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![]() THESE POUR L’OBTENTION DU DOCTORAT EN SCIENCES DE GESTION Conforme au nouveau régime défini par l’arrêté du 30 mars 1992 LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA CONSOMMATION OSTENTATOIRE - LE CAS DU LIBAN - Présentée et Soutenue publiquement le 18 septembre 2007 par Marie-Hélène MOAWAD COMPOSITION DU JURY Directrice de recherche Madame Elisabeth TISSIER-DESBORDES Professeur à l’ESCP-EAP Rapporteurs Monsieur Pierre-Louis DUBOIS Professeur des Universités, Université Paris II-Panthéon-Assas Madame Elyette ROUX Professeur, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III, I.A.E.) Suffragants Monsieur Abdelmajid AMINE, Professeur des Universités, Directeur de l'IRG, Université Paris 12- Val de Marne Monsieur Jean-François TRINQUECOSTE Professeur des Universités, I.A.E., Université Montesquieu-Bordeaux « L’Université de Paris 12 n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les thèses, celles ci doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. » REMERCIEMENTS L’achèvement de cette thèse de doctorat a été ponctué par des angoisses liées à une situation critique et pénible au Liban ainsi qu’à des moments de doute inhérents à cette aventure mais aussi par des satisfactions et un enrichissement intellectuel et humain. Arriver à la fin de ce long marathon a été possible grâce à l’aide d’un support moral et intellectuel partagé avec plusieurs personnes que je tiens à remercier. Mes remerciements vont tout d’abord à ma directrice de thèse Madame le Professeur Elisabeth TISSIER-DESBORDES pour m’avoir toujours soutenue, encouragée et guidée dans mes activités de recherche. Pendant un peu plus de trois ans, comme lors de la préparation de mon MBA et de mon D.E.A, son soutien sur un niveau intellectuel mais aussi sur un niveau plus personnel a fortement contribué à l’aboutissement de cette thèse. Je remercie également tous les membres du Jury pour l’honneur qu’ils m’ont fait en acceptant de juger ce travail et de participer à la soutenance. Madame le Professeur Elyette ROUX pour ses nombreux conseils avisés et constructifs qui m’ont permis d’avancer sur la thèse et d’améliorer ma méthode de travail. Je la remercie pour ses précieuses orientations, son temps et la confiance qu’elle a accordée à mon travail. Monsieur le Professeur Pierre-Louis DUBOIS pour avoir accepté d’évaluer et de consacrer le temps à ce travail en étant le rapporteur. Monsieur le Professeur Abdelmajid AMINE d’avoir pris le soin et le temps depuis le début de cette aventure de suivre mes avancements de recherche et de m’avoir toujours fait sentir lors de mes passages à l’IRG à Paris 12 que j’appartiens à un laboratoire propice à un climat de travail chaleureux et amical. Monsieur le Professeur Jean-François TRINQUECOSTE d’avoir accepté d’évaluer cette recherche et de participer au jury de ma soutenance. Je remercie également Monsieur Roger OURSET, directeur général de l’Ecole Supérieure des Affaires (ESA) pour m’avoir donné les moyens de travailler sur cette thèse et pour avoir facilité la gestion de mon temps dans cette institution. Je suis très reconnaissante aux Professeurs et aux Maîtres de Conférences de Bordeaux, de l’ESCP-EAP, de la Cornell University, de la Utah University, de l’Université Catholique de Namur et de l’ESA : Jean-Jack Cegarra pour le temps qu’il a consacré à écouter et à balayer mes doutes, Michaël Korchia pour avoir enrichi mes connaissances sur les techniques quantitatives, Suzanne Pontiers pour sa disponibilité et son sourire permanents, Olivier Badot pour son coaching pédagogique et ses de-briefing constructifs , Russell Belk et Alain Decrop pour leurs divers conseils lors de mes études qualitatives, Michaël Haenlein, Delphine Manceau, Philippe Mouillot, Simona Botti et Eric Eisenstein pour les échanges d’informations, de conseils, d’expériences