Document n°206








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SECTION IV : Démocratie politique, démocratie sociale : la promotion de la notion de gouvernance
« Pour Max Weber, l’équilibre des pouvoirs dans les démocraties forme une histoire inachevée. Un tel constat implique que toute démocratie politique y compris les plus anciennes – soit incessamment amendée, donnant ainsi lieu à l’essor de nouveaux pouvoirs, de nouvelles instances et de nouvelles légitimités qui s’affirment à divers niveaux de l’espace public - au stade local ou à des stades supérieurs - sous des formes toujours plus diverses »1.


A) Démocratie politique : la promotion de la notion de gouvernance
Depuis le début des années 1980, se dessinent de nouvelles formes de politiques publiques où les contradictions en œuvre au sein de la société ne sont plus gérées au niveau du Politique mais au niveau même de la société et même au niveau le plus prés des individus, dans le cadre d’une société considérée comme pacifiée. Nouvelle formes de politiques publiques qui se trouveront légitimés par une absence généralisée d’engagement et par une volonté de l’organiser ou de la légitimer.


Document n°206

« Trop de citoyens, trop de groupes, surtout syndicalistes, surtout de gauche, s’impliquent dans la vie politique, rendant presque impossible, la tâche des « décideurs ». La crise tels qu’ils la voient (M. Crozier, S. Huntington, J. Watanuki), ce n’est donc pas une quelconque apathie, mais au contraire une énergie devenue redoutable dès lors que la société d’en bas s’est mise à douter des élites politique – et à agir, le cas échéant, contre elles. Intellectuel libéral à la mode giscardienne, auteur d’essai remarqués sur le « phénomène bureaucratique » lié selon lui à une insuffisante implication civique des acteurs sociaux, Michel Crozier paraît s’être transformé en penseur néo-conservateur réclamant un retour à l’ordre. Et il rejoint le démocrate Samuel Huntington, connu à l’époque pour avoir été l’un des théoriciens des politiques de « pacification » américaines dans le Sud-Est asiatique. Ensemble, que découvrent-ils ? Que les intellectuels ont failli à leur mission en encourageant une « culture d’opposition » au système. Qu’on doit « reconnaître qu’il y a une limite désirable à l’extension indéfinie de la démocratie politique », à l’excessive vitalité » des années 60 : sa « participation populaire accrue », son incurable « fidélité au concept d’égalité ».

S. Halimi, « Le grand bond en arrière », éd Fayard 2004, p.249.
Dans un contexte d’organisation d’une réelle déresponsabilisation de l'exécutif et du législatif2, les agents des administrations publiques sont invités à mettre en œuvre des politiques publiques intégrant de plus en plus l'amont et l'aval, dans un objectif non avoué de maintien de l'ordre et de la paix sociale.

Document n°207

Aujourd'hui, "la politique ne se limite pas à la prise en compte d'une décision identifiée à un moment ou à un texte mais intègre l'amont (la consultation) aussi bien que l'aval (l'évaluation). La politique publique permet aussi de comprendre la pluralité des acteurs et des modes d'interventions dans le processus d'intervention dans le processus de décision : les groupes de pression sous la forme classique de la concertation et de la cogestion mais aussi "le public" sous forme de sondage, de la consultation du groupe concerné (usagers, lycéens, étudiants, personnes âgées, handicapés, fonctionnaires, etc.) et de l'audit généralisé".

N. Rousselier, art : « Deux formes de représentation politique : le citoyen et l’individu », in M. Sadoun (ss la dir), « La démocratie en France », tome 1, Ed Gallimard, 2000, p.324
Il convient de souligner qu'une telle façon d'envisager le rôle des administrations publiques dans la prise de décision publique nous éloigne des formes de la démocratie et de la représentation classique.
Cette façon d'envisager les décisions publiques est bien loin du modèle républicain traditionnel et n'est pas sans conséquence sur le maintien ou le renforcement des inégalités, dans la mesure où on sait que les mobilisations des individus sont très dépendantes des positions dans les rapports sociaux de production. En d'autres termes, un tel modèle de démocratie ne fait que donner la parole à ceux qui l'ont déjà, à ceux qui ont des capacités de mobilisation, autant dire qu'encore une fois, les classes populaires seront exclues, dans la mesure où elles sont sous représentées dans le tissu associatif et politique.
Document n°208

"Donner la parole à tel ou tel public, telle ou telle cible, produit à bon compte un effet de démocratie où la parole ainsi donnée en bloc, illisible à force d'être massive et immédiate (questionnaire, sondage, audit, etc. …) peut tourner à la manipulation d'opinion. On est loin de la mise en place de véritable processus de délibération fondés sur la transmission et l'appropriation de l'information, l'autonomie des participants, la maîtrise du temps et la capacité de contradiction et d'expression des conflits. Il serait présomptueux de ce point de vue de parler d'une nouvelle citoyenneté"

N. Rousselier, art : « Deux formes de représentation politique : le citoyen et l’individu », in M. Sadoun (ss la dir), « La démocratie en France », tome 1, Ed Gallimard, 2000, p.328.
Document n°209

"Mandataires, médiateurs et porte-parole ne sont jamais désignés au hasard. La distribution de la prise de parole et du pouvoir de décision dans le cadre d'une politique publique relève plus de l'exercice de la domination et de la discrimination que d'une improbable égalité représentative. Certains groupes peuvent se mobiliser plus facilement que d'autres et avec une plus grande impunité que d'autres, comme le montre le cas des agriculteurs.

