Professeur à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)








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loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d’acquisition : des « options » françaises*



Alain Pietrancosta

Agrégé des Facultés de Droit

Professeur à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Revue trimestrielle de droit financier, n° 1, juin 2006, p. 5


1. Déposé au Sénat le 22 septembre 2005 par le ministre de l’économie et des finances, le projet de loi relatif aux offres publiques d’acquisition a été définitivement adopté par la Haute assemblée le 23 mars 20061. Malgré ces six mois de discussion et de maturation, nécessités par trois lectures parlementaires, la France se place ainsi en tête des pays européens dans la course à la transposition de la directive du 21 avril 2004, dont l’échéance ultime était fixée au 20 mai 2006.

Des esprits retors expliqueront qu’il s’agissait d’une course à ne pas gagner et que, dans le jeu de stratégie normative auquel la transposition des textes communautaires tend à s’apparenter, un positionnement précoce crée un risque de désavantage compétitif2. L’argument prend une force particulière en présence d’une directive d’harmonisation dégradée, qui concède aux États destinataires des marges de manœuvre considérables sur des aspects pour le moins déterminants de l’ouverture des marchés nationaux des capitaux et du contrôle. On veut parler ici des fameuses options ouvertes par l’article 12 de la directive en matière de défense anti-OPA, dont l’exercice, en raison de leur complexité, confine à la partie d’échecs – et d’échec ! – communautaire3.

La France a, malgré cela, préféré à toute autre, l’option de la clarté et de la constance, choisissant de ne jamais revenir sur l’équilibre général défini initialement par le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit4, mandaté par le ministre de l’économie et des finances, au risque de s’exposer par là à certains reproches. Il est vrai que la force de celui-ci résidait dans ce qu’il puisait largement à l’existant et emportait peu de bouleversements au plan du droit. Une inclination naturelle au familier en quelque sorte, expression d’une « dépendance de sentier » (« path dependency »), observable ailleurs en Europe5.

Cet équilibre choisi ne dut d’être tardivement réévalué qu’au contexte tendu – pour ne pas dire électrique – dans lequel sont intervenues certaines opérations d’envergure visant des intérêts français. Le sujet révélant ainsi sa sensibilité aux considérations non seulement économiques et financières, mais aussi stratégiques, politiques et sociales, il fut décidé à côté d’autres mesures prises (décret sur les secteurs protégés6 ; « amendement Renault-Nissan »7 ; dispositif anti-rumeur ou « amendement Danone »8 ; renforcement du rôle du comité d’entreprise9 ; exception de réciprocité atténuant le principe de neutralité des dirigeants sociaux en période d’offre) ou à prendre (développement de l’actionnariat salarié, du rôle de la Caisse des dépôts et consignations ou du fonds de réserve des retraites10), de proposer aux sociétés françaises une arme de dissuasion, dont le mécanisme repose sur la menace d’une émission de BSA dilutifs, inspirée des célèbres « pilules empoisonnées » américaines.

Au plan communautaire, on ne peut qu’être saisi, devant la propagation de réflexes nationaux défensifs perceptibles ici et là, du résultat paradoxal auquel aboutit une directive conçue originellement dans un esprit et une perspective d’ouverture et de désarmement multilatéral. Manifestement, les hautes ambitions initiales ont en partie sombré en 2001 avec la proposition qu’elles portaient, et le compromis de secours trouvé deux ans plus tard n’a fait qu’entériner le profond désaccord européen, dont les conséquences sont aujourd’hui payées au prix fort, par l’élévation de barrières en tous genres aux acquisitions transfrontières. Le mouvement se trouve en partie justifié par les réactions des pays voisins, selon une application inattendue du principe de réciprocité, qui alimente ainsi une sorte de spirale négative pour la construction communautaire, par voie de contagion défensive. On peut, dans ces conditions, être pris d’inquiétude, face aux actuelles manifestations de « néoprotectionnisme », pour l’édification du marché intérieur (trop récente encore, sans doute, pour susciter l’élan patriotique ?), ce dont n’a pas manqué de s’émouvoir la Commission de Bruxelles11. Où prennent une résonnance particulière les doutes exprimés en son temps par le commissaire Bolkestein12 quant à l’opportunité d’adopter cette bien étrange directive d’harmonisation qui procède par voie d’interdictions facultatives, d’obligations optionnelles !

Au plan national, on aurait pu, dans le concert (pour ne pas dire cacophonie) actuel, attendre la France dans un rôle un peu moins crispé compte tenu du dynamisme de ses entreprises sur le marché européen et international du contrôle13. Position susceptible de lui éviter de se poser, après sa démonstration de patriotisme politique du 29 mai dernier, en grand défenseur du « patriotisme » – ou « nationalisme », selon les sensibilités – « économique ». On pensait acculturé le phénomène des offres publiques non négociées avec la société visée, et l’on donne à penser qu’il s’agit en vérité d’une acculturation sélective, la seule « hostilité » tolérable étant d’origine nationale. Mais à cela, et fort des opérations en cours, le gouvernement français a pu répondre en soulignant la vulnérabilité capitalistique des grandes entreprises françaises, faute en particulier de fonds de pension locaux, et témoigner de sa volonté de ne pas transformer celles-ci en forteresses imprenables mais, repoussant les discours angéliques, de leur permettre simplement de jouer à armes égales sur le terrain juridique et économique14.

Du caractère équilibré, de l’opportunité, voire parfois de la légalité communautaire et internationale, des options ainsi retenues, chacun se fera une opinion et appréciera selon ses inclinations ou ses intérêts. Sur les deux premiers points, il apparaît en tous cas difficile voire hasardeux de tenir des propos définitifs alors que l’encre du texte est à peine sèche et que, pour une part essentielle, les dispositions nouvelles renvoient à la liberté de décision des sociétés concernées. L’on sait la distance qu’il y a, en ces domaines, de la coupe aux lèvres. Si des facultés nouvelles sont accordées aux entreprises nationales pour assurer leur défense face à des offres qualifiées d’« hostiles », l’avenir renseignera sur leur usage et leur efficacité.

On se contentera, dans le cadre de cette étude, de présenter une vue synthétique de l’économie générale des options exercées par la France en vertu de l’article 12 de la directive OPA15. En bref et en clair – si tant est que cela soit possible –, on retiendra que les choix inscrits dans la loi du 31 mars 2006 donnent naissance à un système de solutions complexe reposant, d’une part, sur une transposition totale, mais avec réserve de réciprocité, de l’article 9 de la directive, en vue de neutraliser l’action défensive des dirigeants d’une société cible (I) ; et d’autre part, sur une transposition partielle, mais sans réserve de réciprocité cette fois, de l’article 11 de la directive, relatif aux restrictions apportées au transfert de titres et à l’exercice du droit de vote de leurs titulaires en assemblée générale (II). Une combinaison originale, on le voit, que seuls s’apprêtent à retenir à l’heure actuelle et selon nos informations : la Belgique, la Hongrie, le Portugal et la Slovaquie.

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