mais aussi pour leur soutien amical. Mes remerciements s’adressent aussi à toute l’équipe pédagogique et administrative de l’ESA, de l’Université de Paris 12 et de l’ESCP-EAP. Je me dois de remercier tout particulièrement les doctorants et collègues du CRED (ESA) ; Farah Chaaban, Ghalia Hamamy, Ali Abbas, Jihane Abi Azar, Abdel Maoula el Chaar pour leur amitié et notre soutien mutuel. Mes remerciements les plus sincères vont également à Aurélie Gougeon, Olivier Gougeon, Ghada Beydoun, Liliane El Achkar, Tarek Bacha, Tiefing Diawara, Marcus Zepf, Joumana Arida, Georges Maatouk et aux enfants Attali. Enfin, je remercie du fond du cœur ma famille. Mon Général de père pour m’avoir donné la curiosité intellectuelle, la liberté d’esprit et l’honnêteté morale. A maman pour son courage, sa joie de vivre, son amour et son dévouement infinis. A mes frères ; Gérard pour ses divers coups de pouces et sa confiance en moi, à Paul pour m’avoir initié à être perfectionniste et compétitive, à Anthony qui est mon ange. Cette thèse vous est naturellement dédiée. A ma famille « Vous avez votre Liban et ses dilemmes. J'ai le Liban et sa beauté. Vous avez votre Liban avec les conflits qui le rongent. J'ai mon Liban avec les rêves qui y naissent. Vous avez votre Liban, prenez-le tel qu'il est. J'ai mon Liban et je n'en accepte que l'absolu. Votre Liban est un imbroglio politique que le temps tente de dénouer. Mon Liban est fait de montagnes qui s'élèvent, dignes et magnifiques, dans l'azur. Votre Liban est un problème international que tiraillent les ombres de la nuit. Mon Liban est fait de vallées paisibles et mystérieuses dont les versants accueillent les sons des cloches et les murmures des rivières... Laissez-moi vous dire à présent qui sont les enfants de mon Liban...Ce sont les vainqueurs où qu'ils aillent, ils sont aimés et respectés où qu'ils s'installent. Ce sont ceux qui naissent dans des chaumières mais qui meurent dans les palais du savoir... » Gibran Khalil Gibran (1920), Les ailes brisées SOMMAIRE Sommaire I Introduction générale 1 Partie 1- CONSOMMATION OSTENTATOIRE ET VARIABLES EXPLICATIVES, UN ETAT DE LA LITTERATURE 8 SECTION I- Définition de la consommation ostentatoire des produits de luxe Chapitre 1- Signes 11
Chapitre 2- Consommation sociale 28
Conclusion du chapitre 1 et 2 54 Chapitre 3- Le luxe ostentatoire 57 3.1 Définition du luxe 58 3.2 Catégorisation du luxe 59 3.3 Caractéristiques des produits de luxe 62 3.4 Attitudes vis à vis du luxe 67 Conclusion du chapitre 3 71 SECTION II- Les variables explicatives de la consommation ostentatoire 72 Chapitre 4- La religion 82 4.1 Impact de la religion sur la consommation 83 4.2 Tableau d’interdits 88 4.3 Définition 91 Conclusion du chapitre 4 105 Chapitre 5- La classe sociale 106 5.1 Définition 108 5.2 Structuration sociale 113 5.3 Différentes mesures de la classe sociale 115 Conclusion du chapitre 5 119 Chapitre 6- La conformité aux normes du groupe 120 6.1 L’influence informationnelle 123 6.2 L’influence normative 124 Conclusion du chapitre 6 128 Chapitre 7- Le matérialisme 129 7.1 Origine et définition du matérialisme 130 7.2 Les différentes approches 132 7.3 Les différents types de matérialistes 138 7.4 L’influence du matérialisme 139 Conclusion du chapitre 7 148 Chapitre 8- La vanité 149 8.1 Définition 151 8.2 Les composants constitutifs de la vanité 152 Conclusion du chapitre 8 161 Partie II- CONTEXTE DE L’ETUDE 162 Chapitre 9 Le Liban 164 9.1 Les groupes confessionnels au Liban 165 9.2 Impact de la religion sur la vie pratique des Libanais 171 Conclusion du chapitre 9 177 PARTIE III- EXPLORATION DU CONCEPT DE CONSOMMATION OSTENTATOIRE 178 III.1 Objectifs et problématique de la recherche 181 III.2 Méthodologie de la partie III 182 Chapitre 10- Pré-recherches exploratoires 185 10.1 Entretien avec le concessionnaire de Ferrari/Maserati 185 10.2 Entretien avec la directrice