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Le nouvel esprit de la démocratie, actualité de la démocratie participative Loïc Blondiaux (la république des idées, seuil, 2008) Intro: Les démocraties contemporaines se cherchent un nouvel esprit face à l'affaiblissement des formes classiques de la représentation politique, et leur déclin d'efficacité. (Le charme des «mystères de l'état » n'opère plus (E.Kantorowicz). Perte de confiance qui affecte les intermédiaires traditionnels: partis, syndicats… Justement la « démocratie participative » (capacité des citoyens à se mobiliser en dehors des circuits traditionnels, n'a jamais été aussi forte: Montée en puissance de la voix des citoyens dans l'espace publique. (blogs, forums, journalisme participatif...) Démocratie participative qui s'impose chez les politiques des démocraties occidentales, ils font du recours à l'écoute du citoyen un nouvel art de gouverner. Mais l'élection de 2007 semble attester d'un pas en arrière, puisque d'abord il ya eu grand débat suite à l'annonce de Ségolène Royale quant à la mise en place de jurys citoyens; puis s’en est suivie la victoire d'un candidat renouant avec un pouvoir politique fort. "Monarque électif". Cependant, une tel vision du pouvoir est voué a l'échec selon l'auteur car une seule autorité ne peut pas détenir la vérité sur toutes les matières, comme elle ne peut pas être réellement une démocratie sans contre pouvoir. Echec qui pourrait donc se voir solutionner par l'idéal participatif. Première partie du livre: ambition descriptive du développement de ce nouveau courant d'idées, volonté d'éclaircissement de la notion. Deuxième partie: ambition d'une recherche politique et critique. Quel bilan tirer des expériences récentes? Limites et espoirs qui lient cette notion. Chapitre 1: La force d'une notion floue ? Comment expliquer la résurgence de la notion de participation dans nos démocraties occidentales contemporaines ? Notion nouvelle par rapport aux idéaux de 1789 qui se voulait en totale rupture avec ceux de la démocratie athénienne: le citoyen exerce seulement sa participation lors du vote, en dehors, le peuple ne doit exister qu'à travers ses représentants. (cf, position de Sieyès en 1789). Le nouvel impératif participatif: Il apparait pour la première fois dans les années 60 aux Etats-Unis, chez les mouvements contestataires radicaux. En France, cette idée est promue par la gauche non-communiste (PSU, CFDT..), notamment Pierre Mendès France qui en 62 que la démocratie est "action continuelle du citoyen". Puis dans les années 60-70, on retrouve l'expérience des GAM (groupes d'action municipaux), instrument de contestation du système politique. Ce mouvement ascendant devient "descendant" à partir des années 1990 quand apparaissent de nombreuses lois qui témoignent de cet impératif: loi d'orientation de 1991 pour une concertation avant l'aménagement des villes, loi Barnier (février 95, imposant la concertation pour la construction d'infrastructure), loi Voynet (1999, aménagement durable)...De ce textes on retient que le législateur ne précise jamais les conditions de concertation, c'est un droit peu contraignant: "soft law". Une configuration internationale: On voit se développer cet impératif dans toutes les démocraties du monde, et la France, loin d'être le seul pays concerné s'inspire des structures étrangères (conférence de consensus au Danemark, 1980, le budget participatif nous vient de Porto Alegre...). Mais ces développements on des logiques très différentes, les applications anglo-saxonnes ressortent plus d'un modèle managérial (partenariats très limités et encadrés), alors que celles latino-américaines prônent l' "empowerment". La mise en place de la participation peut même prendre un aspect "néolibéral", devenant un instrument de défiance vis à vis des pouvoir en place. (ex de La Banques mondiale et son idéologie de "gouvernance" pour les citoyens des pays des Suds). Les ONG incitent aussi à la participation directe, voulant constituer de véritables "sociétés civiles". Enfin, on notera l'existence au sein de l'UE d'une législation en faveur