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Cette transmission apparente peut être expliquée suivant les cas ;

1° Par une harmonie préétablie entre deux mécanismes associationistes, indépendants l'un de l'autre, mais dépendant tous les deux d'un milieu psychique ;

2° Par une présomption basée sur les sensations ordinaires de la vue, de l'ouïe, de l'odorat et du toucher.

Ces sensations, qui trahissent notre état organique ou psychique, peuvent être comprises ou même réalisées par le sujet en raison :

1°De l'expérience inconsciente, qui nous est propre, et qui se fait valoir surtout en l'absence de la réflexion consciente ;

2° Des associations idéo-organiques, qui peuvent dévoiler la signification des influences, plus ou moins inaperçues à l'état norma l;

3° De l'idéoplastie, qui réalise chez le sujet l'idée suggérée par l'expérience inconsciente et par des associations idéo-organiques ;

4° De l'éducation hypnotique et magnétique, qui facilite le concours de tous les agents précités.

Il en résulte que la transmission apparente doit être favorisée :

1° Par l'exaltation des sens ;

2° Par l'exaltation de l'intelligence ;

3° Par l'isolement des sens et de l'intelligence qui permet de concentrer toute l’attention dans une direction voulue.

Mais toute cette théorie devient insuffisante dès qu'il s'agit d'expliquer les faits, ou les indices involontaires, fournis par le principe d'extérioration expressive de tout état psychique ou organique, ne pouvant plus entrer en action. À moins d'étendre la perceptivité sensorielle à des limites tout à fait invraisemblables et aussi incompréhensibles que le phénomène lui-même, il faut recourir à un autre principe qui, cette fois-ci, devra nous expliquer, non plus la transmission apparente, mais la transmission vraie.

La transmission vraie embrasse les faits dans lesquels un état a du cerveau A est reproduit par le cerveau B, sans l'intermédiaire des signes visuels, auditifs, olfactifs ou tactiles.

On devinera facilement qu'en pratique ces deux catégories de transmission doivent se confondre le plus souvent, et que ce n'est que dans des expériences faites exprès, et à une certaine distance, qu'on peut être sûr que la transmission vraie agit toute seule.

Si la pensée est un phénomène purement cérébral, en ce sens qu'elle ne peut être engendrée par aucun autre organe, elle n'est jamais limitée au cerveau tout seul, quant aux manifestations qui l'accompagnent. Il n'y a pas de pensée sans expression; on pourrait même dire (avec Sietchénoff) qu'il n'y a pas de pensée sans une contraction musculaire ; mais je préfère la première formule, plus générale, puisqu'elle embrasse aussi les sécrétions, les émanations, la production directe de la chaleur et de l'électricité. On peut bien rester absolument immobile et penser à toutes sortes de choses ; mais en analysant notre attitude soigneusement on trouve :

1° Que si la réflexion est un peu intense, il y a toujours un commencement de la parole ; le larynx, la langue, la mâchoire même exécutent de petits mouvements ;

2° Que si la pensée présente un caractère plutôt visuel qu'auditif, l'œil, malgré l'occlusion, suit les mouvements des objets imaginaires et la pupille se dilate ou se rétrécit, suivant l'état et l'éloignement de l'objet imaginaire ;

3° Que la respiration se règle, s'accélère ou s'arrête, suivant les cours de nos idées ;

4° Que, dans les muscles des membres, il y a toujours une contraction interne, correspondante aux mouvements inachevés auxquels on pense, ou qui se rattachent aux images de nos pensées ;

5° Que tous les états émotifs s'accompagnent d'un changement correspondant dans la circulation ;

6° Qu'une concentration de volonté se reflète dans une contraction correspondante du diaphragme ;

7° Que tous ces phénomènes, en général, doivent déterminer une modification dans les fonctions de la vie végétale, dans l'échange de matière et, par conséquent, dans la production des sécrétions et émanations diverses ;

8° Qu'il est certain que tout travail psychique détermine une production de chaleur, et il est probable qu'il existe même une transformation directe du travail psychique en chaleur rayonnante.

