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à décaper la cuisse» (page 58), il répond au défi et aux insultes que lui lance un «garçon» du clan de Maudru qui, lui, est armé d’«un aiguillon» qu’il jette pour d’abord l’apostropher : «’’Si tu es un homme, dit-il, laisse ton couteau et avance. On ne fait pas languir chez Maudru.’’ Antonio se redressa. Le jeune bouvier se mordait les lèvres. Il était maigre comme du fer. Antonio enjamba la bête et s’avança. Il fit semblant de se baisser. Il courut trois pas. D’un tour de bras il agrafa la taille du bouvier. Il serra. ‘’La putain de ta mère’’, dit le garçon. Il lui martelait les épaules et la nuque. Antonio serrait à pleins bras. Il appuyait sa tête dure sur le joint des côtes et il entendait que ça commençait à craquer dans le garçon. Le garçon haletait. Son visage et son cou étaient bourrés de sang à éclater. Il n’avait plus d’air. Il releva les bras. Antonio se desserra. Il le poussa. Le bouvier fit trois pas pour chercher son équilibre derrière lui. Il tomba sur les graviers. ‘’Ma mère, peut-être, dit Antonio, pendant que l’autre essayait de reprendre haleine. Mais toi : ton père, ta mère, ta sœur, tes frères, tes tantes et tes oncles, vous êtes tous des putains’’.» (page 59). On admirera la verdeur de ces injures qui seraient homériques si elles n’étaient pas comiques. C’est bien un sentiment épique que la considération réciproque que se portent les adversaires, sans laquelle les combats mêmes ne sont pas possibles. Prêt à en affronter d’autres, il se demande si «les gardeurs de boeufs» vont respecter  le code d’honneur : «S’ils se mettaient à quatre contre un, ça se dirait jusqu’à la mer.» (page 63). Imaginant le combat qui pourrait avoir lieu, par une de ces « visualisations » auxquelles se livre le bon combattant, il manifeste son amitié pour Matelot qui est aussi un sentiment épique : «L’inquiétude d’Antonio était pour Matelot. Il savait que, dans la bataille, le vieux bûcheron avait le goût de la gloriole et du geste. Antonio serrait les dents. Lui maintenant il avait envie de faire péter son coup de fusil au milieu de ces faux tranquilles. Il se dit : ‘’Si je tire j’en tue un. Matelot crie : ‘’Attendez’’ et il se met au milieu. Il veut toujours attendre. Il se croit toujours de son temps. Il reçoit un coup de couteau. Je me méfie de celui au manteau. C’est vrai que c’est celui-là que je tuerai. Alors, l’autre. Ils doivent tous avoir des couteaux. Si j’étais sûr de Matelot.[…] Je tire, je saute en arrière. Matelot se met au milieu. Il reçoit un coup de couteau. Ils restent trois, je suis seul. Je n’ai pas le temps de recharger. J’assomme le jeune. Deux et moi. Courir. Oui, mais le gros étrangle Matelot. Non.’’» (pages 65-66). Quand «la mère de la route» évoque les méfaits que pourraient commettre les bouviers de Maudru, il lui rétorque : «Oui, et pendant ce temps, nous deux, nous aurions lu le journal?» (page 72).

On le voit proférer des insultes lorsqu'il est impatient (page 83). Comme il est plein d'énergie, l'immobilité des choses l'enrage de temps en temps : il a envie de faire péter son coup de fusil, qu'on se casse la gueule les uns les autres parce que «tout est trop mou, tout est trop femme» (page 94), de «casser la gueule à quelqu'un» (page 221).

Pour lui, la bagarre est purgatrice : il veut «qu’on se batte. Tout est trop mou. Tout est trop femme. Et qu’on se casse la gueule un peu les uns contre les autres.» (page 94).

Trouvant Matelot assassiné, il put être «fier» de «relever ce corps, l’emporter dans ses bras comme un enfant, faire quelque chose pour lui» (page 238). Accompagnant à Puberclaire le besson dans l’exercice de sa vengeance, il se collète avec un bouvier : «Entre les jambes des vaches, il vit deux jambes d’homme. Comme elles arrivaient près de lui Antonio les serra dans ses bras et l’homme tomba. Antonio le frappa dans ses côtes. Le poing de l’homme frappa à vide dans la paille. Il en avait. Antonio se dressa sur ses genoux. Il saisit la tignasse de l’homme, il lui renversa la tête en arrière. Il le frappa très vite deux fois à la pointe du menton, puis encore un coup dans les côtes. On n’y voyait pas là. Il toucha le visage avec le plat de la main. La bouche était ouverte, lèvres retroussées, dents froides, les yeux fermés. Il tira l’homme par les bras jusqu’à la porte par où il venait d’entrer.» (page 250). Dans l’apothéose qu’est l’incendie, il goûte le plaisir sauvage de la destruction : «L’incendie de la grange hurlait d’un long hurlement doux à plein plaisir […] Antonio se lécha les lèvres» (page 250). Il se livre à un saccage, où transparaît une certaine cruauté misogyne : «Il mit le feu dans la chambre de Gina la vieille. Dans la paillasse, le matelas éventré, les jupes, les robes, les fichus. Il cassa le miroir et un flacon de parfum. Il ouvrit la fenêtre et la porte pour que le feu tire bien.» (page 252).

Enfin, est encore épique son combat avec le besson qui est, en fait, la lutte chez lui entre deux sentiments, lutte qui indique qu’Antonio a alors dépassé l’unidimensionalité du héros épique.
Autre caractéristique du héros épique, il possède un véritable don oratoire, est un poète. Son autre surnom, que même les bouviers connaissent (pages 47, 49), est «Bouche d’or» qui signifie qu’il est celui qui sait «parler», «crier plus haut que les eaux» (pages 17-18), qui traduit «la longue plainte du vent» qui est «le chant du monde» ; qui donne un nom aux éléments de la nature, comme l’a fait Adam dans la Bible ; qui définit, parmi les étoiles, tout un blason du corps féminin (page 48) ; qui aime chanter (page 97) et compose des chansons («la chanson des trois valets» dont se souvient un bouvier [page 49] - «les chansons que tu fais», page 70) ; qui est un discoureur habile aux palabres (on remarque sa réponse d’une ténacité rusée  à la question du domestique de Toussaint : «Qu’est-ce que vous avez pour vouloir le voir à cette heure?», «Qu’est-ce qu’il faut avoir à cette heure pour le voir?» [page 125]). Là aussi, il est une sorte d’Ulysse qui, comme lui, est rusé, imagine une stratégie (page 65, 65-66), sait parlementer (pages 67-68), prétend, sans mentir en fait, avoir «une affaire à régler avec un garçon qui a les cheveux rouges» (page 68), sait faire parler le bouvier (page 141).

