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Introduction à la pensée médiévale d’un point de vue métaphysique![]() Qu’est-ce que la métaphysique ? Qu’est-ce que la pensée médiévale ? Qu’y a t-il d’encore solide? Il y a un cours de métaphysique parce qu’il y a un livre d’Aristote qui s’appelle la Métaphysique. C’est un recueil rappelant le fourre-tout, ayant du mal à avoir un ordre défini. La métaphysique antique est en grec, faite de bric et de broc, susceptible d’interprétations contradictoires. Son ouvrage est d’une profondeur inimaginable fait sur le mode du questionnement. Existe- t-il quelque part non seulement des problèmes métaphysiques, mais plutôt une doctrine métaphysique ? On dira plutôt que la métaphysique s’est constituée comme doctrine au Moyen-âge, époque qui transforme les questions en réponses. La Métaphysique est aussi le résultat d’un certain nombre de travaux que les disciples d’Aristote ont appelé «méta ta physica» : ce qui regroupe les questions qui viennent après les traités de physique du même Aristote, rédigés et construits. Est métaphysique ce qui vient après la nature, ce qui est nécessaire pour la pensée après la nature. Mais qu’est-ce qui est nécessaire pour la pensée après que l’on ait étudié la science de la nature ? Aristote donne une réponse simple dès le livre A. Toutes les sciences sont des activités fort intéressantes et fécondes, mais elles ont toutes un objet et grandissent avec celui-ci. Chaque science prospère avec son objet ; les spécialistes sont ceux qui se sont donnés un objet. Aristote répond que c’est toujours la réalité «comme» quelque chose qui est étudié : les sciences ont une orientation accomplie et définie par leur objet, mais elles sont aussi limitées par leur objet. Un baudelairien examine la réalité comme baudelairienne, et non comme dépendante de Racine. Mais quand examine-t-on la réalité comme telle ? Aristote effectue une double opération. - Si toutes les sciences s’attachent à l’être des choses sous une certaine détermination, mais il reste une question abyssale : qu’est-ce que l’être en tant qu’être ? Ici Aristote éclaircit la question qui vient après la physique. - Puis il cherche à nommer cet être en tant qu’être. La philosophie qui s’attache à ce point de concentration maximum de la réalité est ce que Aristote nomme philosophie première. Les autres sont engagées dans des déterminations secondes, elles ne sont plus au sommet de la pyramide de l’être. L’être en tant qu’être est l’objet de la philosophie première. Aristote explique que faire de la philosophie première revient à s’occuper des principes. Il semble que cette idée de «principe» se trouve d’abord dans les mathématiques, dans les Éléments d’Euclide : la ligne, le point, etc., sont les principes de la géométrie. La question du principe et l'intérêt pour la figure du principe sont nés au cœur de l'activité des mathématiciens grecs ; c’est de là que s’est fixé l’intérêt des philosophes pour des principes qui gouverneraient l’être en tant qu’être. Le principe est archè, qui donne archéologie, architecture, archéométrie, etc. L’archéologie vient de archè (début) et -logie (la parole, la connaissance). C’est un discours sur ce qui vient au début, sur l’originaire. Le projet grec consiste à remonter vers une notion pure de la réalité, et transformer cette dernière en philosophie première, laquelle repose sur des principes. Vient alors de multiples difficultés qu’Aristote énumère une à une. La force des Médiévaux est que, quand ils s’occupent de métaphysique, ils ont 1500 / 1700 ans depuis Aristote. Ils sont face à une distance plus grande que celle que nous avons nous-mêmes par rapport aux Médiévaux. De plus, ils prennent en charge la métaphysique alors qu’ils ne connaissent plus le grec. Ils utilisent des transmissions indirectes venant des pays arabes de la tradition grecque. Il n’y a pas de rapport direct dans la langue grecque, ce qui permet que les Médiévaux ne demeurent pas fixés sur les mots. Ils communiquent avec Aristote par la clarté de la pensée qu’on en saisit. Ils retirent ce qui est pleinement intelligible dans la pensée grecque. Malgré ses périples, Aristote, traduit en de nombreuses langues avant de revenir en latin, est revenu debout, avec des concepts