantement mort-né de la terre aride et du soleil tonitruant, dont la violence inlassable créait une opacité de pluie.
La glace. Voilà l’étendue de la banquise. Une longue brûlure de vent aux soleils tournants. La croûte craque pour faire mal.
Son sang tournait par habitude et son cœur le fouettait de coups trop répétés. Perdu dans cette chaleur qu’il n’avait plus quittée depuis l’Afrique, exténué, sa tête elle-même s’était pourtant organisée un univers souterrain et glauque. Mais elle ne pouvait supporter tel matraquage. Il ânonnait en morse.
Il se voulait serein, sereinement annihilé. Le serpent ou les lézards ou les scorpions savaient mieux le juger qu’il ne contrôlait ce territoire évident et secret. Il poursuivait son entreprise qui aurait pu le perdre, trop longue, trop éprouvante, affaibli. Laminant. Râpant le derme au papier de verre. Usinant l’esprit au laminoir. Chauffant les ongles à la scie égoïne.
Ayant oublié sa superbe, trahi par les organes, baigné dans le craquement des écorces de plantes grasses et la viscosité de leurs paradis internes, la cervelle langoureuse comme une poche de pus, il marchait. Ile trébuchait, continuait, par erreur.


C’est peu de temps après qu’apparurent les premiers corps. Des treillis lancés conjointement à l’ondée.
Dans le désert chaud était tombée une pluie d’horreur. Iwa vit d’abord trois cadavres près d’un amas de blocs. Puis une nuée.
Comme un nuage de criquets, les organes s’amoncelaient. Une plaine de morts, un horizon de charnier. Il y avait encore des tas au loin. Des tirs, des explosions.
Ils laissaient des traces dans le sable, dessins éphémères, et dans ce capharnaüm terrifiant, on ne pouvait songer qu’à une impression de trouble. Un noir. Et puis : les lueurs vertes et la fournaise.
Des cavaliers s’avançaient au galop de leur clinquante cavalcade cuirassée ; plumets au vent, chevaliers épineux, caracolante phalange, lanciers du Bengale.
Là-bas, sous un nuage rouge qui montait, hésitante corolle, les morts et les balles et les flèches tirées depuis des arquebuses. Il se sentait une confusion de tranchées, d’ordres indécis où les corps se noient dans l’uniforme, et où le sang cache sa couleur parmi la terre. Les hurlements de la révolte, les Indios dressés et les coups qui fusent comme autant d’exécutions sommaires.
La plaine était sombre de soleil épais. Les cris se mêlaient au silence ; on a vu des hommes déguisés s’élancer comme dans un cinéma muet où les gestes saccadés sont préparés à l’avance ; il faisait rouge. Et la masse des cadavres épars, par milliers, jonchait le sol pour créer une topographie étonnante, un relief consternant.
En vague, venaient les chameaux du désert, les éléphants, les tanks, pesantes masses réfléchies progressant comme autant d’allusions à un cortège de fin de noce, le pas lourd des chevaux de labour mués en tireurs de corbillard.
Il faisait chaud à la folie.
Et les tirs continuaient. Dans la géographie plate, les terres incultes, les peuplades énigmatiques. Il y avait la mitrailleuse à répétition, le cri du sorcier, la grenade péteuse avec toutes ses promesses bien remplies.
Et la peur. Et l’orage. Des lumières et des cris. Un grondement de poire. Il fallait beaucoup de temps pour calculer le temps de désintégration.
La terre était sans forme. Rien ne pouvait lui en donner plus.
Sous les fusées en pluie des aiguillons aériens ou des lourds tankers, les phalanges avançaient dans leurs rangs de forces occultes, tandis que les transmissions calculatrices songeaient au creux de leurs casemates. Il faisait noir et la bouche sèche s’était emplie d’un goût âcre de fumée qui ne devait plus la quitter.
Au loin, les lueurs. Tout était désintégré et la surface lunaire ne laissait d’autre choix que de se réfugier dans les trous.
Le cri d’un sergent, toussotement rauque. Et puis la hiérarchie disparut comme elle était venue. Guerre mystérieuse qu’il regardait sans comprendre.
Le lendemain, il y eut les jeeps se faufilant, fines torpilles, lourde aviation et les coups de sabre. Ile se retrouva proche des troupes ennemies.
Dans un nuage de poussière les rendant méconnaissables, ils prirent ensemble le thé, tels les Méharis, au creux du désert, faisant couler le liquide de haut, au sein de verres Duralex, la menthe verte bouillonnant de bulles, buvant le contenu brûlant. Tout ce jus de feuilles mortes apaisait la soif.
Et la guerre reprit comme un coup de cisailles. Les voltigeurs éclaireurs lançaient leurs signaux kabbalistiques, quand, encore tout occupée à observer leurs messages dans le ciel, il reçut des projectiles dans le ventre. Il était seule et mit plusieurs heures à mourir, étranger à ce qui se passait.
Il ne ressuscita que le troisième jour.
Ile marcha, extrêmement intrigué par le fait d’avoir deux poteaux à articulations, totalement indépendants d’ailleurs. Il sourit de tant de liberté et les laissa se propulser. Farce d’oreille, chaque élément de son anatomie lui paraissait une étrange coïncidence.