Le niveau d'accès au processus d'élaboration des décisions publiques représente un "coût élevé" qui joue bien souvent le rôle de barrière. La puissance publique elle-même est loin d'avoir abdiqué son pouvoir de régulation et de commandement. Elle continue d'inclure et d'exclure à son gré les acteurs d'une consultation ou d'une négociation dont elle a elle-même défini le cadre (…) plus encore, le modèle de la gouvernance ouvre une large remise en cause de la démocratie représentative, se substituant à cette dernière, il ne relie plus un seul centre de pouvoir à la communauté nationale. "Pouvoir anonyme", qui n'est plus contrôlé par les citoyens parce qu'ils ne parviennent ni à l'identifier, ni à le situer, le modèle de la gouvernance nourrit ainsi une crise de "l'imputation politique". L'image d'une administration démultipliée, associant à ses fonctions régaliennes des agences exécutives de nature semi-privée, remplace l'image d'un pouvoir politique qui était encore perçu comme une unité de commandement soumise au choix concentré des citoyens et capable d'intervenir puissamment dans la définition de leur vie".

N. Rousselier, art : « Deux formes de représentation politique : le citoyen et l’individu », in M. Sadoun (ss la dir), « La démocratie en France », tome 1, Ed Gallimard, 2000, p.330-331.
Ces nouvelles politiques publiques au cours des années 1990 trouvent leur légitimation dans une nouvelle technique de gouvernement : la gouvernance.

Cette notion de gouvernance renvoie à une technique de gouvernement, à la définition d’un processus de régulation sociale au caractère s’affirmant volontiers démocratique.

Document n°210

"Le modèle de la gouvernance se différencie aussi bien du gouvernement parlementaire que du gouvernement décisionnel. Il ne correspond plus à la vision autoritaire d'un pouvoir qui, une fois désigné par un mode de délégation démocratique, est transmis par le biais d'un appareil administratif hiérarchisé. Pour toutes ces raisons, le modèle de la gouvernance représente à certains égards une extension de la démocratie ; les modalités de la décision publique et non plus seulement le mode de désignation des représentants (soit parlementaires, soit gouvernants) doivent répondre de l'exigence démocratique".

N. Rousselier, art : « Deux formes de représentation politique : le citoyen et l’individu », in M. Sadoun (ss la dir), « La démocratie en France », tome 1, Ed Gallimard, 2000, p.330.

Document n°211

« Pour la gouvernance, la décision au lieu d’être la propriété et le pouvoir de quelqu’un (individu ou groupe), doit résulter d’une négociation permanente entre les acteurs sociaux, constitués en partenaires d’un vaste jeu, le terrain de jeu pouvant être une entreprise, un Etat, une organisation, un problème à résoudre » « La gouvernance peut être analysée comme un système démocratique de gestion. Elle reprend dans une perspective de management, les ingrédients de la démocratie », « un pacte fondateur », l’égalité », « la participation ».

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.7 ; 19
Document n°212

« Le détour par l’écoute des citoyens se donne comme une figure obligée de l’action publique et comme un nouvel art de gouverner, comme si désormais il n’était plus possible de prendre de décision sans avoir consulté le public au préalable ».

Blondiaux L. (2008), Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, République des idées, p.6.
Cette technique de gouvernement présuppose qu’il n’existe pas dans la société de conflits irréductibles et que les contradictions entre intérêts divergents peuvent être résolus dans la négociation, dès lors justement que les individus sont raisonnables et croient dans la validité du processus.

Document n°213

Ce pouvoir étant censé ne plus descendre d’en haut, ne plus appartenir à une instance précise, se coule dans une négociation multiforme et continue. Tout est marchandage et compromis, avec, tout de même, pour tenir le système, un intérêt commun très fort : que ce système fonctionne ! »,

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.56
Au fond, la gouvernance correspond au rêve d’une société sans conflits, d’une société dans laquelle le Politique peut être désidéologisé, l’Etat se contentant de fixer les règles du jeu et d’évaluer le résultat des processus de négociation.
Document n°214

« L’Etat n’apparaissant plus qu’à l’origine (fixation des normes) et à la fin (contrôle ultime de l’application de ces normes) des processus sociaux, tout l’entre-deux est régi par la concurrence ».

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.27
Document n°215

« La gouvernance, elle, porte une autre forme d’intérêt général. Façonné par les diverses parties impliqués, il s’agit d’un compromis constamment renégocié (…) Au principe de cette nouvelle action publique, s’il y a moins de commandement central et de hiérarchie que de procédures de négociation, l’ajustement entre acteurs n’en reste pas moins nécessaires. La négociation en réseaux apparaît comme mode coordination en actions, impliquant objectifs et moyens, systèmes de valeurs et logiques d’intérêts. Et cela par des procédures d’interaction et de négociation systématiques »

Jean-pierre Gaudin, »Pourquoi la gouvernance, Paris, Presses de Science Po, 2002) in Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.33
Cette modification des techniques de gouvernements correspondraient pour certains à une volonté non de démocratiser le pouvoir, mais à une volonté de manipuler l’opinion.
Document n°216

« A ces critiques se joignent celles, non moins nombreuses et en provenance de démocrates souvent sincères, qui associent démocratie participative et manipulation. Les nouveaux subterfuges déployés par le pouvoir ne viseraient en rien une démocratisation de l’accès à la décision. Au mieux ils contribueraient à « ce que tout change pour que rien ne change », pour reprendre la formule tirée du Guépard de Lampedusa ».

