télécharger 449.72 Kb.
|
14. Conciliation. Il faut bien tenter de concilier ces articles, avec les dispositions légales et réglementaires vues précédemment. Or, il résulte implicitement de l’article L. 233-11 du Code de commerce que les pactes extra-statutaires sont admis dans les sociétés cotées. Par application du principe de hiérarchie des normes, il ne devrait donc pas y avoir de différence de lecture entre les articles P 1. 1. 17 et P 1. 1. 28. En revanche, il est certain que sont interdites les clauses statutaires qui ont pour objet, ou pour effet, de restreindre la libre négociation des actions. Cependant, comme le remarque M. CHVIKA dans sa thèse94, cette notion pourrait ne viser que les clauses d’agrément. C’est du moins ce que suggère la lecture de l’article 55, 3°, du décret n°67-236 du 23 mars 1967 relatif aux sociétés commerciales95. La prudence commande toutefois d’opérer une distinction au sein des clauses de préemption statutaires. En effet, si l’on considère que le caractère statutaire implique une égalité de traitement au profit de tous les associés, l’ampleur du champ d’application potentiel de la clause et le caractère systématique de son déclenchement aurait un effet restrictif sur la libre négociation des actions dans une mesure proche de celui de la clause d’agrément. Ce ne serait certes pas un agrément donné par les organes sociaux, car la société a une personnalité distincte des individus qui la composent. Mais ce serait encore plus gênant, car il faudrait que chacun des actionnaires non cédants se prononce sur la cession qui leur serait proposée en priorité. En pratique, il conviendrait que tous les actionnaires refusent de faire jouer leur préférence pour que la cession au tiers envisagé soit possible96. Même si, en prenant chaque actionnaire individuellement, on pouvait démontrer que la logique de la préemption est différente de celle de la clause d’agrément, l’ampleur du mécanisme pourrait justifier une interdiction par les autorités d’une clause de préemption statutaire portant alors atteinte, autant que la clause d’agrément, au principe de libre négociation des actions. En ce sens, on ne peut que se ranger au coté de la doctrine majoritaire sus-évoquée. Toutefois, un arrêt rendu en matière de clause de préemption statutaire dans une société non cotée est fort intéressant et pourrait apporter des éléments de réponse à la question de savoir si les statuts d’une société cotée peuvent contenir une clause de préemption. Cet arrêt a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 15 février 199497. Au terme de la décision, il semblerait qu’il ne soit pas nécessaire que la clause de préemption bénéficie à tous les actionnaires. Au contraire, il résulterait de cet arrêt qu’une clause de préemption statutaire peut profiter à certains actionnaires seulement98. On perçoit alors dans ce cas particulier de préférence statutaire, la différence avec l’hypothèse précédemment envisagée. Ici, la clause est plus proche d’une clause de préemption extra-statutaire entre actionnaires. Elle ne gêne pas la libre négociation des actions en général, mais affecte seulement la libre disposition des actions des actionnaires concernés qui devront proposer en priorité aux bénéficiaires d’acquérir les titres dont ils envisagent la cession. Or, nous avons vu que les pactes de préférence extra-statutaires étaient admis dans les sociétés cotées99. 15. Position. Sans nier les difficultés d’application qui s’attachent à notre opinion100, nous voudrions conclure qu’il n’est pas impossible en droit des marchés financiers français qu’une société introduise dans ses statuts une clause de préemption statutaire, dès lors que celle-ci ne bénéficie qu’à certains actionnaires seulement, de façon à ce qu’elle ne puisse pas être assimilée à une clause d’agrément déguisée portant atteinte à la libre négociation des actions. En pratique toutefois, nos recherches de telles clauses de préemption dans les statuts de sociétés cotées en France se sont révélées infructueuses101. Cependant, puisque nous pensons qu’un droit de préemption statutaire peut être stipulé, sous les réserves émises plus haut102, des observations seront faites également quant au sort des clauses de préemption statutaires ; ainsi sous l’angle de la délimitation temporelle du jeu de la neutralisation des restrictions au transfert de titres, puis de l’analyse des clauses exclues.
