Projet de loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » et le secteur médico-social : quelles réformes pour quels enjeux ? Jeudi 23 avril 2009 – Loos-lez-Lille
SYNTHESE

SOMMAIRE
Introduction 3
Jean-Luc DESMET, Directeur adjoint ARH Nord et correspondant régional projet ARS 3
Pour la modernisation du système de santé 3
Michel AUTES, Vice-président du Conseil régional Nord – Pas de Calais, délégué à la prévention de la santé 4
Quelle place pour le secteur médico-social au sein de la future organisation ? 5
Yves SCHAEFFER, directeur général adjoint, Conseil général du Nord 5
Alain VILLEZ, URIOPSS 6
Dorothée DEBAECKER, directrice de UNA Nord 8
Frédéric CHAUSSADE, SANTELYS 8
Quels enjeux pour les fournisseurs dans les stratégies d’achats des structures médico-sociales ? 11
Romain WATREMEZ, directeur GIPHARMAD 11
Elodie ROELENS, chargée de missions ADERE 11
Christian JUDE, directeur HMS-VILGO 12
Sigles 15
Nota : les propos des intervenants ne sont pas repris dans leur intégralité mais condensés.
Introduction Les grands enjeux de la loi HPST
J ean-Luc DESMET, Directeur adjoint ARH Nord et correspondant régional projet ARS
Pour la modernisation du système de santé
Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST), présenté en octobre 2008 par le ministère de la Santé, se situe dans la lignée de plusieurs textes législatifs. Parmi eux, l’ordonnance du 24 avril 1996 créait les Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) ; la loi du 4 mars 2002 introduisait déjà des notions de démocratie sanitaire ; deux lois en août 2004 reprécisaient les responsabilités des collectivités territoriales et celle du 23 août 2004 fixait aux conseils généraux et à l’Etat leur rôle dans le domaine de la santé.
La loi HPST s’efforce de mettre en cohérence les dispositifs en s’articulant autour de quatre grands objectifs :
- la modernisation des établissements de santé (définition, rôle, gouvernance, outils de coopération hospitalière…)
- l’accès de tous à des soins de qualité (définition de la notion de soin de premier recours et de deuxième recours, répartition des professionnels de santé…)
- le renforcement de la prévention et la santé publique
- l’organisation territoriale du système de santé.
Les Agences régionales de santé
L’objectif d’organisation territoriale se traduit par la création des Agences régionales de santé (ARS), acteurs essentiels du système de santé à l’échelle régionale. L’introduction de cette nouvelle entité juridique représente plusieurs enjeux. Tout d’abord, l’ARS constitue une opportunité stratégique en tant qu’outil de pilotage commun aux différents champs des secteurs sanitaires et médico-sociaux. Les agences se substitueront par ailleurs aux ARH, DRASS, DDASS, URCAM, etc., participant à la cohérence de l’ensemble des dispositifs et constituant un interlocuteur unique. Elles auront une vision globale du système de santé : médico-social, soin, prévention, promotion de la santé, etc., ainsi qu’une vision territoriale. La structure sera ainsi la plus apte à prendre des décisions adaptées à la réalité de la région.
A la tête de chacune des ARS, un directeur général aura en charge, avec son équipe, de définir le projet régional de santé : des objectifs pluriannuels, des mesures et des moyens pour les atteindre. Il s’appuiera notamment sur un conseil de surveillance (représentants de l’Etat, de l’assurance maladie, des collectivités territoriales et des usagers), présidé par le préfet de Région. Un conseil national de pilotage coordonnera et évaluera l’action des agences régionales. Dans le cadre de la politique régionale, le directeur régional de l’ARS déterminera des territoires de santé et, dans chacun d’eux, une conférence de territoire pour que les différents acteurs du système de santé puissent intervenir dans la mise en œuvre du projet régional de santé.
Les enjeux pour le secteur médico-social
Pour le secteur médico-social, trois principaux enjeux apparaissent. Tout d’abord, la constitution des ARS doit permettre de décloisonner les secteurs sanitaire, social et médico-social, pour mieux gérer les parcours des patients dans leur ensemble et assurer la continuité des prises en charge. La loi introduira une nouvelle planification : le schéma régional de l’organisation médico-sociale sera compris dans le champ de compétences du directeur général de l’ARS. Le troisième enjeu est l’instauration d’un nouveau système d’appel à projets. Celui-ci, actuellement expérimenté dans trois régions en France, permettra à l’Etat de faire valoir ses priorités, en orientant les recherches sur certaines thématiques, et rendra ainsi cohérent le dispositif global.