Blondiaux L. (2008), Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, République des idées, p.7.
Document n°217

Le concept de bonne gouvernance est directement issu de cette méfiance à l ‘égard de l’humain : tout en prêchant à longueur de journée la force et la victoire de la démocratie, les nouveaux gestionnaires publics éloignent peu à peu, en effet, les choix politiques des aspirations ou des pulsions du peuple, présentées péjorativement comme populistes, et remettent ainsi en cause, au prétexte de bonne gouvernance, le principe même de souveraineté populaire. L’individu perd, dans cette révolution son statut d’homme libre, c’est-à-dire sa part de souveraineté ».

A. Bellon in Caillé A (ss la dir) (2006), Quelle démocratie voulons nous ? Pièces pour un débat, La Découverte, p.65-66.
Document n°218

« (…) assez curieusement, la substitution récente de l’idée de gouvernance à celle de pouvoir remplit des fonctions assez analogues. Elle vise à laisser entendre que personne n’a ou ne détient de pouvoir, que toute décision est issue des nécessités objectives de la situation, que tout part en principe d’en bas.

A aucun moment, ni dans l’entreprise ni au sein de l’appareil d’Etat, n’est structurée une situation de débat où s’affronteraient des conceptions opposées du bien commun . Tout est contractuel, négocié, accepté. Ce que nous vous imposons, c’est ce que vous avez voulu. Qui « nous » ? Qui « vous » ? Personne ».

 Ph. Corcuff in Caillé A (ss la dir) (2006), Quelle démocratie voulons nous ? Pièces pour un débat, La Découverte, p.96.
Plus précisément, une telle technique de gouvernement implique donc :

  • une redéfinition de l’intérêt général ;

  • une modification du droit ;

  • une gestion de proximité ;

  • une mise sous contrôle des Etats.


1°) Une redéfinition de l’intérêt général
Dans le modèle de la bonne gouvernance, l’intérêt général ne peut plus être considéré comme étant autre chose ou supérieur à l’agrégation des intérêts particuliers. Il n’y a plus à proprement parler d’intérêt général mais bien plutôt des intérêts généraux qui sont invités à s’exprimer. Mais pour certains, une telle reconnaissance de la société civile revient à nier le rôle du peuple.

Document n°219

« L’intérêt public n’est plus un, monopolisé par l’Etat, mais pluriel, exprimé par toutes sortes d’entités tant publiques (outre l’Etat, les régions, les villes, les organisations internationales …).

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.43.

« L’Etat post-moderne reconnaît ainsi l’existence d’autres acteurs, avec lesquels il est tenu de négocier, sans se réfugier derrière une souveraineté devenue largement illusoire »

Jacques Chevallier, « L’Etat post-moderne », LGDJ, 2003, p.44.

Document n°220

En juillet 2001, la Commission de Bruxelles publiait un « Livre blanc sur la gouvernance européenne, pour un certain nombre de fonctionnaires européens, « le peuple compris comme l’ensemble des citoyens est le grand absent. Le grand paradoxe de la gouvernance est qu’on nous propose d’élargir la démocratie à la société civile, alors que celle-ci est précisément cet ensemble de relations dans lequel les individus ne sont pas des citoyens, mais de simples vecteurs d’intérêts particuliers. On n’est citoyen que comme membre du peuple souverain. Les prérogatives qui placent la loi, expression de la volonté du souverain, au-dessus de l’intérêt privé, sont la seule garantie (…) contre l’inégalité et contre la domination des plus faibles par les plus forts ».

B. Cassen, art : « Le piège de la gouvernance », in « Le Monde Diplomatique, juin 2001.
Document n°221

La société civile, désignant plus ou moins ce qui se situe en dehors de l’univers politique, tant de choses en définitive que l’expression en perd toute signification. La notion de société civile se révèle même tellement floue qu’elle favorise toutes les usurpations et tous les coups de mains pour la monopoliser au profit des plus audacieux, représentés spécialement par les ONG et autres associations avides de subventions liguées pour les représenter à elles seules ».

Hermet G. (2007), L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, A.Colin, p.114.
Sont promues toutes les formes d’intervention des individus ou groupements d’individus qualifiées aisément, d’ « intervention citoyenne », pour contrôler l’action du politique, parfois au risque de l’élitisme.
Document n°222

„ (…) l’intervention citoyenne préconisée par Pierre Rosanvallon se range (…) parmi les alternatives d’envergure (au modèle républicain), réputées capables de rivaliser un jour avec la démocratie d’opinion sur la base d’une reconnaissance explicite du caractère politique de contre-pouvoirs représentés par exemple par des agences indépendantes. Le seul problème consisterait à savoir de façon plus précise ce dont il s’agit.