Le lendemain, rien ne fut pareil. Iwa sortait des craintes de la nuit. Du courant des chacals. Il revoyait encore les oriflammes et les couleurs. Il sentait la fleur de cactus et le bruit des pierres. Il tâtait ses blessures.
Il fallait beaucoup de temps pour atteindre la ville abandonnée.
Des heures de marche.
Plus tard, au détour d’un lacet dans la montagne, il s’aperçut qu’il avait appris le réel. La souffrance même lui était peu crédible. Enfant gâté, pourri, cervelle de fromage frais ballottée dans tant d’accidents. Décollé du crâne. Mozzarelle au sein du liquide amniotique.
De grandes masses blanches au loin.
Sa mâchoire grogna.
La peau n’avait aucun répit à sa sudation, qui ne savait où inventer un liquide à rejeter. Terre craquelée d’iguane.
Comme il s’approchait de cette cité –autant de trous dans le ciel-, il songeait par contraste à Conchita et à Lope, à leur vie à trois, faite d’ombre et de lumière, de gestes quotidiens et d’extravagances, de douceur, de plantes vertes, de cailloux, de caresses.
Les silhouettes se faisaient plus précises. Ile continuait vers la curiosité. Sa tête se tournait nonchalamment de droite à gauche, pour ne pas être aspirée par la vision frontale.
Iwa était fier. Ile cherchait ce qui n’allait pas.
Il découvrit qu’il avait faim, s’assit en soufflant sur le bord du chemin, et sortit ses provisions. Il avait laissé distancés la fureur et l’orage, et se mettait à dévorer et à boire avec entrain, à grand jeu de molaires. Selon sa vieille habitude lorsqu’il se trouvait seul, et même parfois autrement s’il pouvait en tirer un quelconque plaisir, il n’eût pas fallu beaucoup le pousser pour qu’il s’identifiât à un trappeur enfoncé dans la nourriture comme une bête fauve affamée après de longues courses. Arpenteur de l’inepte. Escaladeur de l’antigravitation.
C’était sa récréation, de pétarade, de confettis, de rhum et de samba, de carnaval, un coup d’inconstance qu’avait annoncé son interminable voyage.
Il pensait au Caf’Conc, aux Apaches, aux Communards et à Paris, casquette sur l’œil au son de la java chaloupée sous les frondaisons. Il se sentait rasséréné ; cette halte constituait un repos auquel il eût dû songer plus tôt. Il accomplit au sol quelques mouvements de jambes pour les détendre, semblait ne plus faire attention à la chaleur qui, d’ailleurs, ne devait plus faire attention à lui.
Il se grattait aussi un peu, reprenait des tortillas.
Il trouvait assez drôle de se trouver là.
Cochenille affalé, rotant et pétant, récitant mécaniquement quelques phrases de Lima, se leva pour libérer ses richesses internes.
Il se désintéressait complètement de la ville abandonnée et, s’il n’avait pas fait aussi chaud, peut-être aurait-il entrepris une sieste. Heureusement, Dona Quichotta ferraillante et bravache, il reprit la route, l’air badin et le jarret sautillant. Mais cela ne pouvait durer. Las Huerdes.
Pourtant, il escaladait la côte, tel une Pieds Nickelés à la recherche d’un mauvais coup. L’âge pesait juste par les tiraillements des tendons.
Il marchait, toujours aussi sympathiquement et inutilement. Bizarre ketzalcoatl.
Iwa se retrouvait seul. L’âge pesait peut-être aussi par une insondable propension à se répéter. Il aiguisait ses refus.
Bon, il savait qu’il ne rencontrerait personne dans cette ville, livrée aux sables et aux scorpions. Il savourait cependant l’excitation neuve qui l’habitait, faux découvreur de terres, lécheur de perles étiquetées, couvert de cette chaude liqueur faisant que l’absence est souvent plus présente que la présence et que la présence ne se goûte qu’avec un parfum d’absence –hors les trous noirs. Etait-il toujours curieux ?
La cité –le village- tant prisée se résumait à une rue principale bordée de maisons.
Elle ne se distinguait pas par une grande audace d’urbanisme. Mais les habitations elles-mêmes, conçues avec tous matériaux, lentement élaborées dans chacun de leurs détails, amoureusement escagassées par les indigènes coloriés, de sinueuse et légendaire manière, raptaient l’impétrant de ventrouseuse façon, car l’angelot à palmier à la place de la tête, aperçu au hasard, avec un pied noir et une main jaune, conduisait à un défilé entortillé de formes au coq à l’âne. Et à l’âne au coq. Tout cela tombait en ruines. Surtout comment avaient-ils vécu ? En traverses ?
Il marchait sur ce chemin durci. Ses yeux, aux reflets de verre, se laissaient éclabousser par le rythme des tertres en mosaïque.
Il s’étirait, et se considéra comme fatigué. Il l’était. Mais il s’attacha à investir la pantalonnade de décors bariolés : les gros coelacanthes, les plantes à fleurs en racines, les boules sous étai en peau d’orque, les bas-reliefs sans suite. Les autochtones avaient passé du temps à se surprendre. Dès les premières chamailleries de l’habitude, les écorchures du fadasse, le décès de l’étonnement, ils avaient fui par grappes. Enfilant une robe de bure, zébrant leurs oripeaux d’arlequins papous.
Là restaient en corolles des jardins miniatures, qui s’imbriquaient, une géométrie de lianes, un colifichet de minarets et de clochers, parfois villa-de-bord-de-mer, parfois Cité Interdite, une gueule géante, bouche fermée, des ciselures écroulées, des petits carreaux empilés, des signes abscons, des objets fonctionnels sans fonction.
Il était trop tard, c’en était assez de cette ballade mexicaine, il allait vomir par hoquets.
Il s’asseyait, gémissait comme un gros bébé, regardait avec hébètement la poussière légère qui voletait, certains instants, les insectes lents et leur geste processionnaire, les petites herbes frisées.
Il voyait un cerf-volant dans les steppes, une troupe en file indienne peinant dans le désert, une voiture américaine et sa radio fonçant en musique sur les immensités folles d’un continent. Il se releva, contourna.
Il se laissa fasciner par l’horreur des scènes macabres. La mort des autres.
Il redémarra de son pas posé d’infirme. Le courage de l’indolent.
Il atteignit une zone d’ombre. La niche avait dû abriter une fontaine. Il y demeurait la statue androgyne d’un Eros délicat. Il s’y assit modestement, épave, confus d’avoir à le faire.
Embarrassé dans ses mouvements maladroits, fiévreux, il regrettait amèrement de ne pouvoir procéder à ce recueillement dans un temple clos et frais dont il avait si souvent eu l’habitude. Mais, à mesure que son corps se vidait, son esprit semblait se détacher avec un réel bonheur, comme un aérostat majestueux, avant que de s’élever en des songes légers et vaporeux.
Drogué momentanément par ce nouveau souffle, il poursuivit son exploration d’araignée épileptique, se raidissant pour s’approcher d’un coïncidence qui l’intriguait, molosse aveugle traquant un cerf.


