Underground un Québécois à Paris Roland Michel Tremblay Éditions T. G., Paris Du même auteur, publiés chez l’éditeur iDLivre : L'Anarchiste (Poésie) Denfert-Rochereau (Roman) L'Attente de Paris (Roman) L'Éclectisme (Essai)








titreUnderground un Québécois à Paris Roland Michel Tremblay Éditions T. G., Paris Du même auteur, publiés chez l’éditeur iDLivre : L'Anarchiste (Poésie) Denfert-Rochereau (Roman) L'Attente de Paris (Roman) L'Éclectisme (Essai)
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UNDERGROUND

Un Québécois à Paris

Roland Michel Tremblay

Éditions T.G., Paris

Du même auteur, publiés chez l’éditeur iDLivre :
L'Anarchiste (Poésie)

Denfert-Rochereau (Roman)

L'Attente de Paris (Roman)

L'Éclectisme (Essai)
Publié aux Éditions T.G. :

Un Québécois à New York
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www.anarchistecouronne.com

rm@anarchistecouronne.com
44E The Grove

Isleworth, Middlesex

Londres, TW7 4JF

Angleterre

Underground/Un Québécois à Paris

© 2003, Roland Michel Tremblay

ISBN: 2-914679-10-6

Éditions T.G., Paris

pedro@textesgais.com

www.textesgais.com
Imprimé en France



UNDERGROUND

1
La mécanique des événements ne prend même plus la peine de cacher son jeu, ses coïncidences nous frappent et l'on se demande encore s'il peut s'agir de coïncidences. Ainsi je risque mon avenir pour la France et j'y rencontre Edward Thorp The Third. Sébastien en est jaloux, on dirait l'intuition. Bref, j'en reparle ailleurs, mon corps à Val-Jalbert, mon cœur à Paris, mes deux amours se payeront les bons temps without me, speaking English pour la cause. Comment aurais-je pu prévoir qu'un an plus tard The Third viendrait chez Sébastien ? Dans le temps il ignorait que nous étions gays. Pour ma plus grande perte, lors de son deuxième voyage à Ottawa, il a dormi dans ma chambre. Les humains n'ont aucune volonté, placez-les dans une situation telle qu'un Edward presque nu à côté, ils ne pourront résister. Tout le monde retire certains avantages dans cette relation. Edward est prêt à faire n'importe quoi pour se rapprocher de la culture francophone, il adore Montréal, grâce à nous il a découvert un nouvel univers. Moi j'ai retrouvé mes nostalgies de Paris et Sébastien aura besoin d'un endroit où demeurer à New York lorsqu'il devra essayer de faire déboucher sa musique.

Ed est étrange. Il ne me semblait pas si expérimenté, sexuellement surtout, et plutôt maigrichon. Mais son parfum a eu raison de mes passions, je lui ai sauté dans les bras, ô misère, mais quel bonheur. Que je regretterais de ne pas l'avoir fait et quelle soudaine sensation de libération. Je ne peux penser à autre chose, il m'est nécessaire d'en parler, juste pour observer tous les éléments en cause. J'ai compris que ma possessivité est injustifiée. Si Sébastien veut coucher avec quelqu'un d'autre, ce sera moins dur maintenant. J'ai également appris que Sébastien est vraiment beau, davantage qu'Ed et les autres. De surcroît, c'était pareil de coucher avec Ed qu'avec Sébas, ils se ressemblent sur plusieurs points, ils ont la même texture de peau. Cela surprend parce que le premier est un Américain tandis que l'autre est un Français (qui a été à l'école anglaise au Québec cependant, allant jusqu'à changer de religion du catholicisme au protestantisme pour ce faire). Bref, j'ai été surpris de savoir qu'Ed n'est pas innocent, il a déjà couché avec cinq gars, dont moi, et je suppose que le chiffre est supérieur. Il est fort, ses bras assez musclés, ses épaules larges. Lorsqu'il s'est approché trop près, j'ai changé de lit et l'incroyable s'est produit. Je le sentais partout, plaçais mon visage dans son cou. Lorsque j'approchais de son oreille, il atteignait un degré de jouissance que je n'avais jamais vu. Il gémissait comme une femme fragile qui s'abandonne à l'homme, le tout agrémenté d'une sensation de remords qui paralysait. Est-ce cette impression de faire le mal qui faisait mes membres trembler, me rendait malade, ou est-ce la beauté d'Ed et un sentiment quelconque pour lui ? J'y pense encore, je me demande ce que sera ma prochaine rencontre avec Sébastien. Ed est la vitalité tandis que Sébas est l'ours, selon les dires mêmes d'Ed. Moi, ce n'est pas nouveau, il m'a qualifié d'écureuil, comme David jadis. L'ours me semble la comparaison parfaite pour parler de Sébastien. Peu importe l'heure il est fatigué, il ne pense qu'à dormir pour être en forme le lendemain. C'est son obsession, dormir et la fatigue. Le matin c'est encore pire, il est incapable de sortir du lit. Je ne peux le toucher, il a toujours l'impression de manquer de sommeil. Le problème c'est que je suis en air le matin, comme Edward, alors que Sébastien ferait plutôt l'amour le soir. Est-ce que je veux vraiment finir mes jours avec un ours ? Si l'on couche avec un autre, aime-t-on encore son copain ? Eh bien, je voulais expérimenter quelqu'un d'autre depuis longtemps, j'ai attendu pour la bonne personne, je peux maintenant faire des comparaisons. Cela va-t-il changer quelque chose au niveau de mes sentiments pour Sébastien ? Je me demande si je devrais partir pour les Etats-Unis retrouver Ed. Veut-il seulement une relation stable dans la fidélité ? Je ne veux pas essayer quelqu'un d'autre. C'est de valeur, chaque fois que l'on couche ensemble Sébastien commence à se masturber et dix minutes plus tard c'est terminé. Edward aime le faire en quatre heures ! Dieu ! Il éjacule habituellement cinq fois ! Il m'est arrivé une seule fois de venir quatre fois avec Sébastien. Trois fois assez souvent en début de relation. Et puis il existe une autre barrière, Edward a une blonde. Mais pas parce qu'il l'aime, pour le sexe ! Il me dit cependant qu'il n'éjacule jamais plus d'une fois avec les filles. Lorsque l'on est entré dans un magasin de films pornos pour gays à Montréal, il avait déjà vu plus de la moitié des films, connaissait les titres et noms d'acteurs. Qu'est-ce que cela signifie ? J'ai toujours cru qu'un film porno en valait un autre, aucune différence, de faux noms sans popularité au générique. Pauvre fille, Catherine qu'elle s'appelle, comme elle va souffrir un jour. Comme il se joue d'elle, aucun remords pour la tromper à droite et à gauche, ce qui devrait me faire réfléchir sur l'histoire de ma propre infidélité. Sort-il avec elle pour l'image ?

Pourquoi cela est-il arrivé ? J'ai cette impression que Sébastien va le savoir et que quelque chose va changer radicalement dans ma vie. J'admire Ed, il est plus fort que je ne le croyais, il est un peu adipeux, mais beau. J'en garderai un souvenir inoubliable, c'est la réconciliation du passé et du présent. Reste maintenant le futur. Mais je suis prêt à l'affronter, dussé-je souffrir. J'espère juste que Sébastien n'en souffrira pas, c'est là mon unique préoccupation.

Sans trop m'en rendre compte, c'est encore au mois de mars que le besoin d'écrire se fait sentir. Cette fois-ci Ed peut en être la raison, mais certainement pas Sébastien. Sa crise à lui devrait venir avec le changement de température plus tard durant le mois. Il se mettra à paniquer jusqu'à ce qu'il s'achète des billets pour aller quelque part. Je pense encore à Ed, c'est plutôt stupide, je n'ai pas aimé extraordinairement faire l'amour avec. C'est son absence tout court qui m'ennuie. Mais j'ai encore cette envie de le prendre dans mes bras, sentir son parfum, l'embrasser.