16. Présentation. La délimitation temporelle de l’application de la neutralisation permet d’aborder la question de l’application dans le temps de l’article 11. Cependant, cette délimitation du jeu de la neutralisation dans le temps est opérée en fonction de deux critères substantiels : l’un matériel, l’autre personnel. 17. Application dans le temps. Distinction entre le droit de préemption statutaire et le droit de préemption extra-statutaire, selon la nature des parties à la clause. L’article 11.2 opère, quant à son application dans le temps, une distinction selon que la restriction au transfert de titre figure ou non dans les statuts, mais aussi plus subtilement en fonction de l’identité des parties à la clause103. La neutralisation ne s’appliquera pas à toutes les clauses. Dès lors, selon le type de clause auquel se heurtera l’initiateur, l’offre publique en sera plus ou moins facilitée, et par la même, les objectifs de la directive plus ou moins atteints. Lorsque la clause figure dans les statuts, la neutralisation prévue par la directive du 21 avril 2004 s’impose de manière rétroactive. L’article s’applique en effet à « toutes les restrictions au transfert de titres prévues dans les statuts » (art.11.2 al.1), et affecte donc des actes passés antérieurement au moment où il aura acquis force obligatoire104. La rédaction de l’alinéa 2 est moins claire. Le caractère rétroactif paraît également toucher les accords extra-statutaires conclus entre la société et des détenteurs de titres (art.11.2 al.2). Cela peut probablement s’expliquer par la qualité du bénéficiaire du droit de préemption. Comme on l’a vu plus haut105, le mécanisme faciliterait un rachat par la société de ses propres actions, technique en elle-même efficace de lutte anti-OPA. En revanche, la neutralisation affectant « les restrictions au transfert de titres prévues dans les accords contractuels les détenteurs de titres de cette société », c'est-à-dire les pactes d’actionnaires classiques, ne s’appliquent qu’aux pactes conclus après l’adoption de la directive. (art.11.2 al 2). Le membre de phrase « après l’adoption de la présente directive » semble en effet ne concerner que les pactes d’actionnaires, c’est à dire ceux conclus entre les détenteurs de titres de la société, et non aux conventions extra-statutaires liant des actionnaires et la société. Mais il est permis d’hésiter. Or, lorsqu’il y a un doute, il est possible de trancher en se reportant à la version originale de la directive, dans l’espoir que celle-ci résolve la difficulté. Précisément, l’article 11.2 alinéa 2 de la version anglaise de la directive étudiée permet de mieux comprendre la version française. En effet, l’article dispose que “Any restrictions on the transfer of securities provided for in contractual agreements between the offeree company and holders of its securities, or in contractual agreements between holders of the offeree company's securities entered into after the adoption of this Directive106, shall not apply vis-à-vis the offeror during the time allowed for acceptance of the bid laid down in Article 7(1)”. Il apparaît ainsi, grâce à l’emploi de la virgule, que la loi ancienne concerne seulement les pactes d’actionnaires (conclus avant l’adoption de la directive 2004/25). Pour ce qui est des autres clauses de préemption déjà conclues, la directive est dotée d’un effet rétroactif. Enfin, bien entendu, la directive s’appliquera, sauf exceptions, à l’ensemble des clauses conclues après son adoption par les Etats membres. 