Il y avait des décorations qui se décoraient elles-mêmes, longues histoires romanesques à brûle-pourpoint, fins guillochages épisodiques, d’autres choses. Du vaudou. Il ne savait pas s’il souffrait.
Des gaz. Des pirogues. Des fleuves de boue. Des cartes.
Iwa avait si chaud et si soif. Ile se mettait à fourbir des pensées alors qu’il aurait dû se reposer. Qui s’en souciait ? Pourquoi suivre pareil lézard craintif ? Il se sentait vraiment mal. Les galipettes, les souffrances, la fatigue, s’en sortir avant tout. Cette cataracte le jetait dans des transes de fièvre. Il était assommée. Sa tête giclait de sang. Il alla s’évanouir près d’une statue priapique, incommodée, malade, mourant plutôt.
Ile aimait pourtant bien apercevoir du coin de la paupière les grandes couilles dressées dans leur charmant épanouissement, fasciné et amoureux de ce prodige. Simulateur ? Nenni : tout à sa dérive. Prêt à disparaître, prêt à se révolter pour vivre. Suicidaire colérique. Evanoui baveur. Inconstant électrique. Dormeur coureur. Indéfini solitaire polissant son ego à coups d’autrui. Alors, nauséeux, gargouillant, grelottant, il se força à rester disponible, se releva pour parcourir les bornes énigmatiques de jardins secrets, les porches cachés cachant leurs demeures sans rapport.
Sa pensée douloureuse et fourrageante s’empêtrait dans une roue pompeuse, un décorum à couper au couteau. Il était un laboureur à défaut d’être un boucher balnéaire et aérien. Comment s’en sortir seul ? Il voulait choisir, changer et combattre s’il le jugeait nécessaire.
Ah, Iwa en avait assez de ce dit-Mexique écrasant, de ce dit-cauchemar de nuit sans sommeil, de ses dits-rêves qui s’entrechoquent, de cette attirance.
C’est sur le chemin du retour qu’il se fit arrêter par la police mexicaine.


Il pleuvait sur Moulins, d’une pluie fine et intérieure. Quelques orphelins se cachaient sous le porche de leur école.
Les rues se couvraient, petit à petit, d’une surface gluante de lichens, de reflets d’ardoise mouillés. Une jeune fille rentrait précipitamment à bicyclette, encapuchonnée dans son ciré noir.
Il faisait frais et l’automne humide allait accélérer le bouillonnement et la pourriture des feuilles au creux de chemins de forêts, sous les futaies, parmi les traces de pas d’un promeneur isolé sur la glaise.
Dans la ville morte, en cet après-midi où mêmes les cloches s’étaient tues, le recueillement était extrême. La boulangerie, seule, constituait un dernier havre éclairé où l’étranger pouvait trouver un refuge farouche.
Quelques enfants s’amusaient au milieu des flaques, sans bruit, comme pris par le chant des cheveux frais de la fée celte bercée par la tristesse d’une nuit sans lune, près de la fontaine Saint-Ambroise, sur la place centrale avec ses ormes.
Au milieu des rues vides, une auto creusait parfois son passage, momentanément, à la fois perdue au cœur du déluge, et menaçante, telle les tractions d’une police secrète.

