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![]() ![]() ![]() ![]() UNIVERSITE MARIEN NGOUABI FACULTE DE DROIT ANNEE UNIVERSITAIRE 2012-2013 MASTER I DROIT PUBLIC COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL AFRICAIN INTRODUCTION Par Aubrey Sidney ADOUA-MBONGO Assistant à L’Université Marien Ngouabi INTRODUCTION
INTRODUCTION1 En philosophie, la méthode est définie comme la marche rationnelle de l’esprit vers la vérité. D’une manière générale, on peut dire qu’une méthode, c’est « une manière de conduire la pensée »2, un « ensemble de démarches raisonnées, suivies, pour parvenir à un but »3. « L’idée de méthode est toujours celle d’une direction définissable et régulièrement suivie dans l’opération de l’esprit »4. La première obligation d’un scientifique à l’égard de son auditoire est de décrire sa méthode (II), la manière dont il perçoit l’objet de son étude et la mesure dans laquelle sa propre subjectivité affecte l’objet de celle-ci5. On soumet à un juriste un problème de droit. Pour le résoudre, il va devoir procéder à des opérations mentales et matérielles. Il agira avec méthode si, après avoir posé le problème (I), il dresse la liste des opérations à accomplir, les axes de sa recherche et établit un ordre d’accomplissement de ces opérations (III) qui lui donne plus de chances de résoudre ce problème correctement et rapidement6.
Le cours de droit constitutionnel africain est censé avoir pour destinataires des personnes ayant déjà des connaissances de droit constitutionnel, il ne s’agit pas d’un enseignement pour débutants. Ainsi, il ne sera pas question tout au long de ce cours de revenir sur les notions élémentaires de droit constitutionnel mais plutôt d’approfondir les connaissances déjà acquises. La démarche adoptée tout au long de ce cours nous conduira à appliquer les règles de droit constitutionnel dans le cadre du constitutionnalisme en afrique. En d’autres termes il s’agira ici d’étudier le droit constitutionnel à l’épreuve des régimes politiques africains. Cette première problématique d’ordre général mérite d’être affinée, et c’est dans ce souci qu’il nous faut préciser l’objet (A) et le sujet de notre étude (B), avant d’envisager de disserter sur l’intérêt (C) et la problématique de notre sujet (D).
« Le problème politique par excellence n’est pas tant la question de qui détient le pouvoir, mais du moyen de contrôler et de limiter celui-ci. Le bon gouvernement ne se juge pas à l’aune du petit ou grand nombre de ceux qui le possèdent mais du petit ou grand nombre des choses qu’il leur est autorisé de faire »7. Ces propos de Norbeto Bobbio montrent bien que l’un des problèmes essentiels à l’établissement de la démocratie est le contrôle et la limitation du pouvoir. L’Etat de droit postule que le pouvoir ne peut s’exercer que par le droit. L’encadrement juridique met en exergue l’institutionnalisation du pouvoir8. La question de la limitation du pouvoir politique par le droit nous renvoie à la question des rapports entre le droit et la politique. Il convient au préalable de procéder à une définition de ses deux termes (1), avant d’éclairer les rapports qui existent entre eux (2). Une fois ces précisions liminaires effectuées nous serons en mesure de justifier la nécessiter de procéder à un encadrement juridique du pouvoir politique (3).
. Le mot droit est une métaphore. Le terme vient du latin directum (en ligne droite) qui implique, au figuré, l’idée de ce qui est conforme à la règle. Cette image se retrouve dans la plupart des langues étrangères : dirito, derecho, recht, right. Malgré son étymologie univoque, le vocable droit recouvre deux acceptions différentes9. Tantôt, il désigne l’ensemble des règles de conduite qui gouvernent les rapports des hommes dans la société, et dont le respect est assuré par l’autorité publique : on parle en ce sens de droit objectif, le qualificatif étant tiré de l’objet de la discipline, qui est précisément d’élaborer un corps de règles dans sa totalité. Tantôt, on appelle droit le pouvoir accorder à une personne d’user d’une chose ou d’exiger d’un autre individu l’exécution d’une prestation. Sous cet aspect, on n’évoque plus le droit en général, mais un droit ou des droits, et l’on se sert de l’expression droit subjectif, le qualificatif évoquant le titulaire (le sujet) de la prérogative juridique. L’exemple type est le droit de propriété. La polysémie du mot « politique » a tant de fois été soulignée qu’elle a parfois conduit à dissoudre cette notion, au point de la rendre introuvable ou, plus exactement, de la découvrir un peut partout. Comme adjectif, la politique renvoie principalement à une activité particulière d’individus (élus, représentants) ou d’institutions (partis, groupes, Etats). Comme substantif, au féminin, la politique désigne un ensemble d’activités et à un espace spécifique de compétition pour la conquête et l’exercice du pouvoir10. Cette dernière définition nous servira de fil conducteur dans l’élaboration de notre raisonnement.