L'effet de ces actions ne peut pas être limité à la surface de notre corps et, par conséquent, encore à une certaine distance ; ces changements peuvent influencer imperceptiblement les sens d'un organisme quelconque et se faire sentir, d'une façon plus ou moins distincte, par un organisme exceptionnellement impressionnable.

En s'appuyant sur une seule catégorie de sensations, on peut arriver aux explications partielles, imparfaites, en disant, par exemple :

1° Que le sujet déchiffre la pensée dans les signes pathognomoniques visuels et que, par conséquent, la théorie de la suggestion mentale se ramène à une théorie de vision exaltée ;

2° Que la pensée étant habituellement parlée, et le sujet pouvant présenter une hyperacousie extraordinaire (soit dit entre parenthèses, que cette hyperacousie ne dépasse jamais une distance de plusieurs mètres pour les paroles réellement prononcées), on peut envisager la suggestion mentale comme une audition exaltée de la parole interne et des bruits de la respiration ;

3° Qu'étant prouvé que les émotions s'accompagnent d'une senteur cutanée, modifiée, on peut exagérer la valeur de ces indices en admettant que même chaque pensée, un peu concentrée et persistante, surtout celles d'approbation ou de négation (qui peuvent beaucoup aider un sujet qui cherche à exécuter l'ordre donné) se caractérise par une modification olfactive perceptible.

4° Que la chaleur dégagée à la suite d'un effort mental, modifiée par l'approche du corps et les gestes (courants d'air), peut guider le sujet, lui faire sentir surtout le commencement et la direction de l'action, et donner ainsi lieu à une explication purement calorique de certaines influences dites mentales ;

5° Que dans les expériences avec contact immédiat, toutes les vibrations et tensions, expressions des muscles, peuvent servir de signe palpable, pour une interprétation de nos pensées, et donner lieu à une théorie mécanique de la suggestion ;

6° Que le phénomène de l'attraction réflexe, basé sur une sensibilité cutanée, exaltée, pouvant être développé considérablement de sorte que le sujet est attiré par des gestes à peine exécutés, on pourrait imaginer une théorie purement attractive de la suggestion, et dire que tous les mouvements commandés mentalement sont exécutés en raison d'une attraction physique réflexe ;

7° Que le phénomène de l'imitation des mouvements étant assez commun et également susceptible d'un perfectionnement considérable, on pourrait dire que, si, même ayant les yeux fermés, le sujet peut reproduire les mouvements de l'opérateur, ce phénomène, à un degré un peu plus élevé, pourrait se manifester même par des mouvements inachevés, et donner lieu à une théorie exclusivement imitative.

Toutes ces considérations prises séparément et même collectivement, ne peuvent s'appliquer qu'à un certain nombre de faits, mais nous devons en tenir compte partout où, suivant les cas, l'un des principes énoncés ou quelques-uns d'entre eux peuvent être évoqués, sans une exagération évidente.

Quelques expériences de contrôle peuvent seules préciser la justesse ou l'incompatibilité de leur application.

En général, pour les expériences faites de près, il paraît certain qu'il existe une graduation de facilité, et qu'elle peut être résumée dans les catégories suivantes :

1° Avec contact, gestes et regards ;

2° Sans contact, avec gestes et regards ;

3° Sans contact, sans gestes, avec regards ;

4° Sans contact, sans gestes et sans regards.

A partir de ce dernier degré, l'influence ne diminue plus avec la distance jusqu'à une limite inconnue. Si l'action a pu être exercée du fond d'une chambre à l'insu du sujet, elle pourra l'être également d'une autre chambre, d'une autre maison, etc.

Le fait d'une graduation souvent sensible à petite distance, et d'une différence imperceptible à grande distance, prouve :

1° Que, dans certains cas, le contact, les gestes et le regard ont leur part dans l'action ;

2° Que cette action, aussi bien que celle des sensations olfactives ne suffit pas pour expliquer certains autres cas.

