Alicia Roehrig et Thomas Reverdy








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Alicia Roehrig et Thomas Reverdy

PACTE

05/11/2014



Comment les préventeurs négocient la sécurité
Observations d’un chantier industriel




Introduction


Un large débat traverse toute la littérature en sciences sociales sur l’activité des préventeurs, chargés d’évaluer les risques, de prescrire des exigences de prévention et de contrôler la bonne application des prescriptions. D’un côté, de nombreux travaux critiquent cette définition exogène de la sécurité et montrent que les acteurs opérationnels, grâce à leur appartenance à un groupe professionnel, sont capables par eux-mêmes d’identifier les risques et de s’imposer des stratégies de prévention, dès lors qu’ils disposent de suffisamment de marge de manœuvre pour le faire (Cru and Dejours 1983). De l’autre, bon nombre de travaux rappellent que, sans préventeurs qui incarnent les exigences de sécurité, de nombreux mécanismes peuvent intervenir dans l’affaiblissement de ces exigences : tout d’abord, la perception des risques fait l’objet de nombreux biais, et la pression économique et temporelle des projets peut conduire les individus et les collectifs à reconsidérer les exigences de sécurité, y compris lorsque cela les expose davantage.

Au-delà du débat sur la nécessité ou non d’une prescription extérieure et portée par des acteurs spécialisés en matière de prévention, se pose la question de l’interaction de ces prescripteurs avec les équipes opérationnelles et leur management, et la façon dont ces interactions peuvent entrainer un progrès dans l’intégration de la sécurité dans les pratiques de travail ou les conditions d’exécution des projets.

Dans le cadre d’un contrat de recherche avec la FONCSI, nous avons réalisé des enquêtes sur trois chantiers sur des sites industriels, où nous avons eu l’occasion de suivre des chefs de projet, des chargés d’affaires et des préventeurs. Notre objectif était de comprendre comment l’exigence de sécurité se construit sur le chantier, au-delà du travail de préparation et d’identification des dangers réalisé en amont par les préventeurs ou les membres des bureaux d’étude. Ces enquêtes nous ont rapidement alertés sur les difficultés rencontrées par les préventeurs dans leurs interactions avec les autres acteurs du chantier : ingénieurs-concepteurs, chef de projet, chef d’équipe des entreprises sous-traitantes… C’est pourquoi nous avons souhaité approfondir cette question par des observations de réunion de travail entre des préventeurs et les autres participants au projet. Cette observation a été possible pour l’un des chantiers : ce document s’appuie principalement sur ce compte-rendu.

Nous insisterons moins ici sur les questions posées par l’anticipation, le travail de prescription de la sécurité, mais davantage sur la construction collective de la sécurité en situation de chantier. Cette construction de la sécurité résulte d’une négociation entre des préventeurs, généralement membres de l’entreprise donneuse d’ordre ou du titulaire, et les équipes de sous-traitants qui interviennent au niveau des travaux.

Les réunions observées mettent en valeur principalement les exigences de sécurité qui font l’objet d’une discussion et d’une négociation entre les entreprises (et non l’ensemble des exigences ou des pratiques de prévention qui font partie des compétences professionnelles des intervenants. Néanmoins, les entretiens montrent que la part qui est discutée et négociée est significative : elle permet un niveau d’adaptation aux contraintes réelles que la prescription amont, généralement très abstraite et formelle, ne permet pas ; elle conduit à un niveau d’exigence supérieur aux pratiques professionnelles habituelles des intervenants sur les chantiers.

L’analyse tente de mettre à jour les tensions qui traversent cette négociation de la sécurité. Tout d’abord, il s’agit d’une relation entre des entreprises différentes, qui ont donc des intérêts économiques opposés, bien qu’intégrées dans un même projet. La question de la sécurité, comme les autres questions, est abordée sous l’angle de cette relation économique, qui peut, selon les configurations, être vécue comme particulièrement conflictuelle ou au contraire confiante et partenariale.

Ensuite, il s’agit aussi de négociations entre des professionnels qui ont des positions statutaires différentes, ingénieurs et techniciens « experts » d’un côté, chefs d’équipes et ouvriers de l’autre, et on sait combien la hiérarchie statutaire peut aussi affecter la qualité des échanges. Cette hiérarchie statutaire est complétée ici par une hiérarchie culturelle (ouvriers et chefs d’équipe souvent étrangers ou d’origine étrangère…).

Notre principal étonnement est le suivant : cette part négociée de la sécurité est importante au regard de l’ensemble des exigences. Elle n’est pas définie dans une logique d’anticipation et de préparation, elle est conduite en réaction après que le travail soit commencé et que l’exposition au danger soit devenue tangible. Certes, les préventeurs essaient de se placer dans une logique d’anticipation, alors que les équipes du chantier sont davantage dans une logique réactive d’adaptation, mais les préventeurs apparaissent souvent démunis pour impliquer les autres acteurs dans l’anticipation.

L’analyse tente d’expliquer pourquoi cette logique réactive s’impose. Elle met en valeur plusieurs causes. Tout d’abord, cette logique réactive est liée à la difficulté d’anticiper les situations de travail : la coactivité et l’environnement matériel de l’exécution de bon nombre de tâches dépendent de nombreux autres paramètres non connus des concepteurs ou même des préventeurs. Ensuite, cette logique réactive est liée à la temporalité du projet, qui encourage les préventeurs à accorder la priorité aux problèmes à résoudre plus qu’aux situations à venir. Enfin, cette logique réactive est encouragée par les rapports de négociation, la référence aux situations observées ont davantage de poids que les situations potentielles ou à venir qu’il est difficile d’anticiper ou de représenter.

La présentation des résultats de l’enquête est divisée en deux parties. La première partie insiste tout d’abord sur les limites du travail de préparation et de prescription des exigences de prévention, liées principalement à l’organisation du projet dans son ensemble, à la séparation entre la préparation du chantier et la réalisation, à la répartition des rôles entre différentes entreprises.

La seconde partie présente les pratiques des préventeurs et comment celle-ci permettent de compenser les faiblesses organisationnelles, par une habile gestion des interdépendances et des tensions entre les différents intérêts et objectifs en présence. La prévention de la sécurité apparaît comme le résultat d’une négociation permanente et non comme l’exécution de règles impératives.
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