de la démocratie participative. (1998: convention d'Aarhus, "livre blanc sur la gouvernance européenne" de 2001...) Une ingénierie de la participation: On observe un double processus de professionnalisation et de normalisation de la participation, et l'idée qu'elle doit se fait à partir de normes standardisées, dans des contextes prédéterminés se généralisent. En ce qui concerne la professionnalisation de la pratique on voit apparaitre un groupe de "professionnels de la participation" découlant de deux pôles pour la France: -un pole d'anciens militants (surtout actifs dans les luttes urbaines de 1970) -un pole constitué des entreprises de la communication qui voit là un nouveau marché à développer. Les conséquences de ceci et qu'il en découle un véritable savoir-faire préalable à la participation et donc on entrevoit là le risque d'un contrôle de la participation au travers de ceux qui possède ce savoir faire. Un nouvel art de gouvernement ? La notion possédant une grande plasticité sémantique cela explique son succès. Mais elle tient aussi son succès des discours des sociologues qui la présentent comme une nécessité : différentes causes sont pointées: -des sociétés de plus en plus complexes: division fonctionnelle croissante de nos sociétés =>impératif de mise en cohérence par consultations... (Niklas Luhmann) -des sociétés de plus en plus divisées ? Intensité des conflits politiques et moraux dans nos sociétés, impossibilité de transcender les différentes visions du juste, du bien... => besoin de "consensus par regroupement", délibération collective.(Rawls) -des sociétés de plus en plus réflexives ? Augmentation des niveaux de compétences des citoyens=> Plus d'aptitude à remettre en cause, souci d'affirmation subjective. (U.Beck et A.Giddens) -des sociétés de plus en plus indociles ? montée des conflits, manifestations d'insoumissions (syndrome NIMBY)=> recours à des formes consultatives pour désamorcer les conflits. (Arthur Jobert). -des sociétés de plus en plus défiantes ? Affaiblissement des structures de sociabilité, repli sur soi => nécessité de récréer du lien social par la participation. (R.Putnam, P.Cahuc, Y.Algan) -des sociétés devenues ingouvernables? Impuissance étatique face à tous ces changements=> nécessité d'un "Etat postmoderne", avec une implication politique des citoyens. Les ambivalences des élites politiques: Un paradoxe survient: la participation devient une évidence dans les discours mais dans les pratiques les autorités politiques sont réticences à sa mise en place. Lors des débats à l'Assemblée, ce sont les élus locaux qui amendent les projets. La vision du maire en France amène à réaliser dans la pratique une autorité «quasi monarchique" à l'échelle locale. (la décentralisation initié en 1982 a été un transfert de pouvoir aux élus). On observe que les moyens délivrés sont bien inférieurs à ceux annoncés,("budgets participatifs" s'élevant à quelques milliers d'euros seulement) et que si elle existe la participation reste très encadrée. Les suspicions légitimes des citoyens: Les constats semblent montrer que les citoyens ne sont pas si demandeurs à la participation. (Faible fréquentation des conseils de quartier, enquêtes publiques "sans public"...) Mais pour l'auteur, cela s'explique par le fait que tout est déjà joué d'avance (illusion de participation, pas de réelles prérogatives aux citoyens). En revanche, en cas d'enjeu et de véritables controverses, la mobilisation citoyenne est importante (ex des budgets participatifs en Amérique latine). Les autres suspicions viennent des conséquences liées à une telle participation. (Citoyens taxés d'égoïsme, ou accusés de concurrencer les savoirs et élus légitimes.) Chapitre II: Les versions plurielles de l'idéal participatif. L'auteur fait ici le pari qu'il faut prendre la démocratie participative au sérieux, non pas seulement comme un engouement passager. Il s'agit donc désormais de préciser la notion et de voir ses réalités. Démocratie participative ou démocratie délibérative? Les premiers théoriciens du concept (B.Barber..) se veulent fidèle à l'idéal de la démocratie athénienne, le