Sébastien me dit souvent que j'ai autour de moi, juste par les gens que je connais, matière à écrire un roman complet. C'est vrai, mais ces gens que je décrirais, me parleraient-ils ensuite ? Comment pourrais-je écrire sur mon oncle Jean-Marc à propos qu'il est l'homme de la maison et que sa maison, avec les quatre enfants, est une porcherie permanente ? Sans dire en plus qu'il fait partie, comme Louis et Charles, d'une sorte de religion bizarre. J'ai eu de bonnes conversations avec mon oncle Louis et peut-être même qu'avec lui j'ai inconsciemment acquis plusieurs connaissances. Il pense que d'être gay est mal et que je devrais changer tout de suite. Il croit que ma vie est une perte de temps et d'énergie, que je vais souffrir après la vie. Il s'agit donc de dire que je suis immoral et que je brûle la chandelle par les deux bouts. Eh bien, je me suis masturbé une fois avec Sylvain, j'ai eu un copain Sébastien, des préliminaires avec Ménard arrêtés par les remords, puis couché avec Edward malgré les remords. Les remords disparaissent, mais pas les regrets de ne pas avoir été plus loin. Je suppose que la vie de Louis était déjà plus chargée lorsqu'il avait 21 ans. Juste à considérer ma sœur Dominique, elle a bien couché au minimum avec une trentaine de gars, il est vrai qu'elle n'en a jamais trompé un seul. Mais mon père trompe sa femme depuis le début des temps, et maintenant qu'ils sont séparés, il trompe ses maîtresses. La société est un gros melting pot, la non-vertu se retrouve un peu partout. Il serait vain de mal juger une catégorie sous prétexte qu'elle ne fait pas partie de la majorité. Mais ses raisons, à Louis, vont plus loin. Cela remonte à Sodome et Gomorrhe. Moi, de ce que j'en ai lu, il s'agit surtout de parler d'une société où la promiscuité est devenue la loi, c'est-à-dire que l'on couche avec tout le monde, sans fin. Ce qui n'est pas mon cas, ni celui de mes amis. Mais je ne cacherai pas que le sexe est important pour moi, comme pour tout le monde d'ailleurs. Ceux qui le refoulent aux yeux des autres en arrivent certainement à la jalousie, à crier à la non-vertu ou au jugement, seul moyen pour croire que leur sacrifice n'est pas inutile. Moi j'ai pour idée que rien n'est mal jusqu'à ce que quelqu'un souffre physiquement ou moralement. Alors coucher avec Ed est mal, car Sébastien pourrait en souffrir. Et connaissant la mécanique des événements, il le saura un jour, alors j'en verrai les conséquences.

Murielle a laissé son copain voilà un an et demi parce qu'elle ne voulait pas d'une vie de couple dont l'avenir est déjà tout prévu. Elle a couché avec deux gars avant d'en trouver un troisième et de l'emmener chez elle. Marko vient de la Bulgarie et a les cheveux longs, les parents de Murielle en ont perdu l'appétit. Une semaine plus tard Murielle avait son billet pour le downtown Ottawa. Elle déménagea un ou deux mois après, pour un avenir moins que certain, avec Marko. La vérité à propos de ce nouveau venu a pris du temps avant de faire surface. Et les problèmes refont encore surface. Vols et vendeur de drogue, entre autres. Enfin, tout ça pour dire que l'on peut changer sa vie, coucher avec d'autres, tout cela avec une conscience claire. Elle n'est pas folle, elle crisse son copain là avant d'aller voir ailleurs. Ô misère ! Moi qui n'ai que 21 ans, que se passerait-il si je n'avais pas vécu ? Dring ! Le réveil sonne, j'ai 35 ans, seul, impossible d'attirer quoi que ce soit. Comme cela me fait du bien d'entendre Edward me dire que ce fut extraordinaire le week-end passé. Je l'ai appelé ce soir. Je lui parle, il bande. Malheur, il me compare encore à un écureuil, mais il trouve ça tellement cute les écureuils, ça lui donne envie de le prendre dans ses bras et l'écrabouiller. Moi j'ajoute qu'un des écureuils finit toujours par se faire écraser de toute façon, ou pire, demeure à des kilomètres de l'autre. Si je laisse Sébastien, il s'en remettra, trouvera quelqu'un d'autre. Je n'en peux plus d'espérer qu'il réussisse dans la musique, j'ai déjà suffisamment de tracas. Paris, next destination, un jeune homme du Canada qui débarque à Paris avec le seul Père Goriot et qui s'imagine qu'il deviendra un Balzac.

Où es-tu ce soir ? Perdu dans l'Université d'Oswego, tu portes une de tes chemises en flanelle et ton parfum français. Entouré d'amis ou seul avec ta copine. Elle te serrera dans ses bras, t'embrassera dans le cou et vous vous embrasserez à la française. Où es-tu ce soir ? Devant un ordinateur ou seul à marcher à l'extérieur, pensant à moi peut-être. Je t'embrassais derrière l'oreille et tu jouissais fort. Quel effet je te fais, on dirait. Si Anne avait été absente de la maison, comme nous en aurions fait davantage. Lunatiques de l'univers, je vous ai compris ! Je suis en léthargie complète, malade moralement, séduit au sang, déchiré entre deux hommes. Tu me prenais la main, me parlais de très près. Comme Sébastien, tu m'as dit que j'étais la première personne avec qui tu aimais être aspergé de mon... Ton visage c'est la joie, l'expression du bonheur, la folie, le prêt à faire n'importe quoi, même à sacrifier des choses. Mais certainement aussi seras-tu porté à ne point manquer une chance d'avoir du plaisir, cela inclut l'infidélité. Ainsi nous ne serons jamais en relation à long terme. Mais plutôt des amis qui coucheront ensemble à l'occasion. Comment puis-je ne pas m'indigner en disant cela. L'Amour christ ! Je t'aime ! Ma peur c'est de découvrir que je t'aime plus que le Sébastien. Dans ce cas je sacrifierais tout. Mais maintenant je me vois incapable de distinguer mes sentiments, c'est là le fruit du mois de mars. Chacun se réveille à la vie mais doit d'abord traverser la période du réveil. Ah Ed, j'aimerais te revoir pour apprendre à te connaître davantage. Ouvre-moi ton passé, j'y devine l'opposé de Sébastien en personnalité. J'y soupçonne encore bien de l'admiration. Que je tomberais amoureux facilement avec toi !

La fin du monde est à nos portes ! Le mois de mars m'apporte à nouveau la joie des échéances. Déclaration de revenu, formule de prêt et bourse, demandes d'inscription aux universités, travaux longs, livres à lire, rêves à réaliser... je sacrerais mon camp pour la France aujourd'hui ! Paris, Paris, Paris ! Cette ville m'appelle à elle comme jadis elle appelait à elle les artistes des quatre coins du monde. Un grand cri languissant au-dessus de l'océan, ouaaaahhhh, quand bien même il s'agirait d'une vie de misère, une misère à Paris, c'est une littérature pour l'éternité ! A Ottawa, ma misère est sans avenir ! Bon dieu, il est probablement trop tard pour aller étudier en France. Paris, Paris, Paris ! Même s'il s'agit d'y laisser Sébastien derrière, s'il m'aime, il me suivra, sinon, je trouverai quelqu'un d'autre. Quelle libération ! Vive Ed pour m'avoir ouvert les yeux sur l'asservissement qui m'assaille. Pour Sébastien je mourrais à Ottawa ? Sébas ne partira jamais seul, il faut le forcer à me suivre. Peut-être viendra-t-il ? Il est un Français, c'est déjà ça, moi je vais faire des démarches pour sacrer le camp d'ici ! Ma crise commence, imaginons celle de Sébas qui s'en vient.

