2.0 Evaluation globale du projet de loi 2.1- Le projet de loi a apporté plusieurs nouveautés à impact positif…
Il en est notamment ainsi de :
l’intégration de nouvelles activités dans le giron de la loi bancaire telles que les établissements de paiement. L’intermédiation en opérations bancaires a été abordée dans la première version du projet de loi mais a été retirée dans la seconde version suscitant des interrogations auxquelles on reviendra plus loin ;
la réglementation de la finance participative (désignée dans le projet de loi par « Banque islamique » ;
la mise en place de mécanismes de garantie de dépôt et d’un régime de redressement et de résolution pour les banques et établissements financiers en situation de difficultés ;
le rapatriement au niveau du projet de loi des dispositions de bonne gouvernance à caractère législatif, actuellement traitées par voie de circulaire (ie- administrateurs indépendants).
2.2- Le projet de loi peut avoir deux (2) effets majeurs qui peuvent compliquer davantage la situation actuelle du secteur bancaire
D’abord, l’émiettement accru de l’activité bancaire à travers, en particulier, l’institutionnalisation d’un régime exclusif pour l’activité de finance participative (désignée dans le projet de loi par « Banque islamique »). Ceci impose des limitations d’accès aux différents segments du marché et empêche la construction de grands ensembles intégrés. Notre analyse benchmarking révèle que l’écrasante majorité des pays, en particulier, ceux de notre zone donnent la liberté aux Banques et établissements financiers de commercialiser les produits de finance participative (dite finance islamique) soit à travers des fenêtres islamiques ou à travers des succursales spécialisées (avec une affectation d’un fonds de dotation à partir du capital social).
Nous pensons aussi que la mise de l’activité de microfinance à l’écart du périmètre de l’activité et de la réglementation bancaire est une option qui doit être reconsidérée au regard du développement attendu des activités de microfinance et de l’étendue de son marché. Les questions du seuil de financement autorisé par les institutions de microfinance et l’accès au dépôt devraient être posées eu égard aux priorités nationales dans le domaine de la promotion de l’entrepreneuriat et de l’inclusion sociale et solidaire.
Ensuite, une surveillance plus forte des Banques et établissements financiers, sur le principe en ligne avec la mouvance mondiale, or ce projet consacre trop d’implications de l’autorité de surveillance dans les décisions de gestion en exigeant son autorisation notamment pour le lancement de nouveaux produits, d’une nouvelle tarification, l’ouverture d’agence, le développement de canaux digitaux, la politique de rémunération interne, la nomination de tous les administrateurs et dirigeants. Ceci se traduit de facto par un transfert des pouvoirs de la Banque vers l’autorité de surveillance et en conséquence de la responsabilité qui va avec. Elle implique aussi un risque fort de création de goulot d’étranglement, au vu des volumes à traiter, et sera source de blocage des initiatives et des actions des Banques et établissements financiers.
2.3- La profession bancaire a une attente forte de la nouvelle loi bancaire pour décloisonner les activités et libérer les énergies….
La nouvelle loi bancaire doit consacrer de façon claire le principe selon lequel tout est permis sauf ce qui est spécifiquement interdit et la structuration du texte ne doit nullement prêter à équivoque quant à ce principe. Une institution financière, et à plus forte raison une Banque, doit pouvoir réaliser, en fonction de la stratégie qui lui est propre, une partie ou la totalité des activités autorisées sans restrictions réglementaires préalables ou complications sous forme de montages juridiques inutiles.
Les activités de finance participative et la microfinance notamment devraient être ouvertes à l’ensemble des banques qui souhaitent l’exercer éliminant ainsi tous freins à une libre concurrence sur le marché.
Les restrictions des activités des établissements financiers et obstacles à leur développement doivent être levées à l’instar de ce qui se pratique dans les réglementations des pays similaires. En particulier, le projet de loi consacre le principe selon lequel les produits de leasing ne peuvent être commercialisés qu’aux entreprises et professionnels alors que plusieurs pays du benckmark permettent aussi de cibler le segment des particuliers. Nous pensons qu’une limitation de la proportion du segment des particuliers peut être envisagée en fonction du contexte économique mais à travers des circulaires plutôt que par une exclusion totale par la loi. De même, le projet de loi ne prévoit pas le leasing opérationnel comme faisant partie du scope d’activité des sociétés du leasing alors que l’écrasante majorité des pays du benchmark le consacrent dans leur réglementation.