citoyen s'épanouit à l'intérieur de la cité. L'enjeu principal est ici la formation d'une citoyenneté active et informée. Conception aux antipodes de la notre, ou seule existe une "masse", figure représentative de l'apathie politique. S'oppose une deuxième théorie qui se développe depuis 20 ans dans le monde anglo-saxon sous l'appellation "démocratie délibérative" (Habermas). Ici, la légitimité ne repose plus seulement sur la nature de l'autorité mais aussi sur la manière dont elle est produite. L'enjeu est ici la capacité à délibérer et les aptitudes des agents à formuler des arguments rationnels aptes à convaincre l'autre. Cette conception exige des "homo-politicus", ie des participants actifs, ouverts aux arguments des autres. (L’auteur remarque le peu de succès de cette dernière conception en France et l'explique par le modèle éducatif français où n'existe pas d'apprentissage spécifique au dialogue et à sa réalisation pratique.). Finalement les deux conceptions se distinguent par leur finalité: -l'une met l'accent sur la politisation et l'engagement des participants. -l'autre vise à mieux fonder la décision politique en l'appuyant sur une argumentation rationnelle. Démocratie agonistique ou démocratie apprivoisée? Pour Habermas, la démocratie délibérative vise à un accord, ou du moins dans la pratique à un certain consensus. Les expériences de démocratie politique se veulent donc pacifier le conflit social. Mais cet aspect est beaucoup critiqué car l'exigence d'impartialité dans la discussion amènerait des groupes minoritaires à être lésés dans de telles instances de discussions. Les groupes dominants imposant leur définition de rationalité, les dominés ont tout intérêt à fuir les instances de discussions. Deux ces deux visions découlent deux figures opposées de la démocratie participative, une ou importe plus l'institutionnalisation de celle-ci, alors que l'autre souhaite une participation "plus sauvage, organisée de manière autonome. La question est désormais de pouvoir trouver une possible articulation entre les deux. Technique de gouvernement ou instrument d'émancipation politique? Comme le suffrage universel avant elle, la démocratie participative porte en elle la même ambivalence, à savoir s'il s'agit d'un élément de dressage ou de libération. Mais son succès tient justement peut-être de cette ambivalence nous fait remarquer l’auteur. Trois modèles ont été développés et leurs analyses permettent de comprendre ce paradoxe. -Le modèle du Budget participatif. Certes, la participation active des citoyens à l'échelle locale ou micro-locale se perpétue depuis le XVIIIème siècle, à travers par exemple les comités de voisinages... Mais l'institution du budget participatif à Porto Alegre en 1988, constitue un véritable tournant puisqu'il s'agit de transférer directement aux populations une partie du pouvoir de décision, lui permettant de prendre des directives budgétaires. (Expérience de Porto Alegre menée sur 15 ans par un maire du PT(parti travailliste) brésilien, qui a bénéficié d'une grande réussite.) Ce concept s'est largement rependu mais en France, on constate qu'il manque cette dimension égalitaire et redistributive des exemples latino-américains. Le modèle du budget participatif vise à "l'émergence d'une citoyenneté plus consciente, plus critique et exigeante"(p52), et propose une forme de démocratie participative approfondie, mais encadré et inscrite dans un projet politique déterminé. (la municipalité a été ici un véritable moteur d'accompagnement). -Le modèle du débat public. Il est mis en place en vue d’une décision collective à prendre, et est donc une consultation plus ponctuelle, orientée par un projet. Son importance en matière de participation varie beaucoup puisqu’on peut distinguer 4 niveaux d'implication des citoyens: l'information, la consultation, la concertation, la codécision (=qui donne une véritable responsabilité partagée aux citoyens). Mais les exercices de "débats publics" mises en place à l'échelle nationale ont plus une visée symbolique, puisque souvent les interventions ont été réalisées sans la garantie d'une