Le droit a avec la politique des rapports très étroits et non point des relations plus ou moins lâches comme il en existe entre toutes les activités sociales et entre les diverses sciences qui étudient ces activités. Le professeur Jean-Luc Aubert écrivait à ce sujet ceci : « Le Droit est la traduction d’un projet politique. Il vise à promouvoir et à mettre en œuvre une conception de la société et des relations qui s’y établissent »11. Le droit est dans la dépendance de la politique qui le domine (a). Toutefois, malgré cette dépendance, le droit conserve une certaine autonomie vis-à-vis de la politique (b).
Les liens qui unissent le droit et la politique sont des liens organiques. Ils se manifestent lors de la création du droit et pendant son application. Le lien originel qui unit le droit à la politique, c’est le lien qui unit la créature à son créateur, à celui qui l’a engendré. Le droit est le fils de la politique. Cette parenté est évidente, mais les choses les plus simples sont souvent celles qu’on perd de vue ou qu’on néglige. Qui fait la loi, qui dans les Etats modernes est la source principale du droit ? C’est le Parlement, le Chef de l’exécutif, c'est-à-dire le pouvoir politique. Les lois les plus importantes apparaissent à notre époque comme le résultat d’une revendication politique. On réclame l’établissement du suffrage universel, la scolarité obligatoire pour les enfants, des retraites pour les vieux travailleurs. Le jour où la revendication politique a abouti, elle a donné naissance à un nouveau régime de droit. N’est-ce pas la preuve de la dépendance du droit par rapport à la politique et de la supériorité de la politique sur le droit ? Si l’on considère, non plus la création du droit, mais l’application du droit qui a été formulé dans des textes, on constate que cette évolution est dominée par le jeu des forces politiques. Ce phénomène est particulièrement frappant s’agissant des Constitutions. Quand un pays se donne une Constitution, on ne peut jamais prédire ce qu’il sortira de la Constitution qui vient d’être adoptée. Analyser le texte d’une telle Constitution qui vient en tenant compte des intentions de ses auteurs est un exercice scolaire classique, mais d’un intérêt limité. C’est la pratique politique, c'est-à-dire les forces politiques en jeu, qui donne vie à la Constitution et formalise la physionomie d’un régime constitutionnel. La comparaison des pratiques politiques, britannique et française, est à cet égard édifiante. La France du temps de la troisième République (1870-1940) avait un régime parlementaire dont les règles fondamentales étaient pour la plupart celles du régime parlementaire britannique. Cependant la pratique française et la pratique britannique différaient profondément. En France, le législatif était tout-puissant et le gouvernement, dépendant et faible. En Grande-Bretagne, le Parlement acceptait l’autorité du gouvernement qui était très fort. En France, les gouvernements changeaient souvent tandis que la Chambre des députés n’était presque jamais dissoute. En Grande-Bretagne, les gouvernements n’étaient jamais renversés et ils ne changeaient guère que lorsque les élections législatives avaient entraîné un changement de majorité. Par contre, il était exceptionnel que la Chambre des Communes ne fût pas dissoute avant d’avoir atteint le terme de son mandat. Le contraste entre la pratique constitutionnelle des deux pays est frappant malgré l’analogie des règles constitutionnelles. Non moins frappant est le contraste entre la pratique du régime présidentiel aux Etats-Unis et celle du même régime dans les pays d’Amérique latine. Aux Etats-Unis, un certain équilibre n’a cessé de régner entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et jamais il n’y a eu de coup de force pour troubler le jeu normal de la Constitution. En Amérique latine au contraire, le Président de la République a le plus souvent dominé le pouvoir législatif et d’innombrables coups de force sont intervenus pour destituer les titulaires du pouvoir désignés par l’élection et mettre d’autres hommes à leur place12.