La loi HPST constitue un enjeu important pour le secteur médico-social qui devra trouver sa place aux côtés du secteur sanitaire et faire valoir ses spécificités. Son fonctionnement est très différent du secteur sanitaire : il se caractérise notamment des structures associatives plus nombreuses et concerne des prises en charge très diverses : personnes âgées, personnes handicapées, maintien à domicile, etc. Des représentants du secteur seront intégrés à la gouvernance des agences.
On attend donc de la loi HPST qu’elle induise un pilotage plus transparent, une approche territoriale et une programmation plus transparente des actions et des dispositifs.
Décryptage du projet de loi
Michel AUTES, Vice-président du Conseil régional Nord – Pas de Calais, délégué à la prévention de la santé
Le paradoxe du système de santé français
Tout le monde s’accorde sur la nécessité de réformer le système de santé français : les secteurs médico-social et sanitaire doivent être coordonnés. Néanmoins, et malgré une volonté commune d’un accès pour tous à des soins de qualité, le diagnostic initial sur lequel se fonde la loi n’est pas suffisamment partagé.
Le système de santé s’est construit à partir d’une conception « pasteurienne » du soin (la maladie, le soin, la guérison, etc.). Aujourd’hui, grâce aux progrès de la médecine notamment, les besoins ont changé. Le soin se définit désormais comme l’accompagnement du patient dans la durée (maladies chroniques, questions de santé publique comme la lutte contre le cancer, contre l’obésité, etc.). Aujourd’hui, les systèmes de prise en charge relève d’une autre logique.
Le pilotage du système de santé est trop fractionné pour être performant. Moyennant une meilleure organisation, plus globalisée et décloisonnant les secteurs médico-social et sanitaire, le système pourrait gagner en efficacité. En revanche, le pilotage unique ne doit pas être démesurément centralisateur.
De plus, la forme de gestion politique du système qu’est la sécurité sociale est arrivée à épuisement. La loi fait comme si l’acte de décès de la sécurité sociale avait déjà été publié mais n’annonce rien de tenable en termes de démocratie sanitaire.
Des améliorations encore attendues
Ces quelques éléments de diagnostic reflètent le paradoxe du système de santé français : performant sur le plan médical mais très mal organisé. La loi HPST répondra-t-elle à ces enjeux ? Elle est à l’évidence l’occasion de remettre le système sur pieds : c'est-à-dire repartir de l’ambulatoire, repenser l’accès aux soins depuis le premier recours et recréer ainsi les conditions de l’égalité d’accès aux soins.
L’enjeu de la loi est de réorganiser l’offre hospitalière. Pourtant le projet de loi n’introduit pas suffisamment les arbitrages nécessaires, l’équilibre à trouver entre qualité et sécurité des soins d’une part, et proximité et égalité d’accès aux soins d’autre part. Pour le moment, la notion des territoires apparaît dans la loi mais les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas encore définies. Il ne suffit pas de confier au directeur de l’ARS la définition des territoires de santé.
A propos de l’installation des médecins, le texte ne définit pas clairement ce que doivent recouvrir par exemple les maisons de santé, les cabinets de groupe. Ce type de réponse organisationnelle garantirait pourtant une meilleure qualité de l’accès aux soins.
Les ARS ont quant à elles fait l’objet d’un véritable consensus politique, mais les choses sont toute autre pour ce qui est de la forme annoncée des agences : une sorte de « monstre » à une tête dont on ne connaît pas bien les missions. Quelle place pour le secteur médico-social au sein de la future organisation ? Les évolutions pour le Département
Yves SCHAEFFER, directeur général adjoint, Conseil général du Nord
L es compétences départementales
Les ARS introduites par la loi HPST risquent de mettre fin à une période de renforcement des compétences des Départements en matière sociale et médico-sociale. La loi de 2004 avait pourtant fait du Département la collectivité pilote du social et médico-social, et avait confirmé des compétences de contrôle, d’autorisation, de planification et de tarification. Ces compétences lui permettaient de développer l’offre de services à l’égard des personnes fragiles. Cette même loi de 2004 conférait au président du conseil général un outil : le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale. Pendant près de 10 ans, le département du Nord a ainsi agi pour les personnes âgées et les personnes handicapées1, et déployé une offre de services sur l’ensemble du territoire départemental.
Deux ruptures majeures
Les intentions générales du projet de loi sont louables, mais il faudra que la volonté politique les transforme. Des textes législatifs existant préfiguraient déjà une régionalisation du système de santé, néanmoins la création des ARS introduit deux ruptures : l’une sur la démocratie et l’autre sur la gestion de l’offre.
Tout d’abord, les mécanismes de l’ARS limiteront étroitement le rôle des conseils généraux dans les domaines social et médico-social. En plus du schéma régional, sera maintenu un schéma départemental ainsi qu’un PRIAC2. Comment réussir à rendre cohérent ces différents instruments ? En outre, ce projet laisse un rôle secondaire aux élus qui ne pourront s’exprimer que sur le terrain de l’ARS.