marketing de Bang&Olufsen 192 Conclusion du chapitre 10 195 Chapitre 11- Entretiens qualitatifs avec des consommateurs 196 11.1 Méthode de la recherche 197 Chapitre 12- Méthode de l’étude qualitative 207 12.1 Formation du « corpus » 207 12.2 Recueil des données 208 12.3 Procédure de codage 209 12.4 Fiabilité 216 12.5 Résultats 217 Conclusion du chapitre 12 237 PARTIE 4- CONCEPTUALISATION, METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ET INSTRUMENTS DE MESURE MOBILISES POUR LA RECHERCHE 238 Chapitre 13- Synthèse de la littérature et de l’analyse qualitative 239 13.1 Confrontation de la littérature et de la partie qualitative 240 13.2 Variables prises en compte pour le modèle final 242 Chapitre 14- Proposition d’un cadre conceptuel de la recherche 245 14.1 Les hypothèses relatives aux variables antécédentes 247 14.2 Les variables relatives aux variables explicatives 251 Conclusion du chapitre 14 258 Chapitre 15- Opérationnalisation des construits 259 15.1 Choix de l’échantillon 260 15.2 Choix d’un questionnaire électronique 263 15.3 Choix du type d’échelle 264 15.4 Echantillon et collecte de données 265 15.5 Les différentes procédures de validation 268 Conclusion du chapitre 15 280 Chapitre 16- Validation des construits mobilises pour la recherche 281 16.1 La religion 281 16.2 L’ascension sociale 286 16.3 La conformité aux normes du groupe 288 16.4 Le désir de se sentir unique 291 16.5 La vanité 294 16.6 Le matérialisme 301 16.7 La tendance à la consommation ostentatoire 306 Conclusion du chapitre 16 309 PARTIE V- PRESENTATION, MISE EN PERSPECTIVE DES RESULTATS ET TEST DES HYPOTHESES 310 Chapitre 17- Les étapes à suivre pour une analyse factorielle confirmatoire 313 17.1 Nature des construits 315 17.2 Normalité des variables 318 17.3 Les étapes à suivre dans une analyse d’équations structurelles sous AMOS 319 17.4 Objectifs de la seconde collecte des données 322 17.5 Analyse factorielle exploratoire pour chaque construit 322 17.6 Analyse en composante principale portant sur tous les construits réflexifs 339 Chapitre 18- Analyse factorielle confirmatoire 344 18.1 Analyse factorielle confirmatoire sur chaque construit réflexif à 4 items 344 ou plus 18.2 Analyse factorielle confirmatoire sur l’ensemble des construits réflexifs 348 Conclusion du chapitre 18 355 Chapitre 19- Les résultats de la recherche 356 19.1 Justification du choix de la modélisation structurelle par approche PLS 356 19.2 Analyse des résultats 365 Conclusion du Chapitre 19 370 Chapitre 20- Analyse et discussion 371 Conclusion du chapitre 20 384 Conclusion générale 385 Bibliographie 395 Annexes 437 Liste des Tableaux 493 Liste des Figures 496 Liste des Annexes 497 Table des matières i INTRODUCTION Introduction générale Notre recherche se propose d’étudier la consommation ostentatoire. La définition du terme « ostentation » découle du latin ostentio-onis : action de montrer avec insistance. Ce terme implique que les produits ne sont pas uniquement consommés pour leur aspect fonctionnel mais pour des raisons de valorisation sociale et personnelle. L’ostentation peut faire l’objet d’un service, d’un loisir ou d’un produit. Notre étude concerne cette dernière. La notion de consommation ostentatoire n’est pas récente. La recherche sur ce thème a été très porteuse dans le passé. En commençant par Tocqueville (1835) qui dresse une brillante analyse sur la société américaine pour arriver un peu plus qu’un demi-siècle plus tard à Thorstein Veblen (1899) qui étudia les mœurs et pratiques de la bourgeoisie nord-américaine. En 1933, la thèse de Norbert Elias sur la cour du Roi-Soleil vient compléter ce panorama et nous livre une description minutieuse des milieux aristocratiques où l’on se ruinait pour assurer son rang. Cette analyse de la société de cour permet, en partie, de mieux comprendre les origines de la Révolution Française. Elias (1933) note par