Pour lequel on trouve un résumé








télécharger 0.56 Mb.
titrePour lequel on trouve un résumé
page12/15
date de publication12.08.2018
taille0.56 Mb.
typeRésumé
l.21-bal.com > loi > Résumé
1   ...   7   8   9   10   11   12   13   14   15
mère du blé» : «La rue coulait pleine de gens qui descendaient vers la place aux quais où l’on devait brûler le mai de paille. […] Les bouviers de Maudru avaient apporté au milieu de la place la mère du blé. C’était une énorme gerbe de blé presque noir de paille avec encore sa chevelure blonde. La vieille gerbe faite de toutes les dernières javelles des champs, on l’avait habillée de trois jupes de femme, d’un gros tourillon d’avoine, et elle était là, « enceinte du labeur des hommes avec son ventre pesant de graines, ses seins de paille, sa vieille tête d’épis. […] Un bouvier avait pris une torche de lavande. Il souleva les jupes de la mère du blé. Il se mit à lui faire l’amour par-dessous avec sa torche enflammée et soudain elle s’embrasa.» (pages 227-229). Ce rite, où la gerbe représente une femme enceinte et la torche devient un véritable phallus, qui affirme la pérennité de la fécondité, qui est la perpétuation d’un paganisme ancestral, et dont Giono avait puisé l’idée dans ‘’Le rameau d’or’’ de James Frazer, immense répertoire des mythes et rites de l’humanité, livre qu’il avait reçu d’Adrienne Monnier, est célébré par les bouviers de Maudru dans une ville où on entend pourtant la cloche de l’église et qui est dominée par le palais des évêques.

Cette ville, si elle est vieille (Villevieille est un nom significatif même s’il est peut-être authentique) et envahie par une végétation conquérante, si elle est sombre, inquiétante, inhumaine, si elle participe à cette intemporalité,  est séparée entre une «ville haute» (pages 115, 232)) et une «ville basse» (pages 124, 216).

Dans la ville haute, qui est étrangement ruinée, juste en-dessous du palais des évêques (inspiré peut-être par celui de Sisteron), Toussaint habite «une vieille maison crevée, échinée et rompue [qui] luisait comme un crâne de bœuf» (page 124), une maison «toute creusée de petites cellules voûtées, taillées en pleins murs. Elles donnaient par d’étroites fenêtres sur une haute galerie dominant la ville, les champs et les forêts glacées.» (pages 143-144). «Il n’y a plus que celle-là de vivante sous le palais des évêques» (page 123) qui est «une ruine toute mâchée de pluie et de vent» (page 124). Gina s’insurge contre l’emprisonnement dans cette maison : «Je ne suis pas une taupe pour faire des petits au fond de l’ombre loin du soleil, cachée, tout entourée de couloirs, de murs, de portes et de serrures» (page 162) car, chez Giono, les vrais paysans vivent mal à l’aise dans la ville, s’y sentent étouffer. Et, comme le nota Jacques Pugnet, «quand on doit vivre dans une agglomération, on s’y tient caché.» La ville haute est manifestement l’étage des autorités, car « La place de l’église était déjà sur une haute estrade de la ville, hors des boutiques et des ateliers. Dans un coin il y avait la maison du notaire avec ses grosses médailles au-dessus de la porte. Dans l’autre coin une vieille maison bourgeoise sifflotait un air de violon aigre par le joint doré de ses volets. Entre les maisons une balustrade de pierre dominait la ville basse avec ses rues charriant les lanternes des tanneurs.» (pages 123-124).

La ville basse, au contraire, laisse place à une véritable activité industrielle, les «foulons» (machines servant au foulage des cuirs) des « tanneries » étant actionnés par l’eau du fleuve :

- «Au-delà, sur le tranchant de la colline, était une grande ville très vieille, blanche comme un mort. Des lauriers sortaient des décombres ; ils voletaient lourdement sur place dans les maisons écroulées en frappant les murs de leurs ailes de fer. En bas, le fleuve bouillonnait sous un pont sombre et la ville entrait dans les eaux par un quai vertigineux tout ruisselant d’une sorte de sanie gluante et mordorée. Sur ce mur qui surplombait le fleuve séchaient de larges peaux de bœufs écarquillées comme des étoiles.