S’agissant de la gestion de l’offre, un article du texte provisoire introduit pour la première fois la notion de « mise en concurrence », et donc de mécanismes de marché, dans la sphère médico-sociale. Les conséquences sur le développement de l’offre sur les territoires sont très importantes. Dans le même esprit, le nouveau dispositif d’appel à projet est encadré de telle sorte que les élus ont peu de pouvoir de décision.
L’articulation entre sanitaire, médical et médico-social
Alain VILLEZ, URIOPSS3
L’URIOPSS, qui regroupe des organismes privés à but non lucratif des champs sanitaire, social et médico-social, mesure toute l’importance du décloisonnement visé par la loi HPST.
Le décloisonnement
L’objectif de décloisonnement semble en effet pour le moment relever davantage de la bonne intention : l’ouverture vers le médico-social n’est pas structurée dans le projet de loi. Quoi qu’il en soit, le décloisonnement devra respecter les valeurs fondatrices et spécifiques au médico-social : la proximité, la prise en compte de la parole des usagers, la démocratie médico-sociale, etc. Les acteurs du secteur médico-social craignent encore que leur secteur soit le parent pauvre de la réforme ; il a déjà fallu du temps pour que le principe de fongibilité asymétrique soit intégré dans la loi. De plus, le conseil de surveillance de l’ARS, pourtant gage de la démocratie sanitaire et médico-sociale, ne pourra accueillir les organismes gestionnaires d’institutions sanitaires et médico-sociales comme l’URIOPSS, considérés comme juge et partie.
La nouvelle planification
Depuis quelques années, le PRIAC rencontrait déjà des difficultés à s’articuler avec le schéma départemental d’organisation médico-sociale. Avec la loi HPST et le schéma régional médico-social, l’Etat reprend la main dans une certaine mesure, par le biais des crédits d’assurance maladie. Cette question du manque de cohérence n’est pas traitée.
Les nouveaux modes de régulation et de structuration de l’offre
Le nouveau dispositif d’appel à projets, tel que décrit dans le texte provisoire, organise la mise en concurrence des projets sur des territoires. Ce nouveau mode de régulation inquiète : les procédures d’appels à projets sont en contradiction même avec la légitimité des associations qui se veulent un vecteur des besoins des publics les plus fragiles. Le système présenté dans le projet de loi permettra en effet d’orienter les initiatives selon les priorités et moyens disponibles, mais il risque aussi de freiner l’innovation et de formater l’offre. Dans les départements qui ont déjà mis en œuvre ces nouvelles procédures, les promoteurs des secteurs social et médico-social ont beaucoup de mal à s’inscrire dans le nouveau système.
Echanges et débats avec la salle
 L’enjeu pour les personnes âgées
De la salle : Financièrement, quels changements la loi apportera-t-elle aux personnes âgées ? Yves SCHAEFFER : Le financement de la dépendance est très encadré par la loi (système de plafond) et il reste limité. A mon avis, la loi de décembre 2008 modifiera les conditions de tarification des établissements pour personnes âgées qui pèseront plus encore sur leurs charges. Alain VILLEZ : La procédure d’appel à projets risque d’étouffer l’expression des besoins. Il ne sera plus possible de déposer un projet en réponse à un besoin exprimé sur le territoire, comme la nécessité de création d’une structure d’hébergement de personnes âgées. Il n’y aura d’ouverture d’appel à projets que par rapport aux priorités définies par les financeurs et l’ARS et en fonction des crédits d’assurance maladie.
Vers une logique de marché
De la salle : Le secteur associatif est en plein bouleversement car il connaît d’importantes restructurations. Ne craint-il pas surtout d’avoir à gérer des situations salariales dont il n’a pas culturellement l’habitude ? Alain VILLEZ : La simplification du secteur médico-social a en effet été demandée par les pouvoirs publics. Il faut diminuer le nombre de structures existantes, regrouper certains établissements et services, et réduire l’énorme tâche liée à la tarification de l’ensemble de ces structures. La loi HPST rend quasiment obligatoire la négociation de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec des associations.
