Rapporteurs








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2.2.1 La transmission de goûts





  • L’effet trickle down

Veblen identifie deux comportements : La comparaison provocante (« individuous comparaison ») et l’émulation pécuniaire (« pecuniary emulation »). La comparaison provocante désigne le comportement ostentatoire adopté par la haute société pour se démarquer des gens de la classe inférieure. L’émulation pécuniaire, quant à elle, désigne la consommation ostentatoire des classes de position inférieure effectuée dans le but d’accéder aux niveaux supérieurs de classe sociale. Ainsi pour Veblen, c’est la classe inférieure qui imite les classes supérieures en se conformant à leurs normes contrairement à la haute société qui adopte une logique de différenciation vis-à-vis des classes inférieures. Veblen montre que, dans les différentes sections des classes de loisirs, les membres de la classe supérieure utilisent leur culture pour se distinguer des « nouveaux riches ». Canterbery (1999), en appliquant la théorie de Veblen sur l’œuvre de Fitzgerald  The great Gatsby (1925), stipule que Gatsby malgré tout son argent, manque de culture. Gatsby n’est en aucune façon respecté par ceux-là mêmes qui vivent à ses crochets, car manquant de la légitimité propre aux « old money » de la côte Est qu’il reçoit chez lui et dont Daisy fait partie. La culture constitue une barrière à l’entrée dans les échelons supérieurs de la classe de loisir.


  • L’effet trickle up et circulaire 

Pour Bourdieu (1972), de la même manière que les classes supérieures tendent à se distinguer des classes plus basses, les classes inférieures se distinguent aussi en ayant leurs propres valeurs et goûts. Par exemple, pour l’acquisition de meubles, les classes supérieures sont plus enclines à acheter des antiquités alors que la classe ouvrière, elle, tend à acquérir des meubles pratiques et utiles. Pour les vêtements aussi, il argumente que les classes ouvrières ne se préoccupent pas de la haute couture et sont moins influencées que les classes supérieures par les tendances que les couturiers lancent.

Bourdieu examine le rôle que joue la classe moyenne se positionnant entre la classe supérieure dominante et la classe ouvrière dominante. Cette classe, selon Bourdieu, aspire à acquérir les goûts de la classe supérieure, quoique leur capital culturel soit insuffisant, par conséquent ils montrent un intérêt culturel moins diversifié. La classe moyenne essaye toujours de se distinguer nettement de la classe ouvrière ou populaire.
Toutefois, pour que la classe supérieure puisse maintenir sa position et se distinguer des goûts de la classe moyenne, elle a parfois tendance à se retourner vers les goûts de la classe populaire.

« L’artiste s’accorde encore avec le « bourgeois » sur un point : il préfère la « naïveté » à la prétention. Le « peuple » a le mérite essentiel d’ignorer les prétentions à l’art (ou au pouvoir) qui inspirent les ambitions du « petit bourgeois » ; son indifférence enferme la reconnaissance tacite du monopole. C’est pourquoi il joue si souvent dans la mythologie des artistes et des intellectuels qui, au terme de leurs stratégies de contre pied et de double négation, retrouvent parfois ses goûts et ses opinions, un rôle qui n’est pas si différent de celui qu’accordaient au paysan les idéologies conservatrices de l’aristocratie déclinante » (Bourdieu 1972, p.92).
Pour Bourdieu, nous assistons alors à un phénomène de “trickle up” car les goûts passent de la classe ouvrière à la classe supérieure. Ce phénomène d’émulation contraire laisse généralement perplexe la classe moyenne. La musique Folk, les ustensiles de cuisines « kitch » à la mode sont des exemples de ce phénomène.

Au lieu de la transmission des goûts unidirectionnels de Veblen, c’est une transmission circulaire selon Bourdieu :


Alors que Veblen montre que la classe populaire quoique limitée par son pouvoir d’achat a toujours une tendance vers une émulation de la classe supérieure, Bourdieu quant à lui argumente que la culture populaire résiste aux goûts des classes supérieures.

