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Mots-clés : alliance, angoisse, appel, athéisme, autonomie, bonheur, cadeau, catéchumène, christianisme, communauté, concile, confiance, conquête, conversation, conversion, croire, croyance, culture demande, désir, détresse, dialogue, Dieu, discerner, eau, écoute, écriture, Eglise, élection, enfer, engendrement, Esprit, évangélisation, existence, expérience, foi, histoire, hospitalité, identification, initiation, Jésus, jeunes, juif, laïcité, lumières, Magistère, mal, miracle, mission, Moingt, obligation, orientation, pardon, parole, personne, père, pratique, promesse, prophète, proposer, protection, récit, repas, révélation, révolution, rupture, sacré, sacrement, salut sécularisation, servir, société, sociologie, suivre, témoigner, Tradition, transmission, Vatican Caluire février mars 2015, Père Jean Peycelon TRANSMISSION de la FOI : MISSION IMPOSSIBLE ? La question de la transmission est une question fondamentale et légitime qui travaille tous les chrétiens. Il n’y pas de bouc émissaire responsable de la situation actuelle. Il s’agit plutôt d’un itinéraire qui permet de comprendre ce qui s’est passé et ce qui se passe, dans la société, qui donne l’impression que la transmission ne fonctionne pas. Peut-on trouver des chemins pour comprendre ce que c’est que d’être chrétien ? PARTIE 1. DANS UNE SOCIÉTÉ SÉCULARISÉE Objectif : Observer la société française actuelle en repérant quelle place y est faite au phénomène « religieux », quels processus ont amené à cette situation, quels en sont les enjeux et quelles perspectives s’y dessinent. Durant l’été 2011, à Castel Gandolfo, le Pape Benoit XVI déclare « Je demande pardon pour ma génération qui ne rayonne pas assez de la lumière du Christ alors qu’elle l’a reçue en héritage. » Puis il se demande s’il faut attribuer cette responsabilité au seul cercle familial ou s’il s’agit du résultat de la sécularisation ou de la méfiance par rapport à l’Eglise. Cette déclaration contraste avec celle de Joseph Ratzinger en 2003 qui expliquait comment faire le catéchisme ! La question de la transmission d’une génération à l’autre est vaste et complexe. En 2005, Michel Camdessus ouvre la session des Semaines Sociales de France sur le thème « Transmettre » par ces mots : « Oui, il ne fallait pas être grands clercs pour discerner dans vos réponses à nos questionnaires des dernières années que vous viviez un questionnement, une inquiétude, et chez beaucoup, une angoisse qui portait précisément sur le transmettre dans un monde qui va si vite que tout semble nous échapper – à commencer par des repères sur lesquels nous comptions –, dans un monde surtout où nous voyons que partout valeurs et messages semblent ne plus passer. Une société où le lien social se déchire, une société où, en bien des endroits qui s'embrasent, le lien social tout simplement n'existe pas ; une société où une confiance primordiale a disparu, où les perspectives de vie sont bouchées. Une telle société peut-elle être encore lieu de transmission ? On ne peut pas isoler la question de la transmission du contexte général de la société. Il s’agit de prendre le temps de remonter loin dans l’histoire, aux origines du christianisme, pour replonger au cœur de la foi. L’objectif est d’être au clair avec soi-même pour pouvoir partager avec d’autres la joie de l’Evangile. 1.1 Point de départ : observations personnelles Réfléchir aux questions suivantes chez soi et éventuellement partager ces questions avec d’autres. 1.1.1. Quelles ruptures religieuses puis-je observer autour de moi ? 1.1.2. Quels actes ou comportements me sont difficiles à accepter ? 1.1.3. Repérage des causes possibles ? I.1.4. Quelles remises en question personnelles ont-elles été alors provoquées ?
