Observer la société française actuelle en repérant quelle place y est faite au phénomène «religieux», quels processus ont amené à cette situation, quels en sont les enjeux et quelles perspectives s’y dessinent








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PARTIE 2. UN ESPACE POSSIBLE POUR « DIEU » ?
Est-il possible dans ces conditions-là de croire en Dieu ? D’arriver à penser que ce n’est pas idiot, que cela tient debout ?
2.1. Une certaine absence

En 1882, dans le « Gai savoir », Nietzsche demande :

« Où est allé Dieu ? Je veux vous le dire ! Nous l'avons tué, — vous et moi ! Nous tous, nous sommes ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon ? Qu'avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil ? Où la conduisent maintenant ses mouvements ? Où la conduisent nos mouvements ? Loin de tous les soleils ? Ne tombons-nous pas sans cesse ? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés ? Y a-t-il encore un en-haut et un en-bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Le vide ne nous poursuit-il pas de son haleine ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne voyez-vous pas sans cesse venir la nuit, plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes avant midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui enterrent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la décomposition divine ? — les dieux, eux aussi, se décomposent ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! [… ]A quoi bon ces églises, si elles ne sont les caveaux et les tombeaux de Dieu? »

Depuis la fin du 19ème siècle, ce cri de Nietzsche a marqué en profondeur toute la pensée occidentale. Dieu est devenu inutile et même nuisible, puisqu’il garantissait l’ordre d’un monde injuste. C’est un Dieu absent et évanescent.
2.1.1. Diagnostic d’un sociologue
Réflexion d’un sociologue Yves LAMBERT: « La religion, un paysage en pleine évolution » dans « Les valeurs des Français », PUF 1994 p.141.
« En fin de compte, tout se passe comme s'il y avait en quelque sorte, tendanciellement, deux religions dans la même, deux christianismes dans le même, chacun ayant sa logique propre dans une certaine mesure, sachant que les frontières sont loin d'être étanches. Et l'évolution des vingt dernières années constitue un glissement progressif, du christianisme confessant vers le christianisme culturel et surtout vers l'humanisme séculier. Ce christianisme culturel revient en fait à concilier l'existence d'une transcendance assez indéfinie avec une grande autonomie de l'homme et une large indépendance par rapport aux églises. Également sous-jacente est l'idée, exprimée à travers les interviews, que chaque religion est une expression historique particulière d’un divin en lui-même difficile à connaître ou dont la découverte n'est pas achevée, mais que l’on gère avec la culture religieuse de sa civilisation (d'où ce qualificatif « culturel »). En ce sens il s'agit plutôt d'une sorte de déisme ou de religion naturelle, mais son contenu est assez différent de celui du déisme du XVIIIe siècle. C'est une forme typiquement moderne d'appartenance religieuse enracinée à l'origine dans la philosophie des Lumières. C'est sans doute la principale des différentes formes que prend ce christianisme éclaté. »
On comprend le passage d’un christianisme confessant à un christianisme culturel puis à un humanisme séculier. La pratique disparaît peu à peu, il reste les valeurs, déconnectées de Dieu.

2.1.2. Diagnostic d’un théologien (Joseph Moingt)


  • « Croire quand même » est le titre d’un ouvrage de J. Moingt accessible. Voir extraits à la fin de la conférence.




  • Extrait p. 33 de « Dieu qui vient à l’homme ».


