Atelier Shobôgenzô








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Y O : Remarques de traduction : à la place de « cligner l'œil » on peut traduire par un substantif « le clignement de l'œil ». Par ailleurs vous trouvez plusieurs fois le verbe « changer » que je vais peut-être remplacer par « échanger ».

Dans ce passage il y a au moins un mot important qui apparaît.

► L'étoile du matin. Et cela fait allusion à l'éveil de Bouddha regardant l'étoile du matin.

Y O : Tout à fait. Et la parole que l'Éveillé-Shâkyamuni prononça au moment même de l'éveil c'est : « Lorsqu'est apparue l'étoile du matin, j'ai réalisé la Voie avec la grande terre et tous les êtres vivants » (c'est-à-dire les êtres qui ont les sentiments et les émotions) mais on ne connaît pas la source de cette citation. Il faudrait la connaître par cœur. C'est à cause de cette référence qu'on place la date de l'éveil de l'Éveillé-Shâkyamuni le 8 du douzième mois après sept jours de méditation ininterrompue. Le Rôhatsu 臘八 désigne justement une seshin qui a lieu à ce moment-là car rôhatsu signifie le 8 du douzième mois (c'est donc le 8 décembre).

► Lors de cette sesshin de zazen intensif on ne dort pas beaucoup : à certains endroits on fait zazen jour et nuit ; à d'autres c'est de 3h du matin à 9h du soir… avec des arrêts pour manger et des pauses évidemment.

Y O : Cette expression « l'étoile du matin » évoque donc cet éveil qui a été réalisé par l'Éveillé et il y a beaucoup de citations ou d'évocations implicites dans le texte.

Je crois que c'est une des caractéristiques de toutes les écritures sacrées, non seulement bouddhiques mais chrétiennes, juives, dans l'islam aussi.

La dernière fois, à propos du fait que dans la citation maître Dôgen avait laissé tomber les formules emblématiques de l'école zen, vous m'aviez posé la question de savoir si les disciples de maître Dôgen connaissaient les références. J'avais dit qu'on peut très bien lire le texte de maître Dôgen sans savoir, mais si on connaît la référence cela donne une profondeur plus importante.

Je vous donne un exemple dans la Bible : le quatrième évangile, celui de saint Jean, commence par « Au commencement était le Verbe ». Quand on connaît un peu la Bible on sait que la Genèse qui est au tout début commence de la même façon : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre…»

[Note : Dans le texte original grec : « En archê ên ho Logos » (Jn 1, 1) a bien le même début que « En archê epoiēsen ho theos ton ouranon kai tēn gēn » (traduction de Gn 1, 1 faite dans la Septante). Remarque : si on traduit "en archê" par "au commencement" on lui donne un sens chronologique, mais on peut le traduire aussi par "dans le principe"].

Et donc rien que par cela saint Jean signale : « Cet évangile que je vais écrire a une profonde résonance avec le texte de la Genèse. » Si on ne le sait pas, ça ne fait rien, on peut le lire aussi.

Cette méthode est vraiment caractéristique des écritures sacrées.

Ici pour Shôbôgenzô c'est pareil : l'étoile du matin, si on ne connaît pas l'histoire de l'éveil de Shâkyamuni on peut lire le texte, mais si on connaît l'histoire on sait que c'est une évocation.

C M : Sauf que dans notre texte, la deuxième phrase a l'air de dire que cet éveil s'est passé au même moment que la trituration de la fleur devant Kâçyapa.

Y O : Voilà et cette remarque s'enchaîne très bien avec la suite du texte.

Paragraphe 9.

« « J’ai en moi » veut dire que « je transmets », et « je transmets » veut dire que « j’ai en moi ». « Je transmets » est toujours entravé par « j’ai en moi ». « J’ai en moi » désigne le crâne. En étudiant ce « j’ai en moi », on prend le crâne pour mesure. Lorsque en le triturant, on échange « j’ai en moi » pour « je transmets », on maintient la vraie Loi, Trésor de l’Œil. »

Y O : Dans ce paragraphe on trouve justement ce rapport que Christiane vient d'évoquer : c'est à la fois Kâçyapa et l’Éveillé-Shâkyamuni.