Ô Ed, tu me rappelles Paris, tu es la misère que je veux vivre, rue des Bernardins, Quartier Latin, le site de ma nouvelle inspiration. Ces derniers temps j'ai expérimenté ces sortes de vertiges-fatigues qui me rendent prêt à perdre connaissance. Si je repars pour Paris, seul, je me trouverai vite des amis. Comment faire avaler ça à mes parents ? Fuck them, j'y vais cet été ! J'y resterai le plus longtemps possible, sur place je ferai des démarches pour y demeurer. Mais pourquoi pas Montréal ? No way ! « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, tu vois, je n'ai pas oublié. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi ! Et le vent du nord les emporte... » Prévert's poetry !
J'ai téléphoné à l'Ambassade de France, demain ils vont me rappeler. Je veux faire des études supérieures à Paris, je suis prêt à partir au mois d'avril. J'espère qu'il n'est pas trop tard. Hier Sébastien m'a parlé de ses idées futures. Je croyais être désespéré mais Sébastien me le semble davantage. Hier j'ai compris des choses. S'il ne m'avait pas dit qu'au moins il aurait bientôt un diplôme universitaire, j'aurais été tenté d'avouer qu'il avait raté sa vie. Plusieurs mauvais choix, le voilà sans avenir. Cela m'a affecté. Quoi ? Moi qui prône le changement de ce système -comme Mme de Beauséant du Père Goriot qui connaît l'horreur des rouages de la société aristocratique et bourgeoise de Paris, mais qui pourtant les accepte et joue le jeu - me voilà qui veut me lancer dans des études supérieures alors que j'aimerais bien tout vendre et prendre une vie sabbatique à Paris ? Mais comme je me sentirais perdu en faisant cela. Aucune aide à attendre de mes parents, je me retrouverais vite à mendier, pleurant comme celui que j'ai rencontré dans le métro à Châtelet-Les Halles.

Sébastien en est déjà à sa deuxième expérience en affaires. Une vague histoire d'entretien d'automobiles à 17 ans, presque une faillite, avec publicité et enregistrement au gouvernement. Puis l'histoire des crayons et cartons d'allumettes avec noms des compagnies, sa propre entreprise à 22 ans qu'il a mise sur pied avec nul autre qu'Eric, son ex. Encore des vérités qui reviennent à la surface, ce n'était pas le moment, moi qui me pose tant de questions. Le voilà encore qui veut s'embarquer dans une campagne vouée non seulement à la faillite, mais qui lui coûtera tant en temps que cela ne servira pas sa carrière en musique. Il veut y embarquer sa mère et ses fonds, et moi ! Moi, étudiant à temps plein, je m'en irais construire des hommes nus en plâtre faisant office de lampe pour satisfaire une minorité des gays, eux-mêmes une minorité de la société ? Une histoire de crayons fait faillite absolue, le voilà avec une idée aussi pire, sauf que cette fois-ci il veut y engouffrer la petite fortune de sa mère. Il lui reste son espoir en musique et moi, dit-il. Je l'admirais, sachant toute cette situation à l'avance, mais lui se déteste, se voit comme un moins que rien, il m'a convaincu. Je n'ai rien contre le fait qu'il pourrait n'être rien, ce n'est pas ce qui m'arrête, c'est plutôt son désespoir. Qu'il arrête donc, il a de l'avenir dans la musique. Il veut mettre sur pied une compagnie ? D'accord, mais il faut jouer sur des valeurs sûres. Il veut monter cela avec sa mère ? D'accord, je l'aiderai peut-être.

Parfois je me demande ce que je veux aller chercher à Paris. Peut-être que j'imagine aller retrouver Ed ou son pareil ? Mais je me souviens ce rêve à mon retour de Paris. J'y étais retourné et il n'y avait plus ni Edward ni Sébastien, j'étais désespéré. C'est là que j'ai dit : « Il faut revenir, il faut m'avouer des choses ! » Un an plus tard c'était fait, mais à quel prix. Hier je ne pensais qu'à lui, couché dans le lit de Sébastien, alors il téléphona. Mon cœur battait, je lui ai parlé un peu, incapable, il a dû croire que je ne voulais rien savoir de lui. Il faut que ce soit clair, Paris c'est le renouveau absolu.

Pauvre Sébastien, je suis dur avec lui en mes idées. Je l'aime. J'aimerais qu'il me suive à Paris. J'ai parlé avec la femme de l'ambassade, mes chances sont grandes d'être accepté qu'elle a dit, même à la Sorbonne. Me voilà déjà dans l'avion, prêt à partir, étudiant à Paris, en onze mois j'aurai ma maîtrise ! Avec ça je peux déjà faire quelque chose. Moi et Paris, une misère qui n'en est pas une. YA YA YA, it seems that I'm already there ! Si je suis accepté, je crisse le camp au plus vite. En juillet ou début août ? Je n'emporte que deux valises and that's it ! Faudrait que Sébastien travaille tout l'été, que l'on parte ensemble à Paris, qu'il prenne son année sabbatique et emporte son synthétiseur. Il pourra trouver un travail là-bas, il n'aura pas tous ces problèmes avec l'immigration. Je ne veux plus de ces rêves qui n'aboutissent jamais, Paris m'appartient. J'espère juste que mon père y verra son intérêt, lui qui se flattait de voir sa fille ingénieure et son garçon en droit. Une lueur reviendra-t-elle dans ses yeux ? Mon fils en maîtrise à Paris ? Ou plutôt, le p'tit christ, ce serait si simple d'étudier à Montréal ou à Ottawa ?

Sébastien est venu ce soir. On a fait l'amour pour la deuxième fois depuis le départ d'Ed. C'était mieux que voilà trois jours, mais il manque cet effet piquant comme quand Ed est avec moi. J'ai peur. Peur de ne plus l'aimer, sans pour autant avoir Ed, sans pour autant savoir si j'aimerais Ed. Je me suis vu si libre en le reconduisant à sa voiture. Pour la première fois je me sentais comme quelqu'un qui faisait sa jeunesse ou qui allait la faire. Je me voyais partir pour Paris, non pris dans une relation, libre de jouir de la vie comme je l'entends, acquérir l'expérience la plus bizarre avec les gens les plus variés, pour ne pas dire avariés. Ouais. Moi qui capotais de voir que Sébastien avait couché avec au moins une dizaine de personnes, voilà Ed qui couche avec sa copine, couche avec un gars probablement écœurant la veille à Montréal, le lendemain le voilà dans mon lit alors que je sors avec Sébastien. Quelle histoire, digne du vaudeville parisien. Ah, je me délecterai de ce théâtre de boulevard lorsque je serai à Paris. J'aimerais revoir Edward pour comparer avec Sébastien. Cette nuit furtive n'a peut-être pas été concluante. Seulement au niveau de la brisure de mon asservissement envers Sébas, si je puis m'exprimer ainsi. Ah que la vie est difficile parfois.

Ed m'a laissé un message de mauvais goût. Il a signé un billet d'un dollar américain et a écrit : « Here is a real American dollar from your American friend, Ed de NY ». Semble-t-il, il joue sur le fait qu'il soit américain, comme si l'on était en admiration envers ce fait. Ne sait-il pas que la planète entière déteste les Américains ? Même si l'on ne peut critiquer le fait qu'ils sont absolument nécessaires à un équilibre mondial dans la balance des pouvoirs. Mais encore, on connaît ses tares, ses contradictions. Peut-on être fier d'être américain ? Quand je vois les chartes musicales ou de cinéma à travers l'Europe et que je constate que dans le top 10 il y a huit films américains traduits, j'ai envie de pleurer. Quel viol au niveau culturel ! Cela ne m'empêchera pas d'apprécier ces films, ces acteurs, cette musique, que voulez-vous, on appartient à sa génération. Je me demande juste comment leur monopole et réussite peuvent être si absolus. Mais Edward a raison, il existe tout de même une jeune génération à travers l'Europe qui adore les Etats-Unis. Puis ça impressionne d'être new-yorkais. Moi-même, j'étais fier d'avoir couché avec un Américain. Où s'arrêtera donc la bêtise ? Quelle est donc la sensation que l'on ressent lorsque l'on couche avec un Allemand ? Un Juif ? Je n'en dis pas davantage. Mais s'il existe une différence entre Sébastien et Edward, elle est psychologique, et mes sentiments pour l'un et l'autre semblent indépendants de ma volonté.