et des pensées identifiables. Se greffe ensuite un problème plus dur. Quand Aristote a commencé à entrer dans la philosophie première, sa religion nationale se portait mal. La philosophie était assez libre, ce qui permettait à Aristote d’avancer sans être contraint par les formes autoritaires préétablies. Donc Aristote put bâtir sans être encerclé par le bûcher. Il réfléchit alors sur Dieu, qu’il appelle l’acte pur. Sa philosophie première débouche sur une théorie de l’acte pur. Mais, sans dogme ni foi, avec seulement des rites, tout ceci est plein d’hésitations : douze divinités majeures, et combien de divinités mineures ? Aristote parle tantôt d’acte pur, puis il dit que les étoiles sont des dieux. Dieu est un acte pur qui s’exprime dans les étoiles le divin est le ciel. Il produit un monothéisme rationnel et une cosmologie qui divise le monde (Du ciel). Les Médiévaux sont dans une civilisation qui a trouvé «la» vérité, qui a un seul visage : Jésus de Nazareth, le Christ. C’est une population sidérée. Cette vérité, sue, connue, reconnue, est l’activité d’un groupe d’hommes qui la magnifient : les prêtres. Qui veut philosopher est en situation délicate. 1° S’il trouve une vérité de philosophie première allant dans le sens de la vérité du Christ, à quoi bon céder aux abstractions de la philosophie ? Il ne resterait qu’à adorer cette vérité. Ce serait une aspiration de la philosophie première par la théologie. 2° Ceux qui trouvent des vérités non christiques connaissent des châtiments terribles. C’est ce qui conduit à la fin du Moyen-âge, au quatorzième siècle, lorsque commence une destinée indépendante de la philosophie. On découvre le caractère embarrassant d’une société vouée à la vérité mais qui tente de préserver la liberté de philosopher. Un mauvais sort eût été la doctrine de la double vérité, tentation de l’intelligentsia médiévale : quand la vérité christique et celle de la philosophie ne s’accordaient pas, on disait qu’il existait deux vérités. Il y a une vérité produite par la logique et qui engendre des résultats vrais selon la raison humaine, et ces vérités sont nécessaires. Et il y a des vérités de la foi, imperturbables, ayant leur nécessité, non rationnelle, mais surnaturelle (de la croyance). Par exemple, 1 = 1 et 1 ! 3 pour la logique naturelle. Mais les chrétiens soutiennent que Dieu est à la fois 1 et 3. Dans la doctrine de la conformité de la foi et de la raison, il y a deux registres: un rationnel et fondé sur la raison ne peut pas s’enfermer sur lui-même car il existe dans l’homme une autre faculté qui est le désir. La raison saisit des vérités, mais la volonté, comme siège de l’amour, est épris de la vérité. Ce sont deux facultés, raison et amour, qu’il faut réconcilier. Thomas d’Aquin pense qu’idéalement on peut faire se rapprocher le désir et la raison, mais la raison devra céder au désir et se mettre à son service. Ainsi la philosophie première est la servante de la théologie. La théologie est le lieu de l’amour, et la philosophie est le lieu de la raison. Dans le Cantique des cantiques, Salomon est amoureux d’une femme très belle entourée de servantes, mais lui n’aime qu’elle: mille sont les vérités connues par la raison, mais unique est l’objet de mon amour. Cet image se réalise pleinement dans la figure du Christ qui représente la plénitude la vérité sur la terre. La métaphysique est devenue le point d’ogive de deux forces : intelligence et volonté. Elle reconnaît en l’homme le double pouvoir de raisonner et d’aimer. La philosophie première a donc besoin de l’amour pour se réaliser, il y a une structure désirante en elle. Déjà Aristote dit que l’homme est un intellect désirant. Mais au Moyen-âge cet amour devient celui d’un personnage idéal, le Christ. Tel est le point qui permet de concilier foi et raison, intelligence et amour. Le rapport entre foi et savoir 1. Thomas d’Aquin, La somme théologique, Question 1, Cerf 2. Maître Eckhart, Traités et sermons, GF, 1993, «Discours de l’homme noble» 3. Dante, La vie nouvelle, Petite poésie Gallimard ou Version bilingue en Folio A) É. Gilson, La philosophie au Moyen-âge, Payot, deux volumes B) É. Gilson, L’être et l’essence, Vrin C) R. Pernoud, Pour en finir avec le Moyen-âge, Seuil D) A. De Libéra, Penser au Moyen-âge, Seuil