Réflexion du théologien Joseph MOINGT : Dieu qui vient à l’homme. Tome I. Du deuil au dévoilement de Dieu, Cerf 2002, p.33
« Périodiquement, on publie des sondages d'opinion sur la croyance en Dieu et on mesure, à l'aune de son emprise sur les populations, son degré de vitalité, ses chances de survie, la probabilité de son existence ou de son inexistence. D'une façon assez générale, il a été délogé, dans l'esprit de beaucoup de gens, des espaces du savoir d'où il régentait les phénomènes de l'univers, des espaces du pouvoir d'où il ordonnait les mouvements de l 'histoire, il n 'habite plus le quotidien de la vie où il était le compagnon inévitable et souvent souhaité de l'existence des humains, il se laisse encore pressentir à l'horizon de la mort comme un au-delà vaguement redoutable, à l'horizon du futur plutôt que du présent, relégué dans la zone d'un possible improbable, comme une sorte de réserve de sens ou peut-être même de non-sens, ce qui permet de lui imputer catastrophes ou déceptions alors qu'on se vante de ne plus croire en lui. On parle plus souvent de lui au passé qu'au présent. C'est dans son absence plus que dans son actualité évanescente qu'on trouve les signes de son existence sous le mode de l'avoir été; mais on prévoit, on craint de voir venir le moment où ces signes ne seront plus lisibles, où la mémoire collective ne saura plus les interpréter, où l'absence ne sera plus ressentie comme absence, ni vide, ni manque. C'est sous cet horizon que nous entreprenons de jalonner le parcours qui a conduit la croyance en Dieu, depuis ses lointaines origines religieuses, jusqu'au seuil de la modernité occidentale, où elle commence à décliner, et jusqu'à la fin du XXe siècle, où les chrétiens contemplent sa perte avec désolation, à travers deux ou trois siècles d'affrontement entre les « Lumières » de la raison et celle de la foi. Le croyant qui s'engage dans ce voyage ne le fait pas en simple historien pour reconstituer l'histoire d'événements qui lui seraient étrangers. Il se sait sur les traces du Dieu vivant, du Dieu de l'Évangile qui ne cesse de venir aux hommes, et il se porte à sa rencontre; se libérant des voiles, et peut-être des idoles, du passé, il fraie les chemins d'avenir de sa foi. »
« … Délogé des espaces de savoirs… ».

Cela rejoint par exemple les personnes des domaines technico-scientifiques qui n’ont pas besoin de Dieu dans leur travail ; il n’y a donc pour eux plus de place pour Dieu.

« Absence plus ressentie comme vide ni manque. ». Dieu ne se réfère plus à rien.
On va essayer de s’engager sur les traces du Dieu vivant.
II.1.3. Le ré-enchantement du monde : illusion ou réalité ?
En 1920, Maw Weber (protestant) introduit la notion de désenchantement qui signifie l’élimination de la magie en tant que technique de salut. Ce n’est pas la mort des religions et de leurs croyances mais c’est leur inutilité.

Cependant, les religions ne sont pas mortes et il y a des phénomènes d’allure religieuse qui se développent.

2.2. Attention : vocabulaire piégé !

Certains mots sont à définir pour pouvoir se comprendre. Je (Père Peycelon) vais vous dire dans quel sens j’utilise ces mots. Mais cela ne veut pas dire que les autres les utilisent dans le même sens.

Ce sont des mots très chargés au niveau des souvenirs et de l’affectivité.

2.2.1 « Religion »
Il n’y a pas de définition officielle en France. Cela pose des problèmes notamment au niveau juridique.

Une religion est un ensemble institutionnalisé et systémique (tous les morceaux de l’ensemble réagissent sans cesse les uns sur les autres) de croyances, de signes, de rites et de comportements en relation avec un ou des êtres surnaturels.

Par exemple, le bouddhisme n’est pas une religion mais une tradition spirituelle ou une philosophie du bonheur, car il y a des rites et des croyances mais pas d’être surnaturel.

Certains disent « religion du foot », « la religion fait du lien social » !

Le République Française ne reconnaît aucun culte mais les tribunaux doivent définir les cultes dont il faut garantir la liberté.
2.2.2. « Sacré »
Le sacré commence par une expérience forte qui se produit quand l’homme est mis en présence d’une réalité qui le dépasse et qui est en même temps fascinante et terrifiante. Cela peut être un événement naturel, une naissance,…

A partir de cette expérience du sacré, on peut attribuer un caractère sacré à un objet, un lieu ou une personne en lien étroit avec l’expérience initiale et qui la rappelle. C’est l’exemple des alliances de mariage.

On peut gérer l’expérience du sacré en en faisant un domaine à part car cela terrifie. Comme cela, le reste du temps, on est tranquille !