véritable écoute. En France, s'est crée la CNDP (commission nationale du débat public) sur le modèle canadien qui a déjà mené une quarantaine de débats publiques entre 1997 et 2007 (sa saisine est obligatoire pour les projets d'équipements du territoire). Pour chaque projet une commission de 5 à 6 membres organise la discussion pendant 4 mois puis rend un rapport sur les déroulements de celle-ci, sans donner d'avis. L'originalité de ce système tient plus à la conception de la délibération publique, qui fait que chaque citoyen peut faire entendre son avis individuel plus qu'à la portée des débats; introduisant de ce fait une certaine perception de la pratique de la participation. -Le modèle du jury citoyen. (Né en Allemagne en 1970). Le principe du modèle s'inspire beaucoup entre autre du jury criminel, puisqu'il s'agit de constituer un groupe de 15 à 20 citoyens ordinaires tirés au sort (celui-ci visant à la diversité des points de vue), de les instruire sur une question pour qu'il puisse ensuite délibérer et donner un avis "éclairé" sur le problème. (ex: en France en 98 sur les OGM, en 2000 sur le changement climatique..). Il importe que la décision du jury soit l'occasion d'un débat public plus large pour qu'elle acquière une légitimité. Les expériences montrent la capacité des jurys à produire des avis pertinents mais la question de la légitimité de celle-ci pose toujours problème. Dans les trois cas, il s'agit de penser l'inclusion des citoyens ordinaires dans le processus de décisions politiques ceci aboutissant à démocratiser davantage les régimes existants. Chapitre III: Cependant, y a-t-il vraiment démocratisation? N'est-ce pas simplement un renforcement des structures de domination en place? La controverse suscitée en 2006 suite à l'annonce de Ségolène royale sur les jurys citoyens atteste d'une remise en cause de l'élargissement des droits citoyens dans le monde politique, journalistique... Pour Hirschmann, il s'agit d'un processus de "rhétorique réactionnaire" qui a eu lieu à chaque élargissement des droits civils. On constate toujours trois reproches: l' "effet pervers", l' "inanité" (dire qu’il ne s'agit que d'un simulacre) et la "mise en péril" du système déjà existant (ici la démocratie représentative). L'auteur veut ici fonder une critique basée sur l'observation des expériences déjà réalisées: Le piège de la proximité: la "démocratie participative" se voit souvent confondue à la "démocratie de proximité", les pratiques de participation se développant surtout au niveau micro-local. Les conséquences sont une dépolitisation de la discussion, la participation prenant davantage la forme d'une "gestion urbaine de proximité". Les égoïsmes locaux sont exacerbés et du fait des multiples processus de décision, cela semble être un obstacle même pour la démocratie globale. Le renforcement des inégalités politiques: La probabilité de s'intéresser aux questions politiques et d'exercer ses droits dépend beaucoup de la situation sociale professionnelle de chacun (cf D.Gaxie, le sens caché) et de ce fait dans la grande majorité des cas les instances de participation reproduisent les inégalités existantes. (exemple de la composition des conseils de quartier). On entrevoit le risque d'une privatisation d'un espace public au profit de quelques-uns, les mieux dotés. La tentation de l'instrumentalisation: Tel qu'elle se pratique aujourd'hui la participation est plus un nouvel art de communiquer qu'un nouvel art de gouverner: l'intention de faire participer s'avère plus importante que le contenu. Et face à de possibles revendications irréalisables des citoyens, la tentation pour les organisateurs de verrouiller la discussion peut être forte. Aussi, pour la formation des jurys de citoyens, on remarquera que l'information qui leur ait donné peut vite devenir instrumentalisée. L'absence d'influence sur la décision: Dans tous les dispositifs existants de participation, le dernier mot ne revient jamais aux citoyens consultés. Le discrédit est donc jeté sur la démocratie participative qui n'apparait souvent que comme un simulacre. Chapitre IV: Les raisons