Que c'est extraordinaire de croire qu'Ed soit straight, puis de finalement savoir qu'il est gai et de coucher avec lui. Jamais je n'aurais osé croire qu'il était comme moi et qu'il me tiendrait dans ses bras un jour. Comme je l'appellerais tout de suite et l'inviterais à retourner à Paris. Mais n'aimerais-je pas mieux m'assurer un avenir avec Sébastien ? He is still very beautiful, especially when he's nude. Mais Edward en caleçon et t-shirt, avec son bedon qui se voit un peu, c'est incroyable. J'explorerais son corps de A à Z s'il revenait. Mais il m'a spécifié qu'il ne recoucherait pas avec moi, car Sébastien est son ami. C'est vrai qu'il serait définitivement immoral de bâtir une double relation dans le dos de Sébastien. Mais devrais-je le laisser là ? What a tricky situation. Je réentends Ed me dire : « I tried so hard to resist you ! » J'imagine qu'il voulait dire qu'il a essayé un peu plus que s'il n'y avait eu aucune barrière. Tout s'est passé si rapidement. Quelle expérience ! Je me revois allumer la lumière, le voir étendu sur le lit, me coller contre lui, avoir sa bouche contre la mienne. Chacun des détails de sa personnalité refait surface. Sa petite boîte où il range sa brosse à dent, sa soie dentaire, sa voiture, ses cassettes, on me dirait en admiration totale. Ô Edward, je revois même le gros ED écrit au crayon-feutre sur ta tasse. Si tu as pu sentir que j'étais en érection lorsque je t'ai pris dans mes bras à l'Hôtel des Gouverneurs à Montréal, cela ne me surprend guère. Je pense même que Sébastien l'a remarqué, il s'est retourné deux fois pour regarder. Tant pis, j'ai tant besoin de cela, je ne pourrais même pas reprocher à qui que ce soit la tournure des événements. Ed serait-il l'âme sœur ? J'espère que non.

J'ai enfin posté toutes mes demandes d'université, en particulier celles de Paris. Mais je suis trop fatigué pour l'apprécier et découragé de savoir qu'il est peut-être trop tard. Edward m'a téléphoné hier soir. Sébastien était en dépression, alors Ed a rappelé un peu plus tard. On s'est masturbé au téléphone. Je ne suis pas venu, c'est-à-dire que je n'ai pas éjaculé. Edward semblait déçu. Il interprète peut-être cela comme s'il ne me faisait pas d'effet, cela m'affecte. Mais je suis tant fatigué ces temps-ci. Le temps passe vite, c'est indéniable, il reste moins d'un mois d'école. Le physique en prend pour son rhume. Bientôt les rhumatismes, je le sens. C'est la première fois de ma vie que je ne désire pas finir l'année scolaire. Je n'ai rien à attendre de l'été, plutôt le désert et l'insécurité. Vais-je travailler ? M'ennuyer ? Repartir vers Jonquière ? Demeurer ici pour Sébastien ? Comment irait notre relation alors ? Puis Ed dans tout cela ? La prochaine fois, je serai en monde connu, j'en ferai davantage, le sucer entre autres. Je bande à y penser. Le problème c'est aussi que j'ai de la misère à l'imaginer. Même son visage, je dois faire un effort pour m'en souvenir dans ses moindres traits. Il m'a dit avoir fait un rêve la semaine passée, très réel. J'étais nu dans ses bras, il sentait mes jambes contre les siennes, il s'est réveillé en sursaut avec un oreiller dans les bras. Est-ce possible ? Maybe he's becoming new-yorkais crazy? Mais j'y crois et je peux apercevoir jusqu'à quel point j'ai laissé ma marque sur ce jeune homme. Comme il est bien de se flatter ainsi, un jour je ne le pourrai plus, profitons-en. Peu importe, je parlais d'Edward, le beau jeune homme qui n'a plus aucun intérêt pour Catherine sa copine. Il l'a rencontrée avant-hier, il lui a fait comprendre que c'était fini. Il insiste auprès de moi qu'il ne voudrait jamais que par sa faute moi et Sébastien nous nous laissions. Mais pour moi, il a enfin compris qu'une femme dans sa vie, ce n'est pas le paradis. C'est triste d'ailleurs, mais ça en prendrait beaucoup pour m'en convaincre définitivement. Je regarde tous ces couples hétérosexuels, dieu qu'ils semblent avoir une vie plate. Encore que, ma définition de ce qu'est une vie plate prend des proportions inquiétantes. Paris me réveillera-t-il ? Même psychologiquement ? Et si Paris était plat ? Si je m'écoutais, je prendrais une virée sur la drogue, dure en l'occurrence. On attend tellement de choses de la vie, pourquoi ne nous a-t-on pas dit qu'il n'y avait rien de plus au programme que notre quotidien actuel et plat ? Même le sexe ne contente pas.

Monsieur Vanvinburène sera dans mes rêves cette nuit. Mais il ne sera pas nu avec sa chose entre mes jambes, il sera devant son ordinateur à me réclamer trois mois de travaux hebdomadaires en retard. Je me déshabillerai alors, lui caresserai le crâne dégarni et le bedon trop gros, il me suggérera d'oublier les futilités du cours. A Dieu monsieur Vanvinburène. Je suis Eugène de Rastignac, je m'en vais me confronter à Paris tout entier. Je me vois déjà le porte-parole des Québécois en France. Leur rappelant qu'il existe tout de même huit millions de francophones au Canada, et que ce chiffre, ils ne pourront plus l'ignorer trop longtemps.

J'ai certainement des problèmes psychologiques de ce temps-ci. Hier j'ai encore fait des folies. J'ai bu la moitié de la bouteille de vin que Sébastien avait laissée par hasard et j'ai téléphoné le Edward à Oswego. Le problème c'est que cette fois-ci je suis venu. Je commence à me sentir vraiment coupable, dans tous les sens. Il me semble que je me joue de Sébastien, qui parle d'ailleurs un peu plus de me suivre à Paris, de même je me joue d'Edward puisque je vais demeurer avec Sébastien. J'amplifie un sentiment qu'il a pour moi, pour rien. Je lui ai dit que je l'aimais hier, il m'a dit de même, en spécifiant qu'il s'agissait d'un trop gros mot. Jusqu'où ira-t-on ? Est-ce que les gens straights se mettent aussi dans des situations comme ça ? Je n'en doute pas, le frère de Shelly entre autres avait deux blondes en même temps, je le soupçonne de ne pas s'être posé la question à savoir s'il était bien de se jouer ainsi des gens. Si j'en crois ma pseudo-philosophie sur le bien et l'expérience, c'est indéniable que je vais apprendre beaucoup, à faire la distinction du bien et du mal, mais en faisant le mal. Le problème commence là où je me sens comme si j'avais outrepassé les limites et qu'il n'y avait plus de retour possible vers le bien. Comme si j'avais failli totalement et qu'il ne me restait plus qu'à oublier mes idées. Mais je crois que ce paradoxe n'en est pas un. L'expérience se fout pas mal de l'humain, de ce qu'il est capable de faire. Coucher avec une, dix ou mille personnes ne changera rien. C'est la souffrance que l'on cause qui compte, et celle que l'on reçoit ou que l'on est en mesure de percevoir. Le problème aussi c'est lorsque je me mettrais à coucher à tort et à travers, sans m'attacher à personne, sans les connaître. Ce serait là une stagnation, une non-possibilité d'avancement sur la ligne de l'expérience. Les interactions entre moi et Sébastien, moi et Edward, Edward et Sébastien, c'est déjà fort complexe. Peut-être qu'éventuellement je serai davantage en mesure de distinguer ce que je dois apprendre là-dedans. Encore que, il s'agit peut-être de m'orienter vers des décisions plus importantes, comme le départ pour Paris. Si tout semble évident en ce qui concerne le futur, je dois cependant avouer qu'il risque de changer encore. Ne serait-ce que les choses tournent et qu'on ne sait jamais si la meilleure solution qui se présente pour l'avenir consistera bien en la meilleure solution dans six mois. Mais pour l'instant, ce n'est pas inutilement si Sébastien a la nationalité française et qu'il se retrouve devant un vide dans sa vie pour septembre prochain. Je vois bien qu'il me suivra en France, il en rêvait, il en a la possibilité, il en a le désir. Encore deux semaines de mars, il dira oui je pars. J'avoue que ce serait bien. J'ose croire que je vais oublier Edward, arrêter de lui dire des choses qui le feront rêver ou espérer, me concentrer pour raviver la flamme avec Sébastien. De toute façon, j'ai de bonnes raisons de croire qu'elle ne sera pas difficile à rallumer, puis je pense que l'étape Edward est accomplie : me faire rêver à la France, me faire courir à l'ambassade, me tenir en haleine jusqu'à ce que j'aie posté les demandes d'admission. Mais l'avenir m'en dira tant. Il n'y a pas que moi à soutirer des avantages ou désavantages dans tout cela. En attendant, Edward lui-même traverse une drôle de passe avec sa copine. Il n'y a que Sébastien qui semble en retard sur les événements, je ne doute pas que la crise s'en vient.

