Droit du travail
Cours de 3A dispensé par M. Jean-Emmanuel Ray (J.E.R. pour les intimes)
Plan du cours
Introduction 3
I.Présentation générale 3
II.Sources du droit du travail 5
TITRE PREMIER : Le Contrat de Travail et ses Effets 8
Chapitre I : Le choix du contrat de travail 8
Section 1 : La norme : le CDI 8
I.La période d’essai 8
II.Autres clauses 9
Section 2 : Le contrat à durée déterminée 11
I.Les quatre cas de recours au CDD 11
II.La durée du CDD 12
III.La fin du CDD 12
Chapitre II : Le pouvoir patronal 14
Section 1 : Le pouvoir de gestion (CC, 12 janvier 2002) 14
I.Le principe 14
II.Les limites 14
Section 2 : Le pouvoir de direction 15
Section 3 : Le pouvoir disciplinaire 15
I.La loyauté de la preuve 15
II.La procédure disciplinaire 16
TITRE SECOND : L’Exécution du Contrat de Travail 17
Chapitre I : Le salaire 17
Section 1 : Les minima 17
I.Le minimum légal 17
II.Les minima conventionnels 17
III.Les éventuels niveaux contractuels 17
Section 2 : Différenciation licite et discrimination illégale 17
I.Le principe : la différenciation licite 17
II.La discrimination illégale 18
Chapitre II : Le temps du travail 19
Section 1 : Le cadre légal après la loi du 31 mars 2005 19
I.Les durées légales 19
II.Les heures supplémentaires 20
Section 2 : Flexibilité et aménagement dérogatoire du temps de travail 20
Section 3 : Le forfait-jour des cadres et salariés autonomes 20
(depuis août 2005) 20
I.Le forfait-jour des cadres 20
II.Le forfait-jour des non-cadres autonomes 21
Chapitre III : La modification du contrat après la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 22
Section 1 : Modification du CT ou simple changement dans le CT ? 22
I.La véritable modification du contrat de travail 22
III.Le simple changement des conditions de travail (SCCT) 23
Section 2 : Effets de l’éventuel refus du salarié 23
I.Le refus d’un SCCT 23
II.Le refus d’une modification du contrat de travail 23
Chapitre IV : Restructurations et contrat de travail 24
I.Le L122-12 24
II.Le transfert du contrat 24
III.La grande illusion : transfert du contrat et maintien de l’emploi 24
TITRE TROISIEME : Rupture du Contrat de Travail 25
Chapitre I : Les licenciements 25
Section 1 : Pour motif personnel 25
I.Les 4 fautes en droit du travail 25
II.Les simples crs 26
Section 2 : Pour motif économique après la loi du 18 janvier 2005 27
I.Obligation de reclassement 27
II.La crs pour licenciement économique 27
Chapitre II : La démission 27
I.VSSE 28
II.Les suites de la démission 28
Chapitre III : Les suites de la rupture 28
Introduction Objectifs :
Responsabiliser les managers : introduire plus de direction des ressources humaines, car on doit être responsable de qui on embauche ;
Crédibiliser les managers qui s’y connaissent en droit du travail, leur fournir des réponses aux questions basiques et ainsi les valoriser en interne, car ils n’auront plus seulement des connaissances techniques.
Livres conseillés :
Les Clauses Essentielles du Contrat de Travail, Paul-Henri Antonmattei
Droit du Travail, Droit Vivant, J.E. Ray
L’Employeur, le Salarié et les TIC, J.E. Ray
Présentation générale
L’expression « droit du travail » (DT) est mensongère.
En gros, en France, 24 millions de personnes travaillent, parmi lesquelles seuls les 2/3 sont couverts par le DT. Les 8 millions de personnes non couvertes sont :
le gros bataillon des fonctionnaires (d’Etat, territoriaux ou hospitaliers), couverts par le droit administratif : 5 millions ;
les professions libérales, par définition non couvertes par le DT ;
les artisans ;
les agriculteurs.
Le DT ne protège que les salariés. Cf. p.1 du poly : le critère est la subordination juridique.
Un travailleur recevant des ordres est qualifié de salarié (différent d’un « employé »). L’employeur peut contrôler l’exécution des ordres ; si elle n’est pas positive, il y aura sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement.
Pourquoi un droit du travail
Le code civil postule l’égalité mais ce n’est pas le cas ici : droit du travail, du logement et de la consommation sont partisans, favorables respectivement au salarié, au locataire et au consommateur.
But : protection de la partie faible au contrat
DT est un droit inégalitaire, favorable au faible : le salarié. Inégalitaire pour compenser l’inégalité du contrat de travail.
Sans le signe de l’ordre public de protection, ce qu’on signe n’est généralement pas valable.
Exemple : la période d’essai. Renouvelable une seule fois d’après la convention collective, donc pas de valeur si renouvelée une fois de trop.
Liberté contractuelle s’arrête lorsque commence l’ordre public (ce qui est différent du droit anglais). Conclusion :
Les enjeux sont différents pour un patron de PME et un manager de grande école.