Quoiqu’il en soit nous remarquons que les symboles sont partagés au sein d’un groupe restreint de personnes sauf dans le cas de certains objets qui peuvent devenir accessibles à une plus grande parité de la population et à des individus n’appartenant pas à notre groupe de référence. Ce phénomène est décrit par la théorie du « trickle circulaire » de Bourdieu. Il faut noter que le langage d’initié est tout de même important et existe dans la majorité des cas où le symbole n’est partagé qu’avec le groupe de référence et /ou le groupe d’aspiration. Toutefois, il est important d’évoquer à ce stade les critiques émises par Lahire (2004) sur les travaux de Bourdieu. Lahire vingt-cinq ans après la Distinction questionne la sociologie de la culture de Bourdieu. Pour ce faire, il s’appuie sur les données statistiques d’une enquête sur les pratiques culturelles des Français en 1997 et la complète par une centaine d’entretiens qu’il mène auprès d’un échantillon de jeunes gens et d’adultes. En premier, Lahire dresse un tableau concordant avec les analyses de Bourdieu sur les pratiques culturelles des Français pour très vite se concentrer sur les dissonances intra-groupes et intra-individuelles. Lahire avance que la frontière entre la légitimité et l’illégitimité culturelle n’est plus uniquement une question de clivage entre classe sociale mais qu’elle divise aussi les groupes eux-mêmes ainsi que les individus. Cet auteur insiste sur la capacité des individus à faire cohabiter différentes pratiques a priori hétérogènes d’où la notion de dissonance culturelle. Lahire déplace ainsi, l’idée de distinction entre classes sociales pour l’instaurer à l’intérieur même de l’individu partagé entre divers univers culturels. La mesure d’analyse de Lahire est centrée sur les individus dont il élabore le profil culturel à l’inverse de Bourdieu qui étudie la relation entre pratiques culturelles et catégories sociales. Au fur et à mesure de l’étude de Lahire, nous remarquons que les profils se complexifient et que la dissonance culturelle est évidente dans la majorité des groupes socioprofessionnels. Toutefois, Lahire note que l’individualisme poussant de la société contemporaine incite les êtres sociologiquement proches à se différencier continuellement. Pour ce faire, les individus multiplient les pratiques de distinctions fines dans divers registres. Pour conclure, s’il ne faut pas sous-estimer l’individu pluriel de Lahire qui complexifie certes, l’analyse initiale sur les classes sociales de Bourdieu, cette dernière reste néanmoins d’actualité. Les deux recherches sont ainsi considérées complémentaires.

Au delà de cette analyse, nous allons procéder dans ce qui suit à la notion de groupe car la consommation de produits et la diffusion-transmission de symboles se font en fonction de la société et des groupes.

Chapitre 2 – Consommation sociale


2 Consommation Sociale 
Ce chapitre consacré à la consommation sociale est constitué de deux sections : la première section traite de l’influence des normes du groupe sur la consommation ostentatoire des individus (2.1). La seconde section traite de l’importance du soi sur la consommation ostentatoire (2.2).
2.1 Le groupe 
Des recherches élaborées sur la consommation des produits à dessein symbolique, c’est-à-dire dans le but de lancer des signaux sociaux afin de s’identifier à un certain groupe social, sont parus bien avant les années 80, dans les années 60 avec notamment Levy 1959, 1964, 1980, Zaltman et Wallendorf 1979, Belk 1978 et Howard et Sheth (1969). Ces derniers auteurs remarquent que : «  For example, identification is common in most conspicuous consumption when symbolic communication comes from a number of buyer’s reference groups…Conspicuous consumption (expressive behaviour) seems to have enabled companies to differentiate brands and inject them with actual or perceived quality differences so that there are a number of brands that have become status symbols or stereotypes with which to identify and which to identify and which serve the expressive function ». 4
Cette section aborde dans un premier temps la notion du groupe social sous ses deux aspects qui sont l’appartenance au groupe (2.1.1) ou le rejet du groupe (2.1.2). Nous présenterons ensuite la notion du soi social.
2.1.1 Groupe d’appartenance ou de référence 
Tarde (2001, p.73) définit le groupe social comme étant fondamentalement « une collection d’êtres en tant qu’ils sont en train de s’imiter entre eux ou en tant que, sans s’imiter actuellement, ils se ressemblent et que leurs traits communs sont des copies anciennes d’un même modèle ». En effet, consommer un produit peut servir un individu à s’identifier à un groupe de référence auquel il appartient ou auquel il désire appartenir sachant que tout produit commercial possède une signification symbolique (Levy, 1959).

Hirschman (1981) note que les produits symboliques dominent dans certaines situations les performances techniques d’un produit. Ce phénomène est d’autant plus probable si le produit est fréquemment utilisé pour signifier une position sociale ou une identité de soi.