D'ailleurs, le contact est très souvent indifférent ; les gestes deviennent inutiles et le regard n'exerce pas une action palpable ; par conséquent, si ces agents ont une action quelconque à distance, cette action doit être subjective, c'est-à-dire qu'elle facilite simplement la concentration de la pensée chez l'opérateur.

De la part de l'opérateur, les conditions ont été très peu étudiées, mais il est probable:

1° Qu'il y a des différences personnelles ;

2° Que ces différences peuvent tenir non seulement à un degré d'intensité de la pensée, mais aussi à la nature de cette pensée, plutôt visuelle, plutôt auditive ou motrice ;

3° Qu'il faut réserver une certaine part à une sorte d'accord, de concordance, entre les natures des deux intelligences ;

4° Que les efforts excessifs de la volonté nuisent plutôt à la netteté, de la transmission, sans augmenter considérablement son intensité ;

5° Qu'une pensée ferme, persistante, prolongée ou répétée plus ou moins longtemps, constitue une condition éminemment favorable ;

6° Qu'une distraction quelconque, qui fait que la pensée s'évanouit momentanément ou cesse d'être isolée, cesse d'être monoïdéïque, paraît éminemment défavorable à l'action ;

7° Que, néanmoins, les pensées faibles, et même les pensées momentanément inconscientes, peuvent être transmises involontairement ;

8° Que les efforts musculaires qui accompagnent toujours un effort de volonté sont plus ou moins indifférents ; mais que l'expression musculaire chez l'opérateur peut être utile subjectivement, en raison de l'habitude qui unit la pensée à ses signes expressifs. »

Il résulte de ces considérations que l'opérateur doit insister moins sur le je le veux » que sur le contenu même de cette volonté, et il devient dès lors probable qu'à proprement parler ce n'est pas la volonté forte qui favorise la suggestion, mais bien la pensée nette.

De la part du sujet, pour bien s'orienter dans la question, nous pouvons considérer successivement les quatre états principaux :

1° Dans l'état aïdéïque profond », la transmission n'est jamais immédiate, mais elle petit être quelquefois latente ;

2° Dans l'état du monoïdéisme naissant, elle peut être immédiate et parfaite ;

3° Dans l'état du polyidéisme passif, elle peut être médiate ou immédiate, mais toujours plus faible ;

4° Dans l'état du polyidéisme actif, les conditions se compliquent, et il faut les considérer séparément.

a) Elle peut être directe, si le sujet nous aide en s'absorbant volontairement dans une concentration plus ou moins monoïdéique, il s'y prête, il écoute mentalement, il cherche, et quelquefois il trouve ;

b) Elle peut être indirecte, c'est-à-dire latente, également avec un certain ajustement de la part du sujet, et ce cas paraît plus fréquent ;

c) Enfin elle peut être, par exception, médiate ou immédiate, même sans que le sujet soit prévenu de l'action. Et ici nous touchons à la question de l'action mentale à l'état de veille, qui demande quelques explications: l'état somnambulique de polyidéie active ne diffère de l'état de veille que par deux caractères, dont le premier est absolu, le second relatif.