exemple : « Dans la société de l’aristocratie de cour, la grandeur et la magnificence de la maison n’étaient pas en premier lieu une marque de richesse, mais une marque de rang. L’apparence de la maison de pierre dans l’espace est pour le grand seigneur et toute la société seigneuriale le symbole de la position, c’est-à-dire du lignage, dont le maître de la maison est le représentant vivant » (p.48). De plus, le pouvoir absolu appartenait au Roi. Ce dernier ne se privant pas de renforcer les rivalités et les oppositions à l’intérieur de chaque ordre afin de maintenir l’aristocratie divisée et à sa merci. Sous ce régime, qui tenait un rang élevé pouvait rapidement le perdre, qui briguait un statut social pouvait obtenir des charges ou diverses nominations. Néanmoins, nous remarquons qu’à notre connaissance, en France, en dehors des travaux de Roux de Xiao et de Patrier, les recherches académiques récentes sur ce sujet sont limitées. L’importance des budgets concernés et le manque de recherche sur ce thème au niveau mondial mais surtout dans le contexte socioculturel qui est le nôtre appuient donc notre choix de sujet d’étude. En effet, l’importance de la dimension statutaire et sociale de la consommation, quoique boudée un certain temps par les économistes, a été reconnue comme étant cruciale à la compréhension des phénomènes de consommation. Reconnaître que la consommation ne se fonde pas exclusivement sur des variables rationnelles a permis de mettre en exergue le caractère exclusif ou de conformité de certains produits. Capturer ces deux dimensions est fondamental. Elles ont permis, entre autres, aux économistes de fixer de manière plus pertinente la limite de l’élasticité des prix de certains produits. Selon HSBC, les entreprises de luxe peuvent augmenter leurs tarifs de 4 à 5% par an sans conséquences sur les volumes de ventes. Par exemple, François-Henri Pinault (L’Express, 13 Avril 2006) se réjouissait de vendre le même sac Gucci à 800 euros contre 600 euros l’année dernière. Ferrari a déclaré ne pas produire plus que 4300 véhicules par an en dépit d’une liste d’attente de plus de deux ans (Betts, 2002). Au delà de l’aspect anecdotique de ces exemples, ils illustrent l’importance et l’actualité de notre recherche. Si nous citons sciemment à titre d’exemple des marques de luxe, c’est que notre sujet traite spécifiquement de la « consommation ostentatoire des produits de luxe ». Avec un marché mondial avoisinant les 100 milliards d’euros (en excluant les produits de beauté) et une croissance annuelle de 15 % en 2005, l’industrie du luxe se porte à merveille. La majorité des groupes de luxe voit leur bénéfice à la hausse et sont plus que confiants sur les résultats des années à venir. En effet, selon les dernières estimations des maisons de luxe en février 2007, LVMH dégage un bénéfice record de 1,879 milliard d’euros soit une augmentation de 30% par rapport à l’année 2005, dépassant ainsi les prévisions des analystes. Si les profits de LVMH ont doublé en deux ans, les autres groupes de luxe ne se portent pas plus mal. Le groupe Christian Dior a annoncé un bénéfice net fin 2006 en hausse de 29% et Hermès a enregistré une progression de 6,1% sur son chiffre d’affaires. Ce dynamisme insufflé ces dernières années dans l’industrie du luxe est dû en grande partie aux pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore le Moyen-Orient. Cette nouvelle teinte du luxe à travers les pays émergents devient un phénomène suffisamment marquant pour qu’il soit souligné par une étude spécifique. Notre étude propose un « focus » sur le marché libanais, exemple multiculturel s’il en est, il représente aussi une interface intéressante entre l’Occident et l’Orient. Sa diversité religieuse et socioculturelle peut nous éclairer sur les spécificités du marché du Golfe. Par exemple, dans un bar-restaurant très connu au Liban nommé « Crystal » la consommation de bouteilles de Champagne (notamment des Moët & Chandon) à 3000 dollars la bouteille est chose commune. En effet, c’est le concept clé du restaurant en question où il faut par ailleurs réserver une à deux semaines à l’avance afin de trouver une table de libre. Ces bouteilles s’accompagnent généralement de musiques spéciales. De focalisation de lumière sur le commanditaire, d’arrivée de la bouteille de champagne avec feux d’artifices et....de l’affichage sur un panneau à l’entrée du restaurant-bar du nom des personnes ayant eu recours à cette méthode avec classification et mise en relief selon le montant accumulé dans ce restaurant de la personne en question. Il est à noter que des paiements en traites mensuelles sont choses courantes pour payer la -dite- bouteille de champagne. D’autres phénomènes de cet ordre ont de même été relevés lors de soirées diverses. La prolifération de restaurants qui « louent » des bouteilles de champagne battait son plein avant l’éclatement de la guerre au Liban en Juillet 2006. Cette méthode consiste à donner la possibilité au consommateur de louer une bouteille de champagne lors d’une soirée afin de l’exposer sur sa table. Cette bouteille est accompagnée d’un mini feu d’artifice planté sur le bouchon. Le feu d’artifice consume le bouchon rendant la durée de vie d’une bouteille de champagne à 5 locations avant sa mise hors service. Nous avons relevé de même, que la majorité des restaurants préfèrent exposer devant leur enseigne ou leur entrée les voitures les plus luxueuses de leur clientèle. Les valets parkings les placent en face afin de démontrer l’opulence de la clientèle ainsi que le niveau du restaurant en question. Ces voitures vont en principe du « Hummer » à la « Porsche », à la « Ferrari » et même à la « Lamborghini » (cf. Annexe 1). Nous avons observé que si un client arrivait avec une voiture « normale » c’est-à-dire en Peugeot 406 ou autres, il avait plus de chance de voir sa voiture garée par un valet parking plus loin dans l’allée. Cette constatation est d’autant plus importante que, dans certains cas, les places de parking en face du restaurant ne manquent pas. En effet, la politique de certains restaurants consiste à garder les espaces vides à une clientèle attendue ou potentielle possédant des voitures plus chères. Nous retrouvons l’idée de « gaspillage ostentatoire » de Veblen ou encore les cérémonies de Potlatch appliquées à une société moderne. Il faut dire qu’au sein de cette prolifération de signes de richesses, le chômage frôle les 20%, et la dette publique constitue environ 35 milliards de dollars. En effet, nous rencontrons, de nombreux paradoxes au Liban. Entre débâcle économique et prolifération des boutiques de luxe, de nombreuses interrogations se posent. Des interrogations auxquelles nous tenterons de répondre tout au long de notre thèse. En effet, notre recherche trouve ses racines dans l’une des problématiques classiques du marketing : l’analyse et la compréhension du comportement du consommateur. Nous nous proposons de définir les facteurs explicatifs de la tendance à la consommation ostentatoire des produits de luxe. Comprendre les facteurs qui président au comportement d’achat a toujours constitué une préoccupation majeure de la fonction marketing des entreprises (Filser, 1994). Toutefois, toute recherche touchant à la consommation des produits de luxe se heurte immanquablement à un certain nombre de difficultés (Roux et Floch, 1996). Les difficultés auxquelles nous avons fait face sont en majorité liées aux problèmes d’intégration des théories qui sont transversales à notre approche marketing : psychologie, sociologie, théories de la personnalité et économie. C’est en ce sens que nous nous sommes appuyés sur des recherches effectuées sur le groupe, l’image de soi, ou encore le symbolisme afin de définir notre champ. N’ayant pas de