Pour Baudrillard (1986), la consommation des objets sert de communication et d’échanges de signes dans le but d’intégrer un groupe. Il note : « Les conduites de consommation, apparemment axées, orientées sur l’objet répondent en fait à de tout autres finalités : celle d’expression métaphorique ou détournée du désir, celle de production, à travers les signes différentiels, d’un code social de valeurs. Ce n’est donc pas la fonction individuelle d’intérêt à travers un corpus d’objets qui est déterminante, c’est celle immédiatement sociale, d’échange, de communication, de distribution de valeurs à travers un corpus de signes. » Il continue en notant que «  la consommation est un système qui assure l’ordonnance des signes et l’intégration du groupe » (1986, p.109).
Cette définition montre que l’achat d’un produit symbolique est aussi l’achat par rapport au groupe. Le groupe est une notion aussi importante que le symbolisme dans la définition de la consommation ostentatoire car si mon désir est que mon produit consommé soit visible et symbolique c’est dans le but ultime d’être assimilé à un groupe social déterminé ou de m’en démarquer. Cocanougher et Bruce (1971) démontrèrent que nos choix de consommation ne sont parfois rien d’autre qu’une tentation de montrer une consommation stéréotypée dans le but d’imiter un groupe de référence socialement distant (Belk, 1980).

A partir des années 60, l’importance de l’influence du groupe sur nombres de décisions de consommation fut bien établie. Bayton (1960) et d’autres auteurs avant lui comme notamment Veblen (1899), Sherif (1936), Asch (1973), Bourne (1966), Stafford (1966), Serraf (1971), etc. soulignent l’importance de l’influence des groupes de référence sur les achats. Pour Bayton, ils jouent sur l’ego de la personne qui sert à augmenter la confiance en soi, le prestige et la reconnaissance sociale.

Bearden et Etzel (1982) considèrent que pour que le groupe de référence ait une influence sur la décision d’achat, le produit en question doit être visible et identifié par les autres. Nous reprenons l’exemple de la mode qui représente une façon évidente d’être assimilé à un groupe. Simmel avait d’ailleurs affirmé qu’en imitant les autres dans le domaine de la mode, non seulement nous nous déchargeons sur les autres de l’effort d’imagination nécessaire, mais aussi de la responsabilité de nos actes, c’est ainsi que l’individu échappe à « l’atroce nécessité de choix et devient une créature du groupe, un animal socialisé ». Par exemple, nous nous habillons d’une certaine façon pour manifester la position que nous occupons et le groupe auquel nous appartenons, c’est-à-dire, dans un but « démonstratif ». Shibutani (1973) définit les groupes de référence comme : « les groupes dont les points de vue constituent le cadre de référence de l’individu ». Maisonneuve (1980) donne une définition plus complète des groupes de références. Il écrit « les groupes de référence sont les groupes auxquels l’individu aspire à se rattacher psychologiquement ; ou, en d’autres termes ceux auxquels il s’identifie ou désire s’identifier ».

En général, nous distinguons au sein des groupes de référence, les groupes d’identification avec qui l’individu partage les mêmes valeurs et attitudes, des groupes de rejet qui se caractérisent par le rejet des valeurs du groupe par l’individu (cf. 2.1.2).

Par ailleurs, Maisonneuve définit les groupes d’appartenance comme le groupe avec lequel l’individu entretient des relations directes sans pour autant partager les valeurs des membres du groupe. Pour Volle et Darpy (2003), « au sein des groupes d’appartenance, on distingue les groupes primaires dans lesquels les individus ont des contacts réguliers (membres d’une famille ou d’une entreprise …) et les groupes secondaires, au sein desquels les contacts sont plus distants ».

Le groupe de référence pousse le consommateur à se conformer aux normes sociales et l’incite à se comporter et à consommer selon les standards du groupe. L’individu va chercher à améliorer son image vis-à-vis du groupe en consommant certains produits qui l’aident à être identifié en tant que membre de ce groupe (Bearden et al. 1989). Tajfel (1972) avait aussi affirmé que c’est à travers son appartenance et son identification à un groupe que l’individu acquière une identité sociale. Pour Rodhain (2004), la quête de l’identité s’effectue dans le but d’atteindre un idéal auquel nous aspirons, l’auteur insiste sur le fait que nous forgeons notre identité en se référant à l’autre. Elle note « Si l’individu se juge par le biais du regard supposé des autres, il cherche à se faire valoir aux yeux des personnes ayant de la valeur pour lui » (p.5). C’est à travers le processus d’identification à un groupe social défini que l’individu arrive à construire son identité. Le phénomène d’identification au groupe s’accompagne généralement de sociocentrisme qui représente le penchant positif que l’individu a envers son groupe. De cette façon là, l’individu garde ou acquiert une identité sociale positive (Turner, Sachdev et Hogg 1983, Zouaghi et Darpy, 2003). Rose et al. (2001) en étudiant la consommation de produits illicites parmi les jeunes démontrent que l’attractivité du groupe joue un rôle important influençant les jeunes et pouvant les pousser à ce genre de consommation illégale. Cette attractivité pousse les individus à se conformer au groupe grâce au phénomène d’identification ou d’émulation. Ceux qui ont une faible confiance en eux ou une faible estime de soi sont les plus susceptibles de céder. En revanche, si le groupe est perçu comme fondé sur des règles de sanctions ou de récompenses, l’attractivité du groupe devient moins justifiée et par la suite les individus auront moins tendance à se conformer. Il faut noter que les attributions explicatives poussant l’individu à recourir à ce genre de consommation sont internes : l’individu aime l’état d’euphorie occasionnel ou externe, l’individu ressent la pression du groupe à se conformer.

