PRÉFACE.
L’ouvrage que j’offre aujourd’hui au public a été composé sur les notes et documents que j’ai recueillis dans mes voyages à Madagascar et aux îles avoisinantes.
Dans mes rapports avec un grand nombre de géographes français et étrangers, j’ai acquis la conviction que les ouvrages publiés depuis le commencement de ce siècle sur l’île de Madagascar n’en donnent que des notions fort imparfaites, pour ne pas dire erronées. Je n’en excepterai pas la compilation du révérend W. Ellis. Quoique intitulé
Histoire de Madagascar,
ce livre n’est, en réalité, qu’une relation des essais infructueux tentés par la Société des Missions de Londres pour établir le christianisme dans cette île. Le désir de se justifier de n’avoir pas réussi dans ses projets a, plus que tout autre sentiment, donné lieu à cette publication. Je m’abstiendrai de porter un jugement sur le mérite littéraire de ce livre ; mais je puis dire qu’il ne traite guère que d’une seule province, celle des Hovas, et qu’un grand nombre de faits, dont j’ai été le témoin oculaire, m’ont paru y être défigurés par l’esprit de fanatisme religieux.
Ces considérations me portent à espérer que mon ouvrage sera favorablement accueilli du public.
Mon séjour à Madagascar, aux îles Comores et à la côte orientale d’Afrique, a été de huit années.
J’ai vécu au milieu des Malgaches plutôt en Malgache qu’en Européen ; revêtu du costume national, armé de la zagaïe, j’ai partagé les fatigues de leurs guerres et de leurs grandes chasses ; étendu sur la natte, dans leurs cases hospitalières, j’ai écouté leurs poétiques histoires et les chants mélancoliques de leurs ménestrels ; enfin, j’ai accepté le surnom de Lava-lef (grande zagaïe) qu’ils m’ont donné d’une voix unanime, à cause de mon ardeur à poursuivre le sanglier dans leurs antiques forêts et dans leurs immenses savanes.
De retour dans ma patrie, il était de mon devoir de faire part à mes compatriotes des connaissances locales que j’avais acquises, le plus souvent au milieu des dangers et des souffrances, afin que mon expérience ne fût pas perdue pour ceux qui seraient tentés de parcourir les mêmes contrées, soit dans un but scientifique, soit dans un but commercial.
Plusieurs savants ont encouragé la publication de mes voyages.
L’érudit et respectable académicien M.
Eyriès, dont les travaux ont tant contribué à répandre le goût de la géographie, m’a honoré d’une bienveillance pour laquelle je le prie de recevoir ici l’expression de ma vive reconnaissance.
Sur la recommandation de M.
Mignet, directeur des archives du ministère des affaires étrangères, M.
Barbier du Bocage, géographe du même ministère et conservateur du Dépôt des cartes et plans, m’a ouvert avec une obligeance extrême l’entrée de cette riche collection, où les savants de toutes les nations ont maintefois puisé des documents de la plus grande importance.
M.
d’Avezac, dont les ouvrages, récemment publiés par la Société de Géographie, sont connus de tous les véritables amis de la science, m’a rendu des services qui m’ont été précieux et dont je garderai toujours le souvenir.
J’ai reçu également de M.
Daussy, ingénieur hydrographe en chef et conservateur-adjoint au dépôt de la marine, des marques d’intérêt dont je lui suis très reconnaissant.
Je n’oublierai pas non plus l’assistance éclairée que j’ai trouvée en M.
Eugène de Froberville. Ce jeune écrivain, dont les recherches se sont spécialement dirigées vers la géographie et l’ethnographie de Madagascar, a bien voulu associer son nom au mien, et résumer rapidement l’histoire, si peu connue, de cette intéressante contrée.