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Titre : J 6661 - TC PARIS 18 06 1999 ANNUAIRE INVERSE Date : 18/06/1999 Type de document : JUR Directeur : IP Nom : J 6661 - GAZ PAL 2000 1 P. GTA 2000/2 Réf. Publication : COPIE N°RG 98.030426 - LEGALIS.NET DIT 99/4 P.57 - EXPERTISES OCT 99 P.308 Nom (auteur) : TELLIER-LONIEWSKI Prénom (auteur) : LAURENCE Juridiction : T.COM. Ville : PARIS Chambre/Section : Langue : Localisation : Demandeur(s) / Défendeur(s) : - DEMANDEUR - FRANCE TELECOM SA - DEFENDEUR - MA EDITIONS SARL - DEFENDEUR - FERMIC SA - DEVENU STE ILIAD - TE ILIAD - COMMENTAIRES D'ARRETS Tribunal de Commerce de Paris 18 juin 1999 Présidence de M. POROKHOV PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Abonné - Annuaire électronique - Annuaire inversé - Base de données - Bases de données électroniques - Bases de données publiques - Concurrence - Extraction illicite - Internet - Investissement substantiel - Monopole - Producteur d'une base de données. Bénéficie de la protection légale accordée par la loi du 1er juillet 1998, la base de données annuaire de France Télécom, qui en est le producteur au sens de ladite loi. Dès lors, doivent être condamnées au versement de dommages et intérêts, les sociétés ayant réalisé des extractions non autorisées de cette base, et ce, sous astreinte. Par ailleurs, la demande de sursis à statuer pour avis du Conseil de la concurrence est rejetée, cet avis n'étant d'aucune incidence sur l'issu de la décision. Tribunal de commerce de Paris, 15ème chambre, 18 juin 1999, SA France Télécom c/ SARl Ma Editions et SA Fermic - RG n° 98030426 - M. Porokhov, prés., MM Goger, Fouquet, mag., Me Michau, Me Cousi, Me Duffour Lucet, Me Lazarus, Me Sautelet, Me Coursin, av. Le Tribunal : Statuant, par jugement contradictoire en premier ressort. LES FAITS France Télécom, à laquelle une loi du 2 juillet 1990 a transféré les biens appartenant antérieurement à l'Etat (à travers la Direction générale des télécommunications), exploite un annuaire électronique des abonnés au téléphone, accessible par Minitel sous le code " 3611 ", qui existe depuis 1983. Elle exploite également, depuis 1998, un service d'" annuaire inversé ", permettant de retrouver l'identité et l'adresse d'une personne à partir de son numéro de téléphone, sous l'intitulé " 3615 QUIDONC ". Ayant bénéficié jusqu'au 1er janvier 1998 d'un monopole légal, elle est encore en situation de quasi monopole sur ce marché et a été, à plusieurs reprises, condamnée à des amendes par le Conseil de la concurrence pour pratiques anticoncurrentielles. Tirant des revenus importants de l'exploitation des services d'annuaires, elle expose à présent que : - la société MA Editions offre au public, par l'intermédiaire de la société Iliad (anciennement dénommée " Fermic "), qui est son prestataire de services sur le plan technique, divers services télématiques, et notamment depuis 1995 un service d'annuaire inversé sous le code " 3617 ANNU " et un service d'annuaire sous le nom de domaine " annu.com " ; - cette offre illicite est en outre recommercialisée sur internet par l'intermédiaire du portail Lycos, entreprise extrêmement importante dans ce secteur. - ce service offert par les défenderesses a été constitué à partir du téléchargement par ces dernières des données de son annuaire électronique accessible par Minitel sous le code " 3611 ", pratique rigoureusement interdite par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle. LA PROCEDURE Par une assignation en date du 31 mars 1998, et des conclusions récapitulatives du 12 mars 1999 à l'encontre des sociétés Iliad et MA Editions, France Télécom demande au tribunal de : -constater que, indépendamment d'une éventuelle protection par le droit d'auteur, le contenu de cet annuaire constitue une base de données et est protégé en tant que tel par les dispositions de la loi du 1er juillet 1998; -dire que les extractions de cet annuaire constituent donc des violations de la loi ; -faire interdiction aux sociétés Iliad et MA Editions de continuer à procéder à de telles extractions, sous astreinte de 4 000 000 francs par jour ; -dire que le préjudice qu'elle a subi de ce fait se monte à 4 250 000 francs par mois ; -faire interdiction aux sociétés Iliad et MA Editions de réutiliser, par quelque moyen que ce soit les données extraites sans son autorisation ; -constater que certains