L’aumônier rangeait en vieux garçon sa panoplie et songeait à son enfance de patrouilleur des champs de fraises, de voltigeur de la campagne. Les petits cercles du dimanche continuaient en silence leur rituel –écrasant l’éclair ou la religieuse dans les griffes d’une fourchette à dessert-, scandé par les explosions résonantes des gouttes sur le toit. Une vieille femme soupirait dans son fauteuil, et regardait sa pièce.
Iwa, dans sa position favorite de regardeur, d’observateur pénétré, d’absorbeur d’univers, de frotteur de mondes, assis près de la fenêtre sur une chaise raide de bois dur, s’ouvrait, insensible, aux manèges extérieurs. Il avait déjà oublié que la police mexicaine l’avait pris pour une autre –et salutairement relâché, ce qui lui avait permis de quitter, preste, le territoire et de s’éveiller maintenant au son vibrant des asphodèles.
Madame R. lui parlait des légendes de la forêt, péniblement, des cris des animaux, du langage des traces. Figé comme un chandelier ornemental, ses borborygmes rauques montaient lentement en fumée avant que ses lèvres sèches ne retombassent en un clac reposant.
La pendule sonnait parfois fatalement ses heures, de coups fins.
Iwa fixait la place, les gouttes qui coulaient sur la vitre, formant effet de loupe par endroits, les arbres qui s’étiolaient dans cette saison à l’agonie généreuse, le marasme des feuilles et de l’eau et les rigoles d’où s’exhalait un goût de terre et d’anis.
Madame R. voyageait encore, osait des expéditions, par mots interposés, dans la pluie et le silence, perdue parmi les sylphides, les sillons gras, les sabots lourds des bêcheurs inlassables, la scansion de leur geste processionnaire, quant tout est déjà fini, les fosses noires dans la forêt, les apparitions malignes, la nuit.
Par moments, il lui fallait se lever en tremblant, majestueusement, comme pour donner une signification à chacun de ses mouvements. Elle voulait se rassurer sur sa mobilité. Iwa, lui, semblait dormir.

La pièce était sombre et la lumière crayeuse l’éventrait en son centre.
Madame R. revenait.
Elle s’assit en craquant, et resta prostrée. Son œil noir brillait avec une fixité de glace. Le mobilier, poussiéreux, tapissait l’espace de lignes et de volutes, une bouillie marronnasse, charbon, sale, reposante, avec comme reliques, quelques souvenirs qui étaient ceux de tout le monde : une tour rapportée par sa fille lors de son voyage à Paris en 54, morte maintenant.
Madame R. possédait peu de choses, et son alimentation se réduisait à des échantillons bouillis qu’elle n’arrivait pas à terminer. Parfois des racines étranges laissaient le visiteur perplexe.
Au loin, sur les routes, les fils électriques se paraient de gouttes, le long des chemins, près des champs gorgés aux ajoncs pliés, pendant qu’un couple se pelotonnait sous un gros arbre, un saule noueux, au creux d’une mare, dans une forêt protectrice où ils pouvaient se reposer, baignés de fraîcheur, et songer aux crapauds, au silence, à la paix.


Iwa écoutait à nouveau madame R. Elle lui parlait des moissons, du tricots, des dentelles, de la richesse des corbeilles à papiers, de l’expression des objets immobiles, des vibrations des balanciers d’horloges, de l’oranger sous les cloches luisantes.
Iwa songeait aux bouffées de vent mouillé qui fouettaient sa figure dans une allée, aux chasses, aux sortilèges des canards et des corbeaux.
Il voyait les draps humides du plâtre épais des murs, la pluie extérieure, calme, une glace, des troncs.
Iwa était maçon. Il s’endormait dans cette province étouffante dont il goûtait les rites de ville hypnotisée, en les vidant du sens qu’ils n’avaient pas.
A travers les petites rues, les feuillages qui débordaient, l’enchevêtrement des toits rouges ou gris, les clôtures, les calvaires, les fenêtres chastes des pays flamands, où les femmes, spectres, apparaissent et disparaissent furtivement, craintives, impassibles comme un canal, Iwa se représentait les haies, les ragots, les exécutions, les fougères, les cimetières à chardons, les monuments aux morts.
Madame R. s’était évanouie au cours d’une ronde avec les feux follets ; ils étaient complices. Pour elle, la notion de sommeil ou de veille n’avait plus de sens. Elle était libre, elle était au-delà. La nuit tombait sur une après-midi sans consistance.
Il alla voir le potager en friche depuis la lucarne de la cuisine. Il se prosterna pour sentir l’odeur du parquet, la respiration de la terre. La buée.
Plus tard, quelques passants se hâtaient lentement vers le refuge d’une soupe chaude. Dedans, il y avait une atmosphère de jeu de cartes.
On ne remarquait plus les automobiles que par leurs éclairages dansant dans la nuit opaque et leurs saignées dans les flaques.
Madame R. ronflait un peu.
Les orphelins avaient dû rentrer aux dortoirs. Le curé avait gentiment pris congé de sa gouvernante. Quelques jeunes s’aimaient dans l’obscurité protectrice. Des ouvriers revenaient du dernier café. Iwa s’était assoupi dans la bergère.