Veblen (1970) montre qu’en matière de consommation, les individus ont tendance à se conformer au groupe auquel ils appartiennent, avec une tendance à se rapprocher de la consommation du groupe immédiatement supérieur, tout en essayant de se démarquer de leur groupe de provenance. Cette « tendance à rivaliser – à se comparer – à autrui pour le rabaisser est d’origine immémoriale: c’est un des traits les plus indélébiles de la nature humaine» (Veblen 1970, p.73). Veblen précise toutefois qu’un groupe trop haut ou trop bas dans l’échelle sociale par rapport au groupe de référence n’a pas d’influence sur les comportements de consommation.
L’influence du groupe dépend de deux choses : le caractère public ou privé de la consommation et la nature nécessaire ou non du produit (Volle et Darpy 2003, Bearden et Etzel 1982). Pour Bearden et Etzel (1982), l’influence sur le choix de la marque est plus forte dans le cas de produits consommés en public. Ces deux auteurs ont constaté que pour les produits d’utilité publique il y a une faible influence du groupe sur le produit mais par contre une forte influence sur le choix de la marque. L’automobile, la montre, le costume sont des exemples de ce genre de produits. En revanche ils ont trouvé que pour les produits d’utilité privée comme le réfrigérateur, le matelas, etc. il y a une faible influence du groupe sur le choix du produit ainsi que sur celui de la marque. Concernant les produits somptuaires, Bearden et Etzel (1982) ont trouvé que quand ils sont publics (exemple : Club de golf, voiliers), il y a une forte influence du groupe sur le produit ainsi que sur la marque. En revanche, quand ils sont privés, il existe une forte influence sur le produit mais moins sur la marque (exemple : jeux vidéos, machine à glaçons). Childers et Rao (1992) ont étendu le travail de Bearden et Etzel dix ans après, dans un contexte culturel différent qui est la Thaïlande. Toutes les relations qui avaient été observées par Bearden et Etzel (1982) ont été retrouvées dans le travail de Childers et Rao (1992).

Volle et Darpy (2003) notent que l’influence est d’autant plus forte quand le produit est un produit de luxe ou un produit futile. Cette capacité qu’ont les consommateurs à se conformer au groupe et à endosser des rôles différents en société en vue de donner une image de soi changeante selon les situations et les comportements des autres a été évoquée en psychologie par Lennox et al. (1984). Le consommateur caméléon s’adapte à des situations en imitant les membres de son groupe de référence. Pourtant parfois, le consommateur revendique sa différence et rejette les codes et normes sociaux du groupe en consommant différemment. Cette situation de rejet nous mène vers la sous partie suivante.
2.1.2 Différenciation
Certains consommateurs ont envie de se différencier du groupe et de se sentir uniques (Tian et al, 2001). Leurs comportements d’achats vont être différents. Généralement, cette différence est particulièrement remarquée dans les comportements d’achats vestimentaires.

Pourtant l’anti-conformisme est parfois dû à une dépendance vis-à-vis de son environnement, car si on se différencie, c’est par rapport au groupe. L’individu se définissant en référence aux autres. Ce phénomène de différenciation a été déjà évoqué par Veblen en 1899 qui a parlé de l’effet du snobisme que nous allons détailler.
Leibenstein (1950) qui s’est inspiré de Veblen et qui a été repris par Corneo et Jeanne (1997) démontre que la consommation ostentatoire engendre deux effets.


