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La division tripartite en droit pénal de forme, au regard des transformations du droit pénal, est-elle encore un fondement de la construction de ce droit pénal ? I] La classification tripartite, une organisation "inappropriée" en droit pénal de forme. A) Le reflet d’une construction déséquilibrée. 1) La relativité initiale de la distinction fond / forme. a) Un édifice intellectuel aux contours imprécis. b) Un jeu de conséquences liant la classification tripartite de forme. 2) L’évolution vers une tendance bipartite. . B) Un édifice remis en cause par les pratiques et le bouleversement de la référence aux valeurs.
II] Une dynamique de remise en cause consacrée par les évolutions du droit pénal. A) Le développement de procédures annexes, attachées à de nouveaux impératifs de classification. 1) Nouvelle gestion des infractions et économie du temps judiciaire. 2) Nouvel espace géographique du droit pénal et redéfinition des juridictions spécialisées. B) Catégorisation et fonctions du droit pénal : quel avenir pour la division formelle ? Comme nous avons pu l’étudier la semaine dernière, le droit pénal de fond est l’ensemble des règles qui vont déterminer quels sont les éléments constitutifs de l’infraction, le régime des peines qui leurs sont applicables ainsi que les causes de responsabilité et d’irresponsabilité pénale. Au sein de ce droit pénal de fond, les infractions sont classées suivant un critère de gravité. On reconnaît en droit pénal français, suivant l’ordre croissant de gravité, la contravention, le délit et le crime. Or pour une bonne application du droit pénal de fond encore faut il des règles qui permettent de faire l’application de ces lois. Il s’agit du droit pénal de forme qui peut être défini de la manière suivante : ce sont l’ensemble des lois qui ont trait à l’organisation des juridictions répressives et à leurs compétences, les lois qui concernent l’ouverture, le déroulement et le jugement du procès pénal, ainsi que les lois qui concernent la prescription de l’action publique. Aujourd’hui nous allons porter un intérêt particulier aux règles de compétence des juridictions répressives ainsi que les procédures qui y sont appliquées. La compétence juridictionnelle est entièrement déterminée par la nature de l’infraction. De part la classification tripartite des infractions en crime, délit, contravention, il doit exister en toute logique trois juridictions en matière pénale. Pour chacune il existe des procédures qui leur sont spécifiques mais certaines peuvent être commune à deux d’entre elles. Il convient maintenant de déterminer ces juridictions. Tout d’abord la Cour d’Assises qui est compétente pour les crimes. Elle existe depuis la Révolution, il s’agit d’une juridiction collégiale composée de trois magistrats professionnels et de six jurés, si elle statue en première instance, et neuf jurés, si elle statue en appel. Une instruction est obligatoire en matière criminelle et elle est saisie par une ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Elle ne siège pas en permanence mais seulement par sessions. Ensuite, le tribunal correctionnel qui a compétence en matière délictuelle. Il s’agit en principe d’une juridiction collégiale mais de plus en plus ce principe devient l’exception puisque la majorité des contentieux traités par cette juridiction se fait à juge unique. Les procédures de saisine sont variées, et cela peut aller jusqu'à une ordonnance de renvoi délivrée par le juge d'instruction. En effet l’instruction est facultative devant le tribunal correctionnel. Une saisine par le procureur de la république peut également opérer pour valider une ordonnance pénale ou homologuer une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ( C.R.P.C ). D’autres procédures existent telles que la citation directe, la convocation par O.P.J., ou encore la comparution immédiate. Enfin les contraventions ; elles présentent une spécificité : en effet deux juridictions sont compétentes pour les juger. Le tribunal de police qui est compétent pour les cinq classes de contravention, tribunal présidé par un magistrat professionnel. La procédure la plus fréquemment utilisée est celle de l’ordonnance pénale où il n’y ni débat contradictoire ni la présence de l'auteur de l'infraction. Les procédures de convocation par OPJ ou APJ ou comparution volontaire des parties sont également applicables. A côté du tribunal de police, existe la juridiction de proximité crée par la loi du 9 