On distingue alors les domaines sacré et profane mais la distinction ne sera pas la même selon les personnes. C’est tout le problème des caricatures de Charlie Hebdo. On recourt alors à des spécialistes qui vont permettre de faire le pont entre le sacré et le profane. Ainsi, par exemple, les fiancés non croyants demandent au prêtre de les aider à faire le passage vers le sacré.
2.2.3 « Spirituel »
Le spirituel se distingue du corporel, du temporel, du matériel. Cette distinction est un héritage de la pensée grecque dualiste. Or celle-ci déconsidère ce qui est matériel et corporel.

La vie spirituelle est parfois associée à la vie religieuse. Or si elle déconsidère le matériel et le corporel, est-elle encore chrétienne ? (Religion de l’incarnation)

Mais aujourd’hui, il y a une vie spirituelle possible même quand on est athée. La vie spirituelle n’implique pas la foi en Dieu. Mais c’est l’être humain qui s’unifie et qui refuse la seule dimension production/consommation. Il se considère dans son ensemble.

Maurice Bellet (prêtre psychanalyste) affirme que la vie spirituelle, « c’est la vie en tant qu’elle ne se laisse pas fasciner par les puissances de mort ».
2.2.4. « Mystique »
Nietzsche disait : « je suis un mystique, je ne crois en rien ». La mystique est un cheminement intérieur dans lequel l’homme vit la présence de la dimension ultime de l’univers. Cela n’implique pas la croyance en un Dieu personnel ni à un être transcendant. Ces expériences sont classées comme irrationnelles alors que celui qui les vit les attache au mystère central du monde.
Conclusion : - attention au flou

- l’existence de ces notions n’implique pas en soi la reconnaissance en un Dieu.

2.3. « Dieu » bien connu ? trop connu ?

2.3.1. Un mot qui ne dit plus rien
Un enfant demande à sa catéchiste : « tu parles sans arrêt de Dieu, c’est quoi ça ? »

A lire : « Les petits enfants du siècle » de Christian Rochefort (1961), au sujet de la définition de Dieu dans le catéchisme. « Dieu, c’est un pur esprit infiniment parfait » ;

Et aussi : « Le premier homme » de Camus qui décrit les séances de catéchisme ; « Une éducation catholique » de Catherine Bisset ; « Education d’une jeune fille rangée » de Simone de Beauvoir.

Problème : comment découvrir un Dieu amour à partir de là ?
Dans le dictionnaire Robert, Dieu est défini comme « un principe d’explication de l’existence du monde, conçu comme un être personnel, selon des modalités particulières aux croyances, aux religions».

Ce mot ne dit donc plus grand chose.
2.3.2. Un mot qui fait problème
A / C’est un mot qui laisse perplexe.
Martin Buber (philosophe juif) nous donne une définition :

«  Dieu est le mot plus chargé de tous les mots humains. Pas un qui n’ait été aussi souillé, aussi lacéré. C’est précisément la raison pour laquelle je ne puis y renoncer. Des générations humaines ont déchargé le poids de leur vie angoissée sur ce mot et l’ont écrasé- il gît dans la poussière, chargé de toutes leurs pesanteurs. Les hommes, avec leurs divisions religieuses, l’ont déchiré. Ils ont tué pour lui et pour lui ils sont morts. Il conserve l’empreinte de leurs doigts et leur marque sanglante. Où trouverais-je un mot qui lui ressemblât, pour qualifier le Très-Haut ? Si j’utilisais le concept le plus pur, le plus lumineux, tiré de la chambre secrète des trésors de la philosophie, je ne pourrais guère saisir que l’image d’une pensée inconsistante et sans ancrage ; mais je passerais à côté de tout ce qu’il y a d’authentiquement présent dans ce que vise la pensée et que toutes les générations ont honoré et humilié par leurs vies et leurs morts incroyables. Je pense à Lui auquel songe la multitude torturée en enfer et qui aspire au ciel. Certes les hommes dessinent des figures grotesques qu’ils signent du nom de Dieu, ils s’entretuent et prétendent que c’est “en son nom”.
L’idée de définir Dieu est absurde. Les mots sont toujours insatisfaisants ; ils sont imparfaits. Une phrase indique seulement une direction, il ne faut pas s’arrêter à la phrase. Thomas d’Aquin parle du bien suprême. Luther dit que c’est de lui que l’on attend le bonheur et on trouve refuge en lui contre toute détresse. Jean-Luc Nancy, philosophe athée contemporain, parle de Dieu en terme d’ouverture à des enfants dans « Au ciel et sur la terre » (Editions Bayard).