Parce qu'il possède le sens des mots, sa parole est entendue et reconnue comme l'expression de la sagesse. Junie la reçoit de cette façon (page 17), comme le bouvier qui lui a donné son manteau et qui lui dit : «On t'écouterait tout le jour» (page 49), comme Clara qui, un instant happée par le vertige du vide, le remercie : «Tu as bien fait de parler» (page 56). Sa parole a donc le pouvoir de séduire et d'apaiser, et là réside la vérité du personnage. En effet, relisons ces lignes du début du roman (pages 22 - 24) : «À partir de ses flancs, c'était du creux, une tendresse dans laquelle était Antonio, le vrai» et plus loin : «C'était ce creux plein d'images qui était resté seul vivant malgré sa blessure pendant qu'il était tout sanglant étendu sur le sable. [...] C'est à partir du moment où il avait eu son ventre et sa poitrine pleins de souvenirs des villages, des femmes et des terres d'aval qu'il était devenu "Bouche d'or".» C'est cette face cachée d'Antonio que la rencontre avec Clara va faire émerger petit à petit. Le héros épique va évoluer jusqu'à devenir un personnage humain.
Matelot, à qui «plus de dix ans en mer» (page 89) valent ce surnom, fut l’homme de la mer («Ça vient de cette habitude de bateau.» [page 90]). Mais, ayant eu (s)es «fièvres d’Afrique», il a traîné la femme qu’il avait séduite, Junie, de Marseille dans les bois, est devenu l'homme de la forêt de Nibles, le bûcheron qui, avec son fils, se livre au commerce du bois, ce qui lui a permis de garder le contact avec la mer : «J'aime pas la plaine, j'aime pas la montagne; j'aime cette forêt loin de tout. Ça sent le bois, ça crie et ça grince. C'est pour ça.» (page 90).

Âgé de «septante-cinq» ans (page 100), il est maintenant un vieux bûcheron à la barbe blanche, dont le physique a été façonné par la vie qu'il a menée. C’est «un homme épais sans lourdeur […] rond comme un tronc d’arbre sans creux ni bosses, large de la largeur de ses épaules, depuis ses épaules jusqu'aux pieds» (page 18), qui «avait les épaules couvertes de poils et le dos musculeux des bêtes. Ses flancs sonnaient creux, durs comme de la corne.» (page 99). Les muscles de ses cuisses sont attachés autour de son ventre comme des racines d'arbre. «Il marchait avec un effort de ses reins, plus par le milieu de son corps que par ses jambes. C’était bien un homme de la forêt ; tous les hommes de la forêt marchent comme ça. C’est la forêt qui apprend cette habitude.» (page 15). Il est un peu arbre lui-même !

On le sentait «fait par la tête, par force, dans des travaux et des batailles et dont tous les tendons, tous les muscles, tous les os étaient comme modelés par des souffrances obstinées» (page 168) et il montre «ce courage éperdu, cette témérité du corps». C’est lui qui, armé d’un fusil, abat le marcassin.

Il a connu des malheurs : un premier besson écrasé dans l'argile, un deuxième qui a eu « l'étrangle-chat » et qui a failli mourir (page 91), enfant difficile qui l'a toujours « arrosé de soucis ».

Il est la figure du Père qui part à la recherche de son fils. Il s’extasie : «Le petit le plus fier du monde. » (page 91) - «il est tombé dans ce pays comme un lion» (page 121). Il entend «un grand bruit dans les collines et les forêts comme si mon besson dansait sa colère sur le pays avec de gros sabots de bois» (page 129). Victime désignée, il est lâchement assassiné : «À ce moment on le frappa à coups de couteau dans le dos.» (page 232). Il meurt à l’âge exact auquel mourut le père de Giono.
Le besson, s’il est constamment appelé ainsi et non Danis, nom qu’on découvre assez tard et qui n’est employé qu'une fois dans le roman, c’est que sa qualité de jumeau lui donne une aura quasiment mythologique. Les deux bessons, qu’ont eus Matelot et Junie, rappellent les deux Gémeaux, Castor et Pollux, ou Romulus et Rémus. Pour Toussaint, «Dans une famille, Matelot, les bessons sont la marque des dieux ! […] Quand, dans un couple de bessons un meurt d’accident, la force qu’ils avaient à deux, le mal qu’ils avaient à deux, ce qu’ils étaient à deux dans le monde, tout se reporte sur le vivant, il devient tout à lui tout seul.» (page 133). L’un des jumeaux est mort, «tué dans l’éboulement des glaisières» (page 16) - «il s’est fait écraser dans l’argile» (page 90) : il a été dévoré par la terre et, de plus, «on l’a enterré» (page 18). Est-ce que l’autre ne pourrait pas être semblablement victime : «la moindre éraflure de sable pouvait être un signe, la plus petite chose luisante enfoncée dans la glaise pouvait être la corne d’un ongle» (page 22).

De plus, il a des «cheveux rouges» et bénéficie ainsi de l’impression presque magique que donnaient traditionnellement les roux. Alors qu’il n’était qu’un enfant mais à l’énergie sauvage, il laissa à Antonio une impression désagréable : «Matelot, à des matins quand je pêchais, je regardais vers les bords. Pas de bruit, mais l’impression qu’on me regardait. Rien. Les osiers. Et puis à travers les osiers je voyais ses cheveux rouges ; veux-tu que te le dise? Ton besson, il m’a toujours fait l’effet d’une bête lointaine» (page 121) et, pour lui, il est «un de ces hommes qui gardent tout en eux, qui écoutent, qui regardent, qui ne disent pas non mais qui pensent non, et c’est non» (page 32). Dur à maîtriser, il ne se laisse pas approcher et n'en fait qu'à sa tête. C’est que, dès l’enfance, son caractère entier lui donna une violence, une énergie sauvage, de la fierté, du courage, de la détermination.

Il est devenu un athlète : «Le besson était fort en reins et en cuisses. Il avait un petit buste terrible et nerveux et toute la force de son sang de poivre était là sur ses hanches accumulée en deux énormes muscles au milieu de lui comme la force de l’arc est au milieu de l’arc. C’est de là que tout partait. […] Son sang était assez chaud. Il ne sentait le froid que longtemps après les autres […] Il ne mettait pas de masque de soie. Il pouvait regarder en plein soleil.» (page 146) - «Il était large, un peu carré. […] il avait une carrure inconsciente. Sa respiration faisait à peine trembler la pointe de son ventre. Ses épaules fortement ondulées s’élargissaient comme un joug de montagne. Il avait une tête d’enfant, ronde, très petite, enflammée de cheveux et de sourcils rouges. Au joint sensible de ses cuisses une autre touffe de poils rouges, pour le reste, bras et jambes scellés dans un bloc comme dans un rocher.» (page 168).

Vigoureux bûcheron, «abatteur d’arbres» (page 136), il est venu dans le pays Rebeillard, y a été remarqué par «la mère de la route», qui trouva qu’«il a assez d’extraordinaire sur lui» (page 50), y a coupé des arbres, les a marqués et a construit «une sorte de radeau bâtard avec un petit bord, moitié barque» (page 241).

Sa «tête d’enfant» que remarque aussi Toussaint : «Tu as la tête bien petite, toi, garçon. Elle est sur tes épaules comme un poing d’homme, pas plus grosse» (page 171) indique qu’il n’a guère de réflexion, qu’il cède plutôt au désir brut.