mars 2002 composée d’un magistrat non professionnel. Depuis la loi du 27 janvier 2005 et le décret du 25 mars 2005, elle connaît de l’ensemble des contraventions des quatre premières classes, à l’exception des contraventions d’injures et de diffamations non publiques. Cependant une grande majorité des contraventions qui ont été commises ne sont pas soumises à des juridictions mais sont réglées selon la méthode de l’amende forfaitaire. Comme nous avons pu le constater pour trois catégories d’infractions il existe quatre juridictions, ce qui nous montre qu’il n’y a pas une adéquation parfaite entre le droit pénal de fond et le droit pénal de forme. De plus, depuis une dizaine d’années, le législateur réforme le code de procédure pénale notamment en simplifiant et diversifiant les réponses pénales. Tout d’abord simplifier les procédures car il y une augmentation croissante de la délinquance et il y a une volonté de traiter un maximum d’infractions. En effet en 1997 , 80% des procès verbaux reçus par le parquet ont été classés sans suite. Ce pourcentage nous montre que la justice a du mal traiter l’ensemble des infractions commises. Ce mauvais traitement porte atteinte à la fonction répressive et protectrice du droit pénal. Ensuite diversifier car la justice pénale doit pouvoir répondre à l’ensemble des infractions qui sont commises qu’elles soient graves comme la délinquance organisée ou faibles comme les dégradations. Une réponse appropriée pour chaque infraction. Le dernier exemple de cette simplification et diversification est la C.R.P.C. ou « plaidé coupable » mis en place par la loi du 9 mars 2004 ou alors en créant une alternative à la poursuite pénale appelée la troisième voie avec la composition pénale de 1999, applicable pour l’ensemble des délits et les contraventions connexes à ces délits. Nous pouvons donc à juste titre nous demander au vu de l’évolution du droit pénal et des réformes du législateur si la division tripartite en droit pénal de forme est encore le fondement de la construction de ce droit pénal ? I] La classification tripartite, une organisation "inappropriée" en droit pénal de forme. A) Le reflet d’une construction déséquilibrée.
a) Un édifice intellectuel aux contours imprécis. Fort d’une volonté de plus en plus marquée de rationaliser son contenu, le droit pénal d'aujourd'hui participe activement à son évolution en s’efforçant d’organiser de manière logique sa propre matière, ainsi que les concepts qui l’animent et le font vivre. Cela témoigne de son activisme et de sa détermination à standardiser et normaliser le matériau pénal. La principale illustration de cette résolution apparaît dans l’effort opéré en matière de distinctions usées en droit pénal, autant de fond que de forme. Or comme l’a souligné l’auteur d’un article à propos de ce sujet ( Thierry TAURAN, Petites Affiches 25 juillet 2000, n°147, p.10. ), établir des distinctions, c’est démontrer par leur étude la relativité des classifications en droit pénal. C’est en cela que l’on peut affirmer que la classification tripartite en droit pénal de forme semble bancale, car la distinction fond / forme s’avère dès l’origine parfois difficile à justifier. En effet, c’est peut-être en droit pénal que les distinctions sont les plus lourdes de conséquences, car elles revêtent une signification toute particulière compte tenu de la nature et de la gravité des sanctions qui peuvent en résulter. L’auteur d’une infraction est ainsi exposé à des sanctions plus ou moins sévères selon la gravité de son acte ( crime, délit, contravention ) et sera traduit devant des juridictions différentes selon la nature de l’infraction qu’il a commise ( Cour d’Assises, Tribunal Correctionnel, Tribunal de police ). La différenciation fond / forme est ainsi une manière de distinguer les normes, et d’établir des critères différenciés de procédure. Cependant, même si les distinctions permettent la création d’un ensemble cohérent, concernant le fond et la forme du droit pénal, l’édifice peut sembler précaire. Bien évidemment, en ce domaine, il est difficile d’affirmer que la distinction est de pure commodité, entièrement artificielle, car dans le cadre du procès pénal, les formes à respecter ( c’est-à-dire les procédures ) sont autant de garanties pour le délinquant. L’intérêt est entre autre matériel, le législateur ayant « jugé » opportun de prévoir deux corps de textes détachés ( le code pénal et le code de procédure pénale ). Peut-être faut-il y voir un objectif pédagogique… Mais cette