  • L’effet « bandwagon » ou l’effet d’imitation. Xiao (2004) définit l’imitation comme étant un comportement servant l’individu à être identifié comme membre d’un groupe. Selon l’auteur, l’imitation de l’achat de produits de luxe visible est une extension de soi aidant parfois à s’identifier à une classe sociale déterminée. Cet effet ne ne nous intéresse pas dans le cadre du sous-paragraphe « rejet »;

  • L’effet de snobisme. Cet effet décrit une situation contraire, c’est-à-dire, si beaucoup de consommateurs achètent le même produit, la demande envers ce produit baisse. Dans ce cas, le consommateur par souci de se sentir unique, va consommer différemment. L’effet snobisme s’accompagne généralement de ce qu’on appelle « l’effet Veblen ». L’effet Veblen, montre qu’une catégorie de la population ne consomme que des produits chers et se désintéresse des produits à compter du moment où démocratisation aidant, ils deviennent accessibles à des segments plus modestes de la population. Veblen explique ce phénomène par le snobisme et la volonté de se démarquer par sa consommation. Ce qui est cher est bien, car c'est un moyen de distinction sociale : La hausse du prix du bien le rend plus désirable car moins accessible, il devient davantage une source de distinction.


Cette consommation pourtant survient généralement quand l’individu est dépendant vis-à-vis de son environnement. L’individu se réfère à ce que les autres membres achètent pour acheter différemment. C’est-à-dire que cette différenciation recherchée s’effectue au final par rapport au groupe. Il est intéressant de souligner à ce niveau qu’à l’origine, le terme « snob » a été utilisé pour la première fois en 1820 dans les universités d’Oxford et de Cambridge pour décrire un étudiant ordinaire et ce afin de le distinguer de ses camarades aristocrates. Le terme snob découle de la terminologie sine nobilate qui veut dire « sans noblesse ». Toutefois, le sens moderne du terme « snob » est diamétralement opposé à son sens d’origine. De Botton (2004, p.38) note que « selon un schéma commun à tous les comportements funestes, les snobs engendrent des snobs. Les parents infligent à leurs enfants leur association d’idées inhabituellement puissante entre « rang modeste » et « catastrophe », privant ainsi les seconds de l’ouverture d’esprit et des qualités de cœur qui leur permettraient d’imaginer qu’un rang inférieur (le leur et celui des autres) ne va pas nécessairement de pair avec un manque de valeur, ni un rang élevé avec l’excellence ». L’auteur relate le dessin humoristique paru dans le magazine Punch en Angleterre en 1892 où une fille et sa mère se promènent dans Hyde Park. La fille dit à sa mère « Voilà les Spicer Wilcox maman ! Il paraît qu’ils meurent d’envie de nous connaître. Ne devrions pas leur parler ?». « Certainement pas, ma chère » répond la mère. « Si elles meurent d’envie de nous connaître, elles ne valent pas d’être connues. Les seuls gens qui valent d’être connus de nous sont ceux qui ne veulent pas nous connaître ! ».

Au-delà de ce dessin humoristique, nous postulons que cette recherche permanente de l’approbation des autres en se conformant ou en se différenciant par rapport aux membres du groupe à un rapport avec le soi social que nous projetons à la société dans le but d’être accepté par ce groupe de référence.

Par exemple, choisir une marque d’habillement réputée pour son prix, conduire une voiture dernier cri et fréquenter les endroits les plus en vogue, constituent un passeport assuré pour intégrer un certain groupe social. Le regard que les autres portent sur nous étant primordial dans la définition de notre statut et de nos appartenances sociales. Groupe et concept de soi sont interconnectés. Dans cette optique, nous traitons dans ce qui suit le concept de soi en rapport avec la consommation ostentatoire.
2.2 Le Soi social
Piolat (1992) définit le soi comme étant « la représentation mentale que chacun a de sa propre personnalité ». Toutefois, il existe plusieurs définitions du soi. James (1890) disait que le Soi n’est pas simple mais complexe et qu’il présente de multiples facettes. Deux perspectives vont générer la plupart des travaux sur le soi : la perspective de psychologie sociale- L’approche cognitiviste (2.2.1) et la perspective sociopsychologique-L’approche interactionniste (2.2.2). Enfin nous exposons les recherches sur le Soi en marketing (2.2.3)

2.2.1 La psychologie sociale - L’approche cognitiviste
Cette sous-section aborde dans un premier temps les principales composantes du Soi (2.2.1.1) puis illustrer la définition du Soi social (2.2.1.2)
2.2.1.1 Les principales composantes du Soi
Pour Markus et Wurf (1987), le soi est formé à partir de l’apparence physique, des caractéristiques d’ordre démographique, des souvenirs autobiographiques et de tendances de toutes sortes ; en d’autres termes, il est constitué d’informations relatives à la personnalité passée, présente et à venir.