des services offerts par les défenderesses sont constitués des données extraites sans autorisation de son annuaire ; -les condamner solidairement à 204 000 000 francs de dommages- intérêts au titre de la perte de chiffre d'affaires qu'elle subit de ce fait; - constater que les défenderesses ont créé dans l'esprit du public une confusion entre les services qu'elles offrent et ceux offerts par France Télécom ; -les condamner solidairement à la somme de 14 425 000 francs (H.T) par mois à compter du 1er mai 1998 et jusqu'au jour de la publication d'une information rectificative dans la presse nationale ; -les condamner solidairement les sociétés à 2 000 000 de francs de dommages-intérêts pour atteinte à l'image, à 150 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens. Par des conclusions en date du 23 février 1999, la société Iliad demande au tribunal de : - débouter France Télécom de ses demandes; -la condamner à 2 000 000 de francs de dommages-interêts, sauf à parfaire pour procédure abusive, 150 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens; -subsidiairement, surseoir à statuer et solliciter l'avis du Conseil de la concurrence sur les pratiques dont elle fait grief à France Télécom ; - autoriser la publication du jugement à intervenir. Par des conclusions en date du 12 mars 1999, la société MA Editions demande au tribunal de : - débouter France Télécom de ses demandes; -la condamner à 2 000 000 de francs pour procédure abusive, 150 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens; -subsidiairement, surseoir à statuer et de solliciter l'avis du Conseil de la concurrence sur les pratiques dont elle fait grief à France Télécom. La clôture des débats a été prononcée le 12 mars 1999 pour le jugement être prononcé le 21 mai 1999, après avoir ordonné au demandeur de produire pour le 20 mars 1999 une note en délibéré, dans laquelle il précisera les observations qu'il estimera faire valoir sur le présent litige, et aux défendeurs de répondre pour le 29 mars 1999. Le 29 mai 1999, le tribunal a ordonné la réouverture des débats, pour permettre aux défendeurs de déposer des conclusions motivées pour l'audience du 4 juin 1999. Par conclusions motivées du 4 juin 1999, la société MA Editions nous demande de : - donner acte à la société MA Editions de ce qu'elle s'associe totalement aux moyens développés par la société Iliad ; - surseoir à statuer jusqu'à temps que la cour d'appel de Paris ait statué sur le recours formé à l'encontre de la décision n° 98-D-60 du Conseil de la concurrence ; -à défaut, adjuger à la société MA Editions le bénéfice de ses précédentes écritures. Par conclusions motivées du 4 juin 1999, la société Iliad, anciennement SA Fermic, nous demande de : -adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes Bcritures, - donner acte à la société Iliad de ce qu'elle s'associe totalement aux moyens exposés par la société MA Editions, - surseoir à statuer jusqu'à temps que la cour d'appel de Paris ait rendu sa décision sur les aspects de fond de la décision numéro 98-D-60 prononcée par le Conseil de la concurrence. A cette dernière audience, le tribunal a ordonné la clôture des débats pour le jugement être prononcé le 18 juin 1999. LA DISCUSSION Sur la demande de saisine pour avis du Conseil de la concurrence Au soutien de leur demande de sursis à statuer, Iliad et MA Editions font valoir que, s'appuyant notamment sur le concept de " facilité essentielle ", elles ont elles-même saisi le Conseil de la concurrence afin que celui-ci : - constate que les pratiques de France Télécom constituent un abus de position dominante rendant impossible l'exercice d'une concurrence loyale sur le marché français des annuaires inversés ; - prenne les mesures voulues pour mettre fin à cette situation ; - prononce à l'encontre de France Télécom les sanctions appropriées. France Télécom expose au contraire que cette demande est purement dilatoire dès lors que sa demande porte sur la reconnaissance du caractère protégeable de sa base de données. Sur quoi, attendu que : -il n'existe aucune règle impérative qui imposerait au tribunal de commerce de solliciter l'avis du Conseil de la concurrence sur le présent litige ; -il n'apparaît pas davantage que la connaissance d'un tel avis serait de nature à permettre de donner une solution plus adaptée audit litige ; -les questions de principe