► Il y a une rotation entre « je transmets » et « j'ai en moi ».

Y O : Oui il y a le mouvement circulaire comme d'habitude, le mouvement réflexif.

C M : Si la mesure ici c'est, comme tu as dit la dernière fois, la pesée prise au sens de la pensée, ça va très bien avec le crâne !

Y O : Oui, tout à fait et je pense que chacun a "sa" mesure. Ce n'est pas « la mesure » en général mais « chacun selon sa mesure ».

Ma : On ne peut pas transmettre quelque chose sans le vivre. C'est par la pratique qu'il y a transmission.

Y O : Oui, ceci est capital. En même temps c'est très simple, on le dit d'ailleurs : « On ne peut pas donner ce qu'on n'a pas ». C'est vrai en particulier pour ce qui est essentiel comme la paix : si on n'est pas habité par la paix intérieure on ne peut pas la transmettre à l'autre. Pour l'amour, la liberté, c'est pareil. Ceci connecte à une question qui a été posée la dernière fois : « la Fleur qui triture les fleurs », vous avez trouvé que cette expression était bizarre. Mais selon mon interprétation il s'agit de ça : il y a le jeu de l'un et du multiple, et il n'y a que la Fleur qui puisse triturer les fleurs comme la liberté ne peut se transmettre que par la liberté (même chose pour la paix, l'amour etc.).

D M : Moi j'ai une question de néophyte, mais : qu'est-ce qui est transmis ? Est-ce l'éveil ?

Ma : Non, l'éveil c'est individuel et même un maître ne peut pas nous amener à l'éveil.

Y O : Cette question de savoir qu'est-ce qui est transmis est une très bonne question.

Au : Il n'y a rien à transmettre, c'est quand on l'a compris qu'il y a transmission.

Y O : On peut dire ça.

Je vous donne ma propre interprétation : dans la transmission il n'y a plus ni distinction ni opposition entre le sujet et l'objet. Le sujet qui transmet quelque chose et l'objet qui est transmis ne font qu'un. C'est ça le sens : c'est la liberté qui transmet la liberté, c'est la Loi qui transmet la Loi, c'est l'Éveil qui transmet l'éveil.

Ma : Ce serait donc une sorte de communion résonance dans une expérience commune.

F A : …où ils sont cependant eux-mêmes, mais c'est vécu comme un ; et rien n'est transmis d'où le sourire parce qu'il y a complicité.

Y O : Oui, le donner et le recevoir ne font qu'un : on donne et on reçoit.

► Mais c'est une expérience à vivre, c'est indicible.

P F : Moi, j'ai une belle image que m'a donnée un maître. C'est l'image du poussin qui va sortir de sa coquille d'œuf tandis que la poule est à l'extérieur : le poussin sort dans le moment où lui de l'intérieur cogne avec son petit bec, et où en même temps la poule cogne de l'extérieur.

Y O : Oui c'est ensemble. C'est le moment où toute la conscience, tout le souffle est là. C'est très bien dit, merci Martine. C'est l'écho, la résonance, la correspondance. Et tout le texte Udonge est habité de cette résonance-là, de donner et de recevoir. C'est une sorte d'osmose.

Paragraphe 10.