« Ce nom ne désigne pas quelqu’un qui est quelque part […] Nous sommes ouverts à plus que être dans le monde. […] Il y a quelque chose qui dépasse infiniment ce que je suis. On peut dire, au moins, que dans le nom de Dieu, il y a, au moins, l’indication de la possibilité, peut-être de la nécessité, d’être fidèle, sans aucun élément de savoir ou de demi-savoir, à l’ouverture sans laquelle nous ne serions peut-être même pas des hommes mais simplement des choses parmi les choses à l’intérieur du monde fermé lui-même ».

C’est une piste très intéressante.
Le nœud du problème est toujours la question d’un Dieu personnel, avec qui l’homme peut être en relation. Le mot Dieu ne veut plus dire grand-chose pour beaucoup. Jésus-Christ nous parle de quelqu’un qu’il appelle son père et Dieu. Ce portrait n’a rien à voir avec la définition du catéchisme. Jésus nous fait connaître une personne. L’accès à Dieu amour ne peut se faire que par Jésus. Il nous fait découvrir qu’il y a un père qui nous aime. On réalise ensuite que Jésus-Christ ressuscité est le fils de Dieu. Ne pas le dire trop vite. Les chrétiens ont mis des siècles pour y arriver.

B / La question du mal pose également problème. Comment parler de Dieu après Auschwitz ? Et les atrocités continuent. A.Glucksmann affirme que « les meurtres qui se réclament de Dieu le tuent et les fidèles qui détournent les yeux l’enterrent ».