Mais, héros épique par excellence, il est beau et il a séduit Gina, la fille du seigneur de ce pays : «Il avait de si grandes épaules, tout paraissait si petit à côté de lui. Moi, fille de Maudru, j’avais tant rêvé cet homme-là sans espérer qu’il puisse vivre, j’en étais perdue de l’avoir dans mes bras et de le trouver encore plus beau, encore plus grand que celui du rêve […] Sous sa peau blanche un feu étincelant comme une forge de fer s’allumait.» (page 136) - «J’étais marquée de cet homme aux cheveux rouges comme par une marque d’arbre.» (page 135). Ainsi, nouveau Pâris, il a enlevé une nouvelle Hélène et a déclenché une nouvelle guerre de Troie. Manifestant «le désir d’être au large» avec Gina, il aurait voulu «la tirer plus haut, là-haut dans les montagnes pour être seul avec elle». (page 172). Mais, conscient de sa valeur («Il était le cheveu rouge, somme toute.» [page 148]), il lui faut affronter tout le pays Maudru, se montrer un combattant de première force, plein d’audace et de ruse, comme on le voit dans ce récit du combat fait par un bouvier, récit qui est très enlevé : «Il lui a tiré desus à dix mètres d’ici là-bas. Depuis trois jours nous savions qu’il était dans ce bois. Il était seul. Ça ne pouvait être que pour reconnaître le chemin. Il ne serait pas parti sans elle vers le sud. Le neveu nous a fait serrer les arbres au plus près […]. Et l’homme, nous le connaissons, c’est le diable. On avait fait le nœud qui se serre et on marchait. Il nous a crié : ‘’Cent contre un !’’. On est allé au cri. Personne. ‘’Cent contre un !’’ d’un autre bout. Encore rien. ‘’Cent contre un !’’ Cent contre un !’’ Il chantait ça comme un oiseau autour de nous. Pas moyen de le prendre. On en suait. Le neveu a crié : ‘’Fais-toi voir, fils de galère !‘’Regarde, il a dit’’. On a vu blanc entre les arbres. Le neveu a tiré. Ça devait être une chemise vide. L’homme est sorti du buisson. On n’a vu que ses cheveux rouges. Il a tiré en plein dans le neveu. ‘’Porte ça à ta putain de mère’’.» (page 113-114). «Cent contre un !» voilà donc un autre Cyrano de Bergerac ! et des bouviers qui ne respectent pas le code d’honneur. Ce meurtre, il ne le regrette pas : «Si c’était à refaire, dit le besson calmement, je le referais, je l’ajusterais du même oeil et je tirerais mes deux coups à la fois dans son ventre. Comme je l’ai fait.» (page 172).

Plus tard, lors de sa reconnaissance à skis, film accéléré d’une course qu’on suit avec le regard époustouflé du bouvier, «l’homme-renard» (page 149) «filait plus vite qu’un cheval […] s’en allait là-dessus comme un oiseau […] glissait à toute vitesse sur ses plaques, au fort des pentes, au revers des talus, sur les crêtes, puis il plongeait comme s’il s’enfonçait dans la neige ; il disparaissait puis il surgissait plus loin […] Il volait à ras de terre comme une hirondelle aplatie par l’orage. Il fit front vers une barrière de saules. Il s’élança contre elle et, la tête en avant, les bras repliés, il la traversa dans un jaillissement de poussière de neige […] Depuis Villevieille il menait ce train d’enfer.» (pages 145-146).

Après le lâche assassinat de son père, il veut une vengeance totale : «’’Je les aurai, dit le besson.- Qui? - Tous. Tous», dit-il encore […] Les uns après les autres, chacun à leur tour, chacun à leur manière. Tous. Tous.» (page 244) et s’y applique avec méthode : : «Le besson s’approcha des hommes. Il les frappa de toute sa force sous le menton. Un sans bouger se mit à saigner du nez. L’autre releva le bras et le laissa retomber.» (page 246) - «Il se disait à lui, comme s’il arrivait au bout d’un geste qui le lançait dans un autre geste qui le lançait vers sa vengeance, toujours plus avant, dans un bel ordre, où tout prévu, rien ne pouvait échapper.» (page 247). Dans l’incendie, il devient un Titan : Antonio «trouvait le besson bien grandi.» (page 247), «vit passer devant lui une carrure qu’il connaissait. Mais elle était agrandie par la fumée et les éclatements de la flamme» (page 255), ce qui souligne encore le grandissement propre à l’épopée. Il semblerait même qu’il est désormais quelque peu investi des pouvoirs de Maudru, donnant « cet autre commandement des bêtes.» (page 256) : les taureaux «avaient l’air de le connaître […] Il leur parlait à voix basse.» (page 247) - «Les taureaux écoutaient le sifflet. Ils avaient plutôt tendance à obéir à ce sifflet qui les tirait vers le feu (page 256).

Et Maudru, il le tuerait s’il n’en était empêché par Antonio.

Finalement, dans le retour sur le fleuve qu’on pourrait comparer à celui d’Ulysse sur la Méditerrannée dans l’’’Odyssée’’ (alors que la recherche du besson, c’était Ulysse qui courait après Télémaque !) il se montre un habile navigateur (page 241) : «planté pieds nus sur les sapins il luttait à la pique avec des épaves dix fois groses comme lui.» (page 265).
Ces trois hommes, qui sont simples, frustes, sont unis par la fraternité virile qu’on trouve dans les épopées, par des amitiés vraies, solides, qui font penser à celle d’Achille et de Patrocle ou à celle de Roland et d’Olivier. Venus du Sud, ils affrontent, dans le pays Rebeillard, qui est son fief, ce seigneur qu’est Maudru, homme puissant et farouche dont on pourrait croire que son nom fait de lui l’incarnation du Mal (à la fois le maudit et le dru), dans un manichéisme qui est une autre caractéristique de l’épopée. Il est l’homme des plateaux, le cavalier, l’éleveur de taureaux, «le dompteur de bœufs» (page 31) dont, bien avant d’apparaître en personne, est donné un portrait qui a un ton de légende et qui fait de lui à la fois un Jupiter et un monstre : «Quand il marchait sur les routes du pays Rebeillard, il était toujours suivi de quatre bouvillons qui aimaient cet homme plus que des chiens. Il était fort, disait-on, d’une force énorme entassée dans lui avec si peu d’ordre qu’il n’avait plus la figure d’un homme. Dans sa bouche rouge, le moindre mot sonnait comme la colère de l’air.» (page 31) - «C’était une voix d’arbre et de pierre comme le grondement de la forêt dans les échos» (page 183). Ne le voilà-t-il pas dépeint en Jupiter tonnant, mais qui s’exprime dans une parole informe, ambiguë, inachevée, mi-humaine, mi-bestiale : Maudru émet des mots drus ! Échec spectaculaire de ce corps qui montre comme un dévoiement de la puissance : le tassé y devient la marque d’un ratage.

Est soulignée sa familiarité avec ses bêtes : «Moi je peux parler aux bêtes. C’est pas sorcier. De la justice. Je te dis pas que j’ai parlé aux sangliers. Non. À des taureaux.» (page 186) - «Il leur parlait à voix basse en langue taureau.» (page 194) - «Il poussa encore un grand cri en langage taureau et les bêtes qui sautaient dans le feu, là-bas, lui répondirent» (page 248) - «Les cris de Maudru avec sa voix de vallon. On ne savait pas s’il parlait aux hommes ou aux bêtes.» (page 251). Il se montre plein de sollicitude à leur égard au moment de l’incendie : «Il dirigeait ses taureaux. Il essayait de leur faire comprendre qu’il fallait sortir de la cour et s’en aller galoper dans les prés d’autour sans plus penser à ce feu. Il leur disait que le jour allait venir, que ça, l’incendie, c’était ce que c’était mais que ça n’était rien au fond. Le principal c’était qu’on allait dès demain partir pour les pacages d’été.» (page 254). Ses hommes, Droite-la torche et Gauche-la-pique, parlent eux aussi aux taureaux (page 191).