définition consensuelle bien établie, il nous est apparu crucial, avant toute expérimentation, de définir notre cadre de recherche. C’est dans cette optique que nous avons pris le temps, dans une première partie, de nous attarder sur la littérature des différents domaines de recherche traitant directement ou indirectement de cette notion. Les premiers chapitres de cette thèse, consacrés à la revue de la littérature, répondent à un impératif de définition: qu’est ce que la consommation ostentatoire des produits de luxe ? Après avoir répondu à ce premier objectif, le second objectif assigné à la présente recherche est de déterminer et d’appréhender dans leur globalité les facteurs explicatifs de la consommation ostentatoire des produits de luxe. En effet, après avoir clarifié la notion de consommation ostentatoire des produits de luxe (Chapitre 1 à 3), et en se basant sur les théories du consommateur envisagées ci-dessus, nous dégagerons les facteurs explicatifs qui émanent de la littérature (Chapitre 4 à 8). Certains auteurs ont traité un aspect ou un autre directement ou indirectement de la consommation ostentatoire. En analysant leurs écrits nous mettons la lumière sur les facteurs émergeant de la littérature et qui sont en relation avec la consommation ostentatoire des produits de luxe. Par ailleurs, ces recherches permettront de justifier certaines des hypothèses faites dans le cadre de notre recherche. La deuxième partie est consacrée à la définition du terrain d’étude. Cette partie est constituée d’un chapitre unique. Nous tentons d’y donner une vision claire et globale de l’histoire complexe du Liban (chapitre 9). La troisième partie présente la problématique et les objectifs de la recherche dans un premier temps, pour ensuite développer la phase qualitative de la recherche. Cette troisième partie se décompose en deux chapitres. Le premier chapitre présente la pré-recherche exploratoire. Deux entretiens avec des professionnels du marché du luxe au Liban ont été effectués afin d’avoir une première étude exploratoire du marché. Le second chapitre rappelle les objectifs et la problématique de la recherche dans un premier temps, pour ensuite exposer les principaux résultats de l’analyse de contenu de l’étude qualitative. La quatrième partie présente dans un premier temps, le cadre conceptuel et les hypothèses qui en découlent et pose dans un second temps la base scientifique de notre recherche. Nous présentons dans un premier chapitre le cadre conceptuel, fruit de la confrontation entre la littérature et la phase qualitative, et duquel découlent les hypothèses de recherche. Nous présentons dans le second chapitre, le protocole expérimental que nous avons décidé de suivre (les instruments de mesure retenus, la procédure de création d’une échelle et d’un index, l’échantillon choisi, les conditions de l’expérimentation et les méthodes statistiques employées). Nous présentons également au cours de cette partie le pré-test des échelles. La cinquième partie quant à elle, présente la seconde collecte des données et expose les résultats de la recherche. La validation et la fiabilité des instruments de mesure des échelles en sont le cœur de nos préoccupations dans les deux premiers chapitres de cette partie. Le troisième chapitre présente les résultats de la recherche alors que le quatrième et dernier chapitre discute, analyse les résultats, et souligne les contributions de notre travail. La conclusion générale présente les apports managériaux et théoriques de notre recherche pour ensuite enchaîner sur les limites inhérentes à celle-ci, et conclure sur les futures voies d’exploration que nous proposons. Dans un souci de clarté, le tableau 0.1 résume le déroulement que cette recherche suivra; il expose les objectifs et les méthodes employés. Nous y indiquerons les résultats liés à la progression de notre recherche, à la fin de chaque chapitre. Les cellules grisées présentent les objectifs du chapitre à venir :