C / Athéisme et matérialisme en Europe ne se sont pas imposés par la contrainte mais ils amènent les hommes à penser et à vivre comme si Dieu n’existait pas.
Voir l’extrait de Joseph MOINGT : « Dieu qui vient à l’homme » Tome I. Du deuil au dévoilement de Dieu, Cerf 2002, p.31-34
« Dieu existe-t-il ? C'est apparemment la première question qu'on doive se poser, celle du moins qui se présente en premier lieu, dès qu'on soulève le problème de Dieu. La question suppose un objet bien connu des personnes qui en discutent, sinon même universellement connu, du moins facilement identifiable. De fait, on ne discuterait pas de l'existence d'un objet dont on n'aurait aucune idée. Mais on peut en avoir une, et douter cependant de sa réalité: peut-être n'existe-t-il que dans notre esprit ou notre imagination, peut-être Dieu n'est-il qu'une idée à, laquelle rien ne correspondrait dans le réel ? Quelle idée ? A cette seconde question, un individu déterminé ne peut répondre plus ou moins spontanément qu'en rassemblant des éléments reçus de sa tradition culturelle, plus ou moins clairs et nombreux selon qu’il a gardé ou perdu l'habitude de penser à Dieu, ou que cette pensée lui est souvent ou rarement rappelée par son entourage ou son environnement socioculturel. Dans nos pays d'Europe, l'idée de Dieu vient de la tradition dite judéo-chrétienne, mais elle peut avoir été mêlée dès ses origines ou recouverte dans le cours de sa transmission d'idées venues d'une autre provenance. En toute hypothèse, quand on pose des questions sur l'existence de Dieu, on s'en pose également sur sa nature ou ses attributs : on sait qu'il est invisible, qu'il vit très loin de nous, s'il existe, mais on demande pourquoi il ne se montre pas; on le suppose tout différent de nous, irreprésentable, et on examine s'il est une personne, un être distinct, un esprit infini, ou quelque énergie éparse dans le cosmos ; on le dit bon et tout-puissant, mais on doute qu'il s'occupe sérieusement de nous ; on nie qu'il intervienne dans nos affaires et on lui reproche de ne pas le faire; on peut même se vanter de s'être débarrassé de lui, et redouter de se trouver en face de lui après la mort. Il n'y a pas lieu de s'étonner que des idées aussi confuses sinon contradictoires se prêtent à mettre en doute l'existence de Dieu ni, inversement, que l'incertitude sur son existence n'engendre à la longue toutes sortes d'interrogations troubles sur son être,
La question de l'existence de Dieu […] ne se posait pas ou à peine quand Dieu jouissait d'un assentiment largement répandu dans les esprits et d'une représentation assurée dans les langages de la culture. On admettait alors tacitement que cette notoriété garantissait la réalité du Dieu de la révélation chrétienne, seulement chargée d'en déterminer l'identité; et si des philosophes et des théologiens s'employaient à prouver son existence, c'était davantage pour montrer la rationalité de la croyance que pour l'inculquer à ceux qui l'auraient ignorée ou mise en doute. La question de Dieu se pose très différemment quand il a perdu sa notoriété. Certes, la foi dans la révélation, sitôt acquise, devrait, par hypothèse, dissiper les inquiétudes sur l'existence de Dieu. Mais le problème qui trouble les esprits aujourd'hui n'est pas que théorique, il porte sur le fait que la croyance chrétienne elle-même, toute révélée qu'elle se dise, présente des signes manifestes d'épuisement, de telle sorte qu'un doute surgit, avant même d'inventorier son contenu, sur le crédit qu'on peut raisonnablement lui accorder. La question, en effet, ne consiste plus à interroger, absolument, si Dieu existe, mais s'il existe encore ou s'il n'est pas disparu ou en voie de l'être. La situation présente du christianisme impose cette question, qui tourmente même les croyants, car beaucoup de gens autour d'eux portent le deuil de Dieu, soit qu'ils l'aient abandonné et se résignent à l'idée de sa mort, soit qu'ils s'inquiètent et s'attristent de sa disparition et craignent qu'il ne revienne pas. C'est pourquoi, avant d'interroger la révélation, il importe de s’enquérir de ce qu’il est advenu de la foi révélée en Dieu. Cela importe à la crédibilité de notre propos autant qu'à la suite de notre réflexion, non pour se donner Dieu d'avance, ni pour se rassurer sur nos chances de le trouver, mais tant pour écarter le soupçon de partir à la recherche d'un Dieu déjà mort et dont nous ignorerions la mort, que pour orienter notre approche de sa révélation, à savoir celle d'un Dieu qui se fait connaître précisément en s'effaçant de lui-même de l'histoire par laquelle il vient à nous.”


Moingt parle du trop connu de Dieu et du bien connu de Dieu. L’idée des philosophes grecs a tourné autour des concepts de perfection, de toute-puissance, d’omniscience (il voit tout, il sait tout) et d’impassibilité de Dieu. Le Dieu révélé par Jésus-Christ est profondément différent mais il a été revêtu d’une double carapace, celle de la religion populaire (superstitions) et celle des concepts philosophiques grecs. Cette carapace a été fissurée puis détruite par la connaissance scientifique et par la réflexion philosophique plus récente.

Le Dieu oublié ou rejeté en Occident était une idole. C’est l’hypothèse de J. Moingt.

2.3.3. La question des « preuves »

Georges Braque écrivait à son ami poète René Char que « les preuves fatiguent la vérité ».

Dans le catéchisme de l’Eglise catholique à la question 13 : « Pourquoi êtes-vous certain qu'il y a un Dieu ? », la réponse est : « Je suis certain qu'il y a un Dieu parce que toutes les créatures prouvent son existence. »

Le mot preuve est piégé.

Par définition, c’est ce qui sert à établir qu’une chose est vraie. Mais la preuve est contraignante seulement quand la définition est correcte. Cela fonctionne en maths mais en sciences, c’est beaucoup plus compliqué car toute théorie est hypothétique jusqu’à ce que l’on trouve un élément nouveau qui vienne remettre en cause cette théorie. Dans les sciences humaines, et en particulier en histoire, on n’aboutit souvent qu’à de fortes probabilités. André Frossard dit « Dieu existe, je l’ai rencontré ». Il part de son expérience personnelle mais cela ne prouve rien.