Sa puissance est mystérieuse, inquiétante. On la découvre peu à peu. «Maudru ne veut pas qu’on allume du feu dans ses pâtures» (pages 42, 43, 47). Il n’aurait pas fallu abattre une bête parce qu’«elle est à Maudru» (page 58). «La mère de la route», effrayée, pose à Antonio la question : «Qu’est-ce que tu crois avoir comme bras pour toujours aller à la traverse de Maudru depuis que tu es là?» (pages 61-62) - «Je crois que tu rigoles trop sans rien savoir. Moi, tu comprends, je sais qui c’est – Qui? – Maudru – Et alors? – Alors, ces quatre-là, dit-elle en montrant les ténèbres de l’oseraie, si ça avait fait leurs affaires, ils auraient brûlé la maison, la femme, l’enfant, sans que ça fasse un pli.» (page 72). Gina rapporte la menace lapidaire et sans appel de ce tyran familial : «Maudru? Il a dit ces trois mots ; il a dit : ‘’Sans moi, rien.’’ Et il est là tout autour là dehors et je n’ai rien.» (page 131). Un de ses hommes le définit comme celui qui peut dire : «Moi Maudru je suis le maître et, fils et fille, taureaux et valets c’est tout pareil sous mon obéissance.» (page 108). Il a du pouvoir même sur les gendarmes (page 140) qu’il effraie parce qu’«il faisait craquer ses dents comme s’il cassait des noisettes. Ils en ont lâché les mousquetons.» (page 142), note comique qui signale cependant que l’affaire doit demeurer une vendetta selon la tradition méditerranéenne : la gendarmerie ne doit pas s’en mêler (pages 142-143).

C’est donc bien un personnage épique et sa famille est même entourée d’une aura surnaturelle : Médéric étant mort, Toussaint demande : «Qui a peur du cheval blanc? […] Celui de la montagne.» (page 169) puis précise : «Déjà on est venu dire que le mauvais cheval galope sur les sommets de Maladrerie» (page 170), enfin révèle : «Quand un Maudru meurt, dit Toussaint, le dicton c’est qu’un grand cheval galope là-haut sur le sommet des montagnes […] il emporte quelqu’un.» (page 175).
Toussaint («Tout saint» s’oppose à «Maudru») apparaît d’abord, lui aussi, comme un personnage épique, étant un guérisseur, Giono ayant été, depuis l’enfance, obsédé par le mythe du guérisseur, de celui qui possède le secret simple et immense de la joie, qui possède la force morale et spirituelle (dont le besson a besoin, pages 133-134). Il y a beaucoup de guérisseurs dans ses œuvres : ils sont ceux qui soignent en réparant le lien brisé entre l’individu et le monde. S’il le peuvent, c’est parce qu’ils ont pénétré le secret du monde comme universel mélange : y replonger l’autre, c’est le guérir. Mais, pour connaître le monde, il faut s’en être soi-même abstrait, l’avoir contemplé et compris. D’où le paradoxe tragique du guérisseur : il ne peut soigner qu’à la condition de faire abstraction de son propre désir. Toussaint en a conscience et c’est amer : «Quand on désire, dit-il, on n’est pas bon.» (page 157)

Il est désigné, procédé épique, par des périphrases récurrentes : «le marchand d’almanachs» (pages 27, 91) ou «celui qui vend des almanachs» (pages 49, 117, 122, 125). Il est l’objet d’une légende qui entraîne des portraits contradictoires : est-ce «un petit bossu» ou un homme «droit comme un I»? a-t-il de «grands yeux bleus» ou de «petits yeux noirs»? est-ce qu’il «ne bouge pas» ou bien est-ce qu’il «marche tout le temps»? Il bénéficie d’un net grandissement épique : «L’image du guérisseur s’élargit en emplissant la grange de flammes et d’ombres.» (pages 103-104).

Mais la dimension épique du personnage avorte quand il se révèle malingre, bossu, contrefait (page 127). Il devient alors plutôt un de ces personnages de contes qui sont de «petits bossus».

Cependant, c’est par lui que ces aventures, rythmées par l’amour et la mort, reçoivent tout leur sens, tandis que la puissance de la nature sur les humains est exaltée par celui même qui peut le moins s’y soumettre et en profiter.
Ainsi la nature jouant un rôle essentiel dans le monde grandiose créé par l’imagination de Giono, ses personnages humains étant des éléments de la nature et des archétypes, ‘’Le chant du monde’’ est bien une épopée.
Le déroulement : Ce roman de sauvetage, à l’intrigue simple et brutale, à base de violence et d'amour, où Giono sut concilier violence et suavité, nuances et contrastes, naïveté et subtilité, est l’histoire d'une traversée : des personnages partent d'un point, suivent un trajet vers un pays dont ils reviennent pour terminer à leur point de départ.

Il est composé de trois parties d'inégale longueur : la première comportant neuf chapitres et 131 pages, la deuxième, sept chapitres et 120 pages, la troisième, trois chapitres et 23 pages. Cette composition correspond à une division du temps en trois saisons, l'automne, l'hiver, le printemps, d'autant plus nette qu'elle n'est encombrée d'aucune date, la durée étant mesurée en jours et en «lunes» : le besson est parti depuis «la lune de juillet» (page 9) - il a amarré le radeau dans l'anse de Villevieille «au commencement de la lune d’août» (page 132) - «lune de novembre, lune de Noël, lune de janvier» (page 176) - «Lune de janvier c’est guère possible» (page 177).
La première partie montre la réunion d’Antonio et de Matelot pour la recherche du besson : «J’ai plus de nouvelles de mon besson aux cheveux rouges. […] Il faut que tu me rendes le service […] Il faut que nous le portions à sa mère.» (pages 9, 10). Est donné alors un grand tableau panoramique du pays Rebeillard (pages 28-31), où on peut se demander si ce n’est pas le mariage de Gina qui est évoqué, en passant, la mariée ayant «les beaux yeux immobiles des bœufs» (page 30). Puis sont relatés les cinq jours de voyage à pied vers Villevieille, marche de jour comme de nuit (les scènes nocturnes sont plus nombreuses que les scènes diurnes et l'avancée de Matelot et d'Antonio dans le noir rend tangible l'inquiétude légitime de l'inconnu ambigu). Le passage des gorges est une épreuve cruciale parce que les deux compères se sont séparés et ne peuvent communiquer : «On ne pouvait pas crier ; le fleuve faisait trop de bruit.» (page 31). «Puis, il se fit une sorte de silence, la voix de l’eau peu à peu s’étouffait.» (page 33) : Antonio perd donc le contact avec son fleuve et même, du fait de «la brume qui venait du pays Rebeillard» (page 33), avec tout le réel : il «entra dans un jour trouble, plat et où tout pouvait arriver sans prévenir. Les bras écartés, il marcha parmi les arbres. Il ne pouvait plus se servir ni de ses yeux ni de ses oreilles. […] Il enleva ses souliers. En marchant pieds nus il sentait mieux la qualité de la terre. Il avait peur d’arriver sur un surplomb. Il n’entendait plus le fleuve» (page 33) ; mais «sous les pieds d’Antonio la terre était molle comme la viande d’une bête morte» (page 36). De nouveau ensemble, ils font une série de pauses et de rencontres, dans une atmosphère inquiète et lourde.