Les trois auteurs traitent différemment le rapport de la foi et du savoir. Thomas d’Aquin montre que, à l’origine de la philosophie, règne une science sacrée, qui est l’unité de la foi et du savoir. Le but de la Somme théologique est de présenter cette unité pour «ceux qui peuvent boire du lait et non encore du vin». Il est possible d’unifier foi et savoir dans une philosophie première unique, qui est la sagesse chrétienne ou la science sacrée. Cette unité repose sur la parole du Christ : «je suis la vérité, la voie et la vie». Maître Eckhart réfléchit sur la valeur de l’homme noble, il soutient qu'un idéal de noblesse traverse le monde. Dans la Vita nuova, Dante dégage un objet d’amour nouveau : Béatrice. Il crée un événement décisif : les hommes aiment les femmes avant d’aimer le Christ. Vouer sa vie à l’amour humain, se passionner pour une autre personne que soi, est-ce que ceci change l’équilibre de la sagesse médiévale ? Le désir, qui était désir de la foi et de la sagesse, devient désir d’un visage, Dante introduit un risque de bouleversement des hiérarchies sur lesquelles repose la science sacrée. Dante ne cesse de rééquilibrer la féminité du divin, il fait émerger ce socle enfoui qu’est la féminité du divin, manifestée par la vierge Marie : mais Marie n’est pas la femme qui change la vie d’un homme comme homme commele fait Béatrice. Nous remontons ici à la question de la relation entre métaphysique et féminité. C’est une introduction à la métaphysique moyennant la philosophie du Moyen-âge. Cette approche est difficile car partagée entre plusieurs expériences religieuses. Elle est liée à une spiritualité qui ne fait pas l’unanimité, et intervenant dans une situation de crise qui rend difficile la métaphysique. La métaphysique dans l’Antiquité se trouve être un fruit philosophique ne souffrant pas la division entre la philosophie et la religion. Cet acte unifié se libérait et développait un chemin rationnel. Mais la métaphysique ne s’est pas perpétuée de façon intacte dès que l’Occident est devenu chrétien. Le christianisme prétendit détenir une doctrine qui soit du même niveau que la métaphysique antique. D’où un conflit entre la métaphysique et une sagesse chrétienne qui prétendait pouvoir avancer des propositions profondes concernant le principe de toute chose. Au Moyen-âge il y eut deux voies métaphysiques, qui prirent deux noms : celle de la raison et celle de la foi. Le problème de l’époque médiévale fut de les coordonner pour montrer qu’elles se renforcent et produisent une doctrine unique. Les Médiévaux cherchèrent un arc d’ogive qui harmonise deux voies spirituelles comme deux transepts. La voie de la foi n’est pas seulement l’ensemble des vérités imposées par l’Église, mais aussi une voie caractérisée par cette faculté qu’est le désir de la volonté. Elle est liée à un dessein amoureux. Comment concilier la raison et la foi, la raison et l’amour ? Cette double progression constitue l’intérêt du champ médiéval. Le Moyen-âge donne accès à une double métaphysique, de désir et de contemplation rationnelle, ou encore une voie mystique qui mobilise la capacité d’aimer des sujets et une voie de la raison humaine. Dante raconte une aventure amoureuse. Dans les savoirs médiévaux, l’amour est arrivé à un grand degré de reconnaissance. Les grands penseurs comprennent l’amour qu’ils ont pour Dieu et celui qu’ils éprouvent pour un partenaire. Le Moyen-âge est l’âge de l’amour, le regard qu’un être qu’il aime porte un l’objet qu’il a élu. Ceci se trouve mal dans l’Antiquité, car la division de l’homme et la femme est telle que l’idée de construire une métaphysique pour une femme eût apparu d’un ridicule achevé et d’une indécence totale. Le cheminement par l’amour n’est pas propre à la métaphysique de l’Antiquité, mais du Moyen- âge. L'homosexualité spéculative chez Platon s'oppose à la hétérosexualité spéculative chez Dante. Au Moyen Age l'un amour n'est pas tout à fait sexuel, il comprend des formes de chasteté comme l' amour pour une femme morte chez Dante. La coupure de la différence sexuelle est renforcée par l’interdit de la pratique sexuelle. Or dans l’Antiquité il y a des rapports sexuels, non aboutis, qui sont des conditions de l’expérience spéculative (Socrate et Alcibiade). Dante