St Thomas d’Aquin tente d’établir des voies, des cheminements intellectuels qui permettent de penser qu’il est raisonnable de croire à l’existence de Dieu. Spinoza et Descartes parlent de la nécessité de Dieu. On bâtit alors un Dieu raisonnable qui doit se conformer à la raison humaine. Mais ce Dieu s’éloigne d’un Dieu personnel révélé.

Ce processus intellectuel peut conduire à la négation de Dieu. Ce Dieu raisonnable est impensable ou bien il est réfugié dans un coin du ciel et il n’a plus d’intérêt. Le philosophe André Comte Sponville affirme :

« Si vous rencontrez quelqu’un qui vous dit "je sais que Dieu n’existe pas", ce n’est pas un athée, c’est un imbécile. De la même façon, celui qui vous dit "je sais que Dieu existe" est un imbécile qui a la foi. »
Car Dieu n’est pas du domaine de la preuve ni du savoir.
2.4. Cheminements du « croire » comme « confiance originaire »
Se poser la question de Dieu est tout à fait raisonnable.
2.4.1. Une anthropologie du « croire » (feuille jointe)
Le schéma proposé se lit en partant du bas de la page. On commence toujours par une situation(S), qui entraîne une question (Q) puis qui a abouti à une décision (D). Ce schéma présente des situations que tout le monde rencontre mais ce mécanisme n’est pas toujours conscient. A chaque étape, il y a plusieurs réponses possibles. On peut utiliser cette grille pour analyser différentes situations. Ce schéma n’est pas forcément chronologique par rapport à l’existence de chacun.


Lecture du schéma:

S1: question fondamentale, qui peut se rencontrer à tout âge: confrontation vie /mort. Qu’est-ce qu’on en fait? (Q)

3 réponses possibles:1) à droite, NON = fascination pour la mort. Il y a quelque chose de cela

dans la fascination actuelle de certains pour la mort.

2) à gauche, NON = divertissement = l’opposé.

3) au milieu, quelque chose qui donne du sens à la vie = Dieu. D’où S2

S2: 3 réponses à Q sur l’absolu, dont confiance en l’homme; qui amène à S3

S3: Qu’est-ce que l’être humain?

3 réponses: A droite: séparation de l’homme en 2 avec le Mal, ce qui, est mauvais d’un côté, dont il faudra se séparer. Dans l’histoire de l’homme, ce mal a souvent été vu du côté de la matière (en opposition à l’esprit).

À gauche: le “new-âge” où le mal est plutôt vu du côté de l’erreur humaine.

Au centre: Dieu = j’assume l’ambigüité de l’homme, capable à la fois du bien et du mal.

S4: l’homme capable de dépassement infini. D’où Q: existence d’une transcendance? La grille fait référence à plusieurs mouvements

4 réponses:

. Pour le bouddhisme, réponse radicale où la question d’une transcendance est sans objet. La seule question qui est valable est celle de savoir si l’on peut vaincre la souffrance.

. A gauche: agnosticisme. Je ne peux pas savoir, je n’aurai pas la réponse. André Malraux est un représentant de l’agnosticisme.

. A droite: athéisme. Si Dieu existe, l’homme set en danger. J.P. Sartre est un représentant de l’athéisme (voir « Le diable et le bon Dieu »). Ce dernier pense que Dieu est une illusion dangereuse.

. Dieu = oui à une possibilité.

S5: Quel est LE Dieu?

. Gauche: panthéisme. Dieu est dans la substance de tous les êtres qui existent.

. Droite: mystère inconnaissable. Dieu existe mais on ne peut pas le connaitre. St Exupéry pense que Dieu est un mystère radicalement inconnaissable. Il est dans la nature de Dieu de ne pas répondre à l’homme (voir « Citadelle », ouvrage inachevé). Ce n’est pas le christianisme.

La dernière question consiste à se demander si Dieu peut être un partenaire pour un dialogue. Si tel est le cas, c’est la réponse des religions révélées avec des livres : Védas (hindouisme), Coran (islam), et Bible (judéo-christianisme). L’idée de révélation est-elle pensable ?