différentiation reflète une construction intellectuelle qui montre dans de nombreux cas les limites de son intérêt et qui trouble l’équilibre institutionnel établi par la division tripartite de forme : Prenons l’illustration des lois de fond / forme. La doctrine établit que les premières touchent à ce qui concerne le droit pénal général et spécial ( définition des infractions, responsabilité pénale, définition et fixation des sanctions ). Les secondes concernent quant à elles la description des autorités respectives, les règles de compétence juridictionnelle et de procédure, les principes du procès pénal. Or la valeur de cette distinction duale est relative, voire même discutable, et des incidences s’en feront ressentir sur le plan de la classification tripartite. Ainsi, à titre d’exemple, l’étude du droit pénal spécial emporte étude spécifique des règles de procédure pénale puisque toutes les infractions de cette catégorie ne sont pas poursuivies de la même façon. De même, il est d’habitude courante de traiter les règles relatives à la prescription publique en procédure ( au motif que la prescription fait obstacle à la mise en mouvement des poursuites ), mais il est possible de constater que la prescription aboutit à l’impunité, notion qui relève plus généralement du doit pénal de fond. Par ailleurs, concernant les textes réglementant l’administration de la preuve, ils sont généralement étudiés dans le cadre de la procédure ( forme ), mais si une preuve n’est pas rapportée sur la culpabilité, le prévenu sera relaxé, ce qui aboutit à faire des règles de preuve une possible cause d’impunité ( fond ). La subdivision fond / forme semble ainsi se montrer parfois difficile à mettre en exergue et s’avère même souvent irréaliste en droit contemporain qui a tendance à adopter ce que Michèle-Laure Rassat dénomme des « lois d’objectifs », c’est-à-dire des textes poursuivant un but général ( par exemple le traitement de la toxicomanie ) à l’aide de dispositions empruntées à diverses branches du droit ( multiplication des peines, nouvelles incriminations de droit pénal spécial, allongement de la garde à vue et extension des possibilités de perquisition, mesures de droit pénitentiaire… ). C’est ce dont nous parlions la semaine dernière à propos de la notion de transversalité des normes. Il existe malgré tout une spécificité des lois de forme par rapport à celles de fond, ce qui intéresse tout particulièrement notre sujet : leur objet est très différent, à savoir qu’elles n’interviennent pas pour définir les éléments de répression participant de la responsabilité pénale, mais pour fixer les règles qui en permettent l’application au fil et au terme d’une démarche judiciaire. Malgré cette précision, on voit bien que la frontière séparant le fond et la forme possède des contours imprécis. Quelles vont en être les répercussions sur la classification tripartite de forme ? b) Un jeu de conséquences liant la classification tripartite de forme. Il faut noter qu’en droit pénal, en matière de classification, la forme ne serait rien sans le fond, ce qui revient à dire qu’il existe une relation de dépendance entre ces deux conceptions qui recouvrent des réalités différentes. La division tripartite de forme est associée à la classification ternaire de fond en ce que la procédure pénale répercute nécessairement la distinction des crimes, délits et contraventions, chacune de ces trois figures connaissant des règles de poursuite, d’instruction ou de jugement adaptées à leurs spécificités. Il ne saurait en être autrement, la gravité plus ou moins prononcée que représentent les éléments de ce triptyque ne pouvant que se ressentir de mesures destinées à en répercuter le principe sur le plan judiciaire. C’est particulièrement le cas pour les juridictions de jugement dont l’organisation n’est rien d’autre que la version institutionnelle du classement effectué en droit pénal de fond. Le propos vise bien évidemment les règles de dévolution de la compétence juridictionnelle ( articles 231, 381 et 521 CPP ), mais concerne également les règles de procédure formelle : prescription de l’action publique ( 10, 3, 1 ans ), alternatives aux poursuites ( composition pénale exclue pour les crimes ), flagrance ( contraventions non concernées ), instruction préparatoire ( obligatoire pour les crimes, facultative pour les délits, et sur requête du procureur pour les contraventions ), convocation par procès-verbal et comparution immédiate ( ne visent que certains délits ), demandes