« La venue du patriarche Bodhidharma du pays de l’ouest n’est autre que l’avènement de la trituration d’une fleur. C’est le jeu de l’esprit et du souffle vital qu’on appelle la trituration d’une fleur. Le jeu de l’esprit et du souffle vital veut dire être assis tout simplement et se dépouiller du corps et du cœur. Faire de soi un éveillé et un patriarche, porter la robe de l’Éveillé et prendre le repas, voilà ce qu’on appelle le jeu de l’esprit et du souffle vital ! En un mot, l’affaire ultime chez les éveillés et les patriarches est toujours le jeu de l’esprit et du souffle vital. (La maison des moines) est regardée par la salle de l’Éveillé face à face, et (la salle de l’Éveillé) voit face à face la maison des moines. Les fleurs sont revêtues de plus en plus de couleurs, et les couleurs prennent de plus en plus de lumière ! C’est alors que la maison des moines prend la timbale pour la battre au milieu des nuages, et la salle de l’Éveillé approche les lèvres de la flûte de bambou pour en jouer au fond de l’eau. À ce moment-là, elles provoquent par erreur la mélodie des fleurs de prunier. »

Y O : Je vous signale que l'idée est toujours la même : l'écho, la résonance…

► Ça fait référence à des histoires qu'il est nécessaire de connaître plus ou moins pour comprendre la fin : « battre la timbale au milieu des nuages ».

Y O : J'ai quand même mis une petite note. Et c'est ce que je voulais dire tout à l'heure : on peut le lire naïvement sans avoir de référence, mais du moment qu'on connaît l'arrière-plan culturel ou philologique ça donne une tout autre dimension.

► Pour moi sans cette connaissance des références, ça paraît des images poétiques qui ne veulent pas dire grand-chose.

D M : L'exemple que vous avez pris du début de l'Évangile de Jean est un peu différent de ce qu'on a ici car si on n'a pas la référence le texte de Jean est compréhensible, alors qu'ici c'est dur !

C M : Dans ce paragraphe il est question de la pratique.

Y O : Oui. François quelques mots ?

F M : Dans la pratique il n'est pas seulement question de l'assise car la pratique englobe l'assise mais la dépasse. Moi ce qui m'a frappé au centre du paragraphe c'est une sorte de beauté : « Les fleurs sont revêtues de plus en plus de couleurs, et les couleurs prennent de plus en plus de lumière ! » Il y a une sorte d'épiphanie du monde qui est tout à fait extraordinaire, un renforcement de la richesse du monde.

Y O : Oui et ça explique bien cette histoire de personnification de la salle de l'Éveillé et de la maison des moines. Il y a vraiment une continuité du texte : on est toujours dans l'univers de la résonance. On a vu que kokû 虚空 c'est l'espace des dix directions. Et les dix directions (c'est-à-dire toutes les directions) commencent à se correspondre, à faire la résonance ; l'espace lui-même entre dans la résonance. D'où cette expression que la maison des moines fait écho à la salle de l'Éveillé comme totalité organique.

Moi je vois aussi la salle des moines comme correspondant à Kâçyapa qui sourit, et la salle de l'Éveillé correspondant à l’Éveillé-Shâkyamuni qui triture une fleur. Donc c'est l'évocation de la scène fondatrice de la voie de l'Éveillé. Mais il y a beaucoup d'interprétations possibles.

C'est pour cela que j'ai mis au tableau l'expression kan-ô-dô-kô 感応道交. Kan 感 veut dire sentir ; ô 応 veut dire répondre, correspondre : 道 c'est la voie ; et 交 est un verbe qui veut dire communiquer, se communiquer. On prononce l'ensemble en faisant la liaison comme en français, et ça veut dire : « On sent et on répond, et alors la Voie se communique ». Ça vaut la peine de mémoriser cette expression car elle est souvent utilisée dans le bouddhisme japonais et chinois.

Je pense que surtout ce passage-là est habité par cette idée de la résonance.

Par ailleurs l'expression rô seikon 弄精魂 « le jeu de l'esprit et du souffle vital » se trouve trois fois dans ce passage. 弄 est un verbe qui veut dire jouer ; sei 精 c'est l'esprit ou les sens, ce qui est essentiel dans tous les êtres ; et kon 魂 c'est l'âme mais comme le mot âme se marie assez mal avec le texte bouddhique j'ai choisi de traduire par « le souffle vital ».