Si Jean savait à propos de bien des choses, je n'ose même pas en parler ici. Cinquante ans après l'Holocauste, je n'ose même pas parler des Juifs. C'est que le racisme envers les Juifs est encore effrayant. Quand je pense que Jean est non seulement juif, mais qu'il est homosexuel en plus, je me demande quels peuvent être ses espoirs de traverser la vie sans rencontrer de problèmes. Il veut repartir pour Jérusalem, ou du moins Israël, il finira en prison, ou mieux, on l'assassinera. L'homophobie est plus inquiétante que l'antisémitisme à l'heure actuelle, car aucune charte des droits et libertés n'interdit à quiconque d'être juif. Alors que plusieurs Etats américains, ainsi que la Chine entre autres, nous disent illégaux explicitement. Mes propres voisins ne m'acceptent pas. Je suis jugé telle une menace constante pour les valeurs de la société, jugé et pendu avant même de naître. Cet idiotisme est surprenant. A les entendre aujourd'hui, sans les lois, on nous tuerait tous sur-le-champ. Mais sur quoi reposent-ils qu'être homosexuel puisse être illégal ? Ou plutôt, sur quels principes interdisent-ils les relations homosexuelles ? Cela ne les concerne aucunement ! N'est-ce pas une violation de mon être ? Vais-je chez mes voisins leur dire ce qu'ils sont en droit de faire lorsqu'ils font l'amour ? Pire, m'en vais-je explicitement écrire dans la Charte des droits et libertés qu'il leur est interdit de faire l'amour si ce n'est pas dans le but exclusif de faire un enfant ? Et leurs principes découleraient, je crois, de la Bible. Pas en Chine en tout cas. Eh bien, en ce qui concerne ceux qui ont une charte où c'est dit qu'il est interdit de discriminer en rapport à l'orientation sexuelle, ceux-là, s'ils ne peuvent comprendre le non-sens de leur sentiment, peut-être finiront-ils par le comprendre de force. Non, sans espoir, la Bible a laissé sa marque indélébile dans les guerres planétaires et cela non plus ils ne le comprendront jamais. Le crétinisme des sociétés est sans borne, surtout lorsque celui-ci a été imposé dès l'enfance et qu'il fait encore office d'enseignement aujourd'hui. Lorsque l'on se décidera à tuer tous les homosexuels de la planète, ce sera au moins 700 millions de personnes que l'on tuera, et ce, à l'intérieur de chaque société ou religion. Autant prendre un humain et lui arracher 10 % de son cerveau. Pas de problème, c'est juste 10 %, mais le cerveau fonctionnera-t-il très bien après cela ? Je n'en doute pas. Si l'on me réfute encore ces 10 % d'homosexuels, j'attaquerai en disant que chez la plupart des gays il est impossible de voir à l'œil nu qu'ils le sont, suffit d'aller dans un bar gai pour constater ce fait. Puis dans tous les groupes d'étudiants que j'ai fréquentés en vingt ans, j'ai toujours pu en identifier un où c'était évident. Toujours. Souvent deux. Sans compter que je l'étais moi-même. Il y a donc toujours eu, ou presque, deux homosexuels connus de moi en chaque groupe de 22 à 30 élèves. Nous sommes déjà près des 10 %. En comptant maintenant ceux dont j'ignore qu'ils le sont - il m'est arrivé souvent d'apprendre ensuite que des gens dont on ne se doutait de rien l'étaient - on saute les 10 %. Un autre exemple. Dans ma classe actuelle, mon cours de ce matin avec M. Lemay, sur 13 étudiants, quatre le sont officiellement. Eh bien, 4/13 nous donnent 31 % d'homosexuels. Mais nous sommes en arts, il existe davantage d'homosexuels en arts, paraît-il. Prenons donc mon ancienne classe de droit, je ne sais plus combien nous étions et je connaissais peu de gens. Mais j'ai connaissance de trois autres qui le sont, puis des rumeurs pour quelques autres. Sans compter ceux qui se l'avoueront bientôt et ceux qui le sont mais dont j'ignore l'existence : on dépasse les 10 %. Des professeurs à l'université ? J'en ai connu au moins quatre qui l'étaient dont les gens le savaient et en parlaient. Quatre autres au collège dont j'ai connaissance. J'ai même parlé directement avec eux, ou je les ai rencontrés dans les bars gais, ou mes amis les ont rencontrés. Vous voyez, une personne sur dix qui est homosexuelle est un chiffre réaliste et minimal. Si les tabous disparaissent un jour, la population comprendra enfin qu'elle ne peut s'amputer de 10 % de la population. Même, si elle ne le comprend pas, nous serons alors dans la capacité de les rendre impuissants face à nous.

J'ai rencontré Vanvinburène au Pivik. God ! C'est fait exprès ! Je devrais l'accuser : « Il fait exprès ! » Sébastien m'a téléphoné ce soir. Comme il semble dépressif, il se rend compte que je l'aime moins de ce temps-ci. Ça m'a donné un choc, je crois que je l'aime. Je souhaite qu'il devienne un rien plus nostalgique et romantique, pour que je puisse revenir à lui plus facilement. Je suis déjà si loin. Mais chaque fois que je le reverrai je me rapprocherai de lui. En attendant, je me demande si je vais poster la lettre suivante à Edward ?
Salut ô Ed !

La vie est plate. Je suis dans le cours de M. Vanvinburène, ça dure trois heures et je lutte pour ne pas ronfler. Dans ces temps je ne fais que penser à toi. Dans tes lettres, parle-moi de ton passé. D'où viens-tu, qui es-tu, pourquoi toi et ta sœur étudiez à Oswego et non à New York ? Pourquoi étudies-tu la littérature française ? Pourquoi ne resterons-nous jamais dans la même ville, sinon Paris ? Tu dois trouver toi-même du travail en France. Mais pour être professeur, ce sera difficile. Peut-être tu peux t'inscrire à une université de Paris ? Quand donc te reverrai-je ? Tu m'as promis de faire l'amour pendant quatre heures, puis de prendre un bain avec moi, je ne peux penser à autre chose. Mais tu sais, je me contenterais de ta présence, ta senteur, de te prendre dans mes bras. Ah ! Si je pouvais ressentir la même chose avec Sébastien ! Quand donc vas-tu revenir ? Serons-nous seuls ? Sébastien se rendra-t-il compte de quelque chose ? La solution serait de laisser Sébastien, j'en serais incapable, sauf si je me rends compte que tu es mieux. Je dois te revoir pour cela, et je dois pouvoir te voir souvent, ce qui me semble impossible. Il nous faut nous contenter d'une relation d'amitié à distance et espérer se voir lorsque c'est possible. Si tu reviens, cela ne me surprendrait pas que Sébastien veuille que tu ailles chez lui. Ah Ed, tout nous sépare et j'ignore quels pourraient être mes sentiments envers toi.