Ainsi survient la découverte de Clara, scène cruelle où le récit se fait poignant : «C’était une femme étendue sur le dos. Ses jupes étaient toutes relevées sur son ventre et elle pétrissait ce tas d’étoffes et son ventre avec ses mains, puis elle ouvrait ses bras en croix et elle criait. Elle banda ses reins en arrière. Elle ne touchait le sol que par sa tête et ses pieds. Elle fit un long effort. Elle écartait ses cuisses. Elle poussait de toutes ses forces en silence, sans respirer, puis elle reprenait haleine en criant et elle retombait sur la mousse. Sa tête battait dans l’herbe de droite et de gauche. ‘’Femme !‘’ cria Antonio. Elle n’entendait pas. ‘’Va chercher, va chercher’’, dit Matelot. Antonio essaya de rabattre les jupes. Il sentit que là-dessous le ventre de la femme était vivant d’une vie houleuse comme la mer. Il se recula comme s’il avait touché du feu. ‘’Va chercher, va chercher’’, disait Matelot, et il faisait signe avec la main du côté du pays. Il essayait de tenir cette tête folle qui battait de tous les côtés et qui sonnait sur les pierres. ‘’Cours, Antonio. – Quoi?’’ Il essayait de tenir les jambes de la femme. Elles lui échappaient. Il n’osait pas serrer. ‘’Cours. – Donne-lui de la blanche. – Cours ! – Tiens sa tête. - Cours ! je te dis.’’ Il sembla que la femme s’apaisait. ‘’Elle va faire le petit, dit Matelot, cours vite !’’» (pages 40-41)

Puis surgit l’homme qui brandit l’interdiction : «Maudru ne veut pas qu’on allume du feu sur ses pâtures» (page 42), privilège suranné qu’il enfreint lui-même par le flamboiement du pays tout entier illuminé sur son ordre pour mieux traquer «le cheveu-rouge», ce à quoi celui-ci répondra par l’embrasement de Puberclaire.

Lors de l’arrêt chez «la mère de la route», la recherche du besson semble oubliée, mais elle l’a remarqué et indique aussi que sont sur sa trace «les hommes de Maudru» (pages 50-51). Cet intérêt suscite un mystère et une inquiétude. Le cheminement sur la route est doublé par le cheminement intérieur des deux personnages, l'un tourné vers la mort, l'autre vers l'amour. Le marcassin que Matelot a abattu provoque un premier affrontement avec les bouviers de Maudru. Et Antonio et Matelot tombent sur le neveu de Maudru qui a été blessé dans une bataille (page 106). D’où (pages 108-114) des révélations sur les Maudru et sur le combat entre le besson et le neveu qui est narré avec une sobre efficacité, en phrases brèves où se juxtaposent les «il» qui désignent celui qui est «le diable» (page 113). Les questions du gendarme (pages 117-118) ne font qu’accroître l’inquiétude de Matelot. À Villevieille, surgit le mystère du «frère de Junie» (page 122) qui était apparu quand celle-ci, disant qu’il est le fruit «âpre» tandis qu’elle est «le fruit doux» (page 27), indiqua à Matelot : «Demande le marchand d’almanachs. Va le voir. Si sa maison est pleine de malades n’attends pas. Dis seulement : ‘’Je viens de la part de Junie’’.» (page 27). Ainsi avait été esquissé le thème du guérisseur et une incertitude sur cet homme qui a disparu et dont Matelot déclare ne pas savoir ce qu’il est devenu (page 122). Mais il le reconnaît : «Jérôme ! cria Matelot. – Oui, dit le bossu. C’est moi.» (page 127), celui-ci reconnaissant aussi Antonio : «Vous êtes celui que ma sœur Junie appelle ‘’Bouche d’or’’.» (page 127). L’autre mystère, celui du besson, se dévoile avec l’apparition de Gina (page 129), et le récit complet de son odyssée étant enfin donné (page 132). Mais la révélation du meurtre du neveu est, par la pétulance de Gina, retardée jusqu’en page 137.
La deuxième partie voit les voyageurs immobilisés par l’hiver à Villevieille. C'est dans cette partie que le traitement du temps est le plus complexe. Au chapitre 1, après la fermeture de l'hiver, Toussaint a envoyé à Junie son «homme de commission» ; dans le chapitre 2, on apprend qu'il est parti depuis dix jours. Dans l’assoupissement causé par l’hiver surgit la péripétie de «l’aventure du besson» (page 144) en skieur hardi et plein de ruse, qui est un récit remarquablement net. La mort du neveu (page 170) dramatise le conflit. Mais son enterrement à la Maladrerie, pour lequel Antonio creuse sa tombe, est l’occasion pour lui de sortir de Villevieille et de découvrir Maudru ; il est parti le lundi matin vers les dix heures (page 176) et il revient le mardi matin (page 196) : trente pages sont donc consacrées à une journée décrite en direct (pages 188-195), à un cortège funèbre plein de couleur, de pittoresque, de sauvagerie, étrange, fantastique : «le char qui portait le corps de Méderic» tiré par «trois couples de taureaux», suivis de «charrettes légères». «Dans la première charrette, il y avait Gina, noire et muette et qui se laissait secouer par le chemin sans décroiser les bras.» (pages 188-189). «C’était la cavalerie bouvière qui arrivait [...] Ils portaient au bout de longues perches des lanternes de papier et de peaux de moutons qui figuraient des têtes de taureaux. Les yeux crevés cerclés de ronds de suie jetaient des flammes, les cornes d’osier léger dansaient au-dessus des lanternes comme des antennes de papillons et les crinières faites de sagnes sèches et de barbes de maïs sifflaient autour des lanternes.» (page 194). Par contre, le repas donné le lundi soir par Gina, mère de Médéric, est donné en différé (pages 197-199), quand Antonio fait à Toussaint le rapport de ce qu'il a vu et entendu. Au chapitre 5, le printemps fait son apparition sans crier gare et impose son incompressible dynamisme. L'épisode de ‘’À la Détorbe’’ (le nom de ce débit de boisson n'est pas indifférent : «destorber» est un mot du vieux français qui signifie «détourner», «dévier du droit chemin», et il va en effet détourner Antonio de la route qu'il a suivie jusqu'ici avec Matelot) est essentiel à la marche de l'action et connaît de ce fait le même traitement privilégié : il avait été annoncé longtemps à l'avance car, à deux reprises, Matelot et Antonio pensèrent à se saouler, chacun cependant pour une raison différente. Tandis qu’Antonio s’abandonne à la frénésie sensuelle de Villevieille, par un habile contraste, la tragédie s’instaure avec le meurtre de Matelot rendu en une seule phrase sèche (page 232), ce soir fatal occupant dix-huit pages du chapitre 5 qui en contient vingt-quatre. La vengeance du besson, dans le chapitre 7, dernier chapitre de cette deuxième partie, constitue le dénouement de la tension accumulée durant l'hiver. Elle entraîne le besson et Antonio dans un tourbillon qui les porte en avant. C'est au soir tombé qu’ils se dirigent vers Puberclaire pour mener à bien leur expédition punitive. Le besson se débarrasse d’abord d’un chien mais, avec Antonio, nous découvrons cette action sans la comprendre, à travers le compte rendu en phrases elliptiques au rythme décroissant des bruits qu’il entend (page 242). L’incendie est l’acmé de l’intensité (page 247-258) : la rapidité des préparatifs est rendue par un style elliptique (page 249) - «C’était, au plus haut, le ronflement des flammes, le craquement des murs, des poutres, des portes, l’écho des hangars, le mugissement des taureaux et la sourde cavalcade des bêtes dans les prés contre. Quand tout ça s’apaisait un peu, le bruit se relevant et s’envolant en haut de la nuit, il y avait alors en bas comme un grésillement de graisse au feu ; les cris des bouviers et, au milieu, en plus gros, les cris de Maudru avec sa voix de vallon […] Des hauts de la nuit le fléau bleu de la flamme retombait en ronflant, faisant craquer toute la ferme.» (pages 251-252). Antonio découvre la simplicité pathétique de la chambre de Maudru, de ses amours (page 252). Le besson le tuerait s’il n’en était empêché par un intervenant inattendu que Giono ne nous fait découvrir qu’au cours de ce récit palpitant : «Il avait son couteau ouvert à la main. Il se redressa pour sauter sur Maudru [...] Un homme tomba de tout son poids sur les épaules du besson. Ils roulèrent tous les deux dans la draille. Le besson frappa un coup de couteau. La lame s’enfonça dans la terre. Une main de fer lui serra le poignet. Il mordit le bras à pleine dents. La main serra très fort sur le nerf du pouce. ‘’Lâche-moi !’’ cria Antonio. Le besson le frappa sur le front, près de la tempe. ‘’C’est moi ! cria Antonio. Le besson le frappa encore près de la tempe. Il essayait de se dégager pour courir derrière Maudru. ‘’Laisse, dit Antonio […] Il frappait le besson à coups de poing dans le ventre. Il essayait de se tourner, de le renverser pour se coucher sur lui et le tenir […] Viens, besson, assez.’’ Il replia sa jambe et il frappa le besson sur la tête avec son pied, de toutes ses forces. Le besson le bourrait dans les côtes. Il eut deux ou trois coups de poing alignés. Il souffla. Antonio lui donna un coup de pied dans la hanche. Les cuisses qui le serraient se desserrèrent. Il bomba les reins. Le besson flottait. Il le fit chavirer à côté de lui dans la draille […] ‘’Assez, dit Antonio. Laisse-le celui-là. On a fait plus que le compte. Viens.‘’ Le besson le frappa d’un grand coup de poing mou en pleine figure. Antonio le saisit au poignet et commença à lui tordre le bras. ‘’Ça va être le jour, dit Antonio, viens. Profitons, partons. Gina. Tu entends? Partons tous aujourd’hui, le fleuve, profitons. Tu entends?’’ De son genou libre le besson lui écrasait le tendre du ventre. Antonio lui donna un coup de coude dans le nez. Il lui tordait toujours le bras. ‘’Écoute, souffla Antonio, écoute. Il faut partir aujourd’hui avec Gina. Tu m’entends?’’ Il le frappa sous le menton. ‘’Partir là-bas, ton pays. La forêt. Tu te souviens?’’ Il se mit tout d’un coup à crier comme une bête ; le besson avait détendu sa jambe en plein dans son ventre. […] Le besson enjamba Antonio. Il s’allongea sur lui. Il soufflait à grandes haleinées lentes. Il mit sa bouche molle près de l’oreille d’Antonio : ‘’Mon père, dit-il, mon père, mon père ! Il avait la joue toute mouillée de larmes.» (pages 257-258). Dans cette forte péripétie du combat entre les des deux alliés, si Antonio veut épargner Maudru, c’est qu’il a découvert le drame d’un homme avec lequel il s’identifie, Giono ayant ainsi su, avec un art admirable, marier la technique du conteur de bagarres et la subtilité du romancier psychologue. L'épisode de cette nuit est relaté en dix-huit pages qui forment la totalité du chapitre. Ainsi, dans cette partie, le récit privilégie naturellement des moments forts et enchaînés qui le font progresser, et étire la relation de ces épisodes en laissant dans le néant tout ce qui leur est étranger.
La troisième partie s’ouvre sur un poème du printemps. Mais y est subrepticement intercalée la mention du radeau (page 263) qui ramène aux personnages humains, le besson et Gina, Antonio, Clara, qui, la tension relâchée, la vengeance accomplie, le printemps revenu, peuvent en toute tranquillité rejoindre le pays du sud par navigation sur le fleuve, retour allègre et allégé, libéré des pesanteurs du départ. Une importance égale est accordée au jour et à la nuit (deux jours - deux nuits). Chacun des hommes pense à son avenir en compagnie de sa femme. Le roman se clôt sur un avenir qui déborde et ne lui appartient plus.
La chronologie est linéaire. On ne trouve que de rares analepses : celle où le tatoué raconte l'histoire de la soeur de Maudru et son départ à la Maladrerie ; celles où Toussaint parle du passé de Junie et de Matelot, de l’arrivée du besson, de sa visite auprès du neveu de Maudru ; celle où Antonio fait à Toussaint le rapport de ce qu'il a vu et entendu à Puberclaire.
Plusieurs fins de chapitre sont habiles, suscitent une attente de la suite : dans la première partie, celles des chapitres 3, 4, 7, 9 ; dans la deuxième partie, celles des chapitres 5, 6 («Soudain, il se dégagea de Gina qui lui serrait le bras. Il toucha l'épaule d'Antonio. - Viens, dit-il.» (page 239), du chapitre 7.
Les dialogues ont une densité et une force remarquables : ils rythment le récit autant sinon plus que les événements eux-mêmes. La parole devient action : aux moments de tête à tête privilégiés, elle révèle l'être intérieur des personnages, leur donne chair davantage que leurs actes, et dirige le récit.
Dans cette épopée, ne manquent pas des touches d’humour ou des effets comiques :