Le DT protège-t-il l’emploi ? Conçu pour faire entrave à loi du marché ; dans une société civilisée, on ne peut traiter un travailleur comme un kilo de carottes. Il faut que celui qui travaille soit digne, qu’il ait sa place dans la société.
« Le droit civil c’est Versailles, le droit du travail c’est Beaubourg pas ravalé » (!) : DT est pragmatique, pas beau comme le droit civil.
Exemples : création d’un délégué pour ne pas avoir à négocier avec chacun, minimum salarial…
Fonctions : intégration, régulation micro et macro-sociale
Pendant les Trente Glorieuses, le progrès financé par la croissance a profité aux salariés ; maintenant, en France, ce n’est plus trop le cas. Pourquoi DT créé au 19ème ? Un peu par catholicisme social, mais surtout parce qu’on a donné le droit de vote aux ouvriers. D’où première fonction : intégration des exclus, pour qu’ils soient plus mobilisés pour ce changement radical, et pour trouver des systèmes de régulation. Mais ne marche plus trop pour nos exclus actuels. Régulation micro et macro-sociale :
Niveau macro : acteurs du social, comme l’UNEDIC cogérée par les syndicats (gestion paritaire du social) ;
Niveau micro : délégués. Délégué non nécessaire si moins de 50 travailleurs, car il est alors possible de négocier avec tout le monde. Licenciement économique rendu délibérément long et compliqué. Forme d’anesthésie sociale individuelle et collective.
DT n’est pas que sympa et compassionnel ! Conclusion : ambivalence
Droit du travail pas seulement de gauche. Peut être plus favorable au salarié quand beaucoup de croissance, mais peut aussi régresser dans cas inverse : CPE offre moins de garanties qu’avant en termes de DT, et en droit de l’emploi ça se discute.
DT est élément déterminant du droit de la concurrence. Peut inciter à délocaliser ou ne pas localiser. Cas du travail au noir, de la prégnance des charges sociales qui peuvent diminuer la compétitivité. Avec UE, salaire moyen en Lituanie est 5 fois inférieur au salaire moyen français ! D’où la nécessité de trouver une régulation pour la compétition entre pays membres.
Etendue exacte de sa protection (d’ordre public)
Subordination juridique et principe de réalité
Le travailleur considéré est-il un salarié ? Aucun doute dans 99 % des cas. Le reste comprend des médecins d’entreprise, joueurs de foot, télétravailleurs…
Côté entreprise, on cherche à éviter le salariat (à cause des charges, 35h, licenciement…).
Mais quel que soit le contrat signé entre les parties, s’il y a des ordres, un contrôle, une obligation de moyens et/ou des sanctions, le travailleur sera considéré comme un salarié.
Grâce aux NTIC, distance n’est plus synonyme d’indépendance !
D’abord, il faut bien sûr lire le contrat initial, mais ce sont les conditions réelles et quotidiennes (preuves à l’appui) qui comptent. D’où la possibilité de requalification (travailleur requalifié en salarié) et, rétroactivement, l’application du code du travail.
C’est le principe de réalité. Conclusion : un travailleur en free lance est-il salarié ou pas ?
Regarder le contrat initial : si les horaires de travail sont fixés, s’il y a une exigence de rapports quotidiens et/ou, « bêtise absolue », un paiement à l’heure (ce qui implique une obligation de moyens), le travailleur est bel et bien un salarié !
Souvent, à l’origine, un travailleur est free, avec juste une obligation de résultat. Puis, à cause d’un employeur vicieux ou du fait même du salarié vicieux, se créent les conditions pour requalifier le contrat avec effet rétroactif au moment où il y a eu subordination.
Adaptation du critère ?
Cf. p. 24
Tout le DT repose sur la subordination (donc le salariat) alors qu’aujourd’hui la productivité vient de la liberté : les travailleurs du savoir (ou « des neurones » !) travaillent mieux sans contraintes. Ce qu’il faut protéger aujourd’hui, c’est la vie privée, envahie par les NTIC.
Remarque : avec irruption des NTIC, de toute façon, il devient difficile de compter le nombre d’heures réellement faites. 35h au bureau, c’est sans compter le temps dépensé chez soi ou en vacances à répondre aux mails, aux coups de fil ou à pianoter sur son Blackberry.
Les employés d’IBM en Allemagne (les cerveaux qui peuvent facilement trouver d’autres boîtes !) ont obtenu de leur employeur qu’il ne programme jamais une charge de travail supérieure à la durée du travail et qu’ils ne soient jamais contactés le week-end ou pendant les vacances !
Sources du droit du travail
DT reste du droit avant d’être du droit du travail, donc mêmes sources et dans le même ordre. Avec en plus des sources spécifiques (négociées) : les conventions collectives de travail.
Spécificité des sources
Sources imposées (classiques)
Préambule : affirmation de la liberté syndicale, du droit à la négociation collective, du droit de grève et interdiction des discriminations (et spécialement en droit social, discrimination homme/femme) ;
Corps : les principes fondamentaux ne peuvent être institués que par le législatif.