Tu imagines, si nous étions tous les deux à Paris ? Ce serait merveilleux. Ô Ed, j'aime tout en toi. La vie est cruelle, je suis face à un avenir incertain, je ne sais plus quelle place occupera Sébastien, mais je sais que je veux être ton ami, mais pas un ami comme les autres. Jamais je ne voudrais que tu te forces à m'écrire ou m'appeler. Moi aussi j'ai en moi un endroit qui t'est réservé. Trouvons un terme approprié : nous sommes special friends, des amis spéciaux. So you're my special friend, ô Ed, pour longtemps j'espère. Il est tellement rare de rencontrer la bonne personne. Moi aussi j'ai gardé ce souvenir lorsque je t'aidais en grammaire à Paris. Comme j'étais déçu lorsque tu m'as montré la photo de ta copine, en plus je la trouvais laide. Excuse-moi, c'est de la jalousie. Mais que vient faire la jalousie là-dedans. Tu as droit à ta vie et moi la mienne, malheureusement. Il me faut te voir au plus vite, je veux te voir ! Reviens bientôt, invente-toi un prétexte, ou viens à l'insu de Sébastien. Je veux me retrouver avec toi, en caleçon et t-shirt, puis nus. Edward, je voudrais t'embrasser dans le cou, toucher ta peau, te gratter le menton, te regarder l'intérieur de la bouche, voir ma réflexion sur tes dents, puis le reste, je te laisse l'imaginer. Je t'aime (le gros mot) ô toi my special friend.
Comme cette lettre est puérile. C'est la première fois que j'utilise ce mot, mais aucun autre n'aurait ici sa place. On accuse souvent de puérilité, d'innocence, de naïveté, d'inexpérience. Mais lorsque nous en sommes conscients, les accusations tiennent-elles encore ? Conscient et ne rien changer à ses actions, qu'est-ce que cela signifie ? Vive la puérilité !

Je suis d'humeur massacrante. Jim m'a reproché des banalités, je lui ai presque sauté au cou (pour l'égorger). Ses banalités, qu'il les garde donc. Lui qui ne parle jamais, je le sais très bien que lorsqu'il parle c'est que le problème est beaucoup plus généralisé, et surtout ailleurs. Le problème n'est pas dur à voir, il n'en veut plus de ses colocataires qui détruisent sa maison. Puis son copain Nick voudrait nous sortir de là. Il prendrait ma chambre ? C'est définitivement la fin de mon bail, à la fin de l'été, Paris ou non, I'm out of the house. Non pas que je ne veux plus affronter les problèmes, mais j'accepte que cela fait plus d'un an que Jim cherche à se débarrasser de sa visite et que c'est le temps que je le comprenne. Il n'a jamais osé faire l'amour avec Nick while we were home. They need everyone to be out. Is this because he is Italian? Catholic? Non, j'exagère, mais il est tout de même prude le Jim, et c'est aussi la première fois que j'utilise ce mot. Mais vaut mieux être puéril et conscient que prude et inconscient ! Bon, les vacances sont finies.

Dur à croire ? Il me reste deux semaines de cours plus une demie. Les gens commencent à espérer la fin, moi je m'en fous. Je ne vois pas très bien comment je vais faire tout ce que j'ai à faire et je ne sais pas ce que je vais faire lorsque tout sera fini. On dirait que je ne puis attendre pour partir vers Paris, mais je dois avouer que je suis conscient que je serai déçu. Que je me réveille à Paris, à Ottawa ou à New York, n'est-ce pas la même chose ? Davantage de chances de réussir à Paris peut-être, même pas, et certainement bien des dépressions. Paris might not be that great, and that is what I am going to discover. I should not be that impatient to go there. Just live day by day. Cette nouvelle passivité sur ma vie, qui me permet d'arrêter de penser, de me lancer et subir l'environnement, en espérant qu'un jour cela va se terminer. I'm sick. Sick sick sick. Je n'ai pas même cette impression d'avoir terminé quelque chose avec mes études. Même si cette année ce serait le doctorat que l'on me donnerait, cela ne changerait rien. Quel est donc mon problème ? Je ne veux rien savoir de la société, je ne veux que m'isoler loin, très loin. Retour autour du Lac-St-Jean peut-être, hors des villes et villages, ça c'est de l'isolement. J'en ai assez de tous ces gens que je rencontre chaque jour, auxquels je téléphone sans cesse. J'apprends peut-être des choses, je n'en vois pas le but. Le bien, le mal, fuck it. Vingt et un ans à essayer de faire le bien pour finalement aller tromper Sébastien. Que me voilà donc bien préparé pour ma vie de saint homme. « Mais la contradiction est saine pour celui qui essaye d'adapter l'Univers à ses principes. » Si je me tirais une balle ce soir ?

J'ai dormi chez Sébastien. On a fait l'amour deux fois comme deux déchaînés. Cela me redonne-t-il espoir à Sébastien ? Je crois que oui. Je vois de moins en moins - peut-être que j'essaie de m'en convaincre et cela ne change rien, à moins que de me mentir soit inutile - mais je vois de moins en moins ce que j'ai à attendre, pour l'instant, d'Edward. Il me décourage un peu plus chaque jour par son éloignement, cela me facilite la tâche pour l'oublier. Entre autres, je peux me rabaisser sur le fait qu'il a couché avec trop de monde, embrassé six gars en un seul soir à Montréal, qu'il a couché avec un christ de laid dans cette ville, une loque humaine (je ne l'ai jamais vu). Que dirais-je encore pour l'oublier, rien à faire, j'ai toujours ce petit espoir de le revoir. Sébastien m'est devenu soudain moins important, j'ai même besoin d'un éloignement, je n'arrive pas à croire que je puisse penser cela. Je crois que je vais partir pour Jonquière cet été. Même si alors il me faudra être loin de Sébastien et d'Ed. Et s'il m'écrivait une lettre ?

Nous sommes allés prendre un verre au Café Nicole, moi, Sébastien, Nathalie et Adeline. Ce fut bien, nous avons bien ri, parlé de tout sauf de la pièce d'Ionesco qu'on venait de voir à l'université. J'espère qu'aucune de ces filles ne s'intéressera éventuellement à moi, mais notre conversation fut intéressante. Peut-on encore parler avec une fille sans qu'elle s'imagine que l'on pourrait être intéressé à coucher avec elle ? Je n'en sais rien. Mais Nathalie aurait de bonnes chances de le croire. Sans m'en rendre compte, j'ai dit des choses comme quoi elle m'intéressait. L'ambiguïté provient toutefois que c'est comme amie qu'elle m'intéresse, pas par amour ou désir. Mais j'avoue que c'est le genre de fille que je voudrais si je n'étais pas gai. Mais il n'y a aucune possibilité que je pourrais la désirer sexuellement. Je l'admire comme un homme hétéro pourrait admirer un autre homme hétéro, pour certaines raisons, comme par exemple si l'autre représente ce qu'il voudrait faire ou être, sans en avoir le courage ou la possibilité. J'aime le côté sportif et courageux de Nathalie. Prête à partir en bicyclette autour des Pays-bas, elle a bien pu y rencontrer un bel homme, encore perdu aux Pays-bas.