Rosanvallon voit quant à lui dans cette intervention un instrument capable de « transformer les idées et les projets en forces matérielles », dans le cadre d’une « démocratie d’interaction entre société civile et société politique » soutenue par des « conférences d’argumentation » et appuyée par des « observatoires citoyens » ou des agences de notation de l’action des responsables politiques . Tout ce qu’on peut supputer est que cette conception très distincte de celle de la démocratie participative, ouverte quant à elle au tout-venant des citoyens, recèle à l’inverse une orientation élitiste tournée vers les catégories instruites, c’est-à-dire vers les un ou deux pour cent de la population adulte qui participent d’ores et déjà au débat politique ».

Hermet G. (2007), L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, A.Colin, p.160.
Document n°223

„De son côté Bernard Manin s’inscrit dans une ligne parallèle inspirée à la fois de Habermas et de Noberto Bobbio (ce dernier a estimé que la qualité démocratique d’une collectivité quelconque devait s’apprécier non au regard de l’extension statistique du droit de vote ou de l’effectif des membres des partis ou des syndicats, mais à celui de la réalité et de l’intensité d’un débat décisionnel ouvert à tous dans le plus grand nombre possible d’instances de tous ordres). Pour Manin, il conviendrait de compenser les insuffisances du principe de représentation comme pure délégation de pouvoir et de la règle majoritaire comme simple artifice de décision par un processus de délibération ouvert à tous ceux qui souhaiteraient y participer, débouchant sur une forme de « démocratie délibérative » étendue peu à peu à de multiples secteurs de l’action publique au niveau local au moins. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Intellectuellement séduisantes et peu réfutables dans l’abstrait, ces idées s’apparentent trop à des théories, voire à des utopies démenties par la réalité présente. Les électeurs ne se prêtent aucunement à la discussion organisée. Ils se ferment aux explications « prodiguées » par « ceux » d’en haut à ceux d’en bas. Ils exigent de la proximité avec l’orateur, à qui ils coupent la parole comme pour attester leur droit égal ou supérieur à l’expression des idées ».

Hermet G. (2007), L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, A.Colin, p.161.
2°) Une modification du droit
Dès lors que le Centre Politique n’a plus le monopole de l’expression de l’intérêt général, ou plus encore est suspect de ne promouvoir que des intérêts spécifiques sous couvert du masque de l’intérêt général, les normes de portée générale et universelle, en l’occurrence, les lois, finissent par être déconsidérées.
Document n°224

« La gouvernance remodèle la notion de droit. Selon la représentation classique, le droit s’identifie à la loi, adoptée solennellement par la représentation nationale, et fixant des règles quasi-éternelles. Ce droit s’en tient à des principes, à des formules générales. Il se méfie du particulier ou, tout au moins, l’abandonne au gouvernement et au juge. Avec la gouvernance, la production de droit est illimitée et permanente. Le droit ne descend plus d’en haut. Ses sources sont multiples : lois contrats, jurisprudence, déclarations d’intention … Ce droit est en négociation constante, la volonté générale laissant la place aux jeux des volontés particulières.

L’intérêt général au lieu d’exprimer une perspective quasi éternelle, arrêtée par le pouvoir (le roi, la nation, l’Etat, …) est façonné par les négociations multiformes et permanentes de la gouvernance. Cet intérêt général renouvelé, au lieu de véhiculer une identité hors du temps (l’Angleterre, la France, Général Motors, …), est construit et reconstruit. » .

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.64-65
Document n°225

La gouvernance affirme « (…) une primauté de la norme négociée sur la loi démocratiquement votée, avec celle-ci, au moins comme tendance, la supériorité des juges sur les législateurs (pour commencer des législateurs nationaux).

Hermet G. (2007), L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, A.Colin, p.161.
3°) Une gestion de proximité
Dans le cadre du modèle de la gouvernance, tout ce qui est « éloigné »  est suspecté d’ignorance, c’est ainsi que ce modèle favorise toutes procédures de déconcentration, délocalisation et décentralisation. La gestion de proximité est considérée comme celle qui cerne le plus précisément les besoins et problèmes des populations.
Document n°226

« L’impératif gestionnaire appelle des gestions au plus près des problèmes. Les acteurs directement impliqués sont posés comme les plus aptes à traiter une question, l’appréhendant dans ses termes les plus concrets ».

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, p.44
Document n°227

« Pour donner corps à l’illusion de la cité unie, les efforts pour agréger les individus dissous dans la population ne suffisent pas. Il faut aussi montrer que les gouvernants démocratiquement choisis et les dirigeants parvenus à la tête des grands groupes industriels et financiers ne constituent pas une oligarchie « hors du commun », qu’ils n’ont pas perdu le contact avec leur mandants et leurs actionnaires, ni avec les usagers-consommateurs. C’est pourquoi reviennent dans d’innombrables déclarations et articles, comme un déni obsessionnel et pathétique, l’écoute, la proximité, le terrain – sans compter les adverbes véritablement et concrètement, parsemés dans les discours et interviews comme autant de petites tâches de lâchetés intellectuelle. La proximité est un cas particulier : si le commerce de proximité est censé contrebalancer l’anonymat des grandes surfaces, ce qu’on cherche surtout à rapprocher de la population par ce mot, ce sont les institutions de la violence légale – justice de proximité, police de proximité. Quant au terrain, les ministres ne cessent de l’arpenter, en tous sens et en toute saison » .

