RESPONSABILITÉ DES PERSONNELS DE L'ÉDUCATION NATIONALE
TEXTES DE RÉFÉRENCE
- Loi du 05 avril 1937 (article L 911-4 du Code de l'éducation). - Lois du 13 juillet 1983, (article 11 à 11bisA.) et du 16 décembre 1996 : protection juridique des fonctionnaires et agents publics (frais d'avocat et de procédure pris en charge par l'État quand les faits reprochés à l'agent ne constituent pas une faute personnelle). - Loi du 13 mai 1996 (article L 121-3 du Code pénal) : faute par imprudence ou négligence. - Circulaire du 30 mai 1997 : protection juridique des personnels de l'éducation nationale. - Loi du 10 juillet 2000 (Loi Fauchon) : notion de « délits non intentionnels » ; BO n° du 19 août 2002 (annexe). - nouveau Code pénal (entré en vigueur le 01 mars 1994) : articles L121-3, 221-6, 222-19 et 222-20. - Code civil, articles 1382, 1383, 1384.
LES DIFFERENTS RÉGIMES DE RESPONSABILITÉ
En droit, on distingue, en cas de dommage causé à ou par un élève, trois régimes de responsabilité
1. La responsabilité de l'État.
Elle est engagée quand une faute a été commise par un personnel de l'enseignement public (chef d'établissement ou son adjoint, enseignants, CPE, Assistant d’Education...).
Dans ce cas, la faute a eu lieu pendant le temps scolaire ou au cours d'activités éducatives hors temps scolaire (Association sportive, sorties...).
Cette faute (dommage corporel ou atteinte aux biens de l'élève) doit être prouvée et le lien de causalité entre la responsabilité de l'agent et le dommage doit être établi. On considère par exemple qu'il n'y a pas de faute :
- si les faits à l'origine du dommage ont un caractère d'imprévisibilité ou de soudaineté excluant toute intervention efficace des personnes chargées de la surveillance ;
- si les dommages ont été causés par un objet caché jusqu'au moment de l'accident. Mais il y a faute, si les personnels n'ont pas respecté l'obligation de vigilance et de précaution qui est la leur. Exemple de jurisprudences :
Accidents suite à désobéissance ou chahut
| Cas où la faute est reconnue
| Cas où la faute n’est pas reconnue
| 1977 Accident survenu à un élève blessé à l’œil par une boulette de papier lancée à l’aide d’un élastique par un enfant non identifié ; le jeu dangereux durait depuis plus de cinq minutes, des boulettes de papiers jonchaient le sol et servaient de munitions aux combattants.
1980 Ayant relevé qu’un élève avait blessé par un stylo lancé par un de ses camarades et que ce fait s’était produit au cour d’un changement de classe, la cour d’appel a pu déduire de ces seules constatations que la maîtresse qui surveillait la sortie au moment de l’accident avait commis une faute en laissant s’organiser le désordre.
| 1982 … Un enfant blessé à l’œil par un trombone métallique par un condisciple à l’aide d’un élastique… Ce jet avait constitué un jet si soudain que, quelle qu’ait été la place occupée par les accompagnatrices, et si assidue qu’ait pu être leur surveillance, l’accident n’aurait pu être évité…
1991 Les deux mineurs dont l’un a frappé l’autre avec un tabouret dans le réfectoire d’un établissement scolaire, ne s’étaient jamais fait remarquer défavorablement. La soudaineté des faits a revêtu un caractère d’imprévisibilité assimilable à la force majeure : aucune faute de surveillance ne peut être retenue à l’encontre du directeur et de ses surveillants.
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Procédure :
En cas de dommage causé par ou à un élève, le chef d'établissement doit dans un premier temps réunir le maximum d'éléments pour proposer une transaction amiable aux parents (indemnisation possible). Si cette tentative échoue, une action peut être portée par la victime ou ses représentants légaux
a) devant le juge civil (Tribunal d'instance ou de grande instance) ; s'il y a réparation, celle-ci est prise en charge par l'État (régime de substitution de responsabilité, article L911-4 du Code de l'éducation) ;
b) devant le tribunal répressif (Tribunal correctionnel ou de police) ; elle peut être menée (parallèlement à l'action civile) en cas d'infraction pénale – blessure(s), homicide involontaire.
