La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice








télécharger 13.79 Kb.
titreLa justice populaire, un acte qui n’a rien de justice
date de publication10.08.2018
taille13.79 Kb.
typeDocumentos
l.21-bal.com > loi > Documentos
La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice

(RCN Justice &Démocratie-UCOFEM-JED) À Lubumbashi, dans les communes périphériques, la population de certains quartiers se livre à la justice populaire face aux cas de vol et insécurité qui montent en flèche. Tel est le cas du quartier Gécamines. Cependant, les autorités judiciaires rappellent que personne ne doit se rendre justice.

Il y a, ce matin du 9 avril 2016, une grande agitation au quartier Mampala, dans la commune de Lubumbashi. Les passants sont dans l’émoi. Au terrain appelé Mashala, les habitants du quartier ont brulé un homme. La victime, selon les dires des uns et des autres, se serait introduite par effraction dans une maison située au numéro 30 de l’avenue Basanga. Alice Mutabi, témoin de l’événement, indique que la personne tuée n’avait rien en main prouvant le vol. « Il a eu des longues disputes avec ses contradicteurs, et ceux-ci ont exécuté leur sentence en le brûlant », explique-t-elle. Il semble que les habitants de ces quartiers se rendent toujours justice ainsi, estimant que le pouvoir judiciaire ne fait rien. Ils disent veiller sur eux-mêmes. D’où leur référence au slogan « Kinka ville », comme pour dire « Gardons la ville », que lançait l’ancien maire de la ville de Lubumbashi, Kaseba Makunko.

Multiplicité des cas

L’ampleur du phénomène prend des allures inquiétantes. Il devient fréquent, dès qu’un présumé voleur est attrapé, que l’on entende dans la foule certains en appeler au supplice du collier. Si rien n’est fait comme intervention, un pneu mouillé à l’essence sera vite placé au cou de l’infortuné, avant le claquement d’une tige d’allumette. Il s’agit de la deuxième personne brûlée dans la cité Gécamines, en l’espace de deux mois, après celle du terrain de football de l’équipe de Lubumbashi Sport. Alias Joseph, un commissaire de police hostile à la justice populaire, reconnaît être descendu plusieurs fois pour récupérer des corps calcinés et les acheminer à la morgue de l’Hôpital Jason Sendwe.

Le manque de confiance en la justice

« Auparavant, les malfaiteurs arrêtés par la population étaient remis entre les mains des services de l’ordre, mais la population était déçue de les voir relâchés. Une fois en liberté, ceux-ci commettaient de nouveau les mêmes forfaits. Pis encore, il s’est trouvé que certains malfrats ont opéré de braquages et extorsions sur la population, en complicité avec quelques éléments des services de l’ordre », indique Sébastien Kongolo, un vendeur des produits de beauté au marché Malu-Mantonda, près de l’arrêt des bus Matipisha, à la cité Gécamines. Bady Kayamba, professeur en criminologie à l’Université de Lubumbashi, avance trois raisons qui seraient à la base du phénomène « Justice populaire » dans la ville cuprifère. Il cite entre autres le manque de confiance de la population en la justice, la corruption qui gangrène l’appareil judiciaire congolais, et la misère qui bat son plein au sein de la population. « Il est difficile de s’attendre à un bon rendement de la police congolaise tant que les éléments de celle-ci seront mal payés et leurs effectifs insignifiants pour protéger tout Lubumbashi », explique-t-il. Pour sa part, Etienne Bubende, étudiant en sciences infirmières à l’Université de Lubumbashi, pense que la population se rend justice parce que les policiers qui doivent la sécuriser ne sont pas en nombre important.

La loi condamne

Se référant aux articles 43 et 44 du code pénal congolais, Ben Masudi, avocat près le barreau de Lubumbashi, explique que « la peine de mort » demeure la sanction réservée à tout auteur de cas d’homicide volontaire avec intention de tuer. En outre, il indique que l’article 48 du même code prévoit « 5 à 20 ans de prison avec une amende ne dépassant pas 2 000 francs congolais pour les auteurs des coups et blessures suivis de cas de meurtre sans intention de donner la mort et, pourtant causée ». Le code pénal interne en son article premier, livre premier, dispose que « Nulle infraction ne peut être punie des peines qui n’étaient pas portées par la loi avant que l’infraction fût commise ».

Me Martin Kayembe, egalement avocat près le barreau de Lubumbashi renchérit que la loi protège toute personne quelque soit le degré d’infractions commises, même si elle venait de tuer son semblable. En effet, le pouvoir de juger est réservé aux seuls juges et la société n’a aucunement le droit de se rendre justice de peur de tomber sous la rigueur de la loi. « Arrêter un voleur en pleine action, lui administrer des coups et blessures, l’auteur de cet acte sera puni d’une servitude pénale de huit jours à six mois et d’une amende de vingt-cinq à deux cent francs ou d’une de ces peines seulement. (Article 46 du code pénal) Il sera également poursuivi d’homicide involontaire lorsque l’auteur, sans intention de tuer, les coups et blessures portés au voleur entrainent la mort ».