18. La date d’adoption de la directive ou l’étude des effets d’une directive en droit national. Pour ce qui est des clauses de préemption extra-statutaires, c’est donc la date d’adoption de la présente directive qui sonnera la neutralisation des droits de préemption postérieurement conclus, pendant les périodes définies ci-dessous107. Or, la date d’adoption de la directive n’est pas sa date d’entrée en vigueur108. Certes, dès sa publication au Journal Officiel de l’Union Européenne, la directive, comme le règlement, s’intègre à l’ordre juridique interne. Mais, ainsi que l’explique MM. les Professeurs Blumann et Dubouis, la directive ne produit pas, dès son entrée en vigueur, tous ses effets dans l’ordre juridique interne109. Elle nécessite une transposition dans cet ordre juridique, « opération par laquelle l’Etat membre destinataire d’une directive communautaire procède à l’adoption des mesures nécessaires à sa mise en oeuvre110 ». Il faut donc s’en remettre à l’article 21 de la directive étudiée, qui concerne précisément l’adoption par les Etats membres des dispositions de la directive. Cet article précise que la transposition devra être intervenue au plus tard le 20 mai 2006. De deux choses l’une alors. Pour les Etats membres qui transposeront avant cette date, c’est la date de la transposition qui devra être prise en compte. Pour les Etats en retard, en revanche, seul un recours en manquement devrait pouvoir être intenté par la Commission (art. 227 Traité CE). En effet, il est fort peu probable que soit reconnu à la directive, à tout le moins à son article 11 sur la neutralisation, un effet direct, puisqu’un tel effet suppose que les dispositions du texte auxquelles il est attaché soient claires, précises, inconditionnelles et qu’elles ne laissent pas de marge d’appréciation au profit des autorités nationales111. Or, l’article 12 de la directive 2004/25 prévoit justement qu’il appartiendra aux Etats de choisir s’ils exigent l’application de l’article 11. Notons au passage, pour ce qui serait des droits de préemption statutaires, que l’ordonnance du 24 juin 2004 aura vocation à s’appliquer112. Dès lors, des actions de préférence pourraient, à titre de préférence, prévoir un droit de préemption qui serait licite puisque par définition elles ne concerneront qu’une catégorie d’actionnaires113. Toutefois, de telles clauses, même introduites avant l’adoption par la France de la directive étudiée, tomberaient sous le coup de la neutralisation, celle-ci opérant rétroactivement pour les clauses statutaires, comme on l’a vu plus haut114. Mais une telle distinction entre les types de clauses est-elle justifiée ? 19. La pertinence des distinctions opérées. La principale distinction est opérée selon la nature statutaire ou extra-statutaire des restrictions. Pour ce qui est des pactes d’actionnaires, la survie de la loi ancienne est bienvenue et ne traduit finalement que le respect de la volonté contractuelle des parties au contrat115. En droit français, la règle de la survie de la loi ancienne est d’ailleurs le principe pour les situations juridiques en cours de nature contractuelle116. En effet, il est aisément compréhensible que les actionnaires qui ont conclu un pacte de préemption par le passé aient le droit au respect de leurs prévisions, au respect de leurs « droits acquis ». Certes, d’aucuns pourraient contester le fait qu’un droit de préemption confère un droit acquis. Cependant, rappelons que les clauses de préemption ne sont qu’un exemple de restriction au transfert de titres117. Surtout, le fait que le droit du bénéficiaire de la préemption ne se concrétise qu’en cas de cession par le débiteur n’empêche nullement de parler de droits acquis, puisque lorsque la cession est envisagée, le bénéficiaire du pacte a bien un droit à ce que celle-ci lui soit proposée en premier, droit qui fait partie intégrante de la stratégie du bénéficiaire. En revanche, le législateur est fondé à poser des règles pour les contrats à venir. L’inconvénient majeur d’une telle règle est que l’atteinte de ses objectifs par la directive (qui tend à favoriser l’initiateur au détriment des dirigeants) dépendra du caractère statutaire ou extra-statutaire des clauses de la société cible118, ce qui entraînera des disparités au sein même de la société cible. En tout état de cause, on ne voit pas pourquoi le souci de la directive de respecter les prévisions des parties contractualisées dans un pacte d’actionnaire, ne s’est pas exprimé pour les clauses extra-statutaires impliquant la société ou même pour les clauses statutaires. D’ailleurs, pour ce qui est des droits de préemption statutaires, la tendance