Synthèse des réponses à ces questions : 6 remarques
1.2. Constats de sociologie religieuse Eléments de sociologie religieuse du catholicisme français Quelques chiffres tirés de la série des enquêtes EVS (European Value Survey) sur l'évolution des valeurs en Europe depuis presque 30 ans (1981/2008) dans La France à travers ses valeurs, Pierre Bréchon et Jean François Tchernia Ed., Armand Colin 2009
Catéchèse (enquêtes diverses) Déclarent considérer la foi religieuse comme très importante pour les enfants : 7% en 1999 – (jeunes 18/29 ans : 4%) * Affirment croire en un Dieu personnel : 21 % en 1999 (baisse de 20% en 20 ans), (jeunes 18/29 ans : 17 % - baisse de 7% en 20 ans) * Catéchèse des enfants comme institution centrale da transmission 1. enquête 1966 : 80% des familles souhaitent le caté mais seulement 22% « pour qu'ils deviennent croyants », 2. enquête 1996 : 58 % des familles souhaitent le caté mais seulement 14 % « pour qu'ils de- viennent croyants », 3. situation 2006 : environ 30 % des enfants en école élémentaire semblent (?) catéchisés en CE 2, CM l, CM2. Conclusion de ces éléments : Moins de 30% des naissances vont vers un baptême et 28% des mariages civils sont célébrés à l’église. Cela montre l’importance des temps de préparation au baptême et au mariage. Nous sommes dans une société où la croyance en un Dieu personnel n’est plus une évidence communément partagée. Ce n’est pas le cas de tous les pays du monde. Le problème de la transmission de la foi est particulièrement difficile dans une société où les enfants et adolescents se trouvent en situation minoritaire, surtout à l’adolescence où l’appartenance à un groupe est vitale. La transmission de la foi se fait avec celle d’un modèle social. Les milieux conservateurs transmettent plus. La question sous-jacente est l’acte de croire. A quelles conditions le Croire chrétien est-il possible ? Quelles sont nos représentations de Dieu ? De quel « Dieu » parlons-nous ? 1.3. Les mutations culturelles qui déstabilisent le « croire » chrétien 1.3.1. La fin d’une illusion : feu la « chrétienté » Le mot chrétienté (différent de christianisme) désigne une société gouvernée par l’autorité religieuse qui contrôle et qui unifie la vie privée et la vie publique des personnes sur un territoire donné. On n’échappe à cette autorité que par exclusion. Sur ce territoire, l’évangélisation a été réalisée et la foi chrétienne va de soi. Si on s’écarte de la foi, c’est de l’ignorance ou de la mauvaise foi. Au Moyen-Age, les hérétiques sont considérés comme dangereux ; il faut les éliminer. La chrétienté est un rêve que l’on a pris pour une réalité. Quand on s’imagine être dans un régime de chrétienté, la question de la liberté de conscience ne se pose pas. La contrainte est nécessaire pour garder ou mettre quelqu’un dans le bon chemin. C’est une appartenance sociobiologique. Cela rejoint l’efficacité automatique des rites sacramentels. 1.3.2. Un processus de déconstruction Ce processus correspond à la reconnaissance progressive de la priorité donnée à la conscience personnelle. Il a eu des influences diverses conduisant à cette reconnaissance.
Les débats sur la conscience erronée ont commencé au XIIIème siècle : « la conscience erronée oblige-t-elle ? » On prend en compte l’autonomie des réalités terrestres. Le monde ne dépend plus directement des lois de Dieu. On peut alors commencer un travail scientifique. La Réforme protestante donne de l’importance à la lecture personnelle et à l’interprétation personnelle des Ecritures. C’est un chamboulement gigantesque en Europe. Luther affirme qu’il « a été entraîné dans cette affaire par une force intérieure contraignante ». Le Réforme a gagné toute l’Europe. La philosophie des Lumières est une autre étape. En 1784, E. Kant répond à la question : « Qu’est-ce-que les Lumières ? ». D’après lui, tout doit être passé au crible de la raison. « Les «Lumières» se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable. L'état de tutelle est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute lorsqu'elle résulte non pas d'une insuffisance de l'entendement, mais d'un manque de résolution et de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Telle est la devise des Lumières. » Cette évolution intellectuelle continue à marquer notre société : il s’agit de penser par soi-même. L’être humain est un sujet autonome par rapport à toute norme imposée de l’extérieur. C’est le fondement de la modernité. Le risque de cette position est que cela oblige à aller vérifier soi-même. Il faut aller voir de plus près pour creuser. Or, par paresse ou par arrangement, ce n’est pas toujours le cas. On passe d’une autorité sacrée à une autorité contestée. Cela constitue un virage de civilisation.