et Platon semblent parler de la même chose, mais en réalité chez Platon c’est une dialectique de l’homosexualité, alors que dans La vie nouvelle c’est la narration d’un deuil hétérosexuel. Hugo écrit : «Platon a dit éros, Virgile a dit amor». Cette opposition entre les Grecs et les Latins montre que Platon véhicule un érotisme spéculatif ; alors que Virgile est un philosophe de la mélancolie, du deuil - ce en quoi il anticipe Dante. Il s’intéresse à cette part mélancolique de l’éros que Hugo appelle «amour». Il y a une différence entre une spéculation érotique et une spéculation amoureuse qui marque le passage de l’Antiquité au Moyen-âge chrétien. Le Moyen-âge construit un rapport homme / femme sur la base de l’absence, celle de Béatrice et celle du Christ. C’est la découverte des rapports entre l’amour et l’absence, avec un parallélisme troublant entre les figures disparues de Béatrice et du Christ. On le retrouvera dans la psychanalyse (Lacan, Séminaire, VII) car des approches de la doctrine de l’inconscient ont été édifiées au Moyen-âge. Il y a un lien entre l’expérience psychanalytique et l’amour courtois. Le prologue de la Somme théologique est une doctrine théologique, le Sermon sur l’homme noble est une doctrine ascétique et mystique, La vie nouvelle est un récit ou une narration qui raconte le deuil d’une femme. Ces trois registres théologique, mystique, et poétique, répondent à la question de la métaphysique au Moyen-âge. La théologie est la nef, la mystique est la croisée du transept et le choeur est la poésie. La Somme théologique, Question 1, article 9, demande si la doctrine sacrée doit user de métaphore. Ceci place Thomas d’Aquin dans l’obligation de définir son objet par rapport à la poésie. On interroge l’accès à la métaphysique par la voie de la connaissance et par celle du désir. Aujourd’hui on néglige la voie du désir, l’envisagé trop vite de manière éthique et morale. Or les Médiévaux savent que le désir peut être construit par une morale, mais ils ne font pas s’équivaloir morale et désir. La pensée médiévale ne construit pas seulement sur le plan éthique le désir, mais lui donne un avenir : la poésie, la mystique, des états absolus qui ne se limitent pas à un regard moral. De cet élan dans le Moyen-âge, nous avons un équivalent : l’architecture, entre la cathédrale et le palais de justice. Le monument médiéval unit toutes les formes vivantes du peuple et de la société médiévale dans un seul geste. La Somme théologique de Thomas d’Aquin s’étend sur plus de vingt ans et se compose de trois parties : Dieu, l’homme et le Christ. Le Christ est le principe unifiant les deux premières parties. Malgré l’énormité du livre, cet ouvrage est sensé être pour des débutants. Thomas d’Aquin avait par ailleurs écrit une autre somme, considérée être destinée aux savants (Somme contre les gentils). Derrière ces massifs, des traités plus techniques sont les questions disputées. Au Moyen-âge, les livres sont des manuels qui reprennent le rythme des cours qui étaient divisés en deux : soit le commentaire d’un texte des Anciens ou de la Bible, soit la question. Le maître ne tenait pas un discours qu’il imposait à ses élèves, mais des étudiants rassemblaient les questions de leurs condisciples et les posaient au maître, qui y répondait. La Somme théologique commence par une question à laquelle elle ajoute la série des objections. Avant de répondre, le maître réfère à l’autorité de l’Église et à ses Pères - une pensée autoritaire s’en tiendrait là. Puis le maître doit trouver des raisonnements rationnels pour expliquer, du point de vue de la raison, pourquoi la proposition donnée par l’autorité est juste. La réponse du maître consiste à trouver des rationalités pertinentes pour justifier du point de vue humain et de la cohérence la réponse. Enfin le maître reprend les objections auxquelles il répond rationnellement. Les questions sont les objectionnes, l’autorité est le sed contra, ensuite le respondeo, enfin les solutionnes. Ce schéma est immuable. Un rite du débat toujours respecté conduit à une réponse à toutes les objections. |
![]() | ![]() | «du point de vue de l’étoile, tout se passe comme si les étoiles ne faisaient qu’une» | |
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