Eric Hazan, « LQR . La propagande au quotidien”, éd Liber-Raisons d’agir, 2006, p.113.
Relevons que cette valorisation de la démocratie de proximité n’est pas sans légitimer une idéologie réactionnaire qui consiste à considérer que le peuple a son mot à dire sur les choses du quotidien, mais est insuffisamment informé pour statuer sur des questions d’importance nationale ou internationale.
Document n°228

Confondre démocratie participative et démocratie de proximité, comme il est d’usage de le faire aujourd’hui, revient à limiter considérablement l’impact de ces nouvelles formes politiques, à suggérer, à l’instar de Joseph Schumpeter, que la compétence des citoyens ordinaires ne peut s’exercer que sur des questions locales, les seules qui seraient « à la portée de leur intelligence » ».

Blondiaux L. (2008), Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, République des idées, p.69.
Il reste que ce modèle de la gouvernance ne renvoie pas simplement à la relation Etat/ population, il oriente également les rapports inter-étatiques, il est l’objet de réflexions à un niveau international, il sous -entend une moindre souveraineté ou autonomie intérieure des Etats.

Document n°229

« En parlant de « gouvernance » plutôt que de « réforme de l’Etat » (…), les banques multilatérales et les organismes de développement ont pu aborder des questions délicates susceptibles d’être ainsi amalgamées sous une rubrique relativement inoffensive, et d’être libellées en termes techniques, évitant de la sorte à ces organismes d’être soupçonnés d’outrepasser leurs compétences statutaires en intervenant dans les affaires politiques internes d’Etats souverains ».

Ch de Alcantara, Revue internationale des sciences sociales (RISS) n°155, mars 1998.
4°) Un Etat, des Etats sous contrôle
Document n°230

A un niveau international, « l’Etat ne peut invoquer sa souveraineté comme le droit de faire tout ce qu’il veut chez lui, sans contrôle. L’Etat se trouve désormais sous la surveillance multiforme et croisée d’innombrables instances : sa propre population, les organisations non gouvernementales (ONG), les agences de notation, les organisation interétatiques (notamment Fonds monétaire international … Les Etats tels que les élèves d’une classe, sont constamment jugés et comparés. Et il n’est pas bon d’être mal noté, d’être accusé de mauvaise gouvernance (comme l’Argentine en ce début de XXIème siècle).

Une appréciation sévère fait fuir les investisseurs, suscite la méfiance des organes financiers. Avec cet impératif de bonne gouvernance, l’Etat s’aligne dans une certaine mesure sur l’entreprise : comme cette dernière, l’Etat, ayant pour première mission de développer la prospérité de sa population, doit se vendre. L’Etat n’est plus tout à fait ce monstre arrogant, maître de la guerre ; il n’est qu’un acteur important en compétition ».

« La gouvernance est bien le produit d’un monde convaincu d’être pacifié. Il faut gérer, épanouir la créativité. Dans cet univers apaisé, la surveillance mutuelle et permanente doit assurer la discipline, chacun rendant des comptes et devant être transparent »

Philippe Moreau-Desfarges, « La gouvernance, Ed Puf, coll « Que sais-je », 2003, 39-40 et p.52
Un modèle de la bonne gouvernance est aujourd’hui mis en exergue par un ensemble d’institutions internationales, avec l’appui de gouvernements nationaux –généralement et même exclusivement il s’agit de pays riches et démocratiques – ou d’organismes de notations.
5°) Vers une démocratie post-totalitaire ?
a) Entre régime à pluralisme limité et parcellitarisme
Modèle qui appuie fortement l’idée de la nécessité de l’existence d’un Etat de droit adossé à un principe de subsidiarité qui suppose une priorité donnée à une gestion de proximité, à un principe de croyance dans la supériorité des mécanismes d’autorégulation sur ceux de l’hétéro-régulation - sous entendu le Politique – et à une volonté d’encourager la participation de tous, mais le plus souvent dans le cadre d’une conception générale qui ignore l’inégale distribution de la volonté participative et la permanence d’inégalités réelles dans le « cercle des égaux », l’espace public de débat en démocratie n’empêche pas l’existence de renard libre dans le poulailler libre ».
Document n°231

Jacques Chevallier relève que le modèle de la « good governance » présente les caractéristiques suivantes :

« Le principe fondamental de subsidiarité sur lequel repose ce modèle signifie que l’intervention de l’Etat n’est légitime qu’en cas d’insuffisance ou de défaillance des mécanismes d’auto-régulation sociale (suppléance), étant entendu qu’il convient alors de privilégier les dispositifs les plus proches des problèmes à résoudre (proximité) et de faire appel à la collaboration des acteurs sociaux (partenariat) ; on est ainsi au cœur même d’une post-modernité placé sous le signe du pluralisme et de la diversité. La « suppléance implique que l’Etat, au lieu de se substituer aux acteurs sociaux, encourage les initiatives qu’ils prennent en ce qui concerne la gestion des fonctions collectives (mécénat, associationnisme, économie sociale, …) et appuie les accords qu’ils négocient pour régler leur relations mutuelles (thème sous-jacent à la « refondation sociale » préconisée en France par le MEDEF). La « proximité » postule que les problèmes soient traités au niveau où ils se posent pour les citoyens, en évitant tout mécanisme de remontée systématique. Enfin, le « partenariat se traduit par le souci d’associer les acteurs sociaux à la mise en œuvre des actions publiques, par des formules de participation, voire de délégation de responsabilités. Cette logique entraîne le recentrage des fonctions étatiques ; » .