- quand Matelot dit à Antonio : «Je viens à cheval», c’est naturellement sur «un gros tronc d’arbre» (page 8) ;

- la truculente «la mère de la route», par son badinage sensuel et moral, retarde le secours à porter à Clara ; appelle le nouveau-né «l’artiste» (page 43) ; rabroue Matelot et Antonio : «Sers-toi un peu de tes mains, toi, le vieux […] Je ne te dis pas d’arracher les couvertures. Là, un peu de sens.» (page 44) - «Et là-bas, le vieux au fusil, tâche à ne pas me faire rôtir ce petit.» - «Qu’est-ce que c’est que ces deux hommes en pâte à pain» (page 45), dans une scène pleine d’une joyeuse rudesse.

- les échanges d’insultes sont plaisants, d’autant plus qu’Antonio renchérit sur «La putain de ta mère» : «Ma mère, peut-être, dit Antonio […]. Mais toi : ton père, ta mère, ta sœur, tes frères, tes tantes et tes oncles, vous êtes tous des putains’’.» (page 59) ; comme est amuant le commentaire de Matelot quand on lui apprend que le besson a dit : «Porte ça à ta putain de mère» : «Là, il a eu tort, on ne doit jamais salir les mères.» (page 114) ;

- on se moque évidemment des gendarmes ; de leur peur : le craquement de dents par Maudru leur fait lâcher leurs mousquetons ; de leur tranquillité de fonctionnaires ; de leur gauloiserie : la plaisanterie au sujet du ventre du neveu et du ventre de la sœur du gendarme (pages 142-143) ;

- la remarque que fait le bouvier parlant aux oiseaux : «Qu’est-ce que ça va faire comme eau quand ça va fondre tout ça ! Vous vous en foutez, vous avec vos ailes mais moi, avec mes pieds !...» (page 145).