en révision ( non-ouverte pour les contraventions ), infractions commises hors du territoire, tentative, complicité, non-cumul de peines, récidive, sursis… Toutes ces spécificités sont autant de manifestation de ce que le droit pénal de forme concède à la gravité des infractions ( gravité qui est le critère de classification au fond ). Elles sont à la mesure des besoins de justice, tant celle-ci gagne à disposer de moyens adaptés à chacune des catégories concernées. Or concéder au droit pénal de fond, cela emporte nécessaire suivi des évolutions que peut subir et traverser ce fond, et cela conforte l’idée selon laquelle la division tripartite de forme n’est pas un concept ( ou une réalité ) indépendant : le droit pénal la rattache au fond. Il y a cependant une originalité : ce qu’il est possible d’affirmer en disant que le fond lie la forme ne l’est plus dans le sens inverse : apporter des modifications sur un plan formel n’a pas forcément d’enjeu majeur sur le fond ( par exemple sur la qualification des infractions ).
Malgré son intitulé et sa présentation dans les textes, la division tripartite cache une autre réalité, moins technique, témoignant d’un rapprochement sensible entre les crimes et délits, et d’une spécificité contraventionnelle reconnue. Il existe en effet une tendance – certains parlent de philosophie – bipartite qui met à mal la division ternaire de forme et qui s’appuie sur la multiplication de ce que Marie et Sylvère ont présenté comme des peines charnières ( contraventions de cinquième classe et délits punis de 10 ans d’emprisonnement ) favorisant l’opacité des frontières. Il y aurait plusieurs indices de ce clivage bipartite : Le premier, d’ordre constitutionnel, s’appuie sur les articles 34 et 37 de la Constitution de 1958. L’article 34 confie la détermination des crimes et délits à la loi et celle des contraventions au règlement. ( Peut-être pourrait-on trouver cette répartition erronée car loi ne se voit pas confisquer le domaine réglementaire puisqu’elle y concourt indirectement : prévoir directement ce qui relève de la compétence de la loi, cela revient à déterminer, par défaut, ce qui relève de la matière réglementaire. En outre, la loi reste compétente pour fixer les peines de nature contraventionnelle ). Selon cette répartition constitutionnelle, les contraventions ont une spécificité les rendant moins tributaires de la souveraineté parlementaire. Le second indice est lui d’ordre moral, car il concerne la culpabilité de l’auteur de l’infraction et plus exactement le débat préalable permettant de s’en convaincre. Crimes et délits n’échappent pas à la preuve réelle et tangible de l’intention ou de la non-intention constitutive de l’infraction commise ; les contraventions relèvent d’une conception purement matérielle qui les dispense de toute investigation en ce sens. La simple commission de la contravention, de part sa matérialité, emporte intention de la commettre. Art.121-3 CP : « il n’y a point de contravention en cas de force majeure ». Dernier indice, pénologique : le principe de personnalisation, à respecter lors du prononcer de la peine ( art. 132-24 CP ) est fortement minimisé pour les contraventions. Cela est d’autant plus sensible que les crimes et délits ont quant à eux bénéficié de mesures destinées à en facilité l’application, telle la disparition dans le code pénal ( ancien art. 132-17 ) des peines accessoires dont l’automaticité est difficilement compatible avec une politique d’individualisation. Le régime des contraventions est lui beaucoup plus rigide. La conséquence est la suivante : pour les contraventions, la règle est celle du cumul des peines d’amende entre elles et avec celles encourues ou prononcées pour les crimes et délits en concours ( art. 132-7 CP ) alors que le non-cumul l’emporte pour les cimes et délits, les sanctions prononcées ou exécutées ne pouvant aller au-delà du maximum légal le plus élevé ( art. 132-3 et 132-4 CP ). L’explication de cette distinction relève d’une question de nuance. Les crimes et délits renvoient très nettement à la criminalité et à la délinquance alors que les contraventions, au contraire, tout en ressortant du droit pénal, n’engagent pas à proprement parler ces deux réalités. Elles ne sont que des atteintes à l’organisation de la vie sociale et à ses contraintes quotidiennes, sans affecter par ailleurs les intérêts protégés au titre des qualifications criminelles et correctionnelles. C’est ce que soulignait l’avant-projet de révision du code pénal