Jacques Chevallier, « L’Etat post-moderne », LGDJ, 2003, p.49
Document n°232

Selon M. Sadoun, l'Etat social "ne peut ignorer les intérêts particuliers, tout ce qui distingue plutôt qu'il ne rassemble. Son interlocuteur est l'individu, non le citoyen. Il répond à une quête, il répare un manque. Il est la compétence et le pouvoir, alors que l'Etat républicain mettait au premier plan le citoyen qui impulse et décide. Et dans cette mutation, c'est le sens même de la loi qui change. Saisissant des intérêts particuliers, la loi n'est plus ni stable, ni générale, elle doit s'accommoder de la différence et du conflit au point de se contredire. (…) On n'est plus dans l'utopie d'un politique qui s'accomplit dans la résolution de la question sociale ; on se fait à l'idée d'un Etat extérieur, protecteur d'un social atomisé qui lui échappe, enfermé dans le cycle des demandes toujours exposé au risque du déficit. L'Etat qui ne peut diversifier ses réponses, se retrouve réduit au niveau d'un système économique, exposé à épuiser ses réserves, (…) qui ne trouve pour seule réponse à l'exclusion qu'une compensation financière individuelle.

Plus conforme à l'esprit du libéralisme qu'à celui du républicanisme, ce mouvement favorise l'émiettement des intérêts particuliers et le repli de l'individu sur sa sphère intérieure. Simple correcteur du marché dont il reproduit la logique, celle d'un rapport médiatisé par la chose, par l'argent, le Politique ne peut élever l'individu à la conscience du collectif, en faire un citoyen. Il n'est même pas cet espace où se réalise l'égalité.

Il ajuste, il corrige à la marge les inégalités sans pouvoir exiger du bénéficiaire une contribution collective. Il n'est plus que le gestionnaire du social".

M. Sadoun, art : « De la République à la démocratie », in M. Sadoun (ss la dir), « La démocratie en France », tome 2, Ed Gallimard, 2000, p.468-469.
"Sollicité d'intervenir dans un domaine celui de l'égalité, "l'Etat providence ne peut assumer la fonction de transformation assignée à toute instance politique : avec de l'individuel, il ne fait pas du collectif, avec du multiple, il ne fait pas de l'un, avec de l'intérêt particulier, il ne fait qu'indirectement de l'intérêt général. Loin de favoriser l'ouverture sur le collectif, il est le simple correcteur d'un marché dont il emprunte la logique. L'output est à l'image de l'input atomisé et éclaté".

"Avec une communauté politique réduite aux acquêts, la République n'a plus la même consistance : l'assisté coexiste avec le citoyen, les droits sociaux existent sans les devoirs politiques, les ajustements locaux se succèdent au coup par coup sans s'intégrer dans un vrai projet global".

M. Sadoun, art : « De la République à la démocratie », in M. Sadoun (ss la dir), « La démocratie en France », tome 2, Ed Gallimard, 2000, p.471-472.
Document n°233

"Les démocraties contemporaines n'ont trouvé le chemin de la stabilité qu'à compter du jour où elles ont découvert qu'il fallait consentir à l'écart pour apprécier l'accord au lieu de chercher en vain la coïncidence"

M. Gauchet, « La religion dans la démocratie », Ed Gallimard, 1998, p.17.
Au bout du compte comme le souligne Guy Hermet3, il convient de s’interroger sur cette gouvernance démocratique en la resituant dans « (…) le procédé en vertu duquel des acteurs dominants ou en passe de le devenir ont constamment esquivé de diverses manières le risque d’une participation durable à l’exercice de l’autorité de ceux des acteurs concurrents qu’ils n’étaient pas disposés à coopter, par exemple ceux qui envisageaient une expression moins strictement symbolique de la souveraineté populaire ». Pour le dire toujours dans ses mots, ne s’agit-il pas de mettre en œuvre un nouveau « procédé d’endiguement de la souveraineté du peuple », « d’évitement d’une expression politique populaire trop pressante » ?

Dans cette perspective, G. Hermet émet l’hypothèse d’une parenté entre gouvernance démocratique et « régime à pluralisme limitée » ou « démocratie organique » selon la définition qu’en donne Juan Linz s’appuyant au passage sur l’analyse du gouvernement de Franco « les régimes autoritaires sont des systèmes à pluralisme limitée, mais non responsables, sans idéologie directrice élaborée (…) ni volonté de mobilisation intensive ou extensive, sauf à certains moments de leur développement »4. Il relève ainsi deux points communs à la gouvernance et à la démocratie organique quant à leur mode de légitimation et quant au but poursuivi par l’action publique :
Document n°234

- « Dans la gouvernance, de manière pas toujours explicite il est vrai, l’autorité à tout le moins arbitrale représentant sous une forme ou une autre la puissance publique tire sa légitimité non pas tant de son input clairement démocratique (le mandat électif) que de son input issu de la cooptation (des intérêts, de l’élastique société civile) et, davantage encore probablement, de ses outputs. (…) De leur côté, si les régimes autoritaires ou conservateurs ont tiré leur légitimité initiale de leur rôle de rempart contre la révolution sociale ou la subversion communiste, ils ont en revanche recouru de plus en plus, à partir des années 1960, à l’argument de la « performance économique »(…) ».