d'espérer. Pour l'auteur, il n'y a pas de fatalité et il faut s'interroger sur les manières efficaces pour parvenir à cet idéal de démocratie participative. Il reprend l'analyse de Bernard Manin sur la métamorphose de nos gouvernements démocratiques amorcée dans les années 60, (la "démocratie du public" p 81) en ajoutant la revendication croissante "d'expression" et "d'interpellation". Les dispositifs participatifs que l'on a évoqués ont commencé à introduire ces revendications au cœur de l'action publique, même s'ils répondent parfois maladroitement à ces nouveaux impératifs. Dans cette partie l'auteur montre que parier sur la démocratie participative c'est aussi parier sur ses contradictions. Les arts de la résistance. La démocratie participative ne désamorce pas le conflit et tend parfois à le révéler et à l'exacerber. Mais lorsqu'il y à un enjeu, le conflit est un véritable moteur pour la participation citoyenne. (ex face aux forums, les contre-pouvoirs qui exercent une pression sur les dispositifs même.) Le conflit évite la défection, l' "exit" qui est une menace permanente pour les organisateurs de la participation, car il montre qu'il y a un véritable enjeu et permet qu'un pouvoir effectif soit reconnu aux participants. L'impossible argument d'autorité: Toutes les formes d'expertises sont aujourd'hui mis à l'épreuve, car d'une part les experts sont suspectés d'agir pour les intérêts du pouvoir, et d'autre part les interlocuteurs possèdent davantage de connaissances qui leur permet de contredire davantage les experts. Ici la participation contribue à enrichir la participation et le processus de décision. La reconnaissance d'une compétence citoyenne: Les citoyens sont désormais considérés autrement grâce a ces dispositifs et on reconnait à chacun une égal dignité à intervenir, doublé d'une capacité à s'approprier des problèmes complexes. Souvent, cette concertation est plus féconde que l'analyse seule des experts qui manque de l' "expertise d'usage". Les transformations de l'action publique: On peut décrire les effets vertueux de la participation: -La mise en place des instances de participation permet une meilleure intégration des acteurs différents en les réunissant localement.- L'auteur remarque que davantage de transparence de l'action administrative, d'accès à l'information que permettent les dispositifs contribue à la légitimation des services publics. Une nouvelle approche de la décision politique: La mise en place d'instance de participation produit des effets qui opèrent 4 changements : -Un changement dans l'attitude et les comportements des autorités politiques face à la critique. ("Force civilisatrice de l'hypocrisie" Jon Elster) -un changement dans l'identité des acteurs susceptibles de participer à la discussion des choix collectifs en démocratie. -Un changement sur la nature et la qualité du débat publique en démocratie (plus de visibilité et de transparence) -l'imposition d'une nouvelle approche de la décision publique et de l'exercice du pouvoir en démocratie. CONCLUSION, Six brèves recommandations pour une démocratie effective: (étant donné que les expériences ont un bilan nuancés, l'auteur met en avant les conditions d'une véritable démocratisation, pour que les futurs bilans sont plus unanimes.) -prendre au sérieux les formes matérielles de discussions. (en France, arbitraire total en matière d’organisation, nécessité de règles, de cadres établis...) -encourager l'émergence de pouvoir neutre (Nécessité d’instaurer un tiers loyal exclusivement aux principes de délibération.) -promouvoir une constitution démocratique mixte. (ie la participation du peuple doit prendre plusieurs formes : dans l’exercice d’un pouvoir permanent informel (la critique) mais aussi par une participation institutionnalisée. -jouer sur la complémentarité des dispositifs (nécessité de combiner diverses procédures) -repenser la relation à la décision (la participation exige un horizon d’action, ne doit pas être seulement consultative.) -réaffirmer sans cesse l'idéal d'inclusion. La démocratie participative n’a de sens que s’il elle contribue à enrayer les