1° La différence absolue, c'est-à-dire constante, nécessaire, n'est que quantitative; la veille est un état plus polyidéique que le somnambulisme, Dans le dernier il y a toujours un rétrécissement du champ psychique. A l'état de veille, malgré le monoïdéisme apparent qui a séduit plusieurs psychologistes (Bain, Wundt, Morell, Horwiez, etc.), notre pensée est toujours très compliquée ; nous avons simultanément une foule de sensations qui luttent entre elles, et une foule de souvenirs qui cherchent à se débarrasser de la pression des idées dominantes (Herbart). En somnambulisme leur nombre général est beaucoup moindre ; la plupart des sensations ordinaires font défaut (anesthésie) ; la plupart des souvenirs restent paralysés, mais ce qui peut induire en erreur et ce qui, en même temps (sans contredire le rétrécissement général), constitue un caractère particulier : c'est que les sensations ou les souvenirs, appartenant à une idée donnée, peuvent y être plus nombreux qu'à l'état de veille ; la perception est plus détaillée, quoique uniquement par rapport à une seule idée, et la reproduction associationiste plus complète, quoique toujours uniquement dans une seule direction. D'où il résulte que l'état polyidéique somnambulique est plus favorable à la suggestion mentale, le sujet étant prévenu de l'action ; mais s'il ne l'est pas, c'est plutôt l'état de veille qui aura la préférence. Il est plus facile d'influencer à son insu un sujet éveillé qu'un sujet qui se trouve dans l'état somnambulique nettement actif. Dans ce dernier cas, le sujet est plus absorbé et, par conséquent, moins abordable. L'état normal est en général moins sensible à cause de l'opposition d'un grand nombre d'idées, qui luttent pour l'existence, mais il est moins concentré, plus élastique, plus varié et, par suite, plus accessible. Ce que je voulais exprimer en disant qu'il est plus élastique, c'est que, à l'état normal, notre pensée se projette plus facilement à droite et à gauche, sans quitter le fil qui la guide; mais je le disais surtout à cause de cette particularité, autrement importante pour nous, c'est que, à vrai dire, l'état normal n'est pas un état tout bonnement polyidéique; il consiste plutôt en un agrégat mobile de tous les états possibles, avec prépondérance de la polyidéie. Il y a indubitablement des mouvements monoïdéiques de toute forme, et même des intervalles franchement monoïdéiques. Seulement tout cela se mêle, se succède avec une rapidité très grande, le plus souvent insaisissable. Mais c'est cela qui rend cet état accessible à de faibles influences surtout chez des sujets hypnotisables, dont l'esprit, en général, se caractérise par une tendance constante au monoïdéisme.

2° La seconde différence entre l'état somnambulique et l'état normal n'est que relative, mais elle est encore plus importante pour notre sujet. Elle est relative, parce qu'elle n'existe pas chez les hypnotisés. Un hypnotisé n'est en rapport avec personne. Elle est relative encore à un autre point de vue, parce que, quoique dans le somnambulisme magnétique l’isolement existe, cet isolement ne présente qu'une différence de degré avec l'état normal, dans lequel la suggestion peut réussir. En vérité, elle ne réussit jamais (du moins la suggestion immédiate) dans un état normal sans trace de rapport. Il faut que ce rapport soit établi tantôt par des magnétisations ultérieures, tantôt par un lien de sang, de sympathie d'un commerce journalier, enfin, par une influence exceptionnelle instantanée.

Ce détail nous ramène dans le fond même de la question.

Le rapport, étant une condition sine qua non, d'une action nette, tâchons de préciser ce que c'est.

Nous avons déjà signalé, au commencement de cette étude et puis surtout à l'occasion d'expériences de Despine, que la nature de ce phénomène est essentiellement double : psychique et physique. Nous connaissons déjà les éléments psychiques (prépondérants quant à la fréquence de leur manifestation palpable), mais il nous reste à analyser la cause physique de ces phénomènes.

Voici l'écueil.

Avons-nous le droit d'admettre une cause physique dans le magnétisme animal » ?

Faisons remarquer, en passant, que, conformément à l'aspect général des phénomènes, jusqu'à ce moment confondus sous un seul nom des phénomènes hypnotiques », cette cause ne nous est nécessaire que pour certaines catégories de faits. Les autres peuvent s'en passer. Mais cela ne supprime pas la difficulté ; elle reste, quoique dans l'ombre. Et ce qui choque les esprits légitimistes, c'est que cette action physique paraît renverser toutes les notions de la physiologie ».

Je n'ai jamais compris, dit M. Brown-Séquard, comment un homme intelligent et connaissant les principes fondamentaux de la physiologie peut admettre une telle transmission (une transmission de force neurique d'un individu à un autre), alors que l'étudiant le moins instruit sait combien sont vains, après la section d'un nerf moteur, les efforts, les désirs, la volonté de mouvoir la partie paralysée... » (Préface de Braid.)