Partie I CONSOMMATION OSTENTATOIRE ET VARIABLES EXPLICATIVES, UN ETAT DE LA LITTERATURE Section I La définition de la consommation ostentatoire des produits de luxe Section II Les variables explicatives de la consommation ostentatoire Dans les années quarante de notre ère, l’ancienne aristocratie romaine a perdu son lustre d’antan et une bonne part de son prestige. Une nouvelle classe sociale faite de commerçants enrichis et de potentats issus des provinces lointaines émerge dans les cercles du pouvoir. Les vieilles familles sénatoriales n’ont plus pour asseoir leur légitimité que le prestige de leurs lointaines origines et un certain art de vivre, où le raffinement et la démesure les distinguent du commun des mortels. Les travaux de l’anthropologue américain Thorstein Veblen par sa Théorie de la classe de loisir (1899), ont permis de comprendre quelques traits du comportement des contemporains de Caligula et des tentations qui s’offrirent au jeune prince quand il lui prît de vouloir rivaliser avec ses pairs. Dans les mentalités qui régissaient les cités antiques, le citoyen devait être disponible pour les affaires publiques. Selon le principe censitaire, accéder aux magistratures d’importance supposait donc l’oisiveté (otium). Les sénateurs étaient donc exclus du monde des affaires (negotium), considéré comme vil et dévolu à des esclaves éduqués ou à des affranchis. La richesse était un préalable à l’exercice du pouvoir, et l’opulence une indication du niveau d’influence. Montrer son argent, c’était montrer sa force. Clutorius Priscus acheta cinquante millions de sesterces, soit cinquante fois le montant du cens sénatorial, une curiosité, un eunuque appartenant à Séjan lors de la liquidation des biens du condamné. Pomponius Sécundus offrit un repas à Caligula où il fit servir un vin dit opimien, c’est-à-dire vieux de cent soixante ans, d’un prix exorbitant. Dans les années 30, sévissait la folie des tables de citre, un thuya de l’Atlas marocain, accessoire indispensable à un intérieur élégant. Pline mentionne des consulaires qui en possédaient valant cinq cent mille, un million, un million trois cent mille sesterces chacune, soit le prix d’une belle propriété. Dans la société impériale, la rivalité politique entraîne l’ostentation, source du plaisir d’être envié. Car l’envié est supérieur au jaloux, et se faire envier, c’est rabaisser l’envieux. Cette forme de consommation fut aussi observée dans les sociétés dites primitives notamment les tribus indo-americaines : les Haida, Tlingit, Tsimshian, Kwakiutl et quelques autres (Solomon, 1994). Par exemple, la cérémonie de potlatch chez les indiens de la tribu Kwakiutl privilégiait le don de cadeaux en vue d’un gain de statut assuré. « Ces indiens avaient une cérémonie appelée potlatch où le maître de maison faisait démonstration de sa richesse en faisant des cadeaux extravagants à ses hôtes. Plus grande était la dépense en cadeaux, meilleure était l’image donnée aux autres. Parfois le maître de maison utilisait une stratégie encore plus radicale pour étaler sa fortune. Il détruisait publiquement une partie de ses biens pour montrer combien il possédait. Ce rituel était aussi utilisé comme une arme dans le jeu social : puisque les invités étaient supposés faire de même, on pouvait humilier un rival plus pauvre en l’invitant à un potlatch somptueux. L’obligation de donner des cadeaux, même s’il ne pouvait se le permettre, conduisait inévitablement l’invité malchanceux à la faillite » (Solomon 1994, 426). De même, Elias (1985) relève dans la société de cour que les aristocrates se ruinaient afin d’assurer leur position sociale et leur rang. Les bourgeois percevaient ce comportement comme faisant partie du « gaspillage ». Elias (1985) note « On conçoit mal que des gens se ruinent par et pour leur