Des tanneries aux tuiles grises se gonflaient dans l’entassement blond des écorces de chênes moulues. Le battement sourd des foulons ébranlait les profondeurs sombres de la terre avec le bruit d’un gros cœur chargé de sang. La ville aux murs bas constellés de peaux de bêtes échelait à la colline dans la laine de ses fumées. Le souffle épais, tout pailleté de braises, d’un four de boulanger sautait avec ses molles pattes d’ours de terrase en terrasse. Plus haut, de très vieilles maisons osseuses, fleuries de génoises et de pigeonniers, émergeaient. À de larges fenêtres partagées par des croix de pierre apparaissait la tête sévère des arbousiers qui avaient poussé à travers les planchers. Quand le poids des nuages étouffait le bruit des foulons à tanner, on entendait chanter la ville haute. C’était comme un bruit de forêt, mais avec des ronflements plus longs. Le vent se tordait dans les salles désertes, les corridors, les escaliers, les caves profondes. Le vent mourait ; le chant n’était plus que le frémissement d’un tambour ; alors les longs canaux de bois dans lesquels on faisait couler l’eau sonnaient comme des flûtes. Puis, le nuage se relevait et le battement des foulons recommençait à lancer dans les cavités de la ville le tremblement des taureaux abattus. Une odeur d’écharnage, de tan, et de vieux plâtre giclait sous la main plate du vent.

Sur tout son corps, la ville portait les longues balafres noirâtres de la pluie. Derrière elle, d’énormes montagnes violettes gonflées d’eau dormaient sous le ciel sombre.» (page 114).

- «La rue était droite et sombre. On avait déjà allumé les lampes dans les arrière-boutiques. Les tanneries s’allongeaient sur tout le côté droit de la rue. De loin en loin des ruelles couvertes toutes en tunnels et en escaliers descendaient à travers les fabriques et les remparts, jusqu’au fleuve dont on voyait luire en bas les écailles jaunes. Ici le bruit des foulons était énorme et sournois. Il sonnait au fond de la terre, il faisait trembler les carreaux des boutiques et sauter la montre entre les doigts de l’horloger. Au bout d’un moment on s’y habituait. Devant des éventaires de légumes des revendeurs espagnols criaient des noms de plantes. On ne les comprenait pas. Ils riaient, avec leurs grosses lèvres ils composaient doucement le nom.» (page 118).
On découvre ainsi le métier de tanneur. Il s’agit d’abord de délier les «ballots de peaux de bœufs.» (page 216) et de les écharner, c’est-à-dire les débarrasser de la chair qui y adhérait : d’où «une odeur d’écharnage» (page 115) ; puis de les préparer avec du tan (écorce de chêne pulvérisée, d’où les «écorces de chênes moulues») pour les rendre imputrescibles et en faire du cuir, d’où «le grondement des grandes portes de fer qu’on ouvrait pour décharger le vieux tan dans le fleuve» (page 174) ; enfin de les  fouler, de les corroyer, pour les assouplir, d’où «le bruit des foulons à tanner» (page 174) - «Un coup sourd ébranla la terre ; un foulon se mit à battre très vite, comme affolé, puis on entendit le grincement du grand frein d’acier et le foulon s’arrêta. - Il y a trop d’eau, dit Matelot, ils ne peuvent pas mettre en marche, ils essaient.» (page 216). On comprend que les tanneurs portent de «grosses bottes de cuir» (page 211). Ils travaillent dans des ateliers qui sont soumis aux horaires de l’industrie moderne, qui appartiennent à des patrons qui sont les clients de Maudru. On peut donc s’étonner qu’Aragon n’ait pas vu «la France capitaliste» dans ‘’Le chant du monde’’.
Cependant, libérée de l’oppression des foulons, la ville apparaît plus séduisante dans de petites scènes vives où quelques figures se détachent de la masse indistincte des habitants :

- «Le clocher sonna six heures. Le bruit des foulons s’arrêta. Il y eut comme un grand silence puis on entendit ce grignotement que faisaient dans les maisons de la ville les mille et mille pas des ménagères qui préparaient le repas du soir, les pas des jeunes filles qui descendaient les escaliers pour aller chercher de l’eau aux fontaines et rencontrer les amoureux, les galopades des petits enfants dans les couloirs. Les tanneries ouvrirent leurs portes. Les tanneurs sortirent leurs lanternes à la main. Une odeur sauvage de viande pourrie et de sel fumait autour d’eux.» (page 123).