en 1983 : « les contraventions ont une portée essentiellement pragmatique et disciplinaire, elles sont destinées à sanctionner les divers et nombreux écarts de conduite incompatibles avec les exigences minimales et répétitives de l’ordre et de la sécurité. Les actions ou omissions qui en résultent ne portent pas la marque de l’hostilité ou de l’indifférence aux valeurs qui, sur un autre chapitre, justifient la réaction aux crimes et délits. Pour ceux-ci, bien différent est l’enjeu de la répression qui rejoint la dimension éthique du droit pénal et correspond à une réprobation d’une toute autre nature ». Pour n’être que des relais disciplinaires, les contraventions se prêtent à une détermination règlementaire, cet élément de souplesse ne pouvant que servir les besoins constants d’évolution inhérents à la matière. L’absence de recours aux nuances d’ordre psychologique ou moral témoigne d’une inadaptation à une réaction que l’on veut tranchée et immédiate. Or cette vision des choses a un impact sur la conception des distinctions en droit pénal de forme. L’illustration en est qu’en matière de fond, on parle de classification alors que sur la forme, le terme retenu est plus volontiers celui de division, cela reflétant bien l’effort de catégorisation en droit pénal de forme. Le législateur ne cherche plus à rationaliser les infractions mais à faire prendre corps leur répression au travers d’institutions différentes, reflétant les oppositions de nature et ne cherchant plus à effectuer des rapprochements comme peut le faire le droit pénal de fond. B) Un édifice remis en cause par les pratique et le bouleversement de la référence aux valeurs. 1) La pratique de la correctionnalisation judiciaire. Tout d’abord rappelons le principe suivant lequel un crime relève de la compétence de la cour d’assises, un délit est jugé par un tribunal correctionnel et une contravention sera jugée soit par un tribunal de police soit par une juridiction de proximité. La correctionnalisation, qu’elle soit judiciaire ou légale, permet à une infraction qui était qualifiée de crime d'être jugée par un tribunal correctionnel par une opération de disqualification. La correctionnalisation judiciaire est la pratique consistant par les autorités chargées des poursuites ou de l’instruction à appliquer à des agissements constitutifs d’un crime au regard de la loi une qualification correctionnelle en déformant délibérément la réalité des faits ( oubli de circonstances aggravantes ; passage sous silence un élément constitutif de l’infraction, par exemple un viol sera qualifié d’agressions sexuelles en occultant l’existence d’une pénétration sexuelle... ). Il s’agit d’une violation des règles de compétence qui sont d’ordre public. Jusqu’en 2004 ce procédé était illégal, il fallait donc l’accord tacite de l’ensemble des acteurs de la procédure ( tribunal correctionnel, procureur de la république, partie civile et l’accusé ) pour qu‘elle soit valable. En effet on pouvait soulever pour la première fois cette exception de nullité devant la Cour de cassation puisqu’il s’agissait de la violation d’une règle d’ordre public. Mais avec la loi du 9mars 2004, il y a eu une consécration partielle de cette pratique par le législateur. Le tribunal correctionnel ne pourra plus soulever son incompétence lorsque la correctionnalisation est faite par le juge d’instruction à l’issue de son information et que les parties ont donné leur accord tacite à cette mauvaise qualification. Le législateur lui même peut décider qu’une infraction ne doit plus être qualifiée de crime mais de délit. Dans ce cas on parlera de correctionnalisation légale. Quel est l'intérêt de la correctionnalisation et quels sont les enjeux au regard de la division tripartite de forme ? Tout d’abord il peut s'agir de vouloir réadapter les peines à la gravité des faits. La plupart des correctionnalisations répondent à la nécessité d’adapter la rigueur des peines à l’évolution des mentalités. Ou alors le procureur peut estimer que les faits ne doivent pas être sanctionnés par une peine criminelle. Ensuite, et ce point nous intéresse particulièrement, c’est lorsqu’il y a une volonté de soustraire les faits à la compétence de la cour d’assises. Il faut rappeler que la cour d’assises ne siège pas en permanence mais par session ; de plus une procédure devant une cour d’assise est longue et coûteuse tant sur le plan humain que sur le plan matériel. Les moyens ne sont pas assez importants pour que les cours d’assises puisse trancher