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Charles Renel

La race
inconnue




Préface


M. Charles Renel, professeur à la Faculté des lettres de Lyon, directeur de l’enseignement à Madagascar, publie un recueil de contes malgaches intitulé : la Race inconnue. M. Renel est un spinalien, ancien élève du Collège d’Épinal, puis de l’École normale supérieure et docteur ès-lettres. Son livre est d’un érudit, d’un humaniste et d’un fort aimable écrivain.

Il est vrai que les Français ont l’effroi des lointains voyages et le goût délibéré du foyer. Et pourtant, il n’en est guère, parmi les plus sédentaires, qui ne soient tentés de connaître les contrées de notre domaine colonial, avides des objets, des tableaux, des récits évocateurs de ses mystères. Qui n’a délicieusement rêvé aux mignardes amours d’un Loti parmi les chatoyantes féeries de l’Orient ? Qui n’a suivi un Psichari par les terres de soleil et de sommeil, – et tant d’autres sur tant de rivages !

Madagascar, la grande île, nous intéresse et nous attire par son étendue, parce que la conquête sous un climat terrible en fut douloureuse, parce que nous savons que des Lorrains, des Spinaliens y besognent, parce que, malgré tout, elle nous reste inconnue. M. Charles Renel aura soulevé le voile. Il y a promené, avec la plus sagace curiosité, la culture charmante de son esprit. Cela lui a permis de comprendre cette nature nouvelle, d’observer les mœurs des habitants, de les peindre avec une grâce précise, et parfois, il faut bien le dire, une égrillarde vérité. Durant trois années de séjour et de courses il a fait une copieuse moisson de documents. Et son livre nous offre une belle gerbe de fleurs exotiques, rares et capiteuses. Il faut les respirer toutes mais on ne peut toutes les décrire. On choisit pour l’exemple celles qui plaisent le mieux.

C’est la petite Liasitéra qui mourut pour avoir écouté un soir l’oiseau-d’argent-qui-chante-dans-la-forêt, l’oiseau aux ailes couleur de lune, tandis que les bois exhalaient une buée odorante, qu’ils retentissaient du vol bruyant des pigeons verts, du gémissement des singes nocturnes, – et qu’au-dessus de sa tête une orchidée laissait pendre ses feuilles pareilles à des algues. C’est l’homme qui fit mourir ses enfants pour avoir bafoué les fady et qui, dénoncé par le sorcier, fut banni du clan, rejeté de la Race et de la Terre. C’est Ratsimba l’esclave, effaré de son affranchissement, « qui mourut de misère pour être devenu un homme libre ». C’est Ralahy le porteur, le bourjane, qui fut enseveli suivant le rite des ancêtres, enveloppé de lambas « sur l’amoncellement des cadavres immémoriaux ». C’est Impouinimerina, le vieux roi des Bara, ivrogne et paillard, qui voulut malgré les fady voir Tananarive et ordonna qu’après sa mort son corps fût arrosé de toaka. C’est Ramerina la ramatou fidèle qui tua par amour le vazaha son amoureux. C’est Raketaka la fille de l’Oumbiasy qui, pour faire croire à l’efficacité de ses sortilèges, de ses oudys, simula une grossesse et montra pour son nouveau-né un enfant d’argile.

Et puis, le livre fermé, c’est toute l’île qui surgit avec ses forêts lourdes de senteurs humides, pleines du bruit des palombes aux grands vols et des singes plaintifs, avec ses futaies, ses lisières où des ravinala aux feuilles énormes retombent les lianes et les orchidées, avec ses rivages que frôlent les requins, ses grèves où s’écrasent pour mourir les vagues de la mer, où dorment au soleil les caïmans voleurs d’hommes et de bœufs ; avec ses saisons ardentes rafraîchies par la brise ; avec ses villes perchées sur les pentes rocailleuses ou noyées dans la verdure, ses maisons de briques cuites, ses cases de roseaux ou ses huttes de terre crue.

C’est le peuple qui vit, avec ses dieux, ses rites, ses travaux et ses nonchalances, qui besogne, mange du riz, sobrement – pérore dans les kabarys, se drape de ses lambas ou les rejette pour les jeux de l’amour ; le peuple des fahavalous, des houves, des bourjanes, des ramatous, la race malgache impénétrable, barbare dans son aspect, ses coutumes, ses croyances et cependant raffinée, délicate, un peu mièvre, sensuelle et sensible, inquiète des vazahas, des blancs, offensée ou intriguée par leur civilisation agitée et conquérante.

Alors, ayant achevé le livre, on a respiré tout le capiteux bouquet. La magie du décor, l’étrangeté des paysages, des maisons, des costumes, le mystère des âmes si lointaines et pourtant si proches des nôtres, l’agrément du style coloré, élégant et facile, – on s’est enivré de tous ses parfums.

René PERROUT (Le Pays Lorrain, 1910)
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