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Document n°273"Historiquement, le mouvement de mai et la période qui l'a suivi, se placent à la charnière de deux types de sociétés comme la Commune de Paris se plaçait à la charnière du capitalisme marchand et du capitalisme industriel. (…) Aujourd'hui : la société française est dominée par l'économie industrielle mais devient déjà une société postindustrielle. le mouvement ouvrier est encore la force de protestation la plus importante, mais le mouvement de mai a déjà fait apparaître des thèmes et des acteurs nouveaux. Qu'on observe les mouvements régionaux, les grèves d'immigrés, le mouvement écologiste ou la lutte des femmes, chaque fois on est ramené à mai 68 comme au point d'origine ou à une inflexion fondamentale. C'est depuis mai que les mouvements sociaux ne se subordonnent plus à l'action des partis, que le champ de contestation s'est étendu à presque tout les secteurs de la vie culturelle et de l'organisation sociale". A. Touraine, Le communisme utopique. Le mouvement de mai 68. Coll Postface, Ed Seuil, avril 1972-mars 1980. Mais mélangeant le registre descriptif et prescriptif, il finit par associer démocratie et mouvement social, pour rejeter toute perspective révolutionnaire, ses réflexions sur la démocratie, finissent par n’avoir qu’un enjeu : la défense d’un certain type de démocratie, une démocratie pluraliste, pacifiée associée à l’acceptation du principe d’une économie de marché. Document n°274« L’essentiel aujourd’hui à mes yeux est de (…) détruire activement les restes de toutes les visions unificatrices de l’histoire qui sont les pires ennemies de la pensée comme de la liberté. C’est pourquoi on ne peut parvenir à l’idée de mouvement social comme conflit central qu’après s’être débarrassé complètement de toute philosophie de l’histoire et plus concrètement de l’illusion révolutionnaire. Que le phénomène révolutionnaire existe, nul ne peut en douter, mais l’idée du mouvement social et sa réalité supposent la destruction du globalisme révolutionnaire, la libération de la société civile et la reconnaissance du marché, c’est-à-dire des changements non contrôlables de l’environnement. Je n’exprime pas ici une préférence idéologique ; j’affirme que l’idée de mouvement social ne peut pas vivre hors de son association avec celle de démocratie et de marché. Me permettra-t-on de dire plus brutalement que l’idée de mouvement social est inséparable d’une pensée libérale-démocratique et incompatible avec les régimes et les doctrines révolutionnaires ? Formule qui a le mérite au moins de s’opposer brutalement à l’identification si courante dans la tradition européenne entre mouvement social et révolution. C’est parce que l’idée de mouvement social n’a rien à voir avec celle de mutation historique ou celle d progrès qu’elle peut et qu’elle doit avoir la prétention de désigner un élément central de fonctionnement des sociétés (…), le principe d’une dynamique central de la société civile et donc de la naissance sous nos yeux d’un nouveau type de sociétal, société post-industrielle, société programmée ou de quelque autre nom qu’on la nomme ».
Philosophie de l’histoire tourainienne qui finit par le disqualifier pour saisir les nouveaux mouvements sociaux en cette période contemporaine. b) Le renouveau des luttes anticapitalistes entre fragmentation et convergences Le mouvement social de l’automne 1995, suivi du mouvement des chômeurs ouvre un nouveau cycle de contestation en France (prémisses avec la mobilisation étudiante de l’hiver 1986-1987). Document n°275"Face à l'offensive déclenchée par le gouvernement, nous estimons qu'il est de notre responsabilité d'affirmer publiquement notre pleine solidarité avec celles et ceux qui, depuis plusieurs semaines, sont entrés en lutte ou s'apprêtent à le faire. Nous nous reconnaissons pleinement dans ce mouvement qui n' a rien d'une défense des intérêts particuliers et moins encore des privilèges mais qui, est en fait, une défense des acquis les plus universels de la République. En se battant pour leurs droits sociaux, les grévistes se battent pour l'égalité des droits de toutes et de tous : femmes et hommes, jeunes et vieux, chômeurs et salariés, travailleurs à statut, salariés du public et salariés du privé, immigrés et français. C'est le service public, garant d'une égalité et d'une solidarité aujourd'hui malmenées par la quête de la rentabilité à court terme que les salariés défendent en posant le problème de la Sécurité sociale et des retraites. C'est l'école public ouverte à tous, à tous les niveaux et garante de solidarité et d'une réelle égalité des droits au savoir et à l'emploi que défendent les étudiants en réclamant des postes et des crédits. C'est l'égalité politique et sociale des femmes que défendent celles et ceux qui descendent dans la rue contre les atteintes aux droits des femmes. Tous posent également la question de l'Europe : doit-elle être l'Europe libérale que l'on nous impose ou l'Europe citoyenne, sociale et économique que nous