- l’effet du rapport établi entre ce chercheur d’or que pourrait être «le cheveu rouge» et la révélation : «voilà qu’en fait d’or le besson enleva sa toque pour se gratter la tête.» (page 147) ;

- l’expression de Matelot : «On gouverne citron» (page 208), les marins voulant aborder une île où ils trouveraient des citrons ;

- l’évocation que fait Maudru de sa découverte de l’amour (page 187) ;

- la saynète : «les Demarignotte, tous les huit : le père, la mère, les deux sœurs et les quatre fils tous habillés pareil, tous parlant et marchant pareil, tous s’attendant à chaque geste, reniflement bas ou remontement de ceintures.» (page 192) - «Les huit Demarignotte entrèrent dans la cyprière. Le père portait une torche, la mère avait pris une torche, les quatre fils aussi, la fille aussi, la dernière portait une lanterne-bœuf.» (page 194) - «assis ensemble, tous en rang, les coudes à la table» (page 197).
En dépit de toutes ces qualités, Jean Giono eut ce jugement à chaud sur le livre : «Ça n'est peut-être pas commercial mais je m'en fous
Point de vue : Il est objectif. Le narrateur est omniscient et pénètre dans les esprits de ses personnages : celui du «bouvier qui gardait l’avancée de Puberclaire» (pages 144 et suivantes) ; celui de Toussaint qui «n’avait pas encore trouvé son équilibre et sa paix», qui «ne pouvait oublier encore le grand matin […] cette Gina jeune…» (page 202) ; surtout celui d’Antoine sur qui se fait le plus souvent la focalisation :

- nous découvrons avec les yeux de l’ignorant qu’il est que la femme souffrante dans la combe est en train d’accoucher (pages 40-41) ;

- plusieurs fois, il tient apparemment conversation avec son interlocuteur alors qu'il s'évade dans ses pensées que le narrateur nous fait partager ;

- nous lisons sa pensée au moment des préparatifs de l’incendie : «Ici, ça ferait bien cheminée» (page 249) ; pendant son combat avec le bouvier : «Il en avait […] On n’y voyait pas là.» (page 250).

La voix du narrateur énonce alors comme «le courant de conscience» brut du personnage, à la limite du style indirect libre. Giono est un virtuose de ces glissements presque insensibles de la voix narrative qui s’infléchit au gré de la perspective adoptée.
Ainsi, dans ‘’Le chant du monde’’, Giono a su user de tous les tons, recourir à toutes les ressources d’une technique qui n’est peut-être que l’épanouissement spontané d’un don véritablement prodigieux, déployer une formidable force créatrice.
Intérêt littéraire
Giono fut toujours animé du plaisir d’écrire : «Mon art a toujours suivi les pentes de mon plaisir […] Il évolue comme mon plaisir.» (interview dans ‘’Les nouvelles littéraires’’). Le mot revint constamment chez cet homme heureux avant tout d’avoir pu, tout au long de sa vie, ne pas passer un jour, ou peu s’en faut, sans écrire. Il aima faire jubiler le langage, faire foisonner le verbe comme une chose vivante elle aussi dans ce monde animé par la même Vie universelle, par le même chant. ‘’Le chant du monde’’ est un effet le chant que produit le monde mais aussi le chant que le monde fait naître sous la plume de l’écrivain.
Son univers tient à une langue et à un style tout à fait personnels. S’il se fit le chantre de la Haute-Provence, il décrivit ses paysage et ses mœurs et il fit parler ses habitants sans recourir au provençal et pas du tout au félibrige, sans tomber dans le piège du parler patoisant. Dans ‘’Le chant du monde’’, il n’introduisit le «patois des forestiers» (page 101) que pour rendre plus sensible la distance entre les paysans de la vallée et les montagnards :

- «Mo mal s’endorme» (page 101)

- «Tiens to tranquille donques» (page 101)

- «Scouto […] qué si va parler de cet homme.» (page 102)

- «Semblo qu’est là tout dret devant moi» (page 103, «dret» s’emploie encore au Québec)

- «Guarissa mé, mon bon moussu !» (page 104).
Ses personnages emploient des mots, des expressions, des tournures populaires :

- les mots :

- «la blanche» (page 40) : l’eau-de-vie ;

- «caisse» pour «cercueil» (page 143) ;

- «capucet» (page 272) : «vêtement à petite capuche» ;

- «chandellon» (page 121) : petite chandelle ;

- «le courtil» qui devient quelques lignes plus loin «la courtille» (page 108) : l’enclos où l’on parque le bétail ;

- «diablon» : «’’Hari diablon !’’ cria Matelot» au cheval entier (page 86) ;

- «entier» : cheval qui n’a pas été châtré (page 72) ;

- «étrangle-chat» (page 91) : croup ;

- «flambard» dans «Tu fais bien ton flambard maintenant» dit «la mère de la route» à Antonio (page 50) : «fanfaron» ;

- «goujaillons» (page 110) : diminutif de «goujat» qui est une création plaisante de Giono ;

- «huis» (page 110, mais aussi pages 235 et 250 dans la narration) : porte ;

- «jak» (page 213) qui s’orthographie plutôt «jack» et désigne le cabestan ;

- «jas» : «le Jas de Jean Richaud» (page 15) - «le jas de l’érable» (page 84) : «bergerie» ;

- «lapin-cochon» (page ) : «cochon d’Inde» ;

- «le mignotage» (page 108), créé à partir de «mignoter», «traiter délicatement, gentiment» ;

- «nonante sous» (page 230) : «quatre-vingt-dix sous» ;

- «poule» (page 53) : terme d’affection pour désigner une jeune femme ;

- «sachant» (page 198) : « instruit », « ferré » ;

- «septante-cinq» (page 100) : «soixante-quinze» ;

- «souille» (page 282) : au sens peut-être de «soue» ;

- «traverse» : «aller à la traverse» (page 62) : «aller à l’encontre», «s’opposer» ;

- «usance» : «au milieu des usances de la vie, la table, la marmite, l’âtre» (page 238) ;
- des expressions :

- «faire la bête» : «Le fleuve n’a pas fait la bête» (page 32) : «ne s’est pas mal conduit» ;

- «une eau d’enfant» (page 32) : « calme » ;

- «faire le petit» (page 41) : « accoucher » ;

- «Laisse-les débrouiller» (page 85) : il s’agit du cheval et de la jument : «laisse-les s’arranger» ;

- «Appelle-toi que tu t’en vas» (page 119) : « Réagis contre ton engourdissement » ;

- «Tu te déparles» (page 158) : «Tu te déprécies» ;

- « avoir des mains rapides » (« donner des coups » : « Il a peut-être eu des mains rapides avec Gina la jeune. » (page 170) :
- des jurons hauts en couleur qui expriment la familiarité bourrue ou la haine :

- «la putain de ta mère […] Ma mère, peut-être, dit Antonio[…]. Mais toi : ton père, ta mère, ta sœur, tes frères, tes tantes et tes oncles, vous êtes tous des putains’’.» (page 59) ;

- «Merde pour le dernier homme, se dit-il, et pour Junie, et pour le besson. Merde pour tous.» (page 62) ;

- «ferme ta gueule» (page 68) ;

- «Qu’est-ce qui m’a fichu un barbu comme ça?» (page 71) ;

- «Avale ta barbe, va» (page 72) ;

- «Tu comprends, noisette?» (page 78) ;

- «enflé de galère, père du cochon» (page 83) ;

- «la vache de ta mère» - «les salauds» - «la garce» (page 101) ;

- «Fumiers d’ours» (page 107) ;

