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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNELDr. Hassan RAHMOUNI![]() Chapitre vII LE pouvoir législatif - La fonction législative est généralement conférée au Parlement qui l’exerce par le biais de son pouvoir délibérant. - La loi est ainsi élaborée suite à une procédure impliquant une action collective de délibération, suivie d’un vote. - Le statut, la structure, la forme d’organisation et les pouvoirs de l’organe législatif varient selon les régimes politiques. - Aussi, importe-t-il d’en esquisser les contours et d’en expliquer les rouages, dans un contexte comparatif permettant de mieux appréhender les spécificités du choix marocain en la matière. I . Les formes et l’organisation du pouvoir législatif - Un ensemble de mesures organisationnelle sont édictées tant par la Constitution que par le règlement intérieur de chaque assemblée. - Ces mesures définissent le mode d’organisation, les organes de travail ainsi que le régime juridique applicable à la fonction de parlementaire. A . Monocamérisme et bicamérisme - Selon les choix politiques et institutionnels opérés par les « Constituants » des divers pays, les organes législatifs sont divisés en « Chambres ». - Outre quelques rares cas de pluricamérisme, tels que ce lui de l’Afrique du Sud qui connaît un système tricaméral ( une Assemblée nationale, une Chambre des Représentants et une Chambre des Délégués), la plupart des régimes politiques optent soit pour un système monocaméral, soit pour un système bicaméral. - Le Maroc a expérimenté les deux formules au cours des quarante dernières années. 1. L’expérience marocaine de monocamérisme - Le monocamérisme ou monocaméralisme est un système politique dans lequel le Parlement est composé d’une seule Chambre. - Il est pratiqué par les démocraties nordiques, telles que le Danemark, la Finlande et la Suède. - De même que la Nouvelle Zélande, la Grèce, le Portugal et le Vietnam optent encore pour le choix monocaméral. - Le Maroc a, quant à lui, utilisé cette formule d’unité parlementaire sous le régime des Constitutions de 1970, 1972 et 1992. a. L’introduction du monocamérisme par la Constitution de 1970 - A ce propos, le texte de l’article 36 de la Constitution de 1970 contraste avec ses prédécesseurs de 1962. - Article 36 de la Constitution de 1970 : « Les membres de la Chambre des Représentants tiennent leur mandat de la Nation ». - Articles 36 et 37 de la Constitution de 1962 : « Le Parlement se compose de la Chambre des Représentants et de la Chambre des Conseillers » …« Les parlementaires tiennent leur mandat de la nation ». - Ainsi, le parlement marocain fut réduit en 1970 de deux Chambres à une seule et unique Chambre. - En fait, sa nouvelle constitution composite a permis d’y faire siéger à la fois des représentants élus au suffrage universel direct et des membres élus par des collèges électoraux composés des conseillers communaux, des élus des Chambres professionnelles et des représentants des salariés ( Article 34 de la Constitution de 1970 ). - Sur les 240 sièges alors prévus au sein de la Chambre des Représentants, 90 devaient être pourvus au suffrage universel direct et 150 devaient être attribués au suffrage indirect. - Cette réforme constitutionnelle de 1970 s’inscrivait à l’époque dans la logique institutionnelle consécutive à la période d’exception qu’avait vécu le Maroc. - D’aucuns lui attribuaient des objectifs d’affaiblissement et de réduction des prérogatives de l’institution législative, suite à l’échec de expérience parlementaire bicamérale du début des années soixante. - Le rôle des partis politiques devait également s’en trouver amoindri, du fait du profil non partisan des élus issus du suffrage indirect. - De même que, constitutionnellement, l’évolution de la formulation de l’article 3 était assez significative dans ce sens. - L’article 3 de la Constitution de 1962 prévoyait que « les partis politiques contribuent à l’organisation et à la représentation des citoyens ». - Dorénavant, cette mission d’organisation et de représentation des citoyens n’était plus impartie aux seuls partis politiques, mais était élargie à d’autres structures collégiales d’encadrement de la population : « les partis politiques, les conseils communaux et les chambres professionnelles concourent à l’organisation et à la représentation des citoyens ». - Enfin, de multiples autres articles de la Constitution de 1970 consacrent cette tendance à l’affaiblissement de l’organe législatif. b. Les changements dans la continuité monocamérale introduits par la Constitution de 1972 - La Constitution promulguée en 1972 fut marquée par le maintien d’une forme monocamérale de l’institution législative. - Elle fut également caractérisée par la recherche d’un plus grand équilibre entre cette institution et l’organe exécutif. - Dans ce sens, la nouvelle formulation de l’article 43 détermine directement la proportion de représentation des différents corps éligibles à la Chambre des Représentants : « La Chambre des Représentants comprend, dans la proportion des deux tiers, des membres élus au suffrage universel direct et, dans la proportion d’un tiers, des membres élus par un collège électoral composé des conseillers communaux ainsi que des membres élus par des collèges électoraux comprenant les élus des chambres professionnelles et les représentants des salariés ».