James (1890) distingua le soi en tant qu’agent actif (le Je), et le soi en tant qu’objet de réflexion (le moi). Le concept de soi a déjà fait nombres d’études en sociologie et en psychologie. Comme nous l’avons déjà évoqué, James en 1890 avait dans le temps segmenté le soi en quatre dimensions : le soi matériel, le soi social, le soi spirituel et l’ego pur. Mead en 1934 développa les recherches dans ce domaine en proposant que l’individu donne un sens au soi ou le définit de la même façon que les sens sont attribués aux choses ou aux personnes. Pour Mead, il y a un « moi » différent pour chacun de nos rôles dans la vie.

Mead (1963, p.178) distingue deux aspects du Soi « le Je et le Moi comme éléments constitutifs du Soi ». « Le Je est la réaction de l’organisme aux attitudes des autres ; le Moi est l’ensemble organisé auquel on réagit comme Je » (p.149).

Le « moi » inclut tous les éléments qu’un individu considère comme étant à lui. C’est-à-dire, la personnalité, les expériences vécues et les attitudes. James propose le schéma suivant des constituants du « Moi ».


Le Soi matériel représente tout ce qui est propre à l’individu, les mains, les yeux, etc. par distinction aux autres. Le Soi social représente la reconnaissance que les amis ont envers l’individu. Enfin, le Soi spirituel ou le Soi connaissant représente la conscience momentanée. Dans le cadre de cette recherche portant sur la consommation ostentatoire et les constituants du moi en lien avec ce concept, nous nous intéresserons surtout au Soi social qui représente l’importance du regard d’autrui sur nous et qui affecte en grande partie nos achats.
2.2.1.1 Définition du Soi social
Martinot (1995) considère que le soi social est découpé en trois composantes : l’affect (l’estime de soi), le comportement (la présentation de soi) et la cognition (le concept de soi).


Le Soi s’intéresse à la façon dont nous nous définissons (concept de soi), nous nous évaluons (estime de soi), et nous « nous présentons » à autrui aussi bien qu’à nous-même (présentation de soi) (Martinot 1995, p.23). Nous allons développer ces trois composantes du Soi social dans ce qui suit.
- Le concept de soi

Pour illustrer l’aspect cognitif du soi social, nous présentons le phénomène de la « soirée-cocktail », c’est à dire capter dans une soirée le fait que quelqu’un évoque votre nom à l’autre bout de la salle. Ce phénomène indique que les individus sont sélectifs dans leurs perceptions des stimuli. Le concept de soi est à la fois stable et dynamique (Markus et Kunda, 1986, Martinot, 1995). Le côté stable concerne les éléments centraux de notre concept de soi alors que le côté variable est celui que nous acquérons en évoluant, selon les situations et les motivations actuelles (Sanitioso, Kunda et Fong 1990, Markus et Kunda 1986). La composante cognitive du Soi provoque une controverse dans la littérature. Les chercheurs se posent continuellement la question qui est de savoir si le concept de soi est stable ou malléable. Markus et Kunda (1986) suggèrent qu’il est les deux à la fois. Pour ces auteurs il existe des conceptions de Soi centrales qui sont stables et des Sois périphériques malléables. Martinot (1995, p. 36) conclue que «les éléments qui nous définissent le mieux sont stables alors que ceux qui nous caractérisent moins bien évoluent avec la situation ».
- L’estime de soi

En ce qui concerne l’estime de soi qui est une composante affective, les chercheurs s’accordent à dire qu’elle constitue une composante centrale du soi. C’est l’auto conception que chaque individu a de soi. Beaucoup de chercheurs s’accordent à dire que cette auto-évaluation s’effectue à travers les interactions avec autrui. Il a été démontré que les individus qui ont une faible estime de soi acceptent plus facilement les remarques négatives sur eux-mêmes (Swann et al. 1987 dans Martinot, 1995). D’autre part, les individus à forte estime de soi acceptent seulement l’information positive et ne prennent pas en considération l’information globale sur eux-mêmes comme le font les individus à faible estime de soi (Campbell 1990, dans Martinot 1995).