Une mise en doute de l’autorité de l’Eglise s’opère d’abord à la suite des découvertes archéologiques au Moyen-Age (découverte des tablettes de Gilgamesh). Ensuite, le travail historique approfondi sur le christianisme révèle la diversité des pratiques et les erreurs de la hiérarchie. Puis, la théorie de l’Evolution bouleverse la conception de l’être humain et notamment le concept de péché originel. Par exemple, Teilhard de Chardin n’a pas pu publier d’ouvrages de son vivant. Enfin, les travaux de la psychanalyse à partir de Freud ont une forte influence. Ce faisceau d’évènements a provoqué une crise gravissime qui a conduit au modernisme. L’hérésie moderniste a marqué le catholicisme français (condamnation par Pie X en 1907). Cela a donné une peur de la recherche intellectuelle : on a besoin de prêtres pieux mais pas de prêtres intelligents ! Il y a souvent un malaise quand on est confronté à des découvertes scientifiques.
C’est l’exculturation du catholicisme français. Pendant longtemps, l’institution catholique en France a fonctionné dans un rapport privilégié avec la ruralité. Ainsi, historiquement, les paroisses sont devenues les communes. Le tissu rural a bien accueilli le tissu chrétien. Chacun était bien identifié et recevait son identité du lieu où il était. Puis ce monde catholique rural s’est disloqué mais les chrétiens français en ont gardé la nostalgie. Les conséquences de ce processus de déconstruction se présentent en 4 tendances :
1.3.3. Une société sécularisée et fragmentée (cf. Olivier Roy) « Olivier ROY: La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture, Seuil 2008 p.273-276 (extraits) Les religions ont tendance aujourd'hui à se constituer en « communautés de foi », bien distinctes des cultures ambiantes. Certains mouvements choisissent l'isolement, encouragent l'endogamie, cherchent éventuellement à se territorialiser pour vivre entre soi. D'autres au contraire, sont universalistes et prosélytes. Mais tous portent une question : comment transmettre? Plus encore quand les parents sont des convertis ou des « born again ». Car la transmission n'est plus assurée par l'évidence sociale et culturelle du fait religieux. Les religions prosélytes sont dans une difficulté différente : comment se reconnecter à la culture? Comment toucher l'autre, dont l'incroyance reste un défi ? Les mouvements de renouveau religieux ont largement été des phénomènes générationnels, et donc souvent de rupture avec la « religion de papa ». Évangélisme et salafisme ont aussi accompagné l'évolution des générations issues des sixties. [ ... ] Mais comment transmettre l'expérience d'une rupture? Comment être fils de « barn again » ? Comment toucher les nouvelles générations qui elles, sont porteuses d'une autre histoire et pour qui le retour à Dieu est peut-être déjà une affaire de vieux, c'est-à-dire de parents? On peut choisir l'isolement et l'installation dans une contre-culture en constituant une communauté où l'on vit entre soi avec mariage dans la communauté et l'obsession soit de la démographie, soit de la sortie, quand les jeunes sont fascinés par la culture profane. [ ... ] Le dogmatisme tient difficilement sur le long terme s'il n'est pas maintenu dans le cadre d'une communauté fermée. [Dans ces communautés,] Dieu tient sa promesse si l'homme tient la sienne. Il faut un engagement constant; on ne peut se contenter d'un engagement nominal. Il est donc dur de rester. Les problèmes familiaux (divorces, etc.) amènent souvent le croyant à ne plus être en phase avec les impératifs de la communauté de foi. Les scandales sexuels qui touchent régulièrement les téléévangélistes américains sont aussi une claire indication de la difficulté à tenir les normes. D'autant qu'une des caractéristiques des fondamentalismes modernes est de remplacer la spiritualité par un système de normes et de codes. Le péché ne fait plus partie du système : quand il survient, il le casse. [ ... ] On essaie donc d'attirer les jeunes sur la base de leur propre culture. En particulier, on utilise les modes de socialisation ambiants ; on fait de la pratique religieuse une forme de vie associative, en jouant sur les cultures de « tribus ». On organise des soirées de rock chrétien, on utilise un langage « jeune », on prend les codes de la tribu pour prêcher à ses membres. [ ... ] Mais du coup les cultures auxquelles on s'intéresse