Hier j'étais dans un party chez Cameroun avec Sébastien. C'était la fête de ce gars qui s'intéresse à Sébas. Deux gars portaient des kilts, ces petites jupes écossaises, nus en dessous pour qu'à l'occasion on puisse voir leurs parties. Oh mon Dieu, Edward et Sébastien ont pris le bord, j'ai bondi au plafond. Me voilà devenu digne de Sodome et Gomorrhe, j'aurais sauté sur Cameroun, là, dans sa chambre, ou même devant tout le monde. Aujourd'hui j'y pense déjà un peu moins. Il s'agit de sexe et rien d'autre. Quoique les sentiments viendraient peut-être, mais pour l'instant, moi, je n'ai aucun moyen pour les mythifier, me les rendre nostalgiques. Edward, j'ai la France, Paris. Et même les Etats-Unis, New York. Voilà donc le triangle de l'histoire américaine. Quelles sont donc les interactions entre la France, les Etats-Unis et le Canada ? Tombe-t-on amoureux de quelqu'un parce que l'on aime tel pays ? Edward m'a répété qu'il aimait mon côté français, que je suis comme les gens en France, qu'il avait découvert en Montréal ce qu'il recherchait et même mieux qu'en France. Que le mythe devient séduisant. J'ai couché avec un Américain qui parle français. Une contradiction vivante. De voir que je pourrais coucher avec une multitude me fait comprendre que c'est tout du pareil au même. Lorsque j'ai couché avec Edward, mes sentiments étaient confus. Je tenais un autre corps que celui de Sébastien. J'ai fini par oublier le parfum avec le temps. Jamais je n'aurais cru que le parfum puisse être si aphrodisiaque. Je n'ai même pas une photo d'Edward. Mais j'ai l'impression de toucher la multitude, d'atteindre le monde et l'humanité. Comment dire, se sentir dans l'action. Se débarrasser de cette impression solitaire, de rejeté, loin du monde et incompris. Me voilà qui va vers les gens, qui vois en chaque rencontre une banque d'informations et d'expériences. Quelle sensation j'ai depuis un temps de vouloir sauter dans les airs, exploser, crier partout une joie de vivre, un désir de vivre qui se compense par l'échange avec les gens. Enfin, je me suffis à moi-même, sans attendre de quelqu'un un quelconque salut. Je vois Adeline qui s'accroche à nous, veut des amis, Edward qui me dit ce que l'on me répète depuis longtemps, avec moi, on ne s'ennuie pas. On voit en moi celui qui apporte l'action, the entertainer. Ma sœur est du style aussi à rendre aux soirées plates un intérêt qui fait que l'on n'attend plus de l'extérieur un sauveur. J'ai longtemps cherché un Luc Villeneuve qui se suffit, qui donne l'impression qu'en étant avec lui on ne manque rien de ce qui se passe ailleurs. Je suis donc cet ailleurs, à me suffire, Dieu peut mourir. Encore que j'ai l'impression d'en manquer des choses. Sébastien ne remplit pas ce vide, puis moi je ne puis le remplir pour moi. Edward ? Ça reste à voir. Cette personne existe-t-elle ? En la multiplicité peut-être. Sur l'instant untel remplira le vide ? Cet untel changera avec le temps ? Qu'ai-je donc à attendre de la vie ? D'autrui ?

Néomie, on me l'a répété plusieurs fois, elle-même le dit sans cesse, elle se cherche. La femme de 35 ans aux enfants de 10 et 13 ans, divorcée, qui n'en peut plus d'attendre sa liberté pour vivre, voyager, étudier à Paris peut-être et qui se cherche. Elle n'en peut plus d'attendre, elle a 35 ans, elle doit absolument faire ce qu'elle doit et veut faire, elle a 35 ans et n'a plus de temps à perdre. La limite est atteinte, le gouffre s'en vient, vite-vite-vite ! Il me semble voir là la façon la plus rapide d'atteindre le ravin. Elle se cherche. Que veut dire cette expression ? Elle est en crise d'identité, and so are we, en crise d'identité. Le gros mot. Le Québec se cherche, les Franco-Ontariens se cherchent, la France se cherche, les Etats-Unis se cherchent, se trouvent peut-être aussi, en la multitude. Ceux qui se trouvent, souhaitent détruire ceux qui se cherchent, ce qui n'est pas pour régler le problème de ces derniers. Ku Klux Klan, nous savons qui nous sommes, nous savons qui vous êtes, nous allons nous débarrasser de vous, car il est important que nous puissions demeurer ce que nous sommes, puisque nous avons découvert qui nous étions et que rien n'est pire que de se chercher une identité. Néomie se cherche, so am I. Et les Ku Klux Klan ne se chercheraient pas ? Une gang de suiveurs, de conformistes à un chef peut-être, qui se laissent entraîner à tuer pour aller pourrir en prison ensuite. Suivre des chefs peu subtils, criant à qui veut l'entendre qu'ils tueront tout le monde. Comment alors se croire en sûreté et capacité d'accomplir notre mission ? Propagande nécessaire pour attirer de nouveaux moutons. Mais ces moutons, ne se cherchent-ils pas ? Quelle peur les pousse à suivre ces chefs, à agir par admiration ou par peur de ses chefs ? Et ces derniers, d'où provient cette haine pour toute une collectivité ? Ne provient-elle pas d'expériences personnelles isolées qui n'ont rien à voir avec l'humanité ? Comme le gars prêt à faire sauter la planète parce qu'il a essuyé un petit échec dans une cabane à patates frites ? Tous les moyens sont bons pour soutirer de l'argent ou avoir des pouvoirs, se croire important, base de nos sociétés, compétition pour la richesse et le prestige. Et nous serions surpris d'avoir élevé des prêts-à-tuer-tout-le-monde pour se faire servir et admirer par une gang apeurée. Avouer ses échecs, avouer ou chercher ses vraies motivations, voilà déjà un bon pas pour l'humanité. Se comprendre d'abord, comprendre les autres ensuite. Le seul message que j'aurais pour ces membres du Ku Klux Klan, c'est celui de se demander ce qu'ils cherchent vraiment, le pourquoi de leur mouvement, leur motivation ou problème en cause. Une haine, ça se justifie rationnellement. Si leur seule motivation est de s'approprier le pouvoir, la richesse, la servitude, alors leur haine est injustifiée. On dit que l'on déteste pour que les gens détestent à leur tour, pour ensuite faciliter l'action. En fait, les motivations sont ailleurs et les moutons ignorent ces motivations. Ou au contraire, ils en sont trop conscients et espèrent soutirer leur part du gâteau. Vivre et laisser vivre, quelle belle expression qui n'a jamais été entendue de personne. D'aucun peuple ou pays, surtout pas des Américains. Qu'avons-nous à attendre d'autrui ? La servitude certains pensent. Eh bien moi pas. Je tuerai moi aussi, non, je serai plus subtil et j'atteindrai mes objectifs. En attendant, qu'ai-je donc à attendre d'autrui ? En attendant, je pourrais vivre et laisser vivre. Ainsi donc, il ne me reste plus qu'à me chercher.