l’ensemble des crimes qui sont prévues par la loi. Donc le législateur, comme les autorités de poursuites, préfèrent qualifier de délits des faits qui normalement doivent l’être de crime afin d’éviter un encombrement du rôle des cours d’assises. Cette justification de la correctionnalisation n’est pas en conformité avec les fonctions expressives et répressives du droit pénal. Ce dernier doit exprimer les valeurs défendues par notre société. Il est donc anormal qu’une infraction qui doit être qualifiée de crime et qui porte atteinte aux valeurs essentielles de notre société, ne puisse pas avoir cette qualification pour un manque de moyens de la justice pénale. De plus l’individu qui commet ce crime sera sanctionné par une peine délictuelle et non criminelle. De ce fait, la classification tripartite n’a plus de sens et est totalement remise en cause. Les correctionnalisations peuvent être justifiées car le législateur a peur de l’attitude des jurés qui composent la cour d’assises. Il ne faut pas l’oublier qu'il s'agit d'une juridiction populaire. Les jurés peuvent se révéler parfois trop impressionnables, trop complaisants et trop inexpérimentés pour juger sereinement certains types d’affaires. Nombres d’infractions ont été correctionnalisés pour être soustrait à leur indulgence. Il est parfois difficile cependant de concilier cet objectif avec la nécessité de maintenir, au moins pour des raisons symboliques, les infractions les plus graves dans la catégorie des crimes ( l'infanticide par exemple ). En conséquence, les correctionnalisations guidées par des préoccupations d’ordre procédural minent bien entendu les fondements mêmes de la distinction tripartite. Une réponse possible à cette situation insatisfaisante peut consister, plutôt de correctionnaliser des crimes pour des raisons de pure procédure, à « correctionnaliser » la procédure criminelle pour atténuer ses inconvénients actuels. C’est ce qu‘a fait le législateur en soumettant à une cour d’assises spéciale sans jurés, composés de sept magistrats professionnels, les crimes commis en matière militaire ( art. 698-6 CPP ), les crimes liés à une entreprise terroriste ( art. 706-25 CPP ) ou encore ceux commis en matière de trafic de stupéfiants ( art. 706-27 CPP ). Mais il reste que, contrairement au principe posé par l’art. 111-1 CP, ce n’est pas toujours en fonction de la gravité du comportement concerné que le législateur qualifie une infraction de crime ou de délit, mais dans de nombreux cas, en considérant les incidences de la qualification sur un plan procédural. Il est anormal que ce soient les insuffisances ou les dysfonctionnements d’une juridiction qui dictent en ce domaine les choix législatifs. 2 ) La création de la juridiction de proximité. Le point de départ de la réflexion est le suivant : quel est l’intérêt principal de la division tripartite en droit pénal de forme ? La réponse est celle-ci : organiser la compétence juridictionnelle des institutions en charge de la réponse pénale, compétence entièrement déterminée par la nature des infractions. Or la loi du 09 septembre 2002 a apporté une grande innovation aux effets concernant la division en ce qu’elle a porté création de la juridiction de proximité. Cette évolution est déterminante en ce que la constitution d’une nouvelle réponse juridictionnelle ne permet plus l’écho dans la construction des classifications de fond et de forme. En effet, le législateur n’a pas créer de nouvelle catégorie d’infraction. Depuis la loi du 27/01/05 et le décret du 25/03/05, cette juridiction « emprunte » aux autres ( pour l’essentiel au tribunal de police ) en ce qu’elle connaît l’ensemble des contraventions des quatre premières classes, à l’exception des contraventions d’injure et de diffamation non-publique. Il y a là une scission dans la correspondance des classifications : il existe trois catégories d'infractions et désormais quatre institutions juridictionnelles compétentes. Comment justifier cette évolution et cette scission ? Il faut partir du fondement de la création de la juridiction de proximité. Trop de litiges de la vie quotidienne ne sont pas soumis à l’institution judiciaire pour des raisons de coût, de démarches jugées trop complexes ou de délais estimés trop importants. Beaucoup d’importance est aujourd’hui accordée à ces litiges et incivilités ( comme du temps des juges de paix ). Or se pose nécessairement la question de la référence aux valeurs qu’entend protéger le droit pénal, valeurs traditionnellement reflétées par