dans certains pays à soutenir une vision contractuelle de la société (par rapport à la vision institutionnelle), encourage le développement d’expressions comme celle de « pacte social » qui traduisent bien le fait qu’actionnaires et société sont parties à une sorte de contrat collectif119. En outre, la Cour de Justice des Communautés Européennes analyse les statuts comme un contrat120 et la motivation mise en avant est dénuée de toute ambiguïté121, même si la Cour reconnaît quelques particularités dans le régime de ce pacte social122. Le législateur communautaire semble ici avoir pris un autre parti : soit il a considéré que la vision contractuelle de la société n’était plus à l’ordre du jour, soit il a estimé que l’objectif poursuivi, à savoir favoriser l’initiateur par rapport aux dirigeants, devait prévaloir sur l’ordre contractuel et la force obligatoire des contrats. Les restrictions statutaires au transfert de titres déjà en place lors de l’adoption de la directive seront donc privées de l’effet pour lequel elles avaient été prévues tout à fait légalement. Il nous semble donc que dans cette hypothèse également, il y a atteinte aux droits acquis ou à tout le moins atteinte aux prévisions des parties123. Cette inégalité de traitement aurait pu être évitée par un alignement sur l’une ou l’autre solution. D’un côté, on aurait pu faire primer de manière générale la volonté contractuelle. D’un autre côté, de façon plus harmonieuse avec l’ambition de la directive de favoriser principalement l’initiateur face aux dirigeants de la cible, la directive aurait pu décider que les exigences de l’ordre économique justifient l’atteinte aux prévisions des parties. 20. Conclusion sur une « demi-mesure » critiquable. La neutralisation touchera donc toutes les clauses de préemption, sauf celles qui figurent dans des pactes d’actionnaires conclus avant l’adoption de la directive. Cette distinction, dont la justification peine à être trouvée, est mise en œuvre à l’article 11.2 pour la période d’acceptation de l’offre, mais s’applique aussi en cas de succès de l’offre. En effet, l’article 11.4, qui concerne la neutralisation au cours de cette seconde période, opère un renvoi à l’article 11.2. C’est donc aux clauses exclues de la neutralisation, qui risquent fort d’être les plus nombreuses pendant quelques temps, qu’il faut maintenant s’intéresser brièvement. Section II : Les clauses exclues de la neutralisation. 21. Problématique. Plus les clauses exclues de la neutralisation seront nombreuses, plus la tâche de l’initiateur sera difficile. Or, leur nombre sera certainement loin d’être négligeable. En effet, les clauses extra-statutaires conclues avant l’adoption de la directive risquent de se multiplier : les parties voudront probablement anticiper l’application de la directive afin d’échapper à la neutralisation. En outre, il convient de se demander si les clauses visées pourraient se voir appliquer certaines dérogations. Ainsi, un travail de détermination des clauses exclues s’impose (I). Dès lors, si ces clauses échappent au champ d’application de la directive, c’est au droit commun qu’il reviendra de s’assurer qu’elles sont respectées (II). I) La détermination des clauses exclues. |
![]() | ![]() | «Analyse du Monde Arabe Contemporain» (amac) sous la direction du Professeur Rémy leveau | |
![]() | ![]() | «la réglementation internationale des fonds souverains», sous la direction de M. le Professeur Pierre bodeau-livinec – université... | |
![]() | «Histoire et épopée dans le cycle de La guerre Silencieuse de Manuel Scorza», sous la direction de Monsieur le Professeur Claude... | ![]() | «société commerciale», le Code du travail ne connaît que la notion d'employeur Le livre Patrons en France sous la direction de Michel... |
![]() | ![]() | ||
![]() | «grandes questions» à savoir l’esthétique transcendantale, le jugement de goût et la loi morale -bien que ce dernier point sous-tende... | ![]() | «ucb», société anonyme, inscrite au rcs de paris sous le numéro 552 004 624, dont le siège social était à paris (16°), 5, avenue... |