- «Une femme jouait à la balle avec la balle de sa petite fille. Elle sautait : sur un pied, sur l’autre, petit tourbillon, grand tourbillon, d’une main, de l’autre. Son chignon s’était déroulé sur son dos Dans la rue passaient de gros lambeaux de brouillard chassés par le vent et, de temps en temps, des filles qui couraient poursuivies par des garçons. Elles se réfugiaient dans les couloirs des maisons. Elles criaient quand le garçon les avait saisies mais elles se taisaient vite car l’autre profitait de l’ombre pour les embrasser. Ainsi le garçon et la fille voyaient tout d’un coup, dans l’ombre du corridor, leurs deux visages hâlés par le bas, leurs fronts pâles, leurs yeux inquiets de printemps se rapprocher et se toucher comme deux graines au fond de la terre. Pendant ce temps, les autres filles restées au camp se mettaient à chanter, Elles savaient bien que là-bas on était en train de s’embrasser. C’est pour ça qu’elles chantaient, c’était le jeu.» (pages 216-217).

Il reste que Villevieille, puissante antithèse du pays Rebeillard qui rayonne dans l’éclat de la lumière blanche et de la neige, est une ville inquiétante où règne un clair-obscur qui ajoute au climat étrange, une ville hétéroclite et ambiguë, à la fois presque industrielle avec ses «fabriques», le travail souterrain de ses «foulons», et archaïque avec ses ruines et ses remparts où s’opposent les hauteurs déchues et des bas-fonds où s’accomplit un continuel carnage de bovins, univers nocturne, de déchéance. La tragédie est donc inscrite dans la topographie : le «chant» de la ville haute se développe sur la négation de la ville basse, celle-ci étant elle-même négation de la force des taureaux.
Ainsi Giono afficha une fois de plus son mépris de la ville, foyer de pestilence physique et morale opposé à la montagne. Ses habitants sont faibles et ridicules par rapport aux paysans. Dans ‘’Jean le Bleu’’ déjà, il avait décrit ainsi Manosque, sa propre ville : « La ville à la fois cuite et pourrie, la ville qui sent mauvais comme un morceau de viande pourrie qu’on a mis à griller sur les charbons, la ville avec ses typhiques, ses fumiers. » Cela annonçait les terribles évocations qu’on trouve dans ‘’Le hussard sur le toit’’ où Angelo s’isole au-dessus d’une ville en proie au choléra et aux atrocités de tout genre que les habitants inventent de surcroît : «Il avait l’impression que, sous lui, la ville était toute pourriture

Intérêt psychologique
Les personnages du ‘’Chant du monde’’, s’ils sont épiques, même si on ne sait d’eux que le strict nécessaire, le récit ne débordant jamais, ne sont pas unidimensionnels. Et Giono, toujours aussi attentif observateur, s’intéresse même avec beaucoup de soin à toutes les figures qui apparaissent, chacune d’elles étant peinte avec vigueur, souvent en quelques traits décisifs :

«La mère de la route» «était une femme forte et brune avec de la moustache et de gros sourcils», «était faite comme un homme, à mains épaisses, un nez de mâle, un corps sans hanches, seulement un peu attendrie à la poitrine.» (page 42). «Le bouvier au manteau» devient «le manteau». «Le jeune homme maigre» répète «On va pas se laisser manger notre fricot» (page 65). Le conducteur du char qui est croqué en quelques mots : «Il était en velours gris avec de grosses mains qui ne savaient plus rien faire après avoir lâché les guides.» (page 84). Le charron «était un petit homme râblé avec d’énormes mains en racines d’arbre.» (page 97). La femme de la grange «était jeune, toute dorée, avec une belle ombre au long de l’échine, des seins durs à peine fleuris» (page 99) ; «Elle avait de belles cuisses. Elle se défendait contre les hommes avec les grands revers d’un rameau de thuya. Elle se pliait sur les jarrets, elle sautait et ses pieds quittaient le sol. Elle frappait. […] Flagellée par les sifflantes branches vertes des hommes, elle laissa tomber sa branche, elle se mit à rire d’un rie gémissant qui fit danser les mulets. Elle griffait ses cheveux. » (page 100). «L’homme au foulard» «était un bel homme, au plein de l’âge, le ventre creux, les cuisses longues, les poignets fins.» (page 101). «L’autre avait la charpente d’un dresseur de bêtes, tors et musclé rond, avec un buste lourd comme un rouleau de marbre. Il avait une grosse étoile bleue tatouée sur le haut du bras.» (page 101). «Le bouvier qui gardait l’avancée de Puberclaire» «était lourd. Il marchait lentement. Il faisait juste les gestes qu’il faut.», parlait aux oiseaux et observait le skieur : «Il en avait les yeux ronds ; plus de surprise que de peur mais quand même d’être embêté d’être si près du cheveu rouge.» (pages 145-147). La «petite fille maigre aux fesses en gousses d’ail» (page 217) qui s’appelle «La Bioque» (variation sur «la vioque» : «la vieille», du fait de sa précoce maturité?), tient «le débit» ‘’À la détorbe’’, joue «des tristes» à la guitare, est une observatrice déjà désabusée de la vie qui montre un sérieux, une sagesse prématurés (pages 2221-222).