logiques d’exclusion sociale, rompant avec la politique traditionnelle. Discussion : L’ouvrage de Loïc Blondiaux semble tout d’abord atteindre le but fixé de définir ce que l’on peut entendre par ce « nouvel esprit de la démocratie » en faisant le tour d’horizon de la question de la « démocratie participative ». En effet, on notera la qualité d’argumentation de l’ouvrage, adoptant tant des approches verticales, qu’horizontales. Ainsi, l’auteur, à plusieurs reprises, a recours aux évolutions historiques (par exemple lorsqu’il s’appuie sur l’ouvrage de B.Marin (p13)) et comparent les différentes situations contemporaines dans les démocraties occidentales. (Exemple des démocraties d’Amérique latine, très différente de celles anglo-saxonnes.). On peut également gratifier l’ouvrage de se référer à de nombreux sociologues, à la fois anciens et contemporains, cela donnant davantage de légitimité à l’argumentation de l’auteur. Les revois annotés permettent de se doter d’une large bibliographie sur le sujet. Ainsi, lorsque l’auteur décrit notre société de défiance il fait explicitement référence à R.Putnam dans son texte, puis, dans les notes ajoutent l’ouvrage sur la question d’Y.Algan et P.Cahuc. (p27). D’un autre coté, on pourra cependant déplorer parfois les références trop allusives à certains auteurs du fait de leur nombre, reliant plusieurs auteurs aux thèses différentes même si restant dans le « même sillage ». (p.26 en donnant l’exemple d’Ulrick Beck et d’Anthony Giddens). Ensuite, on reconnaitra à l’auteur le fait de vouloir afficher un gage d’objectivité en mêlant ouvrages théoriques et exemples concrets, faisant ainsi état des exemples menés en matière de démocratie participative dans le monde et en France. L’exemple de l’expérience du budget participatif de Porto Alègre est ainsi décrit en détails, dans son évolution temporelle et dans ses résultats, mais on pourrait objecter qu’elle apparait tard dans l’ouvrage compte tenue des multiples références qui lui sont consacrées avant dans l’ouvrage. Ainsi, on s’attend à avoir une explication sur les résultats concrets de cette expérience tout au long du livre sans que nos attentes soient comblées, ou du moins qu’à la fin, ce qui peut entrainer un lecteur actif à mener une recherche sur cette expérience pour en connaitre sa portée ; et du coup ce lecteur est finalement ennuyé lorsque la portée de l’expérience lui est finalement racontée. Autrement, les exemples qu’il prend appuie de manière pertinente l’argumentation ce qui n’est pas le cas dans des ouvrages qui restent trop théoriques. Ensuite, l’intérêt de l’ouvrage est que l’auteur fait preuve d’une grande honnêteté intellectuelle en examinant objectivement les résultats qu’offrent les expériences de délibération menées jusqu’alors en France. Il est ainsi obligé d’admettre la portée très nuancée de ces expériences tout en restant persuadés que la démocratie participative a un avenir. Il reconnait ainsi l’inutilité et l’inefficacité de « trop d’usines à gaz participatives » (p109), qui ne font que de la participation pour dire qu’elles en font ; et il admet les difficultés liées à l'idéal de la participation : Certes, demande aux maires d'ouvrir les forums de discussion sur les sites de la mairie, mais ces forums restent le plus souvent vides. Certes on exige plus de débats citoyens, mais ce sont toujours les mêmes qui viennent. Certes on organise des débats publics, mais ils se font souvent « sans publics »…Cela ne l’empêche pas de garder sa position tout le long de l’ouvrage et de finir par proposer des solutions concrètes pour tendre vers cette idéal de démocratie participatif qui doit permettre véritablement plus de « démocratisation ». Il ne reste pas évasif sur en fin de livre mais réalise bien un travail de sociologie-politique en proposant des solutions à une impasse décrite au préalable. Aussi on remarquera que ses critiques restent basés sur des faits objectifs, critiques qui se distinguent des « critiques réactionnaires » fondés sur des arguments spécieux (cf analyses d’Hirschmann), traduisant la volonté des groupes dominants. Ensuite, on