- «Ferme ta boîte à malices» (page 164) ;

- «pourri de Dieu» - «viande de fleuve !» (page 169) ;

- «carne de bœuf» (page 247).
- d’admirables dictons où s’est concrétisée la sagesse des paysans :

- «Les arbres qu’on greffe haut portent deux fruits, un doux, un âpre.» (page 28) ;

- «Crier pour le commencer et crier pour le finir, c’est la règle.» (page 42) : à la naissance et dans l’agonie ;

- «La vie est une drôle de roue» (page 106) ;

- «l’époque de l’amour, c’est l’époque du mensonge» (page 131) ;

- «dieu vole, allez l’attraper à pied» (page 135) ;

- «le sort est comme un marchand de veaux : pour mieux te tromper il te soûle.» (page 136) ;

- «On n’est pas gaillard que de bras» (page 157) ;

- «les fléaux de tes bras, s’ils frappent pour des choses comme ça, c’est qu’un autre que toi en tient le manche.» (page 160) ;

- «Les femmes ça a toujours un coin où, en appuyant, ça pleure.» (page 199) ;

- «la langue bat où la dent fait mal.» (page 248).
- des constructions contestables :

- «ne» employé seul : «Ne t’inquiète» (pages 13, 43, 48, 120) ;

- «ne» supprimé : «rien dérange» (page 84) ;

- «Tu peux dire avec moi» (page 8) : « Tu peux me parler en toute confiance » ;

- «le temps me passait» (page 10) ;

- «si moi j’avais de l’idée» (page 34) ;

- «ne dis plus le mot» (page 43) : « tais-toi » ;

- «qu’est-ce que tu te crois d’être» (page 43) ;

- « C’était loin de dix ans depuis qu’ils avaient trouvé la femme.» (pages 44-45) ;

- «de l’alcool de loin» (page 46) : « c’est de l’alcool qui vient de loin » ;

- «Il va falloir que je marche après mes bêtes» (page 48) : « que j’aille à la recherche de mes bêtes » ;

- «il fait sentinelle» (page 51) ;

- «ça serait hors de justice» (page 53) ;

- «tout l’apprendre» (page 54) : antéposition de «tout» qui est encore courante au Québec ;

- «Quelqu’un vous a donné commission» (page 68) : «quelqu’un vous a envoyé» ;

- «si on allait avec» (page 84) ;

- «On nous voudra?» (page 84) : « Voudra-t-on de nous? » ;

- «coupe que tu coupes, taille que tu tailles» (page 90), «pleuve que pleuve» (page103) : formulations qui marquent la continuité des actions ;

- «vire que je t’écorche» (page 101) : «retourne-toi avant que je t’écorche» ;

- «On lui disait Gina» (page 107) : « On l’appelait Gina » ;

- «Je l’ai connue égal égale» (page 108) : « d’égal à égale » ;

- «à des matins» (page 121) (usage encore courant au Québec) ;

- «Ça redisait tout le temps pareil» (page 125) ;

- «Fais ton train» (page 140) : «Va à ton allure» («faire son train» est encore en usage au Québec) ;

- «je fais encore besoin sur la terre» (page 164) : « je suis encore utile » ;

- «va bon cœur« (page 169) ;

- «Crois-moi que» (page 199) ;

- «Ça a l’air d’être sans personne» (page 215) : « Il semble qu’il n’y ait personne » ;

- «mettre au libre» (page 219) : « leur donner la liberté » ;

- «Qu’est-ce que tu crois d’avoir fait, toi?» (page 220) ;

- «le pied a de quoi» (page 231) : abréviation de «le pied a de quoi faire» ;

- «tu parles à toi» (page 272) ;
- des conjugaisons incorrectes :

- «Assis-toi» (pages 16, 132), forme qui est encore en usage au Québec ;

- «tu parles à toi» (page 272).
Les échanges des paysans étant placés sous le signe de l’économie, le style est alors sobre, laconique. Peu d’informations sont échangées, les «oui» et les «non» sont récurrents, les phrases sont courtes, elliptiques :

- «-Tu as regardé l’eau aujourd’hui? – Oui, et tout hier. – Du côté du grand courant? – Oui. – Tu as vu passer nos arbres? – Non. - Sûr? - Sûr.» (page 8).

- «Tu as du tabac sec? – Oui, dit Antonio. Il se fouilla. - Ma main est là, dit-il. – Où? – Devant toi.» (pages 8-9).

- «-Et l’enfant? elle a dit. – L’enfant, j’ai dit, quoi? – Il devrait être ici. – Le temps de faire, j’ai dit. – Le temps a passé, elle a dit.» (page 10).

- «- Un beau temps, dit Matelot. – Va vers l’hiver, dit Antonio. – Me fous de l’hiver s’il est vivant, dit Matelot.» (page 57).

- «- Corne? demanda Matelot en montrant la blessure. – Fusil, dit le tatoué. – Quand? – Hier. - Chasse? - Bataille.» (page 106).

- « Où allez-vous? - À la ville. […] Quoi faire? - Chez un ami. - Qui? - Un qui vend des almanachs. […] Vous avez des papiers? - Oui. - Voir. […] C’est ton nom, ça? - Oui, dit Matelot. - T’en as pas d’autres? - Non. - Forêt de Nibles, où tu restes, c’est de l’autre côté des gorges? - Oui. - Bûcheron? - Oui. - Jamais acheté des bois par ici? - Jamais - Commerce? - Jamais. - Envoyé quelqu’un? - Jamais. C’est trop loin. Pas commode. Petite affaire. Je coupe sur place. Et je suis seul. - Et toi, pêcheur? - Pêcheur, dit Antonio. - Qu’est-ce que c’est, cette association-là, tous les deux? - Pas d’association, dit Antonio, on est voisins. Comme ça. - Voir les fusils. Chargés? - Non. - Montre les canons. […] Allez, dit-il. » (pages 117-118)

- « Droit, dit le tatoué. […] - Gauche.[…] - Main. - Monte. Attends. Droit. C’est solide. La main. » (pages 179-180).

Mais, dans le peu de dit, surtout entre Antonio et Matelot, circule un non-dit touffu, riche d’un sens sous-jacent qui crée une tension.
On trouve aussi des mots, des expressions, des tournures populaires dans la narration :

- les mots :

- «aise» : «reprendre l’aise plate» (page 267) ;

- «aisance» : «l’aisance de ses bras» (page 223) ;

- «apailler» (« garnir de paille ») : «on avait apaillé de frais» (page 246) ;

- «apâtureur» (page 181) : « pâtre », « berger » ;

- «s’approprier» au sens de «s’habituer» : «s’approprier au rasoir» (page 142) ;

- «besson» : «jumeau» ;

- «bouffin» : «Antonio s’en mit un gros bouffin dans la bouche.» (page 101) : morceau qui gonfle la bouche ;

- «se bourrer» : «se précipiter» : «Il se bourra en avant» (page 180) ;

- «connaître» : «Antonio ne connut pas son poids» (page 44) ;

- «cropetonné» (page 132) : «à croupetons»  ;

- «débit» (page 140) : « débit de boisson », « café » ;

- «défens» dans «bois défens» (page 87) : bois où il était interdit de pratiquer des coupes ou qu’il était interdit de parcourir ;

- «détorbe» : «un débit […] appelé ‘’À la détorbe’’», mot du vieux français «destorber», «détourner», «dévier du droit chemin», ce
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