Après des mois.
Nuit noire.
Une voiture s’arrête, bute un peu contre un tronc. Une porte s’ouvre, un humanoïde en sort, ferme la porte, marche vite. La voiture repart.
Le bipède glisse, on entend un « merde » étouffé. Une autre porte s’ouvre. Du bruit. Et puis d’autres portes encore.
Le corps se couche.
Le lendemain.
Iwa se leva tard. Il enfila un peignoir à cordon et glissa ses pieds dans deux babouches.
Il prit au passage un bouquin dans la bibliothèque, roman de la Table Ronde pour les enfants, cycle arthurien pour certains adultes, où les histoires se succèdent de façon concentrique, n’ayant rien à voir, mais procédant d’un dessein inébranlable –à la secrète logique. Il feuilleta négligemment quelques épisodes. Il se sentait chevalier. Posa Van Vogt et l’ouvrage sur une table, près de Paris-Hollywood.
Il rentrait comme un gant dans la peau de touts les héros. Plastiquement adapté à chaque épiderme. Il vivait tous les films. Successivement.

« Mais où sont passées les biscottes. Ca, c’est pas croyable, chaque fois y’a pas moyen de les trouver. Ah… voilà. Bon, et puis maintenant il va falloir faire gaffe à pas les casser en les beurrant. Les débuts de journées sont durs… Tous les couteaux sont sales évidemment, oh merde, qu’est-ce qu’il faut pas faire pour bouffer ces saloperies ! Pff… Bon, allez, sous l’eau les petits coucouteaux !… »
Plus tard.
Iwa poussa les deux battants pour entendre le bruit des feuilles brusquées par le vent qui le rassurerait sur le fait qu’il ne serait pas la seul à bouger. De son bureau rectangulaire, placé devant la fenêtre, dans l’ombre des grands arbres, il enchevêtrait les pages, chiffons pourris, collés, moisis, maculés, aux cernes de poudre pourpre. Raide, digne malgré la plaque de métal dans l’épaule, il commentait en rêvant, les révoltes des soldats, les hurlements, la morsure du froid de l’hiver. Il avait réussi à s’écarter un peu de la vie, telle que ses contemporains la concevaient. Et tâchait d’en profiter. Exécutant de petits travaux de maçonnerie quand le besoin s’en faisait sentir, et donnant quelques coups de mains aux copines et amis. Suivant impulsions circonstancielles.
Il reprisait. Une chausse enveloppant un coquillage oblong tacheté fendu laissant s’échapper un filet de vagues.
Un tilleul ou un Beaujolais l’attendaient et sa coterie aussi. Il verrait ce que demain serait et aurait toujours l’occasion de vider son porte-monnaie.

Des plantes vertes montaient. Une femme devait rester à l’étage, sur un canapé, à cogiter. Peut-être déguisé en Tsonga aujourd’hui, et quel serait son nom ? Lèvres de silicone. Un homme sciait au grenier. Portail maori.
Oui, peut-être demain il faudrait travailler.


L’ascenseur montait. Il s’agissait d’un Ascinter Otis clos, épaisse boîte de fer pneumatique qui vous laissait toujours dans un trou d’air.
Masieur Cochenille s’y trouvait seul.
L’ascenseur montait. D’une lente montée.
Iwa souriait imperceptiblement à tous ces fracas, à son talent de spontex, à ses goût de sauts de cabri, à ce qui l’ennuyait, à sa fatigue, aux habitudes qu’on lui montrait, aux modes d’emploi.
Il soupirait. Il ne cherchait pas à être rassuré, il cherchait à être surpris, et traînassait trop.
Et puis il remuait sa bouche pâteuse et sèche, sillonnée de caries du collet.
Ses tribulations tenaient du somnambulisme. Il s’amusait de ce chaos dont il était finalement assez fier. Il avait inventé la durée. Dans l’ectoplasme, le fugitif, le passage des gouttes, il avait survécu, il avait –teignasse-- voulu survivre. Tout le poussait au coma, à l’abandon. Le suicide lui était cause naturelle. Il trissait l’angoisse et le vague à l’âme. Mais avait trouvé trop facile de disparaître, de débarrasser le plancher, de subir leur loi. Jamais leur faire se plaisir. Durer c’est résister, les emmerder jusqu’au bout, les coller comme une pâte de fruits…Durer c’est vivre chaque instant comme le dernier, c’est baigner dans son sang et refuser l’éclair, le passage, la naissance à l’envers, rentrer dans l’aveuglement éternel. Durer c’est empiler des moments, cubes prolifiques et précaires.
Il allait tâcher de continuer à métamorphoser son indifférence passionnée, au milieu du brossage de dents, du pipi du soir, des petits matins, de la complicité, des rixes, des bougies. Ile ne se demandait pas qui il était –cette « chose » bizarre, regardée comme un phénomène de foire, une incongruité mutante, et si douce aussi-, mais il trouvait drôle de se trouver là, et d’y trouver cela. Il ne s’intéressait pas outre mesure à sa personne, mais à sa personne en situation, comme un problème d’échecs motivant.
Et puis, il avait l’esprit abattu ce matin et se reprochait son barbouillage de torchon malade. En fait, il ne se reprochait rien, c’était, il pouvait juste regretter furtivement comme on éternue, de n’avoir pas fait, mais ce regret-là était une arme.
Il se voyait sur les quais du Havre détruit par la guerre, partant oublier.