L’activité de factoring semble être limitée à travers le projet de loi aux seules opérations de financement de créances alors que les pays du benchmark prévoient aussi, et à juste titre, les opérations de cession de créances et de gestion du compte client (sans financement) comme faisant partie de l’activité de factoring.
Les activités de services devaient être étendues à l’ensemble des activités de conseil, de gestion de patrimoine, de placements et d’activités de marché sans restriction aucune ni autorisation ou agrément préalable tant que ces activités sont exercées pour le compte de la clientèle. Les marges d’intermédiation bancaire sont en voie de contraction et il est nécessaire de libérer les services autant que faire se peut pour stimuler les relais de croissance à travers les commissions sur les services et les produits de placements.
Dans ce cadre, les banques doivent à minima, et à l’instar de ce qui se pratique dans plusieurs pays du benchmark, pouvoir exercer en leur sein les services d’intermédiation en bourse.
Le projet de loi prévoit des restrictions en cascade en matière de participations par les Banques et établissements financiers dans les entreprises en dehors du secteur financier. Nous pensons que les limites prévues sont contreproductives et elles ne sont prévues par aucune des réglementations similaires étudiées. Nous pensons que seule une limite par rapport aux fonds propres consolidés est appropriée.
2.4- La profession bancaire a aussi une attente forte pour encadrer la mise à niveau du secteur bancaire dans son ensemble sans complications inutiles
Le projet de loi doit consacrer la liberté aux Banques et établissements financiers de choisir le modèle d’affaires et la taille qu’elle juge la plus en ligne avec ses choix stratégiques. Il ne faut pas perdre de vue qu’il doit en même temps insuffler un air de consolidation du secteur en faisant émerger de grandes institutions financières (ie- Banques) capables de répondre de façon large aux besoins du marché et compétitives à l’échelle régionale et internationale.
Il convient aussi de reconnaitre que les enjeux en termes de risque ne sont pas les mêmes en fonction de la typologie et la taille des Banques et établissements financiers. Nous considérons que le régime particulier consacré dans le projet de loi aux banques systémiques est tout à fait pertinent. Il convient de prolonger ce raisonnement en adoptant des exigences réglementaires (ie- capital), un modèle de gouvernance et un dispositif de supervision différenciés selon la typologie et la taille de la Banque ou de l’Etablissement financier. Autrement, nous risquons d’imposer à certaines institutions des exigences en matière de gouvernance sans rapport avec les enjeux et les risques grevant inutilement leur efficacité opérationnelle et leur rendement. Par exemple, le projet de loi impose la création d’un Comité d’audit interne, d’un Comité des risques et d’un Comité de nomination et de rémunération avec 3 membres différents dans chacun de ces comités et cette règle doit s’appliquer à toute Banque ou Etablissement financier quelle que soit sa taille et sa liaison capitalistique avec d’autres Banques ou Etablissements financiers.
Nous pensons, à ce titre, que la loi doit se limiter à énoncer les principes et les règles minimales en matière de gouvernance et d’exigences réglementaires, les dispositions détaillées et spécifiques étant du ressort des circulaires voire d’exigences spécifiques du superviseur à l’adresse d’institutions prises individuellement.
Le projet de loi comporte plusieurs dispositions dérogeant au droit commun (ie- Code des Sociétés Commerciales). Ces dérogations aboutissent à un régime juridique des Banques et établissements financiers totalement en marge des règles de fonctionnement des sociétés commerciales alors qu’elles ne sont pas toutes fondées. Il en est ainsi des dispositions relatives aux organes d’administration et au commissariat aux comptes. Nous pensons que l’esprit de la nouvelle loi bancaire doit privilégier la consécration du principe d’application des règles de droit commun pour ne prévoir des règles spécifiques aux Banques et Etablissements financiers que s’il est démontré qu’elles sont clairement justifiées.
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