la classification tripartite. Le droit pénal de fond, au travers de sa classification tripartite des infractions, organise et hiérarchise les valeurs auxquelles il attache de l'importance. Les trois circuits de procédure juridictionnelle permettent également, en droit pénal de fond, de refléter la distinction des valeurs et les modes de réponse qui leur sont apportés. Aujourd'hui, la construction de forme, depuis la création de la juridiction de proximité, ne témoigne plus de l'attachement aux valeurs que le droit pénal de fond tend à protéger. La classification de fond se consacre en effet à assurer une protection au regard d'une échelle de valeurs composée de trois éléments : le droit pénal de fond, en matière d'intensité, considère qu'il n'existe que trois étapes dans la gradation des atteintes aux valeurs ( contraventions, délits, crimes ). Le droit de forme, quant à lui, entend apporter une réponse différente puisqu'il a consacré l'intervention d'un autre échelon, visant à se consacrer à des litiges moins importants, mais de plus en plus présents, et dont le droit pénal de fond n'a pas su dégager les caractéristiques propres. C'est en cela que l'on peut affirmer que la division de forme ne reflète plus les mêmes références aux valeurs que la classification de fond. Elle ne les reflète plus non plus car elle s'attache de plus en plus à modifier ses fondements pour s'attacher, se détachant en cela du fond, à de nouveaux impératifs rationnels liés à l'économie du temps judiciaire. ( II ) II] Une dynamique de remise en cause consacrée par les évolutions du droit pénal. A) Le développement de procédures annexes, attachées à de nouveaux impératifs de classification.
Partons tout d’abord d’un constat simple. Il y aune augmentation croissante de la délinquance depuis des années. Prenons pour illustrer ce constat quelques chiffres, tout en sachant que ces données ne représentent pas la criminalité réelle, puisque il est impossible de savoir quel est le nombre réel d’infractions qui ont été commises. En 1960, 687.766 crimes et délits avaient été constatés par les services de police et de gendarmerie, ce chiffre était de 3.771.849 en 2000, soit une augmentation de 500% en quarante ans. En un demi siècle le nombre des vols et des cambriolages a augmenté de 1300%. Cette augmentation spectaculaire se répercute logiquement dans les statistiques judiciaires. En 1960, 914 condamnations ont été prononcées par les cours d’assises, compétentes pour juger les crimes et 212.596 par les tribunaux correctionnels compétents pour juger les délits. En 1999, ces chiffres étaient respectivement de 3610 et de 441.313. Il n'est pas question ici des contraventions qui étaient passées, à la même période, de 750.000 environ à 11.000.000. Il faut également savoir que le taux de classement sans suite était de 80% en 1997. Au vu de ces chiffres il était urgent de trouver des solution afin que la justice puisse traiter l’ensemble des affaires qui lui sont présentées. Le législateur a développé des procédures telles que la C.R.P.C en 2004, applicable pour les délits, sauf certaines exceptions, punis d’une peine inférieure ou égale à cinq années d’emprisonnement ; l’ordonnance pénale crée en 1972, applicable au départ pour les contraventions mais qui a été étendue aux délits du code de la route par la loi du 9 septembre 2002 ; la composition pénale née en 1999, applicable pour les contraventions de cinquième classe et pour les délits punis d’un peine égale ou inférieure à cinq années d’emprisonnement. On parle souvent d’une alternative aux poursuites car le procureur ne peut pas « proposer » de vrais peines. Toutes ces procédures relativement récentes ont pour point commun de vouloir rendre la justice plus rapide notamment en occultant l’audience. Aujourd’hui on assiste à un redéploiement du temps judiciaire afin que l’ensemble des contentieux de masse soit traité le plus efficacement si possible. Il est en train de se mettre en place un mécanisme de rationalisation de la production judiciaire. La justice pénale aujourd’hui est plus quantitative que qualitative avec des circuits procéduraux plus courts mais qui porte atteinte à la qualité de cette justice. Certains auteurs estiment d'ailleurs que l’on serait passé d’une justice imposée à une justice négociée. Les différentes procédures mettent à mal la classification tripartite telle qu’on l’a connaît. En effet, le tribunal correctionnel est à la fois compétent pour des crimes qui ont été correctionnalisés mais