Je ne voudrais pas passer pour un étudiant moins instruit, et encore moins voudrais-je donner des leçons à mon honorable maître, auquel je dois plus d'une idée excellente, mais - amicus Plato, magis amica veritas, - j'oserais dire que j'ai compris, moi, comment c'est possible.

La volonté, dit M. Brown-Séquard, ne peut pas atteindre un muscle dont le nerf moteur est coupé, tandis qu'il lui paraît très naturel qu'elle peut atteindre un muscle dont le nerf moteur n'est pas coupé. » Eh bien ! Pour moi, cela ne me paraît pas naturel du tout. Je conviens qu'elle ne peut atteindre un muscle dont le nerf est coupé, mais je n'admets pas non plus qu'elle puisse atteindre un muscle dont le nerf moteur reste intact. La volonté est un phénomène cérébral, qui n'a jamais été constaté en dehors du cerveau et qui ne peut pas dépasser le cerveau. Elle ne se transmet même pas dans le nerf moteur qui sort de ce cerveau, pour aboutir dans un muscle. Pareillement, le mouvement mécanique d'un muscle ne se transmet pas dans le nerf sensitif pour arriver au cerveau, mais il peut, il doit nécessairement provoquer un courant moléculaire qui, lui, se transmet au cerveau, et y réveille un autre phénomène dynamique d'une nature inconnue, mais que nous distinguons bien intérieurement comme sensation ou idée. La volonté est dans le même cas. Pour atteindre le muscle, elle a absolument besoin d'un intermédiaire moléculaire qui parcoure le nerf, et il est parfaitement vrai que cet intermédiaire ne saurait sauter une coupure. Un courant téléphonique, lui aussi, quoique moins capricieux, ne peut traverser un fil cassé. Le téléphone restera muet. Et si on s'arrêtait à cette expérience, on aurait tout le droit de dire par rapport au téléphone ce que Brown-Séquard dit par rapport au muscle.

Heureusement notre science ne s'arrête pas là. M. Brown-Séquard, en proclamant deux vérités incontestables, s'est trompé deux fois. Les deux vérités, les voici :

1° La force nerveuse ne peut pas traverser un nerf coupé ;

2° La force nerveuse ne peut pas passer dans un autre système nerveux.

C'est très vrai, aussi je n'admets pas un passage quelconque d'un fluide nerveux quelconque.

Mais est-ce à dire que la force nerveuse, ou une autre, n'importe laquelle, n'agisse que là où elle se trouve et que son action soit absolument limitée au corps dans lequel elle se manifeste visiblement ?

C'est ici que commence l'erreur. Elle est double, car :

1° Une pareille force, absolument limitée à un point matériel quelconque, n'existe pas ;

2° S'il en était ainsi, les principes de l'inhibition et de dynamogénie, de M. Brown-Séquard, seraient renversés.

L'action téléphonique normale cesse dès que le fil est cassé. Elle est également nulle pour nous, si le fil n'est pas cassé, mais lorsque le circuit ne contient qu'un seul téléphone. Est-il possible de transmettre la parole avec un seul téléphone ? Non, et cependant il fonctionne. Toute la longueur du fil est parcourue par un courant qui n'est pas la parole elle-même, mais qui en est le corrélatif, tout en restant muet.

Prenons un autre téléphone, qui a également un circuit fermé, et qui reste également muet; approchons-le du premier, ou bien seulement du fil du premier téléphone, ou bien simplement le fil du premier téléphone du fil du second, ce dernier va parler, il va reproduire la parole, malgré qu'il n'y ait aucun contact matériel entre les deux systèmes. Il va parler par induction. C'est cette transmission-là qui correspond à une transmission mentale, et non celle qui existe entre un muscle et un cerveau. Mon cerveau n'agit pas sur les muscles du sujet, mais il peut agir sur son cerveau. Si, au lieu d'un second téléphone, on mettait à côté un autre instrument, un électroscope, par exemple, on n'obtiendrait rien, mais on devrait se bien garder d'en conclure qu'il n'y a aucune action électrique tout autour du téléphone, car, pour constater une action analogue, il faut un instrument analogue, un téléphone pour un téléphone, un cerveau pour un cerveau.