sont en fait des sous-cultures, faites de codes et de modes de consommation; elles sont transitoires, liées à une génération. Elles n'ont guère de «contenu propre ». Les sous-cultures ont toujours existé, mais elles peuvent fleurir aujourd'hui du fait de la possibilité de s'installer dans un espace virtuel en ignorant la culture de la société englobante (site web, livre recommandé de bouche à oreille, chat). L'effet de conviction est renforcé parce que le groupe s'auto confirme et n'est pas démenti par une pratique sociale extérieure. Nous vivons dans des sociétés archipélisées. On est en fait dans des sous-cultures qui nient dans le fond leur appartenance à une culture englobante et pérenne. Mais c'est aussi la limite du « pur religieux ». Notre monde est sorti de la religion (comme la plupart des pays occidentaux). En France, trois phénomènes sont marquants : 1905, la séparation des Eglises et de l’état ; la laïcisation des institutions commencée avec la Révolution notamment par la prise en charge des registres d’état civil et la décatholicisation de la société en général. Notre société est fragmentée car elle est divisée sur le plan culturel. Par exemple, dans les années 80, lors d’une enquête auprès des lycéens sur les causes d’incompréhension entre professeurs et élèves, 8 sous-groupes culturels, qui communiqueraient difficilement entre eux, ont été identifiés. Ceci est toujours vrai et se complique avec la question des communautarismes. Les problèmes de transmission ne sont pas faciles dans un tel contexte. 1.4. Pratiques ecclésiales de transmission : un peu d’histoire La volonté de transmettre obéit à un double souci : annoncer la bonne nouvelle de l’Amour de Dieu à tous et recruter et conserver des adeptes. Pendant les trois ou quatre premiers siècles, la transmission s’opérait par l’initiation chrétienne. C’était une démarche exigeante avec le catéchuménat des adultes. Puis en 313, l’Empereur Constantin promulgue un édit de tolérance. En 380, le christianisme devient religion d’état avec l’Empereur Théodose et en 391, sont interdits les cultes païens. Les fonctionnaires sont obligés de se convertir. 1.4.1 La rupture du Ve siècle et la pastorale de l’obligation A partir du VIème siècle, tous les enfants sont baptisés sous l’influence de St Augustin. La catéchèse est extrêmement rudimentaire : apprentissage du Credo, du Pater Noster et de l’Ave Maria. Au Moyen-Age, il existe un quadrillage territorial des paroisses. Des mouvements réformateurs de l’Eglise apparaissent. En 1215, le concile de Latran impose de se confesser annuellement à l’oreille de son propre curé. C’est la mise en place de la surveillance des consciences. 1.4.2. La Réforme protestante et la pastorale d’encadrement Peu à peu, se met en place un catéchisme structuré qui s’inspire de celui de Luther. Dans les paroisses, il faut sacramentaliser les enfants : c’est la Première Communion. Dans le même temps, JB de La Salle et Charles Démia améliorent l’instruction religieuse. 1.4.3. La Révolution française et la pastorale de protection et de conquête (« Les missions ») L’Eglise met en place une pastorale de protection. L’anticléricalisme se développe très fortement. Les évêques veulent contrôler l’enseignement et sauver l’enseignement catholique. Cette logique se prolonge jusqu’à la deuxième guerre mondiale avec la création des Œuvres (qui différent des œuvres laïques). Les jeunes catholiques sont ainsi à l’abri du monde mauvais. Le peuple chrétien est protégé contre l’esprit de la Révolution. C’est aussi le développement de toutes les congrégations missionnaires. Paradoxalement, les gouvernements anticléricaux ont favorisé ces congrégations afin de s’appuyer dessus pour la colonisation. 1.4.4. Le XXe siècle et la pastorale de reconquête (Christ-Roi / Action catholique) Se développe l’Action Catholique (« nous referons Chrétiens nos frères ») et le scoutisme. En 1802, Bonaparte institue les aumôneries de l’enseignement public. C’est la liberté de culte pour les personnes qui sont dans des institutions où elles ne peuvent pas participer librement au culte. 