De manière générale nous pouvons dire que les individus, qu’ils aient une forte ou une faible estime de soi, essaient de maintenir ou de rehausser leur auto-évaluation.
- La présentation de soi

Finalement la présentation de soi, qui fait partie de la composante comportementale, représente « les efforts que nous faisons pour contrôler l’impression que nous allons donner » (Martinot 1995, p.57). C’est l’activité d’auto-présentation. Selon Goffman (1959), chaque individu joue un rôle et a différentes auto-présentations selon les situations, les évènements et le public.

Les auto-présentations peuvent influencer les auto-évaluations du soi. Ruvolo et Markus (1992) affirment que chaque individu possède un large répertoire de soi. Les représentations de soi incluent : les bons Soi, les mauvais Soi, les Soi passés, les Soi idéaux, les Soi espérés et les Soi possibles (Martinot, 1995).

Il existe un Soi public façonné par les rôles que nous jouons ou portons en public et un Soi privé constitué « par nos pensées et par nos sentiments les plus propres » (Martinot 1995, p.80).

L’effet de l’image de soi du consommateur apparaît très clairement lors de l’achat parce que l’individu recherche le produit ou la marque qui correspond le mieux à l’image qu’il veut donner de lui-même aux autres ou qui correspond le plus au type idéal dont il se propose d’incarner. Sirgy (1982) a démontré l’existence d’une certaine congruence entre l’image de soi et l’image du produit acheté. De même et avant lui, Grubb et Grathwohl (1967) ont érigé un modèle théorique du comportement du consommateur fondé sur le concept de valorisation de l’image de soi dans l’achat de produits. Ils remarquent que : « L’achat et la consommation de biens peuvent être valorisants de deux façons. D’une part l’image de soi d’un individu sera entretenue et affirmée s’il croit que le produit acheté bénéficie dans l’esprit du public d’une reconnaissance et d’une classification qui supportent et s’harmonisent à l’image qu’il a de lui-même. Bien que la valorisation de l’image de soi résulte d’un processus mental personnel, interne, l’effet sur l’individu est en fin de compte lié au fait que le produit soit un symbole reconnu de tous (…) d’autre part la valorisation de l’image de soi peut se produire dans un processus d’interaction sociale. Les produits sont utilisés en tant que symboles et deviennent des moyens de provoquer des réactions souhaitées chez d’autres personnes» (p.78).
Effectivement, la plupart des objets que l’on a ou que l’on aimerait avoir se définissent principalement par des connotations symboliques qu’ils portent sur nous et sur les autres. Ainsi, « quelqu’un se caractérise autant par ce qu’il possède ou par les gens qu’il fréquente que par son physique et ses dimensions psychologiques » (Brée 1994, p.102).
Pour Britt (1966) « un consommateur peut acheter un produit parce que, entre autres raisons, il pense que le produit valorise l’image qu’il a de lui-même. De la même façon, un consommateur peut décider de ne pas acheter un produit ou de ne pas fréquenter un magasin s’il pense que ses comportements ne sont pas cohérents avec la perception qu’il a de lui-même ». Pierre Martineau (1959) écrit dans le même esprit que Britt que « l’automobile proclame qui nous sommes et ce que nous croyons vouloir être… C’est le symbole portatif de notre personnalité et de notre situation…La façon la plus claire d’indiquer aux gens notre position exacte ». Selon Martineau (1959), l’acte d’achat devient « une conjugaison de la personnalité de la voiture et celle de l’individu ». Cette identification de l’image de soi à l’image du produit découle du symbolisme de la marque : certains symboles font en effet sentir au consommateur toute la distance qui le sépare d’un « point de perfection » pour l’inviter à ne pas se satisfaire de ce qu’il est et de faire un effort pour se rapprocher de son idéal. Ou, plus subtilement, si cette distance est extrême, ces symboles poussent le consommateur à agir pour s’améliorer « à son propre niveau ». C’est le cas par exemple des produits de beauté de luxe, promus par un personnage de beauté parfaite comme une actrice internationale; nous essayons alors en achetant les produits en question de se rapprocher autant que possible de l’idéal qu’elle représente, si une identification totale est difficile. Bernard Cathelat (1976) résume bien cette situation en notant que « l’acte d’achat ne se déclenche que s’il y a concordance entre, d’un côté, l’image du produit et le modèle identificateur qui en découle, et de l’autre, l’image que l’individu se fait de lui-même et qui représente la somme de ses attentes, en tant que personne et sujet social. L’image des produits que je consomme, c’est ma propre image. »

Le consommateur achète donc, selon lui, une image de lui-même. Il essaye de projeter l’image la plus favorable de lui au groupe auquel il appartient ou à celui qu’il aimerait appartenir. Le soi n’est pas indépendant, il est fonction d’autres personnes. Aron et al. (1991,1992) ont développé le concept de soi collectif. C’est le fait d’inclure les autres dans notre soi. « Le soi collectif se fonde sur le modèle de l’empathie qui postule que dans une relation intime, il y a confusion entre le soi et les autres, le soi et l’autre se situant dans une même catégorie cognitive » (Zouaghi et Darpy 2003, p.6).