Le plaignant dispose d'un délai de 3 ans suivant le jour du dommage pour engager des poursuites.
A noter que si la substitution de la responsabilité de l'État est possible, au niveau civil, pour les personnels de l'enseignement public, elle ne soustrait pas ceux-ci à l'exécution de sanctions pénales prononcées contre euX.
Enfin, la responsabilité de l'État peut être atténuée en cas de torts partagés avec la collectivité territoriale (si le dommage est en partie dû à un ouvrage ou travail publics) ou avec la victime elle-même (comme ce fut, par exemple le cas d'une élève qui avait été blessée par le club de golf d'une élève dont elle s'était rapprochée, malgré les recommandations de son professeur – décision de la Cour d'appel de Toulouse, 31 janvier 1994).
2. La responsabilité de l'État et de l'EPLE.
Elle est engagée quand il y a défaut dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Ces défaillances peuvent porter sur un défaut de surveillance, un signalement d'absence trop tardif, un dispositif de sécurité défectueux, une double carence de surveillance et d'infirmerie, un problème d'équipement non signalé à la collectivité de rattachement (qui doit prendre à sa charge les travaux de réparation de l'EPLE- loi de décentralisation )
Procédure : Une demande de réparation doit être adressée au Recteur, sous couvert du chef d'établissement et de l'Inspecteur d'académie. Des éléments de témoignage signés doivent être conservés par le chef d'établissement, afin de défendre l'État et d'apprécier les responsabilités. L'indemnisation qui peut être accordée par le Recteur dans ce cas de figure peut aller jusqu'à 7 500 euros, prélevés sur les crédits de frais de justice et de réparations civiles du Ministère de l'Éducation nationale (chapitre 37-91). La réparation est une indemnité qui couvre tous les préjudices : matériel, économique, esthétique, moral, pretium doloris (prix de la douleur) troubles dans l'existence ;
La responsabilité de l'État peut être atténuée en cas de torts partagés avec la collectivité territoriale (si le dommage est en partie dû à un ouvrage ou travail publics : par exemple, dans le cas d'une chute de panneau de basket-ball ayant entraîné, en 1995, la mort d'un lycéen, l'État a été condamné pour mauvais état du terrain et la Région pour carence d'entretien) ou avec la victime elle-même.
3. La responsabilité de la collectivité territoriale.
D'après la loi du 22 juillet 1983, la collectivité territoriale (Conseil général pour les collèges, Conseil régional pour les lycées) doit assurer « la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement » des établissement scolaires.
La responsabilité de la collectivité locale est donc engagée quand un dommage est dû à un ouvrage public ou un travail public défectueux, qu'il s'agisse d'une défectuosité des locaux, des installations fixes ou des aménagements : chaussées, trottoirs, murs, plafonds, clôtures, canalisations, équipements scellés au sol... Procédure : Une demande de réparation (avec preuves et justificatifs) est à adresser par la victime ou son représentant légal au Conseil général ou régional. Si elle obtient une réponse négative ou si l'indemnisation proposée est insuffisante, un recours est possible auprès du Tribunal administratif.
Pour atténuer sa responsabilité, quand un dommage est imputable à un ouvrage public, la collectivité de rattachement peut montrer qu'il y a eu entretien normal de l'ouvrage (preuves de contrôle, expertises, visites périodiques, travaux de maintenance... toutes démarches d'entretien dont les dates et la teneur sont à préciser).
La responsabilité de la collectivité territoriale peut aussi être atténuée en cas de torts partagés avec l'État (si les actes matériels simples et conservatoires n'ont pas été effectués par les personnels ; si le désordre à l'origine du dommage n'a pas été signalé par le chef d'établissement ; s'il y a eu défaut de surveillance des élèves) ou avec la victime elle-même.
RESPONSABILITÉ DES AGENTS DE L'EPLE La responsabilité d'un agent est mise en cause quand celui-ci a commis une faute personnelle et qu'un lien de cause à effet a été établi entre cette faute et le dommage subi par quelqu'un.
1. Faute personnelle.
Une faute est dite personnelle quand elle est sans lien avec le service (qu'elle a eu lieu dans le cadre de la vie privée, hors exercice de fonction) ou quand l'intention malveillante de son auteur ou sa gravité la rendent inexcusable (faute dite « détachable du service »).