Si la politique est la source du droit, à la fois du droit interne qui est l’expression de la volonté du pouvoir politique de l’Etat et du droit international qui est l’expression de la volonté des Etats, c'est-à-dire de leurs gouvernements, il reste que le droit, une fois qu’il a été créé ne se confond pas avec la politique. La créature a une vie distincte de celle de son créateur. Certes le droit conserve une certaine dépendance vis-à-vis de la politique qui, influe sur l’application du droit, mais cette circonstance ne supprime pas l’autonomie du droit. La séparation du droit et de la politique, une fois que le droit a été créé, est beaucoup plus marquée sur le plan interne que sur le plan international. Sur le plan interne, le législateur est dessaisi une fois qu’il a légiféré. Dans les pays de régime représentatif effectif, le pouvoir législatif peut contrôler la façon dont le gouvernement assure, par son action, l’exécution de la loi, mais l’autorité, dont la fonction normale exercée de façon continue est de contrôler l’application de la loi, est l’autorité judiciaire à laquelle en principe on peut toujours faire appel. Si la loi est obscure, ambigüe, incomplète, c’est le juge qui doit l’interpréter dans cas d’espèce, sans en référer au législateur qui a confié au juge la mission d’interpréter la règle de droit. La vie du droit est ainsi réglée par le pouvoir judiciaire et ce dernier pouvoir est séparé des pouvoirs politiques.13 Il existe donc un lien entre le droit et la politique. Ce lien est souvent conflictuel en raison du fait que le droit tend de plus en plus à « judiciariser » la vie politique. Cette tendance à la « judiciarisation » se manifeste par l’encadrement juridique du pouvoir politique.
Le pouvoir et plus encore, le pouvoir politique ne peut se concevoir sans l’autorité qui en constitue le soutien indispensable. Le droit constitutionnel est par conséquent et dès le départ un droit du pouvoir politique, un droit de l’autorité politique. Or, il n’y a pas de pouvoir, d’autorité sans commandement. Mais de l’autorité à l’autoritarisme, le pas est vite franchi et le pouvoir peut privilégier la force aveugle et l’arbitraire. C’est très tôt que le constitutionnalisme au XVIIIe siècle s’est construit autour des idées d’aménagement du pouvoir et surtout de limitation du pouvoir. La conciliation entre autorité et liberté a été développée au début du XXe siècle par Maurice Hauriou, prolongée par André Hauriou14. L’objet premier du droit constitutionnel est de fonder la légitimité du pouvoir politique en posant dans la constitution les grands principes relatifs à la forme et au fonctionnement de l’Etat. La constitution exprime la volonté du pouvoir politique suprême, le pouvoir constituant. En ce sens le droit constitutionnel est un droit politique, car il traduit des idées, faisant l’objet d’un consensus ou d’une large adhésion, posées par certains hommes au nom de la communauté afin de permettre au pouvoir étatique d’exercer légitimement et durablement sa puissance15. S’il est une constante dans l’histoire de la vie politique, c’est bien son institutionnalisation16 continue. Du chef absolu des premiers groupes humains, au pouvoir fondé sur son courage, son habileté ou sa sagesse, que de chemin parcouru jusqu’aux Parlements contemporains, légitimés par l’élection et soumis à des règles contraignantes et compliquées17. L’institutionnalisation de la vie politique signifie ici la mise en place de structures et de mécanismes, organisant et encadrant l’exercice du pouvoir et les luttes que sa conquête, son contrôle, sa défense suscitent. Des règles du jeu se sont peu à peu substituées aux simples rapports de forces. Des comportements imités, répétés, auxquels ont s’est conformé presque instinctivement, sont devenues des traditions, des coutumes dont le respect devient obligatoire et, un jour, pour plus de sûreté et de certitude, on a inscrit les règles ainsi formées dans des textes dont les constitutions modernes sont le dernier état. Des institutions politiques sont nées, et pour définir leurs rapports le droit constitutionnel est né. C’est en ce sens que l’on peut dire que le droit constitutionnel est un droit politique. Cette volonté manifestée par le droit de « saisir » le pouvoir politique18 est à l’origine du constitutionnalisme. Dans la conception classique, telle qu’elle est exposée dans les manuels de droit constitutionnel, le constitutionnalisme est considéré comme un moyen de limiter le pouvoir des gouvernants. Par suite, il est associé à l’apparition de mouvements constitutionnels qui ont débouché sur la formation d’un droit constitutionnel dont André Hauriou dit que sa naissance et son développement « se localisent de façon très précise dans le temps et aussi dans l’espace ». Il parle à ce sujet d’ « invention occidentale »19. Ces propos du professeur André Hauriou démontre bien que « l’effort constitutionnel de l’humanité (…) remonte très loin dans le passé, même si le régime constitutionnel proprement dit est un phénomène tardif consécutif à l’apparition de l’Etat moderne »20. Le constitutionnalisme, qui a pris naissance dans le continent européen, va se généraliser et se répandre dans le monde en général et (pour ce qui nous concerne) en Afrique en particulier. |
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