1.4.5. Le XXIe siècle et la « nouvelle évangélisation » Le Concile Vatican II a suscité un enthousiasme mais l’hémorragie a continué d’où une période de désillusion. L’épiscopat prend des distances avec les mouvements d’Action Catholique et s’intéresse aux communautés nouvelles qui ne posent pas de questions au fonctionnement de la hiérarchie ecclésiale. Il y a aussi des démarches de type marketing. La tentation est de se replier sur des bastions où on a l’impression que l’on pourra faire du travail. Sur la longue durée, depuis le 6ème siècle, l’Eglise a toujours considéré qu’un enfant baptisé était définitivement chrétien. La question de la liberté de conscience personnelle, qui est au cœur de la culture actuelle, a beaucoup de peine à être posée clairement à l’Eglise. La question de la transmission reste, dans la tête des acteurs ecclésiaux, comme quelque chose qui devrait se passer automatiquement. L’épiscopat est divisé sur cette question, notamment sur la question de la démarche catéchuménale par étapes. Avec le synode actuel du Pape François, tout le monde a le droit de donner son avis sur la vie de l’Eglise. Voir le site de la Conférence Catholique des Baptisés ou http://lyon.catholique.fr/?S-emparer-des-questions-du-Synode Dans la société qui est la nôtre, est-ce qu’il y a un espace pour parler de Dieu ? C’est une société sécularisée qui ne rend pas facile l’adhésion chrétienne. Quand et comment partons-nous à la découverte de l’amour personnel de Dieu ? 1.5. Ouverture de nouveaux « champs religieux » N’y a-t-il pas déjà actuellement des champs religieux dans notre société ? 1.5.1. Diagnostic : l’angoisse menace En 1985, Marcel Gaucher écrit « le désenchantement du monde ». Il explique que la sortie de la religion, favorisée par le christianisme, a renvoyé les individus et les collectivités à leur responsabilité pour organiser leur propre vie. Il pose un diagnostic que ce renvoi de chacun à sa solitude. « Le déclin de la religion se paie en difficulté d'être-soi. La société, d'après la religion, est aussi la société où la question de la folie et du trouble intime de chacun prend un développement sans précédent. Parce que c'est une société psychiquement épuisante pour les individus, où rien ne les secourt ni ne les appuie plus face à la question qui leur est retournée de toutes parts en permanence : pourquoi moi ? Pourquoi naître maintenant quand personne ne m'attendait ? Que me veut-on ? Serai-je jamais comme les autres ? Pourquoi est-ce que cela — la maladie, l'accident, l'abandon — tombe sur moi ? À quoi bon avoir vécu si l'on doit disparaître sans laisser de traces, comme si, aux yeux des autres, vous n'aviez pas vécu ? Nous sommes voués à vivre désormais à nu et dans l'angoisse ce qui nous fut plus ou moins épargné depuis le début de l'aventure humaine par la grâce des dieux. A chacun d’élaborer ses réponses pour son propre compte » (p. 302). Chacun est renvoyé à sa liberté sans repères. C’est épuisant psychiquement. 1.5.2. A qui, à qui, à quoi se raccrocher ? Une des façons de s’en sortir peut être de choisir un groupe sectaire qui donne des consignes pour agir et penser car on est alors libéré de sa propre responsabilité de pensée et d’action (exemple : groupes chrétiens traditionalistes, ceux qui partent faire le Jihad). A. Hitler disait ainsi qu’il libérait l’homme de sa conscience. Dans notre société, depuis les années 65/70, beaucoup de pensées, de pratiques et d’organisations, qui ressemblent à un retour du religieux, ont vu le jour (mais qui échappent aux religions organisées). On peut mettre en évidence cinq pistes :
1.5.3. Une Eglise confrontée au pluralisme interne Depuis 1978 et jusqu’en 2013, successivement, les Papes se sont efforcés à faire de l’Eglise un bateau capable d’affronter les tempêtes provoquées par ces mutations culturelles. Ils ont joué différentes cartes comme celles de Jean-Paul II des médias, des voyages ou celle de Benoît XVI de la mise au pas des théologiens en resserrant la doctrine. Leur priorité était le respect de l’autorité alors que le Pape François remet en question certaines pratiques de l’autorité. Cela explique aussi la difficulté actuelle du pape dans la remise en cause de cette autorité. Jusqu’en 2013, l’idéologie sous-jacente était l’idée que la confiance dans le progrès cause le malheur des temps. De plus, l’Eglise incitait l’Etat à reconnaître un système de valeurs fondamentales fondé sur le christianisme. Mais Rome se trouve confronté à des réalités complexes et fuyantes. La sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger a établi trois profils de croyants : le pèlerin, le converti et le pratiquant.