Georgiennes Bouvet Boukasa, avocate de son état, soutient l’argumentaire de ses prédécesseurs. Elle pense que tout dépend de la souveraineté du juge qui va instruire le dossier car il peut soit atténuer les faits soit les aggraver pour les récidivistes ; une façon de donner une leçon à la société et décourager les instigateurs. C’est pourquoi il existe des instances judiciaires dotées du pouvoir de juger au sein de celle-ci conclue-t-elle. La société n’est pas appelée à se faire justice, souligne Me Emery Kabonka. En effet, nous, africains, avons déjà dépassé la période d’avant colonisation qui nous conditionnait de traiter ou encore régler toutes les affaires (vols, injures, bagarres, guerres entre communautés), sous l’arbre à palabre en présence des enfants, jeunes et vieux. De nos jours, il est inadmissible qu’une communauté au monde, quel que soit son statut, puisse se rendre justice. L’arbre à palabre est remplacé par des instances juridictionnelles dans les différentes villes et communes afin d’abolir la vengeance privée, a-t-il martelé. Il estime que la loi reconnait à toute personne le droit de se défendre, mais cela dans la proportionnalité des moyens utilisés. Il en appelle donc aux victimes à se référer toujours à la police et aux juridictions compétentes proches d’elles, même si elles ont raison. Edmond Picard n’avait-il pas dit que « Le palais de justice est un hôpital de droit malade ? », justifie Me Kabonka. Il soutient par ailleurs que la loi judiciaire recherche les infractions pour punir afin de décourager les autres membres de la société à ne plus refaire l’acte condamné. Et pour ce genre de cas, l’auteur est puni d’une servitude pénale de cinq à vingt ans et d’une amende qui ne pourra excéder deux mille francs congolais.

Seule la justice prévoit des sanctions

Le premier Substitut du Procureur de la République de Lubumbashi, Matthieu Kitwa, déclare que « La justice populaire est un terme utilisé à tort par le commun de mortels car, l’acte qui consiste à brûler n’a rien de justice ». En vertu du principe général du Droit, rappelle-t-il, « Nul ne peut se rendre justice ». C’est en connaissance de cause que la charge de dire le droit est confiée aux Cours et Tribunaux. « C’est pour éviter que les innocents ne soient condamnés arbitrairement par des personnes qui ne connaissent rien du droit, Car, la procédure pénale reconnait à toute personne accusée la présomption d’innocence », explique-t-il en insistant que sur toute la ville de Lubumbashi, la justice populaire doit être découragée.

La sensibilisation

Pour le chef de quartier Mampala, Jean-Claude Mujing, l’heure est à la sensibilisation de la population pour mettre fin à la justice populaire. Il estime que parmi les personnes tuées, certaines sont des innocentes. « Personne ne peut mourir sans raison. Notre travail est celui d’amener la population à ne pas céder à l’émotion et à ne pas se faire justice, car, les instances compétentes existent », conseille Mr Mujing. Reconnaissant l’apport de la police dans son ressort, il appelle la population à une vigilance accrue et à la retenue pour éviter de recourir au supplice de collier, acte répréhensible par la loi.  La police demeure l’organe habilité à protéger les personnes et leurs biens.

Jeef Kazadi


similaire:

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconEducation et Justice
«13/18 questions de justice» réalisée par la Protection Judiciaire de la Jeunesse

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconL’Assemblée nationale et le Sénat ont délibéré
Art. L. 111 Le service public de la justice concourt à l’accès au droit et assure un égal accès à la justice

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconI. Historique A. Définition Médecine légale = médecine au service...

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconRevue de presse 10: 47 Non content de sa victoire, Raoul Weil attaque...
«coup de théâtre» de lundi en faveur de l’ex-cadre d’ubs est interprété comme la suite logique du «coup de poker» consistant à renoncer...

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconNotions : justice et droit, la politique, la morale
«juge et parti» dans un différend, et qui va peser et décider en fonction d’une norme intangible qui s’applique à tous : la loi

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconManuel d’économie, publié récemment par les Editions Libris, d'avoir...
«juste», c’est dans ce sens large qu’il est utilisé. L’expression «justice» désigne, dans cette acception du mot, toutes les vertus....

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconBulletin de liaison de l’afdr
«Le 1er janvier 2011, ce sont 862 juridictions (contre 1 190 avant la réforme) qui assureront le service public de la Justice» a...

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconPolitique et justice

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconLa justice et le droit

La justice populaire, un acte qui n’a rien de justice iconFiche justice et droit








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
l.21-bal.com