( A signaler également que l’article 3 de la nouvelle Constitution de 1972 s’était vu ajouter « les organisations syndicales » comme instruments d’organisation et de représentation des citoyens ). - De même que le domaine de la loi a été considérablement élargi par rapport aux Constitutions précédentes, pour toucher dorénavant, « …la détermination des infractions et des peines, le statut des magistrats, le statut général de la fonction publique,le régime électoral des assemblées et conseils des collectivités locales, le régime des obligations civiles et commerciales, la création des établissements publics, la nationalisation d’entreprises et les transferts d’entreprises du secteur public au secteur privé » ( Article 45 de la Constitution de 1972 ). - De nouvelles dispositions élargissant sensiblement le domaine de compétence de la Chambre des représentants ont également été introduites dans l’esprit des réformes ayant germé au Maroc à la lumière des bouleversements qu’a connu le pays au début des années soixante dix. - Ainsi en fut-il par exemple de la possibilité pour la Chambre des Représentants de « voter des lois-cadres concernant les objectifs fondamentaux de l’action économique, sociale et culturelle de l’Etat » ( Article 45 ). c. L’ accentuation des tendances réformatrices, dans le cadre du monocamérisme, par la Constitution de 1992 - La promulgation le ……1992 d’une nouvelle Constitution devait donner lieu à un engagement plus résolu dans la voie de la démocratisation institutionnelle. - Dans le contexte de l’action législative, ce fut la formule monocamérale qui fut cependant retenue. - Mais de substantielles modifications devaient y être enregistrées. - Ainsi, l’article 40 de la nouvelle Constitution devait introduire une innovation de taille : ce fut l’institution des commissions parlementaires d’enquête. - Il y a été, en effet, stipulé, pour la première fois dans l’histoire du Maroc que « outre les commissions permanentes mentionnées à l’alinéa précédent, peuvent être créées, à l’initiative du Roi ou à la demande de la majorité de la Chambre des Représentants, des commissions d’enquête formées pour recueillir les éléments d’information sur des faits déterminés et soumettre leurs conclusions à la Chambre des Représentants ». - De même que l’article 43 eut également pour effet d’introduire un élément générateur d’une plus grande stabilité des structures dirigeantes de la Chambre des Représentants. - Jusqu’en 1992, le président de la Chambre des Représentants était élu chaque année au début de la session d’octobre. - Désormais, et en vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 43 « La Chambre des Représentants élit son président pour une durée de trois années ». - Enfin, et pour ce qui est des rapports entre les pouvoirs, un nouvel alinéa a été ajouté à l’article 55 relatif aux questions des membres de la Chambre des Représentants et aux réponses du gouvernement. - Sous les régimes des Constitutions antérieures, le silence des textes sur les délais impartis pouvait renvoyer certaines réponses sine die. - Mais la nouvelle formulation de l’article 55 impartit au gouvernement de donner ses réponses « dans les 20 jours suivant la date à laquelle il a été saisi de la question ». Ainsi, le monocamérisme n’a pas empêché une évolution lente, mais certaine, de l’institution législative marocaine vers des pratiques progressivement démocratiques, préludant ainsi à un élargissement des bases de l’action délibérative et collégiale, par le biais d’un retour, en 1996, au bicamérime timidement expérimenté une première fois entre 1963 et 1965. 2. L’option bicamérale - Avec l’entrée en vigueur de la Constitution de 1996, le Maroc s’est résolument engagé dans la voie du bicamérisme. - A l’instar de l’ancien article 36 de la Constitution de 1962, le nouvel article 36 dispose également : « Le Parlement est composé de deux Chambres, la Chambre des Représentants et la Chambre des Conseillers ». - Ainsi, dorénavant, ce sont deux Chambres qui se partagent la portion du pouvoir législatif qui est impartie au Parlement. - L’expérience en cours au Maroc dénote, cependant, une constante recherche d’une complémentarité positive entre un système dualiste dans lequel le dosage corporatiste est appelé à renforcer l’arsenal partisan dans le processus d’élaboration des normes législatives. a. Le statut juridique du dualisme - Le rôle et la place d’une deuxième Chambre législative varie selon qu’il s’agisse d’un Etat fédéral ou