Très peu de règlements (que pour hygiène et sécurité), car trop choquant dans cultures nationales. D’où prédominance des directives, nationalisées par transposition, et qui deviennent donc des lois de l’Etat français.
Lois et règlement du travail : le Code du travail
Colonnes plus importantes que le code lui-même (écrit en ligne) : il s’agit de la jurisprudence, donc des cas pratiques ! Exemple : tout licenciement doit reposer sur une CRS, une Cause Réelle et Sérieuse.
Montée en puissance des sources négociées (UE + France) : les conventions collectives de travail
Il en existe à trois niveaux :
Accord National Interprofessionnel (ANI)
Pour les sujets d’intérêt général.
Accord commun entre patrons et syndicats. Exemple : l’UNEDIC (cogérée).
Fonction de prélégislation (deviendra généralement une loi de la République après six mois), dotée d’une plus forte légitimité sociale (car rédigée par les partenaires sociaux) et politique.
Les ANI ne portent que sur des dispositions générales, les modalités concrètes étant définies au niveau inférieur.
Convention Collective de Branche (CCB)
Au nombre de 400 environ en France, certaines concernent 1,8 million de salariés (métallurgie), d’autres un peu plus de 1 200 (personnel des centres équestres).
Fixent loi économique et sociale de la profession pour réguler la concurrence, d’où deux fonctions :
économique d’abord : antidumping social ;
sociale ensuite (exemple : fixation de minima salariaux).
De plus, c’est l’intérêt commun de travailleurs de se créer une identité professionnelle, d’identifier les compétences. Contribue à la repérabilité de l’employé.
A quelle branche appartient-on ? Cf. sur fiche de paye le numéro SIRET APE (activité professionnelle exercée). Unité du statut collectif, même si pas une seule activité dans l’entreprise (c’est la plus grande part du chiffre d’affaires qui l’emporte).
Accord d’entreprise ou même accord d’établissement (niveau 4 !)
Aujourd’hui, niveau privilégié par le législateur car c’est celui auquel se posent les problèmes concrets : principe de proximité.
Articulation des sources
Hiérarchie lois/conventions collectives
Loi est l’émanation de l’intérêt général ; elle est d’ordre public. Elle est en principe un minimum intangible (exemple : SMIC), donnant un sens unique à la négociation (vers une situation plus favorable).
La norme : l’ordre public social
« Plus on descend, plus ça monte » : plus on descend dans la hiérarchie des sources (si c’est un arbre avec au sommet la Constitution), plus les avantages doivent augmenter.
La double exception à l’ordre public social
OPA : l’ordre public absolu
Hygiène et sécurité absolument pas négociables ! Dans ce domaine, obligation de résultat : il ne faut pas avoir de problèmes d’hygiène et de sécurité dans son entreprise. Ne pas hésiter à licencier sans préavis, même pour un casque non mis !
Ordre public dérogatoire (depuis jurisprudence 1982)
Permet de signer des accords moins avantageux que les lois.
Mais attention : d’une part on ne déroge pas à tout, seulement à la durée du travail, et d’autre part on déroge exclusivement par un accord collectif.
Exemple : accord de modulation pour que les heures supplémentaires d’un mois complètent les creux d’un mois non plein (on annualise les heures faites), ce qui peut permettre à l’entreprise de ne pas trop dépenser et ainsi protéger des emplois.
Peut-on passer au forfait jour (alors qu’on compte en heures par semaine) ? Seules les conventions collectives peuvent déroger aux normes légales.
Articulation au sein du champ conventionnel après la loi du 4 mai 2004
Dans une même branche, situation pas homogène pour toutes les entreprises.
Loi du 4 mai 2004 permet au niveau inférieur (dans hiérarchie des sources) de déroger au niveau supérieur sans limites, mais là encore il faut l’accord des syndicats (« pas d’opt out » !).
Il ne faut pas se demander si la situation est plus ou moins favorable : c’est différent, c’est tout (c’est plus ou moins favorable suivant les gens) !
Aujourd’hui, à l’embauche, l’employeur doit remettre un exemplaire de la CCB : il faut tout regarder !
Exceptions : deux domaines essentiels sont indérogeables (car sinon, incohérence avec perte de l’objectif du CCB : empêcher le dumping social) :
salaires minima d’embauche (restent 13ème mois, heures sup, astreintes…) ;
classification (pour profession).
Conclusion : que peut-on faire avec le contrat de travail (la plus petite des sources) ?
On a longtemps cru que DT « allait en augmentant », comme la croissance.
Les seuls avantages acquis en DT sont ceux contractualisés (sous son propre nom, pour soi et soi seul, car parfois accordés qu’à soi). Pour l’employeur, les avantages conventionnels ne s’incorporent pas au contrat de travail !
Convention collective régit contrat de travail comme loi le fait, c.à.d. que ne fait que régir.
Convention collective peut-elle imposer des sujétions (contraintes supplémentaires) ?
On ne peut être tenu par une sujétion signée après l’embauche : pas de rétro-activité, sauf si on donne son consentement.
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