- « (…) la gouvernance partage avec les régimes à pluralisme limité, tels que définis par Juan Linz : la prévention du risque plutôt que la réalisation du projet d’avenir comme finalité de l’action publique ».

G. Hermet, art : « Un régime à pluralisme limité , à propos de la gouvernance démocratique. », in RFSP.
Toutefois, il relève une différence :

  • la nature de ce pluralisme limitée diverge, celui-ci  se trouvait circonscrit à des fins principalement idéologiques ou macro-politiques dans les dictatures « libérales », tandis qu’il l’est dans un but fonctionnel ou technique dans le modèle proche de la gouvernance européenne.


Document n°235

« Un cadre se dessine, à l’intérieur duquel le marché agit désormais comme le grand intégrateur aux dépens de l’Etat et des institutions sociales, et où l’Etat social, dépouillé de ses attributs, tend à se transformer en dernière instance en un appareil juridique chargé avant tout de garantir les droits de la propriété. La relation entre l’économie et la politique paraît vouée à se renverser. Dans les temps de la « grande transformation », c’était l’intégration politique qui constituait le terme et la finalité de l’intégration économique. Dans la grande disruption, c’est l’intégration économique qui est visée, tandis que la sphère politique démocratique se trouve abaissée au rang d’instrument subordonné ».

Hermet G. (2007), L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, A.Colin, p.66.
Par ailleurs, il souligne le fait que la notion de gouvernance connaît une utilisation dans « cinq sites principaux » : l’entreprise autour des thèses de la corporate governance, la ville autour de la notion de gouvernance urbaine, les politiques de développement, les régimes internationaux autour de la notion de gouvernance mondiale et surtout l’Union Européenne, car pour Guy Hermet, la notion de gouvernance trouve là une substance « beaucoup plus solide que dans les cas précédents ».
Document n°236

« (…) l’urban governance débute en Angleterre avec l’élection de Margaret Thatcher en 1989 et prend sa source dans le désengagement des pouvoirs publics municipaux britanniques. Elle a pour objectif de réorganiser le désengagement des municipalités néolibérales, en faisant appel à la société civile (associations et secteur économique privé). Ainsi, « on fait d’une pierre trois coups : on réduit les frais du public, on augmente le bénéfice du privé et on supprime dans une grande mesure la marge d’intervention des classes populaires dans la gestion des affaires publiques ».

Caillé A (ss la dir) (2006), Quelle démocratie voulons nous ? Pièces pour un débat, La Découverte, p.72.

Document n°237

« A tout considérer, l’Union européenne est même l’unique site où s’observe une gouvernance autre que déclarative, incantatoire, imaginaire, à usage d’intimidation purement théorique ou analytique, ou encore vaguement bricolée ; une gouvernance, au contraire, d’ores et déjà en état de marche et en situation d’invention permanente ».

G. Hermet, art : « Un régime à pluralisme limité , à propos de la gouvernance démocratique. », in RFSP.
De ce point de vue, il relève l’émergence en réalité d’un « modèle techno-libéral » visant à annihiler la dimension proprement politique des institutions repérables dans le changement des termes utilisés, on serait passé « de la démocratie politique, comme gouvernement, compromis, peuple souverain, représentation, négociation collective, égalité, délégation » à un « lexique d’origine principalement économique : dialogue social, partenaires sociaux, mouvement social européen, subsidiarité, transparence, flexibilité, code éthique, critères de convergence, levée d’obstacles ou de contrainte ».
Document n°238

La gouvernance démocratique dans l’Union serait marquée par :

  • « la dé-hiérarchisation relative du mode de gestion politico-économique, allant de pair avec le non moins relatif repositionnement à l’horizontale de ce même mode de gestion dans la perspective d’une concertation entre des acteurs de toutes espèces et des acteurs privés non moins divers » ;

  • « le dépaysement, c’est-à-dire l’articulation ou la désarticulation des institutions et des processus entre de multiples sites topographiques ou géographiques « multi-niveaux » (régions, Etats, « Bruxelles » des « eurocrates » et des représentants nationaux ; Bruxelles, Strasbourg, Luxembourg, Francfort, en attendant mieux …) ;

  • l’idée d’auto-ajustement, d’équilibrage automatique des phénomènes, empruntée à la cybernétique aussi bien qu’à la conception d’un marché autorégulé dans le cadre de relations triangulaires entre des acteurs publics de tous niveaux, des acteurs de la société civile (en clair des organisations privées non économiques) et des acteurs économiques du du marché véritable » ;

  • « la primauté de la norme négociée sur la loi démocratiquement votée et avec celle-ci, la supériorité du pouvoir des juges par rapport à celui du législateur (au moins le législateur national), refoulé, pour sa part, selon les vœux de certains, dans une sorte de « corps d’extinction » ».