Il pensait à la bicyclette, aux mariniers, à la mygale, aux mines de charbon. C’était fini.
Il était triste, il en avait vraiment marre. Alors l’ascenseur s’arrêta, le laissant interdit.
Evoquant la Grande Ourse, il alla sonner chez Joao.
Ce dernier ouvrit la porte.
Cochenille, vieille chenille adoptée, n’était plus toute jeune et Joao l’aida respectueusement, par convention, à se débarrasser de ses attributs calorifères.
Ils allèrent s’asseoir dans un recoin, près du cabinet de toilette, repaire de cafards.
Ils visionnèrent un extrait de L’Aiguille Verte, la partie du monologue :
« J’avais la tête comme une grosse courge qui faisait blurp…

John Paddington se dressait, sentencieux, dans la bibliothèque, un verre de son inévitable whiskey à la main.
Il me dit, d’un air grave : « Voyez-vous, mon cher, la vie a de ces exigences qui, bien que momentanément contraignantes, en font son charme. Regardez Soumoto, s’il n’avait pas été amputé des deux jambes lors de son passage aux Indes, il ne serait jamais devenu l’admirable versificateur que nous connaissons.

  • Certes non, répondis-je, mais il eût ainsi épargné des générations d’écoliers.

  • Oh, vous médisez, mon cher, et je crois que votre aversion pour Soumoto tient plutôt à votre attirance pour sa femme.

  • Je ne m’en suis jamais caché, lui répondis-je d’une voix mielleuse ».


Ce faisant, Paddington turlupinait machinalement, depuis quelque temps déjà, une lame d’Angkor.
Je n’aimais guère voir ce tennisman légèrement sadique s’agiter ainsi avec quelque objet pointu que ce fût. Aussi la remis-je prestement dans son fourreau. Puis, songeur, je me retournais lentement vers la pièce en caressant l’épais tapis oriental.
La bibliothèque était plutôt sombre, n’eût été l’opaline verte qu’on avait allumée dans le coin droit. Toute en arcanes de bois foncé, elle semblait emprisonner les rangées de livres placés là plus pour leur dos que pour leur contenu, vue la poussière qui s’accumulait sur ces riches reliures. Cependant, il devait s’y trouver quelques spécimens étonnants pour le collectionneur épris de récits mystérieux et inquiétants (ces récits de sorcellerie haïtienne dont on parle tant à Sydney) et d’illustrations inuits, proprement délirantes.
John Paddington me regardait fixement, les yeux masqués par l’ombre qui lui coupait le nez aux deux tiers.
Il semblait vouloir imiter le portrait d’un de ses ancêtres accroché au-dessus de la porte, légèrement de travers d’ailleurs, et où le vieillard vous dévisageait l’air hagard, comme embué d’alcool, et inervé de saillies.
Paddington, qui se supportait peu, me haïssait encore plus ; et je crois qu’il m’aurait volontiers égorgé.
Ce soir encore, je bénissais le Ciel qu’il ne fût point armé.
Devant ces dispositions que je ne connaissais que trop, sa moustache silencieuse, et cette mouche qui achevait de rendre l’atmosphère irrespirable, je préférai sortir dans le parc.
Là, le soir n’était pas encore tombé et les allées abandonnées par les derniers visiteurs saignaient des ultimes rayons.
Il faisait doux et les ombres qui s’allongeaient enlaçaient lentement le promeneur.
Le château, seul, restait planté comme une carte postale un peu prétentieuse, derrière les pots-à-feu.
Plus loin, j’aperçus l’alignement des premiers bassins, immobiles dans l’odeur de feuilles pourries et de vase. Ils correspondaient à la lente montée des vapeurs humides et pénétrantes de la nuit.
Je m’assis sur un banc et attendis les nouvelles. »
Joao coupa les images. Brouillage. Sec.

Deux ou trois insectes-tanks noirs sillonnaient la baignoire.
Joao dit :  « Comme c’est amusant, vous donnez vraiment dans le pompier.

  • Pourquoi pas. C’est peut-être partir du bon pied.

  • Que pensez-vous du balai mécanique ? Un balai qui court et frappe à tue-tête.

  • La police mexicaine m’a confondue avec une autre et, après les traitements que j’ai subis, je me suis félicité non seulement de ne pas l’être, mais aussi qu’ils n’aient pas découvrent que j’étais moi.


Après une pause.


  • Vous savez –et j’aime te le rabâcher- les gagmen, les cadres, les footballeurs, ou les mineurs, m’ennuient. Ils ne voient que ce qu’ils doivent voir. Le reste s’échappe. »


Joao, maniaquement, enfermait la cassette dans un placard à vaisselle, sur une pile d’assiettes de La Rochelle (Jean Bart, Duguay-Trouin, Surcouf, Saint Malo) et de proverbes-devinettes. Il mit la clef dans sa poche. Un horrible placard blanc laqué, sur lequel l’œil et la main n’avaient aucune prise.
« - Et tes amis ?