Le soi collectif n’est autre que le soi composé de caractéristiques partagées avec les autres.
2.2.2 La perspective sociopsychologique – Approche interactionniste
Les sociopsychologiques grandement influencés par l’interactionnisme symbolique accordent plus d’importance à la part jouée par les interactions sociales et « s’intéressent surtout au rôle du langage et aux communications interpersonnelles dans la formation et les actions de Soi » (Martinot 1995, p.18). Les interactionnistes symboliques considèrent que l’individu et la société sont des unités inséparables. C’est surtout les théoriciens du rôle (Goffman 1959, Mead 1934, 1963) qui ont élaboré ce concept. Pour ces auteurs le concept de soi est une structure cognitive qui naît de l’interaction entre l’être humain et son environnement social. L’orientation cognitiviste du Soi est considérée par les chercheurs de ce courant comme étant mécanistes et synchroniques (Martinot, 1995). Pour les interactionnistes le social et le cognitif sont indissociables. Les auteurs de ce courant mettent l’accent sur un aspect essentiel de la constitution du Concept de Soi qui est « autrui ».


2.2.2.1 L’importance du regard d’autrui
Les possessions se présentent comme étant un des éléments qui engendrent un sentiment positif envers soi. Par exemple, les possessions peuvent être utilisées dans un but symbolique. A travers la consommation ostentatoire, quand un individu acquiert un produit possédant des attributs symboliques, il montre à son entourage son statut social pour les impressionner ou pas les convaincre de la supériorité de son rang social (Veblen 1899, Mason 1981, La Barbera 1988, Richins 1999). Les produits symboliques sont des produits qui possèdent un sens au-delà de leur présence tangible. Les consommateurs qui perçoivent les produits en tant que symboles leur attribuent des caractéristiques qui dépassent leur nature physique (Hirschman 1981). Un autre chercheur qui a contribué à la définition du concept de soi, est Charles Cooley qui a introduit un concept central dans l’analyse du Soi, « Le soi-mirroir ». Il écrit :

« De la même façon que nous voyons notre visage, notre allure et nos vêtements dans la glace, nous nous y intéresserons parce qu’ils sont nôtres et en sommes ou non satisfaits, de la même façon, nous percevons dans l’imagination, dans l’esprit d’autrui, quelque idée de notre apparence, de nos manières d’être, de nos buts, actes, traits de caractère, etc. et nous en sommes diversement affectés. » (Cooley 1902, p 184). Nous remarquons que les symboles prennent un sens à travers le processus de socialisation qui commence durant l’enfance de chacun (Solomon 1983).
Le symbolisme des produits nous ouvre la voie vers la catégorisation et le jugement d’autrui selon les possessions détenues. Cette idée a été développée par Martineau (1959) qui constate de même que nous jugeons les inconnus sur les objets qu’ils possèdent :

« …D’après leurs lunettes, suivant qu’ils fument le cigare ou la pipe, d’après leurs accessoires du bureau et suivant qu’ils portent ou non un crayon ou un mouchoir dans la poche de leur veston. Tous ces symboles illogiques créent leur propre logique. Nous employons cette logique lorsque nous définissons l’humeur d’une personne, sa personnalité, sa situation matérielle et sa catégorie professionnelle, d’après ses vêtements».
Cette dernière citation fait écho à l’analyse de Goffman (1974). Cet auteur montre que chaque homme, dans ses relations sociales de tous les jours, donne de lui-même et de ses activités une représentation aux autres, s’efforce de guider et de contrôler les impressions qu’ils se font de lui, et utilise certaines techniques afin d’alimenter sa performance à la manière d’un acteur présentant un caractère à un auditoire.

Les consommateurs désirent être d’une certaine façon perçus de manière positive à travers les yeux des autres ainsi que par leurs propres yeux (Schlenker 1986, Leary et Kowalsky 1990).
Nous allons détailler dans ce qui suit les rites d’interactions de Goffman (1974) qui développe de façon approfondie le poids que porte le regard d’autrui sur la personne.

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