Les bourgeois de Villevieille sont caricaturés dans une galerie de portraits (pages 192-199). Delphine Mélitta apparaît «avec son toquet, ses bottes et son fouet, et cet air cassant qu’elle avait pour tout, même quand il fallait demander aux hommes des choses tendres». Les Demarignotte se meuvent avec un bel ensemble : «tous les huit : le père, la mère, les deux sœurs et les quatre fils tous habillés pareil, tous parlant et marchant pareil, tous s’attendant à chaque geste, reniflement bas ou remontement de ceintures.» (page 192) - «Les huit Demarignotte entrèrent dans la cyprière. Le père portait une torche, la mère avait pris une torche, les quatre fils aussi, la fille aussi, la dernière portait une lanterne-bœuf.» (page 194) - «assis ensemble, tous en rang, les coudes à la table» (page 197). Héloïse Barbe-Baille, pour descendre «d’une ridelle sans marchepied», demande son aide à Bertrand-le-gaz : «Elle se retint au cou de Bertrand-le-gaz. Il aurait donné mille peaux de loutre pour ça. […] Ses belles hanches rondes veloutées de peau de renard se balançaient. ‘’Qu’est-ce que je fais, se dit Bertrand, je la suis? Si je lui disais ce soir?...’’» (pages 192-193).
Giono manifestait déjà ce goût du «petit détail vrai» de celui dont il allait être le disciple déclaré, Stendhal : en pleine bagarre, le besson frappe un bouvier et remarque : «La bouche du bouvier sentait l’oignon.» (page 255).
Mais ce qui compte surtout, c’est la profondeur, l’épaisseur, qu’il a su donner à ses personnages principaux (dont on a pu remarquer qu’ils sont plusieurs à porter des prénoms italiens, Giono aimant rêver à sa lignée paternelle qui était d’origine piémontaise) et surtout à Antonio dont l’évolution donne au roman son sens.
Maudru lui-même, s’il apparaît d’abord comme un tyran monstrueux, comme un homme puissant et farouche, a ses faiblesses. On découvre qu’il est en fait un infirme dont le corps est une sorte de tronc : «Sa tête était plantée directement dans ses grandes épaules. Son menton touchait sa poitrine. Il ne pouvait regarder autour de lui qu’en se bougeant tout entier.» (page 183) et qui souffre d’une «jambe traînante» (page 184). Il a épousé la fille d’un tanneur (page 186-187), et la mort de ce seul être qu'il aimait l’a dégoûté de la vie, ce qui révèle toute une dimension de pathétique douleur. Alors qu’il a habituellement un style haletant qui donne beaucoup de vigueur et de vérité à ses propos (page 186), auprès de la tombe du neveu, Antonio découvre qu’il avait «
1   ...   7   8   9   10   11   12   13   14   15

similaire:

Pour lequel on trouve un résumé iconPour lequel on trouve un résumé

Pour lequel on trouve un résumé iconPour lequel on trouve un résumé
«stage» est arrêté un temps par Rip et ses hommes qui sont à la recherche de Jean-Sans-Nom

Pour lequel on trouve un résumé iconPour lequel on trouve un résumé
«la moustiquaire» : le rideau de tissu transparent placé au-dessus du lit pour protéger le dormeur des moustiques et non la toile...

Pour lequel on trouve un résumé iconPour laquelle on trouve un résumé
«Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort»

Pour lequel on trouve un résumé iconLa notion de l’optimisation est un mécanisme par lequel on trouve...

Pour lequel on trouve un résumé iconCréation artificielle de gravité
«Tout corps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel IL se trouve, à moins que quelque...

Pour lequel on trouve un résumé iconUn gaz parfait pour lequel C

Pour lequel on trouve un résumé iconLequel de ces sites n'est pas conçu pour héberger des vidéos ?

Pour lequel on trouve un résumé iconPour mettre fin au recours aux abris de protection civile pour héberger des demandeurs d’asile
«les locaux dont le plancher se trouve au-dessous du niveau général du sol adjacent ne peuvent servir à l’habitation»

Pour lequel on trouve un résumé iconL'inhibition intellectuelle chez l'enfant intellectuellement précoce
«surdoué, tellement gêné (pour ne pas dire «handicapé») par sa haute intelligence qu’il doive parfois inhiber ses potentialités (rogner...








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
l.21-bal.com