Le mot sei 精 a pour clé l'idéogramme 米 qui représente un grain de riz. Et le sens initial de ce caractère 精 c'est du riz blanc c'est-à-dire quand on enlève le son du riz (c'est-à-dire toutes les enveloppes) le riz est tout blanc. C'est donc ce qu'il y a dedans, c'est l'essentiel.

► La timbale ici, c'est quoi ?

► C'est en tapant sur un gong qu'on signale le moment du repas.

► Alors ce serait plutôt une cymbale. Une timbale c'est un gobelet en métal pour boire.

► Il y a aussi des timbales d'orchestre. Mais ici le mot gong serait meilleur.

Y O : D'accord je vais voir si je change la traduction par cymbale ou gong.

II Troisième partie du texte Udonge.

Dans cette troisième partie il y a deux poèmes de maître Nyojô et chaque fois maître Dôgen ajoute quelques commentaires.

Paragraphe 11.

« Mon ancien maître et ancien éveillé dit :

« Au moment où Gautama perd la prunelle de son œil,

Au sein de la neige, une seule branche de prunier en fleur.

Dans ce Présent, où prolifèrent un peu partout les épines,

En retour rient-elles du vent du printemps qui les entrelace si fort. » »

« Maintenant, la prunelle de l’Œil de l’Ainsi-Venu s’est transformé par erreur en fleurs de prunier. Les fleurs de prunier forment à présent plein d’épines. L’Ainsi-Venu se cache dans la prunelle de l’Œil, et la prunelle de l’œil se cache dans les fleurs de prunier. Les fleurs de prunier se cachent dans les épines. En retour, les épines soufflent maintenant le vent du printemps. Et bien que ce soit ainsi, elles goûtent avec allégresse la mélodie des fleurs de prunier. »

Note : « l'œil » qui était dans la traduction qui a été donnée, a été ici remplacé par « la prunelle de l'œil » car c'est ce qui est dit dans le texte : ganzei 眼睛 (prunelle de l'œil).

Y O : Une petite remarque de traduction : le verbe « se cacher » correspond dans le texte au terme zôshin 藏身 où 藏 est le dernier caractère du titre shôbôgenzô est aussi celui de sanzô 三蔵. qui désigne les trois corbeilles (tripitaka) ; et shin 身 c'est le corps. Il y a donc plusieurs manières de traduire zôshin : « cacher le corps » ; « le corps est contenu » etc. j'ai traduit simplement par « se cacher » mais vous pouvez me proposer d'autres traductions.

► Ce qui m'étonne beaucoup c'est le fait qu'il se soit transformé « par erreur » déjà dans paragraphe avant on avait « provoque par erreur la mélodie des fleurs de prunier ».

Y O : Là je ne triche pas, il y a ce mot-là ayamarite あやまりて dans le texte original. On peut se poser cette question : pourquoi par erreur ?

► Cela aurait dû être une fleur d'Udumbara et non une fleur de prunier. Mais il me semble que pour Dôgen c'est la même chose fleur d'Udumbara et fleur de prunier.

Y O : Oui et non.

F A : Il y a un glissement de « fleur d'Udumbara » à « fleur de prunier » ce qui est énorme, mais il assume et il dit : « c'est comme une erreur », mais en fait il le dit en souriant.

Y O : C'est une interprétation possible.

F M : Est-ce que chez Dôgen il y a une norme ou est-ce qu'il n'y a que des singularités ? Autrement dit : est-ce qu'il y a un modèle unique qui s'imposerait à tous ou est-ce qu'il y a toujours une singularité dans un phénomène, c'est-à-dire est-ce qu'un phénomène ne va pas se reproduire tel qu'il était, il va toujours être différent du phénomène originel, donc il n'y aura que des erreurs, mais les erreurs ne sont pas quelque chose de négatif dans ce cas-là.
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