Je n'ai nullement l'intention d'abuser de cette analogie. Comparaison n'est pas raison ; et s'il n'y avait pas d'autres preuves qu'une action physique inductive, celle-ci ne nous servirait à rien.

Mais il n'en est pas ainsi. Indépendamment de toute théorie, les faits nous contraignent à admettre une action physique. Nous serions obligés de le faire même si aucun autre phénomène analogue n'existait.

Les faits les voici en deux mots. Bien entendu, je ne peux pas prouver ici leur réalité, je ne pourrai que les mentionner: Croira qui voudra !

Il y a des cas où le magnétisé distingue la présence de son magnétiseur, en dehors des sensations ordinaires. Il distingue son attouchement entre plusieurs autres, même par l'intermédiaire d'un corps inerte (une tige en bois, par exemple), qui ne peut pas l'influencer différemment par elle-même. Par conséquent, si le sujet distingue aussi bien l'attouchement de son magnétiseur à travers une tige que directement, il faut bien qu'il existe un courant moléculaire quelconque, propre à l'organisme du magnétiseur et qui dénote sa présence, à peu près comme un courant galvanique dénote la présence d'une pile, par l'intermédiaire d'un fil qui nous touche. L'objection, que la majorité des sujets n'éprouvent rien, est sans valeur, puisque également on ne sentira rien avec un courant d'un faible élément, galvanique, quoique la boussole manifestera nettement sa présence, et que, pour un courant encore plus faible, celui d'un téléphone ou d'une grenouille, vous n'obtiendrez rien du tout dans une boussole ; il vous faudrait pour cela un galvanomètre exceptionnellement sensible. Supposez qu'il y a quarante ans, lorsque M. Du Bois Raymond publiait ses découvertes sur l'électricité animale, on lui eût contesté ses assertions, en disant qu'aucun galvanomètre n’avait révélé la présence des courants qu'il annonçait. Cela aurait été vrai, et cependant injuste, parce que, à cette époque, Du Bois-Raymond possédait seul un multiplicateur, capable de révéler leur présence.

2° On peut obtenir des effets marqués au point de vue thérapeutique en agissant sans contact et à l'insu des malades, par exemple chez des enfants endormis. Il y a donc une action inductive qui dépasse la surface du corps ;

3° On constate des différences nettes dans l'action dite magnétique de différentes personnes, sans que l'influence morale puisse les expliquer. Une main agit autrement qu'une autre main, il y a donc une action physique personnelle ;

4° Enfin, dès que les faits nous obligent à admettre une action de loin, il faut bien admettre une action réelle de près.

Ne pouvant pas préciser la nature de cette action, on peut pourtant dire ce qui suit :

1° Tout être vivant est un foyer dynamique ;

2° Un foyer dynamique cherche toujours à propager le mouvement qui lui est propre;

3° Un mouvement propagé se transforme, suivant le milieu qu'il traverse.

Entrons un peu dans quelques détails :

Je ne sais pas si les forces, comme telles, existent dans la nature ; et a fortiori, je ne sais pas si elles existent en dehors de la nature ; mais ce que je sais, c'est qu'en tant que connaissable la force n'est qu'un mouvement. On dit mouvement » quand on voit du mouvement ; on dit force » quand le mouvement est invisible. Un animal qui dort à bien la force » de se lever, puisqu'il existe en lui un mouvement moléculaire latent, caché, qui peut se transformer en un mouvement mécanique visible. Une fois mort, l'animal n'aura plus cette force, parce que le mouvement moléculaire interne qui constitue l'échange biologique des matières a vécu.

On peut donc, sans inconvénient, considérer cette force comme un mouvement dérobé, c'est-à-dire moléculaire.

Un mouvement tend toujours à se propager.