Choix à faire sur quelle est la révélation, la tradition religieuse qui va m’ouvrir à la relation personnelle avec Dieu.
Réfléchir si ce schéma aide à repérer des situations concrètes qui ont pu exister pour chacun, où on a été amené à prendre des décisions. Repérer quelle situation? Qui a mené à quelle décision? Quel processus était derrière (souvent sans qu’on s’en rende compte)?

Cela peut permettre de comprendre son propre chemin, et celui de l’autre et peut donner des éléments pour pouvoir dialoguer.
2.4.2. La « Réalité Ultime » : question ouverte
Des actes de confiance structurent le schéma ci-dessus. Tout au long de la vie, on dit oui. C’est un ensemble de consentements à la vie qui nous met dans une position d’ouverture et d’attente. Cela permet de s’ouvrir à une révélation.

Il faut se méfier des projections psychologiques et faire attention aux idoles. Si l’on prend une réalité pour en faire un absolu provisoire (c’est cela une idole), cela peut être meurtrier (cela correspond aux cases situées à gauche et à droite de la grille).

La question essentielle est de savoir s’il y a ou non communication avec la réalité ultime. C’est la question d’un Dieu personnel qui se pose même aux pratiquants.
2.5. Et si « l’Absolu » nous parlait ?

2.5.1. Des signes cosmiques et / ou des paroles d’hommes

Il n’y a pas que les religions révélées. Il y a aussi les religions anciennes où il n’y avait pas de révélation, mais il y avait une communication avec le divin. Pour certains, la communication avec le divin se fait par des manifestations naturelles et notamment des signes cosmiques qui rappellent la fragilité humaine ou des évènements qui émerveillent l’homme. Ce sont les signes d’une puissance qui s’adresse à l’homme mais celui-ci ne connaît pas leur signification.
On a alors recours à des personnes qui décodent ces signes : devins, sorciers, chamanes,…

Notre culture scientifique occidentale a mis à mal cette interprétation des manifestations naturelles, car les événements ont été expliqués par la science. Elle a fait disparaître cette perception du divin.

L’homme attend une parole compréhensible. Voici le texte d’une prière inca :

« Créateur du monde d’en haut, du monde d’en bas, du vaste océan. Vainqueur de toutes choses, de ce qui intensément bouillonne, que ce soit homme ou femme. Qui es-tu ? Où es-tu ? Que penses-tu ? Parle ! »
Cela montre l’importance des personnes qui ne se contentent pas d’interpréter les signes cosmiques de Dieu, mais auront une expérience personnelle de communication avec Dieu. Ils parlent de Dieu et à Dieu au nom d’une expérience personnelle : « Dieu a dit, moi, je vous dis ». Ils pourront être un intermédiaire, ils auront envie de transmettre cette expérience de communication. C’est le prophète qui dévoile l’absolu en répondant au désir de connaissance de Dieu de ses auditeurs. Il vit une expérience profonde de Dieu qu’il transmet. L’absolu de Dieu rentre alors dans l’histoire des hommes. Il y a un langage même s’il est imparfait. Si on commence à percevoir qu’il y a une possibilité de langage avec Dieu, il y a possibilité de communiquer. Toutes les langues humaines peuvent être traduites entre elles et, par conséquent, on touche à l’universel.

Nietzsche reproche au prophète d’attribuer à Dieu une expérience purement humaine.
2.5.2. L’espace d’une « Révélation »
Deux critères existent pour dire qu’une révélation est authentique, crédible.


  • Elle donne de l’espace au désir de l’homme, à son autonomie et à ses capacités. Mais elle ne doit pas le faire sortir de façon illusoire de sa condition réelle de mortel (partir dans les nuages).




  • Elle manifeste que l’Absolu est vraiment présent dans notre histoire. C’est plus qu’une sagesse, c’est une proposition de sens qui tient la route en face du mal, de l’absurde et de la mort. Quand je suis à proximité de la mort, cette révélation résiste-t-elle ?


La révélation judéo-chrétienne correspond-elle à ces critères ?
2.6. Conclusion : on demande des témoins

La question de savoir si l’on va avoir des témoins audibles et crédibles et une question redoutable notamment pour les jeunes.

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