pourrait critiquer l’auteur sur le fait de se montrer toujours optimiste malgré les critiques qu’il met en exergue. En effet, à chaque début et fin de chapitres, il débute ou termine sur une note optimiste, rappelant toujours son point de vue sur le fait que la démocratie participative a un réel avenir et qu’elle n’est pas seulement passagère. Pourtant, il ya de quoi s’interroger quand on examine « l’ambivalence des élites » qu’il montre au chapitre I. En effet, il montre qu’en France les élus locaux ont une vision « quasi-monarchique » de leur pouvoir, et qu’ainsi, les maires notamment sont réticents à plus de participation. L’auteur ne résous pas par la suite cette limite qu’il soulève, limite qui pourtant apparait comme un frein essentiel à la progression de la mise en place de structures délibératives. Est-ce vraiment envisageable que les élus cèdent leur monopole du pouvoir aux « citoyens profanes » ? De même, lorsqu’il évoque le modèle du jury citoyen, l’auteur pointe bien le danger d’instrumentalisation par le tiers qui est censé instruire le groupe de jury sur une question. Sa deuxième recommandation encourage l’émergence d’un pouvoir neutre, mais là encore est-ce réellement possible de trouver une personne réellement détachée de tout pouvoir, ne servant que la cause de la structure délibérative même ? Des questions qui finalement se rattachent à la question de la nature humaine, que l’auteur semble avoir tranchée (p81 « il n’y a nulle fatalité dans les affaires humaines »). Un autre soupçon pourrait venir de savoir si réellement ou non les citoyens désirent réellement plus de participation : l’auteur prend bien en compte une enquête américaine s’intéressant à la question (p32, + Nina Eliasoph Avoiding Politics. How Americans Produce Apathy in Everyday Life . 1998), concluant que les américains préfère « l’évitement du politique » et possèdent ainsi un idéal de gouvernement éloigné ; mais cela ne l’empêche pas de conclure de manière positive. L’auteur on se rappelle met en avant l’argument du « manque d’enjeu » pour expliquer la désertion devant les structures délibératives. Une telle enquête n’existant pas en France, il est impossible de conclure du même désir pour les citoyens français, mais il pourrait s’avérer une fois de plus que l’auteur se montre trop optimiste. Néanmoins, il n’est pas le seul à démonter le mythe du « citoyen passif » puisque dans son ouvrage La contre-démocratie, seuil, 2006 note bien le déclin de la « démocratie d’élection » mais démontre que celui-ci est largement comblé par les formes non-traditionnelles par lesquelles les citoyens se font désormais entendre. Finalement, on reviendra sur les raisons d’espérer quant au développement de « ce nouvel esprit du capitalisme ». Si l’on continue avec Pierre Rosanvallon, il est intéressant de noter qu’il conclue sur une érosion de la confiance des citoyens dans leurs dirigeants. Son livre est finalement une étude des dynamiques des réactions de la société face aux dysfonctionnements de la démocratie représentative. Ainsi, une raison d’espérer à une nouvelle forme de démocratie tiendrait d’abord dans l’accord des sociologues pour conclure à la montée d’une contestation citoyenne face à une démocratie représentative dépassée. Pour Rosanvallon la défiance se manifeste dans deux contre-pouvoirs : les pouvoirs de surveillance, et les formes d’empêchement et de mise à l’épreuve d’un jugement ; tous deux constituant la « contre-démocratie ». Cependant on remarquera que P.Rosanvallon s’oppose à L.Blondiaux sur le fait ne surtout pas institutionnaliser la participation. Extrait de la contre démocratie « La contre-démocratie doit être consolidée. Mais comme les pouvoirs contre-démocratiques sont incohérents entre eux, ils doivent se multiplier pour prospérer. En aucun cas, ils ne doivent être institutionnalisés. Les pouvoirs de surveillance actuels (Parlement, opinion publique, partis, mouvements sociaux, institutions démocratiques ad hoc) segmentent l’opinion publique. Il faut travailler à l’émergence d’une citoyenneté plus active et experte grâce à des agences citoyennes de notation