Pourquoi semble-t-il quelquefois disparaître ? Peut-il s'annuler ? Non. Si le mouvement ne se crée pas, il ne se perd pas non plus. Par conséquent, lorsqu'on voit un travail quelconque : mécanique, électrique, nerveux ou psychique, disparaître sans effet visible, on ne peut en inférer que de deux choses l'une ;

1° Soit une transmission ;

2° Soit une transformation.

Dans un milieu qui n'opposerait aucune résistance, un mouvement se transmettrait indéfiniment. Imaginez l'univers formé d'un milieu immobile, mais capable d'être ému, et ne présentant aucune résistance, il suffirait de pousser du doigt un seul atome pour mettre tout I'univers en mouvement. Et si cet atome était seul au monde, il avancerait toute l'éternité. Il avancerait en une ligne droite, d'après l'ancienne mécanique ; en un cercle infini, d'après la nouvelle, et c'est, ici que commencent les farces scientifiques. Bornons-nous à dire qu'il n'y aurait plus alors aucune raison pour que ce mouvement cesse.

Mais tel n'est pas l'univers ; il y a de la résistance. Que veut dire cette résistance ? Peur l'expliquer, on a fait comme les sauvages, on a prêté à la matière les qualités qui nous sont propres à nous. Après avoir objectivé un sentiment subjectif musculaire dans la notion de la  force », on a procédé pareillement pour ce qui s'oppose à la force, en prêtant à la matière notre paresse sous le nom d'inertie ». L'inertie n'existe pas plus que la force, pas plus que le repos absolu. Mais ce qui existe certainement c'est le mouvement, qui, s'il n'est pas de même nature, s'oppose à un autre mouvement.

Qu'arrive-t-il alors ? Il arrive que le mouvement initial se transforme.

Tel est le grand principe de l'univers.

Non pas seulement transmission », comme disait Puységur, mais transformation.

Où finit la première et où commence la seconde ?

La philosophie physique nous donne là dessus une idée très claire :

a) Dans un milieu identique, il n'y aurait que transmission ;

b) Dans un milieu différent, il y a transformation.

Un noyau dynamique, en propageant son mouvement, le propage tout autour ; mais cette transmission ne devient visible que sur les routes de moindre résistance. C'est pourquoi on dit que le magnétisme choisit le fer ; que la chaleur choisit les bons conducteurs, comme le son; qu'un courant galvanique donne la préférence à un fil gros parmi plusieurs fins, comme la foudre choisit les lignes de sa route, comme l'impression de la lumière choisit le nerf qui lui convient, comme la volonté choisit la fibre qui fait son affaire, etc., etc.

Mais, en réalité, rien ne choisit rien. C'est nous qui faisons le choix subjectivement, par incapacité de voir les choses invisibles. La pression qu'exerce un liquide enfermé dans un vase est la même sur sa paroi intacte que sur sa paroi trouée. Mais le liquide ne s'échappe que par cette dernière, et alors l'autre pression ne nous intéresse guère. Au lieu d'une substance prenons une force. Jetons une pierre dans un lac, non loin de ses bords, le choc provoquera une série d'ondes. Elles sont visibles sur la surface de l'eau. Finissent-elles au bord ? Non. La terre subit le choc comme l'eau, et le propage ; seulement, elle le propage à sa manière, invisiblement. Que fait une force qui rencontre un milieu impropre à son genre de mouvement ? Elle se transforme, voilà tout. Il en est toujours ainsi, et il n'y a pas d'autres causes de transformation.