On observe donc toute une palette de comportements religieux chez les jeunes jusqu’à 40 ans, avec par exemple la participation à un groupe fervent, déconnecté de leur vie sociale, qui peut les pousser à intervenir de façon militante dans la vie politique (ex. : la manif pour tous). Les évêques ont tendance à favoriser les groupes ou communautés peu critiques à l’égard de l’institution et de l’autorité ecclésiales. 1.6. Une vieille tentation : la laïcité comme nouvelle religion ? Les évènements récents ont réactivé l’importance de cette question. Dès l’origine, la question de l’enseignement constitue un terrain très sensible eu égard à la laïcité. Des affrontements ont eu lieu entre les catholiques et les instituteurs laïcs. Toute éducation religieuse passe par des instances sociales et la question se pose pour l’importante population de culture ou de religion musulmane. 1.6.1. Rappel à la loi Article un de la loi de séparation de 1905 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». Certains pensaient que cette loi allait éradiquer l’Eglise catholique alors qu’elle a été une loi de pacification des relations entre l’Eglise et l’Etat et une loi de liberté pour l’Eglise. Elle a été reconnue comme positive de la part de l’épiscopat français. En 1949, dans la revue Esprit André Latreille et Joseph Vialatoux publient un article intitulé « Christianisme et laïcité ». Ils affirment que la laïcité est « la protection juridique de cette conscience vive de la liberté de l’acte religieux. », donc la protection de la liberté de conscience. Cette dernière devrait être garantie pour tout le monde. 1.6.2. Religions dans l’espace public Problème aujourd’hui de la confusion entre espace public/ privé et débat public/ privé. Pour certains, les croyances ne devraient pas apparaître dans l’espace public mais le culte est public par définition. Il ne faut pas confondre espace public et domaine public. La constitution garantit que l’expression des croyances est libre, il doit donc est possible d’avoir un endroit où célébrer le culte. Les agents de l’état doivent être neutres. Ainsi, la laïcité de l’Education Nationale concerne les enseignants mais pas les élèves (exemple des aumôneries de l’enseignement public, qui existent de droit depuis 1802, droit ratifié en 1905). L’enseignement du fait religieux dans le cadre scolaire est fondamental. Cette question se pose depuis les années 80. Il y a un besoin très urgent mais on a laissé trainer les choses. Pour certains politiques, la laïcité est perçue comme une nouvelle religion destinée à remplacer les anciennes religions (ex. Vincent Peillon). Ce n’est pas nouveau. En 1906, Charles Péguy cite le secrétaire d’état Viviani, dont le discours devant la Chambre a été applaudi : « Tous ensemble, par nos pères, par nos aînés, par nous-mêmes, nous nous sommes attachés dans le passé à une œuvre d’anticléricalisme, à une œuvre d’irréligion. Nous avons arraché les consciences humaines à la croyance. Lorsqu’un misérable, fatigué du poids du jour, ployait les genoux, nous l’avons relevé, nous lui avons dit que derrière les nuages il n’y avait que des chimères. Ensemble, et d’un geste magnifique, nous avons éteint, dans le ciel, des lumières qu’on ne rallumera plus ! ». |
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