Chapitre 2. HISTOIRE DE L’ EMERGENCE DES SYSTEMES DE DROIT 2
1. INTRODUCTION 2
2. LA TRADITION ANGLAISE 4
Deux scénarios de sortie de la féodalité 4
Une centralisation précoce 7
3. LA SYNTHESE AMERICAINE 11
4. LOI OU PRECEDENT ? 15
code versus judge made law : deux sources du droit 15
Droit d’universitaire versus droit de praticiens 18
Idéal ou règle du jeu ? 20
Loi sacrée versus règle du jeu 21
5. COMMON LAW VERSU CIVIL LAW : DEUX PROJETS DIFFERENTS 25
Un droit modeste 27
Un droit inséparable de la vie 29
Un droit pour l’individu 32
Chapitre 2. HISTOIRE DE L’ EMERGENCE DES SYSTEMES DE DROIT1 1. INTRODUCTION L’idée cardinale dont procède la common law est celle d’antériorité du droit, qu’il faut entendre autant dans un sens politique, comme la prééminence de la «rule of law , qu’historique.
Comment rendre en français des termes aussi essentiels que rule of law ou due process of law2? Traduire rule of law par Etat de droit n’est pas tout à fait exact3. L’Etat de droit implique l’idée d’une autolimitation s’opposant à l’Etat de police, dans lequel le droit n’est que l’instrument d’un pouvoir qui peut imposer des obligations, sans être lié toutefois par des normes supérieures.
Une solution consiste à renoncer à traduire purement et simplement, mais la paresse est alors rattrapée par le choix du genre, qui peut induire en erreur. C’est la raison pour laquelle Pierre Legrand préfère le masculin au féminin pour common law, afin d’éviter la confusion avec la loi4.
Le Canada, qui offre un trésor inépuisable en matière de traduction juridique, traduit rule of law par « primauté du droit ».
C’est effectivement cette antériorité du droit que l’anglais rule inspire, avec une double idée de règle et de régularité. Toute action, publique ou privée, doit s’inscrire dans une forme préalablement définie, qui la purge ainsi de son arbitraire. Dans ce sens, mieux vaudrait encore une règle injuste mais prévisible, qu’une justice tributaire de la personnalité d’un juge5 .
En réalité, au risque de tourner en rond, l’idée de rule of law est liée à la culture propre de la common law au point de l’incarner.
Le philosophe du droit anglais Joseph Raz6, par exemple, refuse toute idée transcendante de la rule of law en rappelant qu’elle ne peut être dissociée d’une « culture du droit ».
Ce qui, au reste, pose une sérieuse difficulté à la common law : comment exporter cette notion si elle est à ce point liée à une histoire et à une culture ? Peut-on proposer à d’autres peuples de se joindre à cette conception s’ils n’en ont pas fait l’expérience concrète et profonde dans leur histoire ?
Il est bien difficile de concevoir cette primauté du droit en dehors de ce qui en est la condition indispensable, à savoir une justice forte, indépendante et respectée.La rule of law ne prend sens qu’en fonction de la centralité de la fonction juridictionnelle qui s’est développée dans l’histoire anglaise. Importance du procès équitable, du fair trial, qui se ressent non seulement dans le fonctionnement des institutions, mais aussi dans l’imaginaire.
Le vocabulaire politique de la notion (fairness, open and fair hearing, absence of bias, audi alteram partem), tous issus du contexte judiciaire, s’en émancipe pour envahir l’action collective tout entière et faire de la rule of law un « droit naturel procédural7 ». On aurait tort cependant de limiter la rule of law à des critères formels et procéduraux, car elle porte également en elle un idéal du droit, voire du système social en son entier. En cela, la rule of law semble être l’un des piliers du libéralisme politique.
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