maison, si l’on ne prend pas conscience du fait que, dans la société de l’aristocratie de cour, la grandeur et la magnificence de la maison n’étaient pas en premier lieu une marque de richesse, mais une marque du rang. L’apparence de la maison de pierre dans l’espace est pour le grand seigneur et toute la société seigneuriale le symbole de la position, de l’importance, du « rang » de la maison dans le temps, c’est-à-dire du lignage, dont le maître de la maison est le représentant vivant » (p.32). Plus loin, Elias raconte comment un aristocrate Parisien de retour de voyage constatant que son fils n’a que partiellement dépensé la bourse qu’il lui avait laissée, lui reproche d’avoir mal tenu son rang et ouvrant la fenêtre envoie dans la rue l’argent qui restait (Remaury, 2005). Dans une époque plus contemporaine, Fitzgerald développe dans son ouvrage « Gatsby le magnifique » le style de vie ostentatoire des nouveaux riches de l’Amérique des années 20. Gatsby le jeune millionnaire issu d’un milieu modeste n’a de cesse de mette en évidence sa richesse en livrant des réceptions somptueuses dans le seul but de reconquérir et d’éblouir Daisy son amour de jeunesse qui appartient à la bonne société. De même, l’œuvre de Georges Perec « les choses » nous éclaire sur les pratiques de la consommation ostentatoire contemporaine. Perec raconte la vie d'un couple moderne, de classe moyenne qui se trouve dans une quête effrénée de consommation de biens matériels visibles. Jérôme et Sylvie rêvent de posséder les biens annoncés dans l'Express et cherchent à imiter le style de vie de la bourgeoisie avec leurs maigres ressources d’instituteurs. Ils ne peuvent se détourner du plaisir ultime: posséder un divan Chesterfield. « Ils ne s’en cachaient pas : ils étaient des gens pour l’Express. Ils avaient besoin, sans doute, que leur liberté, leur intelligence, leur gaieté, leur jeunesse soient, en tout temps, en tous lieux, convenablement signifiées. Ils le laissaient les prendre en charge, parce que c’était le plus facile, parce que le mépris même qu’ils éprouvaient pour lui les justifiait. Et la violence de leurs réactions n’avait d’égale que leur sujétion : ils feuilletaient le journal en maugréant, ils le froissaient, ils le rejetaient loin d’eux. Ils n’en finissaient plus parfois de s’extasier sur son ignominie. Mais ils le lisaient, c’était un fait, ils s’en imprégnaient » (Perec 1997, p.43). Comme l’attestent ces différents exemples, nous remarquons que la consommation ostentatoire a de tout temps existé et ce, dans une perspective évolutive et dynamique. En effet, la consommation ostentatoire est enracinée dans la dynamique sociale et demeure plus que jamais d’actualité. La consommation ostentatoire est l’achat d’un signal social d’où la notion de symbolique du produit consommé qui rentre dans la définition de la consommation ostentatoire. Pour Dubois et al. (2000) certains consommateurs achètent des produits visibles comme les produits de luxe pour le seul but d’envoyer des signaux subtils qu’un certain groupe de personnes va déchiffrer et capter. Nous considérons que la consommation ostentatoire est un achat de signes sociaux. Pour plus de compréhension, nous proposons la matrice suivante qui résume la définition de la consommation ostentatoire explicitée dans ce qui suit. ![]() Nous allons détailler cette matrice critère par critère dans ce qui suit : Section I Définition de la consommation ostentatoire des produits de luxe |
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![]() | ![]() | «subprimes» et qu’elle se dénouerait tout naturellement au prix de quelques sacrifices marginaux | |
![]() | «Conduite et pilotage des politique de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer» | ![]() | «Barreau de Nice» de l’Académie de Nice-Toulon, remis par S. E gilbert guillaume, le 04 novembre 2004 à l’occasion de la rentrée... |