voulons ? Le mouvement actuel n'est une crise que pour la politique gouvernementale. Pour la masse des citoyens, il ouvre la possibilité d'un départ vers plus de démocratie, plus d'égalité, plus de solidarité et vers une application effective du Préambule de la Constitution de 1946 repris par celle de 1958. Nous appelons tous nos concitoyens à s'associer à ce mouvement et à la réflexion radicale sur l'avenir de notre société qu'il engage ; nous les appelons à soutenir les grévistes matériellement et financièrement. "Le mouvement de décembre 1995, appel de soutien aux grévistes, le 4 décembre 1995", in Le Monde, 5 décembre 1995. Document n°276 En décembre 1996, « le mouvement des chômeurs est un événement unique extraordinaire (…). Tous les travaux scientifiques ont (…) montré que le chômage détruit ceux qu’il frappe, qu’il anéantit leurs défenses et leurs dispositions subversives. Si cette sorte de fatalité a pu être déjouée, c’est grâce au travail inlassable d’individus et d’associations qui ont encouragé, soutenu et organisé le mouvement. (…) La première conquête de ce mouvement est le mouvement lui même, son existence même : il arrache les chômeurs et, avec eux, tous les travailleurs précaires, dont le nombre s’accroît chaque jour, à l’invisibilité, à l’isolement, au silence, bref à l’inexistence. En réapparaissant au grand jour, les chômeurs ramènent à l’existence et à une certaine fierté tous les hommes et les femmes que, comme eux, le non emploi renvoie d’ordinaire à l’oubli et à la honte. P. Bourdieu, « Le mouvement des chômeurs, un miracle social », Contre-feux, Ed Liber-Raisons d’agir, 1998. Pour P. Bouffartigues, une première hypothèse est formulée par un certain nombre de chercheurs celle d’un déplacement de la conflictualité hors de la sphère du travail avec les mouvements des « sans » :
Malgré des précédents dans l’histoire (marche des chômeurs dans les années 1930, MLF dans les années 1960, etc.) de nombreux auteurs insistent sur la radicale nouveauté de ces mouvements contestataires : on peut les opposer au monde du travail perçu comme figé sur des positions défensives à partir d’institutions traditionnelles (syndicats et partis politiques). Opposition simpliste (reprise par les médias) : 1) d’un coté les manifestations des sociétés « modernes » (les « prides », les forums altermondialistes, etc.) ; 2) de l’autre le monde du travail désespéré qui cherche à sauver ses emplois. Cette thèse s’appuie sur une série d’arguments solides :
Mais par ailleurs, à cette thèse de la « segmentation » des conflits sociaux et de la montée en puissance des conflits « post-modernes », on peut opposer les remarques suivantes :
Il en résulte, selon P. Bouffartigues, l’apparition d’un nouveau débat dans le champ scientifique :
- Un champ contestataire structuré par un multiplicité d’antagonismes et d’oppressions ? P. Bouffartigues, souligne que pour Tim Jordan, (S’engager ! Les nouveaux militants, activistes, agitateurs, Autrement, 2003), les nouveaux mouvements contestataires se développent en parallèle d’une transformation des structures de la société. Evolution en 4 séquences :
Cette thèse conduit à l’idée d’un découpage de l’espace social en différents champs d’action : chaque mouvement collectif interpelle le pouvoir politique en fonction de son « répertoire d’action » spécifique. Le risque est alors l’absence d’articulation entre ces domaines bornés : la lutte des classes a cédé la place à un « radicalisme auto-limité » (Andrew Arato, Jean Cohen, Civil society and political theory, MIT, 1992 ð auteurs qui ont proposé la notion de self-limiting radicalism). Cette approche est reprise en France par Daniel Mouchard, (« les mobilisations des “sans” dans la France contemporaine : l’émergence d’un radicalisme auto-limité », RFSP, vol. 52, n°4, août 2002.) Pour lui, l’originalité du mouvement tient à la relation ambivalente que le mouvement entretient avec l’Etat : adversaire et interlocuteur. La source de légitimation du mouvement se trouve dans le droit normatif entendu comme supérieur à la légalité en vigueur (droit d’avoir des papiers pour accéder à la citoyenneté, droit d’avoir un toit, un emploi, etc.). Cette action se traduit par un « illégalisme sectoriel » qui se combine avec une référence constante aux droits fondamentaux. Selon Mouchard, ce type de mouvement social est toutefois limité à une demande d’intégration dans le système et s’interdit toute contestation du système. Il n’empêche, ce radicalisme auto-limité qui s’appuie sur des pratiques de désobéissances civiques fait du droit son arme symbolique et vise à conquérir de nouveaux espaces de citoyenneté. Cette approche permet également d’expliquer la relative institutionnalisation de ce que l’on a appelé les nouveaux mouvements sociaux, institutionnalisation que reconnaît même A. Touraine et qui finit même par penser que les mouvements féministes, anti-racistes, étudiants ne constituent plus à proprement parler des mouvements sociaux. |
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