également pour les infractions de masse soumis à des procédures grandes vitesse. On applique ainsi depuis 2002 l’ordonnance pénale pour les délits issus du code de la route. Or cette procédure ne respecte ni le débat contradictoire puisque l'auteur de l'infraction n’est pas mis au courant de la procédure qui est engagée contre lui, ni le respect du principe de la publicité des débats. On peut aujourd'hui considérer que le tribunal correctionnel est composé de plusieurs formations suivant les procédures qui y sont appliquées. Concernant les contraventions, la grande majorité de celles ci relèvent du mécanisme de l’amende forfaitaire. Il ne s’agit plus d’une juridiction pénale compétente pour trancher ces infractions, mais d’une administration répressive. En effet, le développement des transactions et des amendes forfaitaires a favorisé l'émergence d'un nouvel ordre judiciaire administratif, mettant à mal la classification tripartite de forme. 2) Nouvel espace géographique du droit pénal et redéfinition des juridictions spécialisées. Après avoir vu que la délinquance est en constante augmentation, il faut également constater qu’il y a une inflation de la législation pénale. On assiste depuis plusieurs décennies à une véritable explosion du nombre des incriminations prévues par la loi ou le règlement. En effet, les législations et réglementations dites techniques, intervenant dans le domaine du droit des affaires, de la communication, de l’environnement, entre autres, ne cessent de se développer. Or, les prescriptions édictées en ces domaines sont souvent assorties de sanctions pénales si bien que, désormais les dispositions pénales dans leur grande majorité se situent en dehors du code pénal. Et pour ne rien arranger, la législation pénale classique a elle aussi tendance à s’étendre. Mme Lazerges parle de fonction déclarative du droit pénal qui pousse le législateur à multiplier les incriminations pour afficher sa volonté de lutter contre la délinquance. Si bien qu’aujourd’hui on est incapable de faire une liste exhaustive des incriminations visées par les différentes lois pénales. Mais ce qui est encore plus inquiétant c’est l’incapacité pour les juridictions répressives de pouvoir traiter l’ensemble des affaires, notamment celles qui relèvent de domaines très spécifiques puisque le seul traitement des infractions classiques suffit à saturer la justice pénale et qu’il faut des magistrats formés pour ces matières techniques. Cet dans cet état d'esprit que le législateur, depuis 1986 avec la création de juridictions parisiennes d’instruction et de jugement compétentes en matière de terrorisme, concurremment aux juridiction de droit commun, s’est lancé dans un mouvement de spécialisation des compétences. Cette spécialisation existe également en matière économique financière ( depuis 1994 ), également en matière de trafic de stupéfiants avec une cour d’assises composée uniquement, comme en matière de terrorisme, de magistrats professionnels. Ces juridictions « d’exception » ont une compétence concurrente aux juridictions de droit commun et voient leur influence étendue sur le ressort de plusieurs cours d’appel, voire une compétence nationale en matière de terrorisme. En effet, le législateur, voyant que des pans entiers de la législation pénale n’étaient jamais appliqués et que la règle pénale destinée à réprimer les comportements antisociaux était devenue ineffective, a créé des juridictions spécialisées. Même si ces juridictions spécialisées sont compétentes pour juger des crimes, délits et contraventions. On ne peut s’empêcher de penser que cette spécialisation n’est pas dans la logique de la classification tripartite qui se veut simple et facilement compréhensible. Or cette logique de spécialisation tant des juridictions, concurrentes à celles de doit commun, tant du droit pénal est à l’opposé de la logique de la classification tripartite. C’est en quoi on peut dire que cette classification tripartite en droit pénal de forme ne correspond plus aujourd’hui à l’évolution du droit pénal . B) Catégorisation et fonctions du droit pénal : quel avenir pour la division formelle ? Les évolutions relatives aux classifications emportent de nombreux bouleversements, tant en matière procédurale ou de compétence qu'en matière de fond. Si l'on s'attache aux fonctions du droit pénal, il en ressort une double utilité de celui ci : il revêt tout d'abord une fonction expressive, mais aussi impérative ( |
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