Voilà que j'entre en dépression. Je viens de téléphoner à Edward. Il n'a pas reçu ma lettre, un de ses amis est arrivé chez lui, d'Allemagne, il est là jusqu'au 4 avril, empêche Ed de m'écrire, de me parler. Je panique sans raison, je ne peux rien attendre d'Edward, mais il s'est justifié pendant cinq minutes à propos qu'il ne m'avait pas téléphoné, me disant qu'il n'avait pas arrêté de penser à moi. Les justifications détruisent tout. Elles font penser qu'il a des comptes à rendre alors que je ne peux rien exiger de lui. Cela me fait croire que je lui reproche des choses alors que ce n'est pas le cas. Je ne voudrais aucunement jouer le rôle du gars qui veut une lettre, qui veut qu'on l'appelle, qui ne veut pas être négligé, et quoi encore. Je pense que je vais arrêter d'appeler Edward et je vais attendre ses contacts. Il va m'appeler ce soir, il dit. Je n'ai pas hâte. Se sent-il trop obligé envers ses amis ? Ce qui m'inquiète, c'est qu'il m'oublie. Oh Ed, que fais-tu ? Dépassé par les événements, je n'existe plus ? Quel affront ! Je me retourne vers Sébastien, je n'en veux plus de cette multiplicité de relations. Je veux un Sébastien, ne pas souffrir, observer chez les autres l'expérience qu'ils retirent. Je vais me mettre à lire, on apprend beaucoup par les livres je pense. Qu'ai-je à aller chercher ailleurs ? Je ne vais que m'attirer des problèmes. Souffrir souffrir souffrir. Jusqu'où cela ira-t-il, jusqu'où cela pourrait-il aller ? Quels seraient donc les pires scénarios, les plus beaux ? Ô Gwendoline, my beauty, attends-moi à Cythère, je t'y retrouverai après mon shift de télémarketing. Ô Edward, my beauty, laisse-moi un demi-siècle et je te retrouverai dans mon lit. Dear God, je suis venu sur cette planète parce que, disait-on, il y avait beaucoup à apprendre. Un édifice complet m'est tombé sur la tête ce mois de mars et je suis incapable de distinguer ce que j'ai appris. Croyez bien que je désespère d'en voir davantage, et pour l'instant, je ne puis attendre de me retrouver dans les bras d'un humanoïde que j'ai connu. Veuillez me faire parvenir immédiatement la marche à suivre pour trouver la sortie du labyrinthe, j'attends la réponse après le travail vers neuf heures ce soir. Et puis tant qu'à bien faire, agréez, dear God, mes salutations distinguées.

Les gens n'aiment pas les comparaisons entre les souffrances juives et homosexuelles, eh bien tant pis, les deux ont souffert injustement, en particulier durant l'Holocauste. N'est-il pas désolant que les Juifs plus religieux soient prêts à tuer les homosexuels et ne manquent pas une occasion de les condamner ? Souffre-t-on davantage d'être juif ou homosexuel ? Je ne pourrais dire, j'ignore le nombre d'homosexuels tués chaque année et le nombre qui a été tué au cours de l'histoire. Si le chiffre de six millions est très significatif pour les Juifs, Sodome et Gomorrhe l'est aussi, en admettant que ce conte ait autre chose à faire que d'être une fiction mythique franchement écœurante, malhonnête, sournoise, perverse, mal. Si seulement la portée de ces trois seules lettres pouvait frapper en plein visage 2000 ans de fanatisme religieux. Je calcule un chiffre impressionnant d'homosexuels tués ou emprisonnés au cours de l'histoire. On estime qu'il pourrait y avoir eu un million d'homosexuels tués pendant l'Holocauste de 39-45. Plusieurs affirment qu'il y en a eu au moins 500 000, et tout le monde semble s'accorder sur un chiffre minimal de 220 000. Je puis déjà dire qu'il m'est bien insupportable de vivre en étant gai aujourd'hui. On n'avoue pas facilement être homosexuel. On souffre hier, aujourd'hui, demain. Je dévie du sujet. Je ne cherche ici qu'à prouver jusqu'à quel point les homosexuels sont injustement traités encore aujourd'hui. Dans quelles conditions on nous laisse respirer et souffrir, sortir de l'ombre si on en a la chance ou autant de volonté qu'il en faudrait, se décider à trouver quelqu'un, de vivre comme il est notre seule façon d'être pour être heureux. Je m'excuse, on ne peut changer sa nature. On ne demande pas à un Juif de devenir catholique (en admettant qu'être juif ou catholique appartienne à la nature, mais tout n'appartient-il pas à la nature ?). Ceux qui semblent réussir à changer souffrent plus que tout et ne peuvent l'admettre, pas même à eux. Et si les bisexuels, puisqu'ils semblent exister, peuvent tout aussi bien se trouver quelqu'un du sexe opposé et être heureux, qu'ils ne viennent pas dire aux homosexuels qu'ils peuvent changer. Je n'en crois rien et pas un homosexuel n'en croira quelque chose. Lorsque je parle d'homosexuel, j'aimerais que l'on considère que je parle autant des lesbiennes, des bisexuels et bisexuelles. Je n'essaie pas de banaliser ce qui est arrivé aux Juifs. Je montre que, si l'on s'indigne sur ces atrocités, c'est le temps que l'on se réveille et que l'on comprenne qu'il existe toute une partie de la collectivité qui nous entoure qui souffre tout autant et qui a souffert tout autant dans son histoire. Puis aussi surprenant que cela puisse paraître, je ne m'adresse pas aux chefs ou membres du Ku Klux Klan ou des White Supremacists, mais à la petite mémère et au petit pépère lavés du cerveau par leur religion et qui arrive à affirmer la phrase maintenant classique que le Sida est un cadeau de Dieu pour nous débarrasser des homosexuels. Calice ! Quelle sorte de Dieu avez-vous donc pour chercher ainsi à se débarrasser d'un groupe de gens, qu'avez-vous donc à espérer d'un tel Dieu ? Un Dieu qui est Amour ? Vous, juste à penser une telle chose, avez-vous vraiment une quelconque espérance d'aller au ciel ? Laissez-moi rire ! Un jour je vais faire du Voltaire, je me payerai la Bible, les 300 versions différentes qui existent s'il le faut, juste pour vous en ressortir les choses les plus inconcevables qui puissent exister. Que l'on m'apporte encore une de ces phrases bibliques à la noix qui puisse s'interpréter pour aider à l'anéantissement de tout un peuple ! Votre Ku Klux Klan, étudiez-le bien. Il ne diffère pas beaucoup de certains gouvernements ou partis politiques, et peut-être pas du tout de plusieurs mouvements religieux. Relisez, ou plutôt lisez Gide, Voltaire, Yourcenar, ou même, lisez-la votre Bible. Avant de commencer à la citer à tort et à travers comme si elle faisait office de Loi divine, vous serez peut-être surpris d'y lire que vous-mêmes êtes condamnés. Je croyais que les sociétés évoluaient, je pensais que lorsqu'un grand auteur avait écrit ses briques, on n'avait plus besoin de les répéter. Eh bien non, il faut sans cesse reconstruire les consciences, sensibiliser les gens dans un but un peu plus humanitaire. Comme il est difficile pour quelqu'un de se croire libre de penser avec tout un bagage de croyances implanté dans son cerveau. Ces gens sont même incapables de revenir sur leur idéologie pour se demander s'ils ont peut-être tort. Pas du tout, et tout jugement par la suite devra aller en fonction de ce savoir qui ne leur appartient pas. Alléluia ! Fêtons la mort du Christ, puisque personne n'a compris son message !

J'ai parlé avec Edward. On s'est répété les traditionnels bonjour et discours presque amoureux, on se verra vers la mi-avril. Ô horreur, cela est long, mais comme il dit, moi au moins j'ai Sébastien pour me contenter. J'ajouterais même que je ne devrais qu'avoir Sébastien pour bonheur. Il disait à la blague qu'un coup à Ottawa il chercherait un mec avec qui passer la nuit. Je lui ai dit non, eh, il vient pour moi, pas pour que je souffre de le voir coucher avec un autre. Comme ce serait cruel, sans perdre de vue que Sébastien ignore cette histoire et qu'ainsi l'histoire n'est pas encore cruelle. Mais ne sais-je donc pas que je n'ai rien à attendre dans cette histoire, pas de pitié ni de compassion ? Sébastien me téléphone pour me dire qu'il m'aime, il est minuit trente-huit. J'arrête d'écrire, c'est sûrement un signe.

Mes opinions changent comme la température. Une lecture du
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