Pour obtenir une indemnisation, la victime peut alors s'adresser au juge judiciaire (action contre l'agent) ou au juge administratif (action contre l'administration).
Si l'indemnisation est prise en charge par l'administration, celle-ci peut se retourner contre l'agent fautif pour réclamer remboursement total ou partiel des dommages et intérêts versés (action récursoire, c'est-à-dire qui ouvre un recours contre quelqu'un).
2. Jeu combiné de la responsabilité pénale et de l'article L911-4 du Code civil.
L'article 1382 du Code civil énonce que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Mais l'article L911-4 du Code de l'éducation (issu de la Loi du 05 avril 1937, article 2) pose le principe de la substitution de la responsabilité de l'État à celle des membres de l'enseignement.
L'État se substitue, au plan civil, à l'agent pour indemniser la victime ou ses ayants droit des préjudices matériels ou moraux dus à l'infraction. Mais la prise en charge des réparations civiles par l'État ne fait pas obstacle à l'exercice de poursuites pénales contre l'agent, voire à sa condamnation.
La loi du 10 juillet 2000, intégrée dans l'article 4-1 du Code de procédure pénale, dissocie faute civile et faute pénale (« L'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie. »)
3. Infractions.
Si la faute personnelle de l'agent est établie, il s'agit d'une infraction relevant du tribunal répressif. Le Code pénal distingue trois catégories d'infractions : - les contraventions relevant du Tribunal de simple police (juge d'instance) ; - les délits relevant de la compétence du Tribunal correctionnel ; - les crimes, déférés à la Cour d'assise.
Les infractions peuvent être volontaires (détournement d'argent public, injures, diffamation, non assistance à personne en danger, violences légères sur mineurs de moins de 15 ans...) ou involontaires (fautes par « imprudence ou négligence »).
La loi du 10 juillet 2000 précise qu'« il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »
Plus généralement, cette loi a souvent été invoquée, dans des affaires récentes mettant en cause des fonctionnaires, notamment dans l'affaire du sang contaminé.
4. Protection juridique des agents.
L'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, la loi du 16 décembre 1997 ainsi que la Circulaire du 30 mai 1997 prévoient la prise en charge par l'État des frais d'avocat et de procédure quand les faits reprochés à l'agent n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. Mais d'éventuelles amendes pénales sont à la charge exclusive de l'agent.
RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT POUR FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR (pour les élèves de l'enseignement technique ou général en laboratoire ou atelier)
Il s'agit d'une responsabilité qui peut être engagée en cas d'accident d'un élève de l'enseignement technique, pour obtenir une réparation forfaitaire résultant de l'application du Code du travail et une réparation supplémentaire spécifique justifiée par une « faute inexcusable de l'employeur » (Code la sécurité sociale, article L452-1).
L'article R412-4 du Code de la sécurité sociale précise les obligations incombant à l'employeur mises à la charge de la personne responsable de la gestion d'un EPLE : - l'État assume les obligations de l'employeur vis-à-vis de l'élève victime d'un accident du travail ; - la faute commise par les personnels de l'EPLE ou de l'entreprise d'accueil du stage entraîne la seule responsabilité de l'administration (le chef d'établissement) agissant sur les questions de sécurité en qualité de représentants de l'État.
On parle de « faute inexcusable de l'employeur », en cas de gravité exceptionnelle de la faute, (acte ou omission volontaire), de conscience du danger qu'avait l'auteur de la faute et d'absence de cause justificative. Par exemple, laisser un jeune inexpérimenté se servir d'une machine dangereuse est une faute inexcusable de l'employeur.
Procédure : Les parents représentants légaux de la victime doivent saisir par lettre la Caisse primaire d'assurance maladie du département d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur et d'une indemnisation corrélative. Puis, deux étapes :
- dans un premier temps un accord à l'amiable peut être proposé par la Caisse primaire ; l'État est alors représenté par le chef d'établissement (qui peut être aidé par le service juridique du Rectorat).
- si aucun accord amiable ne peut être trouvé, la victime peut déposé un recours au Tribunal des affaires de Sécurité sociale (phase contentieuse). L'État est alors représenté par le Direction des affaires juridiques du Ministère de l'économie et des finances. Un appel est possible auprès de la Chambre sociale de la cour d'appel.
La réparation spécifique qui peut être accordée à la victime est entièrement financée par l'État (chapitre 37-91). |