et des observatoires citoyens. Des citoyens tirés au sort pourraient constituer des commissions d’enquête. La souveraineté d’empêchement doit prouver que la contre-démocratie n’est pas qu’une activité d’obstruction. »[...] En revanche, avec sa troisième recommandation, Pierre Rosanvallon était pour « promouvoir une constitution démocratique mixte » avec des formes institutionnalisées de la participation. Ainsi, s’il y a consensus sur le fait que notre démocratie actuelle doit évoluer, les modalités de cette évolution sont encore discutées. Une autre raison d’espérer ce « nouvel esprit de la démocratie » et qui est peu exploitée dans l’ouvrage est l’importance d’une nouvelle critique citoyenne dont parlent L.Boltanski et E.Chiapello, dans le nouvel esprit du capitalisme. Dans l’ouvrage la problématique des auteurs va être de s’interroger sur les conditions de réussite d’une critique, le capitalisme possédant la capacité d’intégrer la critique qui lui est adressé. Dans notre cas, nous nous intéresserons seulement sur le constat que dressent les auteurs quant à la réussite d’une critique. Selon eux, pour être entendue, une critique doit être unie, c'est-à-dire qu’elle doit regrouper la « critique artiste » et la « critique sociale », et donc qu’elle bénéficie d’une base populaire large et convaincue. (Ce qui, selon les auteurs à manquer à 68, la critique sociale étant restée méfiante face à la « critique artiste des « gauchistes »). En revanche, aujourd’hui ; les auteurs constatent un renouveau de la critique sociale ,une nouvelle forme contestataire plus globalisée s’élèverait, « l’internationale de la résistance ». Ainsi, Bourdieu affichait une volonté de créer un large mouvement contestataire européen (Bourdieu, Contre feux 2, pour un mouvement social européen), le forum économique de Davos affiche une volonté de « globaliser les luttes, les espoirs et les propositions », l’association ATTAC, crée en 1998, se veut être un « stimulateur démocratique »…De même la critique artiste serait assurée par la résurgence des NMS. Ainsi, ce constat sur le renouvellement de la critique est un espoir quant à la volonté des citoyens et des intellectuels à participer davantage à la vie décisionelle. On pourra remarquer que les intellectuels tels que se voulait être Bourdieu, correspondent à la définition du tiers dont parle L.Blondiaux, un intellectuel sans être un homme politique. Enfin, comme l’esquisse rapidement l’auteur, les nouvelles technologies de la communication peuvent également être porteur de ce « nouvel esprit de la démocratie ». On prendra l’exemple du président américain Obama qui semble vouloir instituer plus de délibération à travers internet. . Ainsi, durant la campagne présidentielle américaine, son équipe a mené à une échelle inédite l'utilisation des technologies de l’information et de la communication. Internet (avec notamment my.barackobama.com) qui a été un outil efficace d'information en temps réel, et de contact entre les militants et leur candidat mais aussi des militants entre eux. Une performance organisationnelle qui s'inscrit donc dans une culture plus participative. Par la suite, la Maison Blanche a fait du web un vecteur de transparence de l'action publique : sur recovery.gov, les contribuables américains peuvent désormais suivre l'affectation des dépenses publiques fédérales (« your money at work »). De change.gov (durant la période de transition avant l'investiture) à healthreform.gov, l'objectif est de donner aux citoyens le pouvoir de diagnostiquer, de proposer, de peser dans les décisions qui les concernent et d'en suivre l'application. Ainsi, l’exemple américain de l’application des nouvelles technologies en politique semble permettre aux citoyens de ne pas être concernés et concertés seulement lors de l’élection. Néanmoins, il ne faut pas croire là non plus à un véritable transfert de pouvoirs, mais cela permet toutefois de traduire une évolution des mentalités et donc de penser qu’un idéal de démocratie participative est finalement peut-être atteignable à long terme… |
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