Transformation suppose résistance. Vous lancez un courant électrique dans un fil gros. Vous avez le courant, vous ne percevez aucune autre force. Mais, coupez le fil gros, et réunissez les bouts à l'aide d'un fil fin ; ce fil fin s'échauffera, il y aura transformation d'une partie du courant en chaleur. Poussons plus loin l'expérience : prenez un courant assez fort et interceptez un fil encore plus résistant ou une baguette de charbon très mince. La baguette éclatera de lumière, et la lumière sera encore plus intense, si vous coupez le charbon en deux, introduisant un conducteur encore plus résistant : l'air. Une partie du courant se transforme alors en en chaleur et en lumière. Croyez vous que cette lumière n'agisse que comme lumière seulement, dans la lampe qui brille ? Erreur. Elle agit tout autour, d'abord visiblement comme lumière puis invisiblement comme chaleur et comme courant électrique. Approchez un aimant. S'il est faible et mobile, sous forme d'une aiguille, le faisceau de lumière le fera dévier ; s'il est fort et immobile, c'est lui qui fera dévier le faisceau de lumière. Les rayons lumineux qui frappent les ailes non transparentes d'un radiomètre de Crookes font tourner le moulinet. Et tout cela à distance, sans contact, sans conducteurs spéciaux. Et tout cela, parce que, loin de là, on tourne une manivelle, ou qu'un processus chimique presque imperceptible travaille dans une pile !

Un processus chimique, physique et psychique à la fois s'accomplit dans un cerveau. Un acte compliqué de ce genre se propage dans la substance grise, comme les ondes se propagent dans l'eau. Ce sont là des phénomènes autrement intenses ; leur intensité n'est pas mécanique, elle est plus subtile et plus concentrée. Ce qu'on nomme une idée est un phénomène très localisé. Mais n'oublions pas que, pour faire naître une idée, il a fallu des milliers d'impressions répétées, qui toutes représentent une force. Cette force s'est accumulée, condensée, pour ainsi dire, dans une idée. Vue de son côté physiologique, une idée n'est qu'une vibration, vibration qui se propage, sans pourtant dépasser le milieu où elle peut exister, comme telle. Elle se propage autant que le permettent d'autres vibrations semblables. Elle se propage davantage, si elle prend un caractère que, subjectivement, nous nommons émotif. Une émotion est plus expansive qu'une idée indifférente ; elle peut occuper tout le cerveau au détriment des autres idées, Mais elle ne peut pas aller au delà, sous peine d'être transformée. Néanmoins, comme toute force, elle ne peut rester isolée, comme toute force elle s'échappe, elle s'échappe en déguisement. La science officielle ne lui accorde qu'une seule route les nerfs moteurs. Ce sont les trous d'une lanterne sourde que traversent les rayons lumineux. Seulement la pensée ne rayonne pas comme une flamme, même pas comme la chaleur d'une flamme, qui ne se moque pas mal des parois opaques, infranchissables pour la lumière.

La pensée reste chez elle, comme l'action chimique d'une pile reste dans la pile ; elle se fait représenter au dehors par son corrélatif dynamique, qui s'appelle courant pour les piles et qui s'appelle... je ne sais comment pour le cerveau. En tout cas, c'en est aussi un corrélatif dynamique. Ce dernier n'est pas et ne peut pas être limité aux courants nerveux des fibres moteurs. Il représente toutes les transformations du mouvement cérébral, transformations d'autant plus subtiles et d'autant plus radicales qu'il y a plus de différence entre le milieu anatomique de la pensée et les milieux environnants : corps solides, liquides ou gazeux sans en excepter l'éther, con sidéré comme le quatrième état de la matière et qui, relativement, remplit tout.

Arrêtons-nous là un moment. Nous sommes arrivés à cette conclusion que le mouvement qui correspond à la pensée ne peut pas faire exception dans la nature, et qu'il se transforme aussi en d'autres formes de mouvement, nécessaires, quoique, pour la plupart, inconnues.

Il ne s'opère pas, dit M. de Parville, un déplacement de matières dans la nature morte, un acte volontaire ou inconscient dans la nature vivante, sans qu'il y ait production d'électricité en rapport exact avec l'énergie du travail dépensé. Outre l'électricité, il y a production de la chaleur, il y a production du mouvement mécanique, peut-être de la lumière ; mais mon intention n'est pas de préciser, je crois que nous ne connaissons pas la millième partie des changements moléculaires que peut produire une pensée en plus ou en moins et nous devons nous contenter d'une simple constatation de faits : l'énergie se transmet et se transforme ici comme ailleurs.

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