- Chut. »

Le robinet du lavabo fuyait.
Joao lança un petit cri. Joao était cantatrice de profession. Joao s’appliquait à poursuivre sa superficialité. Alors qu’il avait été tronçonné par la gravité, celle qui vous abat, comme l’annonce d’un cancer de l’œsophage, du sida d’un proche. Joao avait été appelé pour venir reconnaître à la morgue les restes de son compagnon parti en Mongolie dans un Tupolev écrasé sur les yourtes (les « ger », en fait). Jamais plus il ne pourra oublier cette autoroute, ce pavillon de briques sales près du fleuve et les carreaux blancs. Jamais il n’oubliera le tiroir, l’enveloppe, les restes de lui qui n’était plus lui. Joao était déchiré. Pour toujours. Fendu en deux. Un avant et un après. Il feintait. Il avait basculé dans le dérisoire. Iwa le savait qui lui apportait avec grâce l’élégance du n’importe quoi. Ils n’en parlaient strictement jamais en y pensant tout le temps. Ils ne voulaient rien effacer. Joao conservait son appartement, ses odeurs. Faire le deuil, quelle crétinerie d’anachorètes.
Iwa vivait des décès successifs. Chacun adoptait sa trousse de secours. Ils se comprenaient.
Cochenille soupira.
« - Le métro, le matin très tôt, la gigantesque levée vers les camps.

  • Uber was, irgendwo ?

  • Merde, apporte aussi du schnaps et les aventures du baron de Münchhausen ».


Ils marchèrent sur des tapis dans cet appartement silencieux où rien n’était en évidence. Joao n’ouvrait jamais les volets, sauf ceux de la salle de bains. Il ne s’occupait pas de l’extérieur, mijotait dans un grenier clos, immense, qui le ruinait et le faisait vivre d’économies de bouts de ficelle. Sporadiquement, il allongeait une pipe d’opium.
« De la gentiane ? »
Ils se pelotonnaient derrière la tenture de velours, autour d’une minuscule table de bridge, remuant les doigts à tâtons. Ca suffit, leurs manigances de vierges effarouchées. Entourloupes d’oisifs à fleurets mouchetés. Molletons décoratifs. Fadasses.
Iwa prononçait lentement des calculs interminables.


Joao, dans l’air raréfié, la poussière et la chaleur tumultueuse, les yeux fermés, se concentra par défi. Il perçut très distinctement l’odeur des choux de Bruxelles sur le fourneau.
Joao, émerveillé par son gentil troubadour et prêt pour les grandes manœuvres, commença à lui narrer, de sa voix grave et profonde de matrone, la vie des autoroutes : motos qui se cassent la gueule, péages, lumières sillonnantes.
Iwa voulait y voir une transfiguration infinie.
Joao, jugeant que l’attente avait suffisamment duré, que les banderilles ne le tarabustaient que trop, se mit soudain à hurler et à chanter de toute sa gorge, en bousculant la table, et en se propageant dans l’appartement où il mena une danse de Saint-Guy tonitruante parsemée de bonds dans l’espace.
Cochenille se lança à sa poursuite ; tous deux sautant, chantant, tels des nymphes jaillissantes, avec l’œil fixe de poissons morts.
L’un disait « écrou », l’autre disait « plaque tournante ». L’un disait « formulaire », l’autre disait « carburant ». Ils tourbillonnèrent.
Dans leur chant endiablé, ils se touchaient parfois, comme brûlés.
Après ce déluge, Joao, malgré sa lassitude, continua seul son délire. Et, tard dans la nuit, ils se poursuivirent sur les tapis, entre les objets, tels des serpents, des chats, des otaries, des automates. Longtemps encore on entendit leurs chants, et tant d’autres choses. Il y eut des déversements, des bouillies de mots, des gestes inconsidérés, une sarabande incontrôlable.
Plus tard, quand la fatigue les ruina, après la pantalonnade, Iwa se lava les cheveux avec un jus marron. Par la fenêtre, c’était l’automne au dehors.