relatives au droit de la concurrence et à l'accès aux " facilités essentielles " seraient sans doute plus judicieusement évoquées par les défenderesses à l'occasion d'un litige dans lequel leurs agissements n'apparaîtraient pas comme contraires aux règles classiques du droit commun de la responsabilité ; Le tribunal dira qu'il n'y a lieu de saisir pour avis le Conseil de la concurrence. Sur le point de savoir si les extractions non autorisées de données de l'annuaire de France Télécom sont prohibées par la loi du 1er juillet 1998 Au soutien de sa demande, France Télécom fait valoir, pour l'essentiel, que : - son annuaire, inauguré lors du lancement du Minitel en 1983, constitue une base de données structurée (par marque, activité, nom, adresse, code postal, numéro de téléphone, etc.) ; - si certaines hésitations étaient éventuellement permises quant au droit applicable en France en matière de bases de données pour la période antérieure au 1er juillet 1998, tel n'est plus le cas puisque, à cette date, une directive européenne 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données et créant, au-delà du droit d'auteur, un droit sui generis du producteur d'une base de données, a été transposée en droit français et intégrée au code de la propriété intellectuelle ; - l'article L.342-1 du code de la propriété intellectuelle lui permet notamment d'interdire l'extraction et la réutilisation d'une partie substantielle du contenu de sa base de données, dès lors que " la constitution, la vérification ou la présentation (de celle-ci) atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel ". - tel est bien le cas puisque : ses coûts annuels à ce titre se montent à 155 millions de francs (HT) pour la collecte des données relatives aux abonnés (mise à jour de 50 000 adresses par jour) et à 50 millions de francs (HT) pour la gestion, le contrôle et la maintenance de la base de données, soit à un total de 205 millions de francs ; elle a toujours interdit les extractions et réutilisations de sa base hors contrat, notamment en faisant figurer cette interdiction dans les pages d'accueil de cette base . Pour s'opposer à cette demande, Iliad et MA Editions exposent au contraire que l'annuaire de France Telecom ne saurait bénéficier de la loi dès lors que : - c'est l'Etat français et non cette dernière qui serait le " producteur " au sens de la loi ; - il ne consisterait en outre qu'en une compilation de données publiques, présentées sans mises en forme particulière. Sur quoi, attendu que : contrairement aux allégations des défenderesses, il y a lieu de dire que France Télécom, compte tenu des évolutions successives de son statut juridique, doit bien être considérée comme le producteur de l'annuaire téléphonique qu'elle exploite et que, compte tenu notamment du montant très élevé des investissements effectués par elle pour le constituer, celui-ci constitue une base de données protégée par la loi du 1er juillet 1998; - il résulte manifestement des éléments fournis que les défenderesses, au-delà d'une argumentation juridique habilement, mais tendancieusement, développée, ont estimé plus simple et surtout moins onéreux de mettre en oeuvre un comportement s'apparentant à un pur et simple " piratage " et de profiter à peu de frais des investissements ainsi effectués par France Télécom, sans même avoir sérieusement cherché à obtenir de cette dernière une offre commercialement viable pour exercer leur activité dans des conditions normales. Le tribunal jugera que les extractions non autorisées de cette base de données sont prohibées par la loi et interdira dans les termes ci-après aux défenderesses de continuer à y procéder. Sur le point de savoir si les agissements des défenderesses peuvent trouver leur justification dans ceux de France Télécom. Pour justifier les agissements dont il leur est fait grief par France Télécom, Iliad et MA Editions font valoir que : -alors que France Télécom s'est vue enjoindre par la décision " Filetech " du Conseil de la concurrence, du 29 septembre 1998, d'offrir (dans un délai de six mois à compter de la notification de cette décision et jusqu'à la mise en place d'un organisme institué à cet effet par le code des PTT) aux entreprises qui lui en font la demande les données nécessaires à la réalisation d'annuaires (ou d'annuaires inversés) à des conditions de prix reflétant les coûts liés |