G. Hermet, art : « Un régime à pluralisme limité , à propos de la gouvernance démocratique. », in RFSP.
Document n°239

« A la manière dont Luc Boltanski et Eve Chiapello ont pu montrer comment les structures du capitalisme avaient su, à partir du milieu des années 1970, se renouveler en intégrant les critiques dont elles faisaient l’objet, nous poserons la question des effets politiques de la diffusion de ce « nouvel esprit » de la démocratie. Dans quelle mesure ces nouvelles formes de participation n’ont-elles pas le plus souvent pour résultat sinon pour finalité de maintenir en place les logiques et les structures de domination politique traditionnelles ? »

Blondiaux L. (2008), Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, République des idées, p.10-11.
Document n°240

« L’hypothèse parcellitariste » (désigne) « le fait que là où les totalitarismes historiques entendaient subordonner étroitement tous les individus et toutes les dimensions de l’existence sociale à la loi de la totalité en mouvement, la forme parcellitaire qui s’esquisse peut être désormais tend à transformer toute chose, tout être ou toute pensée en parcelles soumises à la loi du mouvement brownien des particules élémentaires ».

Alain Caillé, art : « Démocratie, totalitarisme et parcellitarisme » in Revue du Mauss, « Malaise dans la démocratie . Le spectre du totalitarisme », n°25, premier semestre 2005.
Document n°241

La « dénégation du pouvoir, qui le rend invisible, aphone, alogal, est présentée comme l’apothéose de la démocratie. Pour Aristote, cette dernière supposait la capacité de tous à tantôt commander, tantôt obéir. Le pouvoir parcellitaire voudrait nous faire croire que la démocratie authentique implique que personne ne commande. Au risque évident qu’il n’y ait plus d’autre choix possible que l’obéissance universelle. L’appauvrissement du débat politique central, l’indifférenciation croissante de la droite et de la gauche ne sont que le résultat, dans le champ de la politique, de cette dénégation du pouvoir qui s’impose dans toute la société ».

Alain Caillé, art : « Démocratie, totalitarisme et parcellitarisme » in Revue du Mauss, « Malaise dans la démocratie . Le spectre du totalitarisme », n°25, premier semestre 2005.
Document n°242

« On entendra par parcellitarisme (…) le mouvement permanent qui tend à décomposer toute chose, tout sujet collectif, institutions ou organisations, tout individu, tout savoir, tout pouvoir, tout territoire ou tout espace de temps, etc., en parcelles, en postulant que cette désagrégation est bonne par elle-même et sans se soucier à priori de la liaison souhaitable entre les parcelles ainsi libérées ».

Alain Caillé, art : « Démocratie, totalitarisme et parcellitarisme » in Revue du Mauss, « Malaise dans la démocratie . Le spectre du totalitarisme », n°25, premier semestre 2005.
Doit s’ajouter dans nos réflexions une interrogation sur les formes nouvelles d’exercice du pouvoir dans les démocraties au regard du développement d’une certaine forme de populisme.
Document n°243

« En apparence, la gouvernance se situe aux antipodes du populisme affiché. En effet, il s’agit d’une méthode de gestion des affaires publiques dont la nature opaque et élitiste obéit à un principe anti-politique qui commande de ne pas convier le Peuple réputé ignorant et versatile à manifester son point de vue sur ces affaires. En secret, le cercle coopté des « décideurs inconnus » de l’espace central de la gouvernance supranationale partage même probablement la conviction que les grandes questions de portée collective doivent échapper aux errements d’une quelconque volonté majoritaire, pour obéir à des choix rationnels ou à des marchandages au sommet conditionnés par des équilibres changeants échappant à la volonté des Etats.

Mais sous ce dehors se dissimule en fait une complémentarité entre le populisme et la gouvernance. L’un et l’autre se croisent à une intersection qui est la démocratie participative tellement vantée de nos jours. Il n’y a aucune surprise à ce que le discours populiste exalte l’idéal d’une démocratie participative – d’acclamation en général – nullement exclusive de son incarnation dans un leader plus ou moins charismatique. Cela quand bien même une participation censée ouverte à tous et un certain culte de la personnalité devraient logiquement entrer en collision.

Hermet G. (2007), L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, A.Colin, p.212-213.

b) L’idéologie du New public management
En cherchant à cerner la nature de la démocratie dans laquelle nous vivons, une approche nous est apparu centrale : considérant que peu ou prou, le modèle de la démocratie républicaine était largement remis en cause, nous nous sommes demandés quelle en était la cause principale ? A cette question, une réponse faussement évidente a connu une première formulation. Si la démocratie républicaine connaît une crise sans précédent, c’est en raison d’une diffusion massive d’une « idéologie managériale » ou « idéologie de l’entreprise » au sein même de la sphère publique. Il ne s’agit cependant pas ici de considérer qu’il existerait UN discours monolithique qui s’imposerait dans tous les services publics du bas jusqu’au haut de la pyramide, mais en revanche, on peut dégager des thèmes, principes d’action et appel à des valeurs récurrents.
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