d’un Etat unitaire. - Dans le système fédéral américain, par exemple, l’existence d’une deuxième Chambre se justifiait au départ par un souci d’équilibre entre les grands et les petits Etats membres de l’union. - La représentation égalitaire des Etats au sein du sénat américain ( deux sénateurs par Etat ) visait alors à compenser l’inégalité générée au sein de la Chambre des représentants par le système de représentation proportionnelle à la population. - Ce principe d’égalité tend cependant à être battu en brèche par des tendances de recherche, au sein des Chambres hautes, d’une pondération entre les Etats membres sur la base de la population. - Ainsi est-il de nos jours au Canada, en Allemagne, en Suisse et en Autriche. - Dans les Etats unitaires, la deuxième Chambre est plutôt appelée à exercer un rôle temporisateur de l’action potentiellement pu modérée de la prière Chambre. - Vue sa composition, la seconde Chambre est généralement considérée comme une Chambre de réflexion à tendance conservatrice. - Au Maroc, la seconde Chambre a été re-instituée en 1996, comme partenaire d’une dynamique parlementaire cherchant à assurer un contrôle renforcé de l’activité gouvernementale et une efficience plus grande de la fonction législative. - Conçue comme composante essentielle de l’institution parlementaire, elle ne s’en trouve pas moins réduite, cependant, en vertu de certaines dispositions constitutionnelles, à une mission relativement subsidiaire. - Ainsi, en est-il, par exemple, en matière d’engagement de la responsabilité du gouvernement. - Alors que le quorum nécessaire pour que la Chambre des Représentants puisse voter une motion de censure impliquant la démission collective du gouvernement n’est que de la majorité absolue des membres composant la Chambre ( article 76 de la Constitution ), l’article 77 exige, dans le cas d’une procédure analogue engagée devant la Chambre des Conseillers, une majorité qualifiée des deux tiers des membres qui composent la Chambre. - De même qu’en matière de procédure législative, les dispositions prévues par l’article 58 de la Constitution prévoient qu’en cas d’échec des travaux de la commission mixte paritaire ( constituée entre les deux Chambres en vertu de l’article 237 du règlement intérieur de la Chambre des Représentants et de l’article 86 du règlement intérieur de la Chambre des Conseillers ) dans l’adoption d’un texte commun en nouvelle lecture, le reste de la procédure s’effectue par la seule Chambre des Représentants. - Mais le manque de recul dû à la courte durée de l’expérience bicamérale marocaine fait que toute appréciation en l’objet serait hâtive. - Les effets novateurs du Constituant marocain sont de nature à générer des effets probants et à bien asseoir les bases de la pratique constitutionnelle au terme d’un nombre non appréciable de législatures. - Dans ses tâtonnements actuels, et à défaut d’une originalité contributive par rapport à la Chambre des Représentants dont l’expérience est relativement mieux établie, la Chambre des Conseillers s’emploie à capitaliser sur les profils socio-économiques de ses membres, dont le Roi Hassan II avait évoqué les atouts, le 26 décembre 1997, dans son discours d’ouverture de la première session du nouveau Parlement bicaméral : « la Chambre des Conseillers regroupe avant tout une sélection de ceux qui oeuvrent quotidiennement pour que le Maroc assure sa subsistance. Il s’agit en l’occurrence des agriculteurs, des artisans et des gens des métiers… ». b. Le dosage corporatiste - En vertu de l’article 38 de la Constitution, « la Chambre des Conseillers comprend, dans la proportion des 3/5, des membres élus dans chaque région par un collège électoral composé de représentants des collectivités locales et, dans une proportion des 2/5, des membres élus dans chaque région par des collèges électoraux composés d’élus des Chambres professionnelles et de membres élus à l’échelon national par un collège électoral composé des représentants des salariés ». - Cette forme de bicamérisme socio-économique vise à intégrer les secteurs productifs ainsi que les organisations socio - professionnelles à l’élaboration des actes législatifs. - Il s’agit d’une démarche institutionnelle inspirée de certains modèles mis en place en Europe de l’Est au lendemain de la deuxième guerre mondiale. - Dans certains de ces pays, de l’ex-bloc de l’est socialiste, la mise en place d’une Chambre de producteurs au sein de l’organe législatif visait à impliquer certaines franges de la société dans l’élaboration de la politique économique nationale. - Mais malgré les desseins ayant accompagné ce choix dans le contexte marocain, la pratique marocaine en l’objet dénote, toutefois encore, plus une duplication d’efforts par les deux Chambres qu’une recherche de complémentarité institutionnelle basée sur la force des profils des élus composant chacune des Chambres. |
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