Le matin du 27, vers 10 heures, Masieur Cochenille sortit dans la rue du Pivert. Il faisait doux et le soleil acidulé le brûlait parfois de ses reflets. Il descendit de son pas nonchalant, souple, et un peu mécanique. En bas, près de la poste, il passa devant la petite cabane du vendeur de billets de la Loterie Nationale, Monsieur Anquetil, qui le reconnut sous le nom de Jiwokua. Il avait des yeux fixes, une expression à la fois entièrement détendue et totalement absente. Sa réputation était déjà depuis longtemps établie de fantôme de la rue du Pivert, simultanément glaciale et très gentil.
Après, il se retrouva boulevard des Lentilles (boulevard des Capucines en fait, vieille plaisanterie idiote), toujours à la même allure, encore métamorphosé, dans son blouson violet foncé, son foulard vert, ses espadrilles blanches à bracelet, sa scarification et son sourcil fendu. Le regard s’enfonçant sur le trottoir, profitant de la distance, escamotait les plus petites craquelures, les changements de rythme, les imperceptibles cailloux, les morceaux d’affiches, les tracts humides, les mégots. Et puis aussi, les pieds, les gens. Il croisait la multitude, canalisée entre les vitrines de glaces et de spots et les arbres noirs d’encre de Chine et de cendres et le torrent de montagne et de bruit et de poussière des automobiles. Son esprit la multipliait, comme à l’habitude.
Jacques Soutelle le reconnut près du drug. Il n’eut pas de mal à éviter une rencontre embarrassante et toutes ses formalités. Jacques Soutelle, cependant, pensait avoir à nouveau à le voir pour des histoires de Sécurité Sociale, à son guichet, ce qui le réjouissait peu, si bien qu’il avait d’ailleurs fini par lui dire, la dernière fois : « Si vous baillez, ou souriez, je ne vois pas ce que vous venez faire ici. » « Jai honte, je coûte vraiment trop cher à la collectivité... Ma peau ne vaut pas çà ! », lui avait répondu, sec, le Cochenille, qui n’était visiblement pas du genre à bouffer du médicament, ni à faire salon de thé hebdomadaire chez les toubibs.
Cochenille avait marché, par pure délectation, évitant les lignes de démarcation du sol, fixant d’un même œil fade, mais cependant attentif, tous les détails inouïs qui s’accumulaient au cours de sa progression à travers ces terres affolantes.
Alors on le retrouva rue des Vignoles, dans l’est parisien, explorant les petits passages, les jardins cachés, les cours sombres, la CNT tendance Sierra de Teruel. Il pénétra dans un café. Il parla peu, but un Kir, aux dires de Monsieur Ben Hassim, qui prenait un Ricard au comptoir. Il y avait une musique raï lancinante qui crachouillait et tournait la tête. Il avait l’air d’avoir envie de vomir. En sortant, il laissa tomber un mouchoir que Monsieur Ben Hassim ramassa et courut lui porter. Il le remercia très gentiment et lui offrit un second apéro, mais fut peu bavard et prit rapidement congé.
Un peu plus tard (il est difficile de préciser l’heure), il sortit du métro Goncourt et resta debout, immobile, un certain temps, comme pour se refaire une idée du jour, du soleil riant de l’hiver et de la douceur de l’atmosphère, inhabituelle et plutôt printanière, en tout cas remuante, tel un coup de foudre d’adolescent pour une jeune fille qui passe et ne repassera plus, aux premières chaleurs.
Marcellin Vautouvert commença à se méfier de cet olibrius qui stationnait devant son étalage de journaux en plein-air, mais il démarra.
Remontant la rue du Faubourg du Temple, il trébucha devant le Viniprix, puis arriva au niveau du Monoprix. Là, il discuta avec Jeannine, une marchande de quatre saisons qu’il semblait connaître. Il lui acheta des brugnons tapés. Jeannine blaguait, lui refila des abricots, puis il repartit.
Vers le milieu de l’après-midi, Cochenille, de son pas –devenu plus pesant- de vieillarde, errait dans le jardin des Tuileries. Jean S., qui errait aussi à la recherche d’un compagnon, l’aperçut progressant vers le Louvre. Cochenille marchait lentement et difficilement. Ie avait peut-être réduit son rythme pour mieux en profiter, ou il était tout simplement exténué.
Près de la cité universitaire, parc Montsouris, il s’assit sur un banc, avec un vieux palais délabré derrière lui. Il regarda les mères qui péroraient, éplorées, la goutte au nez (elles avaient toujours la goutte au nez), et puis tous ces gens. Il était fasciné.
Madame Gobert rappela son fils Serge, 7 ans, quand celui-ci alla jouer avec son camarade Olivier Stern près de l’inconnu du banc bleu. Madame Gobert fut impressionnée par l’allure de Cochenille et en même temps n’était pas prête à lui faire confiance.
Rue de Passy, il s’inquiéta. Et Florence Suchet, qui revenait de son cours, le trouva bizarre. Cochenille erra rue de l’Annonciation, musée Balzac. Maison de la Radio, il rencontra une concierge qui avait l’air de le connaître. Il traversa la Seine et remonta vers Javel, longeant les tours. Il fut tenté de prendre le train, mais repartit vers l’intérieur. Il faisait plus gris maintenant et c’est sans mal qu’il se mêla à la masse des gens de bureaux qui sortaient de leurs cénacles. Avenue de la Motte-Picquet, il acheta une quiche dijonnaise.
Probablement, il passa par le Champ de Mars, et peut-être est-il allé à la Cinémathèque Française au Trocadéro (on dit qu’Henri Langlois est enterré sous la salle, dans une grotte décorée par Lotte Eisner).
Place des Vosges, il pénétra dans un bar. Hervé Spart lui servit un chocolat. Il avait l’air de tout regarder, indifférent. Sujet à métamorphoses.
On le retrouva à Billancourt, à Port-Royal et à Abbesses (pour les crevettes chaudes --quand il y avait encore des crevettes chaudes à Abbesses, avant de bouffer seulement de la nippe chic).
Alors, Cochenille marchait, Cochenille songeait ou rêvait, Cochenille n’était pas là, mais Cochenille n’oubliait pas. Il savait demander un café, il jouait, et parfois sautillait bêtement dans sa marche de forçat. On lui trouvait un sourire singulier. Il était fatigué. Il entreprit une partie de cartes à Daumesnil avec des peintres en bâtiment.
Gati (Monsieur Henstard), alors qu’il faisait la poubelle de la rue Chèvre, le vit entrer dans le bar des Envierges.
C’est à partir de là qu’il disparut.

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