Cela peut se traduire effectivement par des plans sociaux mais il ne faudrait pas mettre ce risque sur le dos du seul regroupement des structures. Aujourd’hui, des associations d’aide à domicile se trouvent déjà obligées de se séparer de personnes qualifiées, pour des raisons économiques. Et inscrire le secteur médico-social dans une logique de marché risque de renforcer le phénomène. C’est pour cette raison que nous militons contre le dispositif d’appel à projets. De la salle (Michel CARON, président de l’ALEFPA4 et président de l’Union nationale des associations laïques gestionnaires (UNALG)) : Le fait de parler des associations gestionnaires en tant que fournisseurs de services constitue une rupture avec leur implication pour l’intérêt général. Aujourd’hui, cet intérêt général est placé dans une logique de marché. Les implications pour l’aide à domicile
Dorothée DEBAECKER, directrice de UNA5 Nord
Le domicile dans le secteur médico-social
Alors que la population vieillit et que le maintien à domicile se développe, la loi du 2 janvier 2002 a intégré l’aide à domicile au secteur médico-social. UNA a pu dès lors répondre aux demandes d’autorisation passées en CROSMS6. Au regard de l’arrivée de la concurrence en 2002, UNA propose de privilégier les autorisations au sein de ses services d’aide à domicile pour garantir une qualité importante à ses usagers. En 2010, le CROSMS – devant lequel UNA présentait ses demandes d’autorisation – disparaîtra. Quel sera alors l’avenir de ces demandes ?
A u quotidien, UNA est en relation avec une diversité d’acteurs : des médecins au sein des Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), des médecins des SAAD, des acteurs de l’Hospitalisation à domicile (HAD), etc. L’association souhaite une meilleure continuité de la prise en charge de chacun de ses usagers.
L’aide à domicile dans le projet de loi
La loi HPST peut contribuer à renforcer la collaboration entre ces professionnels de santé, du social et du médico-social, en accord avec la nécessité de fluidifier le parcours de soins. Le projet de loi va dans le sens des améliorations attendues par UNA pour garantir une offre de soins de qualité aux patients et aux usagers. Si l’aide à domicile fait partie intégrante de la chaîne des soins, alors UNA craint qu’elle soit insuffisamment concernée par les mesures, d’autant que financièrement elle ne représente qu’un poids mineur. D’ores et déjà, UNA constate que les acteurs de l’aide à domicile ne sont représentés qu’à l’occasion de la mise en place de commissions spécialisées dans les conférences régionales.
En réponse aux mesures annoncées par le gouvernement, UNA propose ses orientations : agir pour faire une place à part entière au domicile, intégrer aux instances représentatives des professionnels de l’aide à domicile, les impliquer dans la mise en œuvre de la politique régionale, assurer une cohérence entre le schéma départemental et le schéma régional, garantir la fongibilité asymétrique des enveloppes sanitaires vers les enveloppes médico-sociales.
Santélys Association, pour le retour au domicile
Frédéric CHAUSSADE, SANTELYS
Vers une prise en charge globale, coordonnée et graduée des patients
L’association Santélys se donne la priorité de trouver une solution pour le maintien à domicile des patients quels que soient leur âge, leur niveau de dépendance et leur état de santé. L’association prend en charge des patients à domicile (assistance respiratoire à domicile, perfusion, etc.), une activité qui dépend de l’assurance maladie. Elle dispose de deux établissements de santé, hospitalisation à domicile et dialyse extra-hospitalière, et d’un service de soins infirmiers à domicile. Santélys Association a enfin une activité de formation (infirmiers et aides-soignants, auxiliaires de vie sociale, etc.).
Santélys, ce sont des technologies, de l’appareillage, des soins, des prestations à domicile pour éviter ou écourter l’hospitalisation d’un patient. L’association souhaite rester un maillon incontournable d’une prise en charge globale du patient et continuer à rendre service aux établissements de santé ainsi qu’aux aidants.
L a place du médico-social au sein de Santélys Association
A travers ses activités – SSIAD, une Cellule d’aide au retour à domicile (CARD), des formations transversales AS-AMP et AVS, etc. – Santélys Association joue un rôle clé dans le secteur médico-social. L’enjeu de la loi HPST est donc de taille pour cette association. L’objectif de la création de la CARD était de faciliter encore le décloisonnement entre champs social et médico-social, en favorisant la sortie des patients pour un retour au domicile. Déjà en 2008, Santélys résolvait 98 % des 469 demandes de patients avec l’ensemble de ses partenaires. Parmi ses projets, l’association a développé dans le cadre d’une convention avec l’Association régionale du travail social une complémentarité sur les formations d’aides-soignants et d’aides médico-psychologiques notamment, pour anticiper le décloisonnement.
Loi HPST : place du médico-social et du secteur associatif
Le projet de loi HPST a suscité certaines interrogations au sein de Santélys Association notamment autour de la notion de qualité de service vers laquelle tendra l’approche patient. Par ailleurs, face aux regroupements des établissements de santé, Santélys s’interroge sur la place qui pourra être consacrée au secteur associatif indépendant. De même, compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs, quel rôle le médico-social jouera-t-il dans la nouvelle organisation ?
Echanges et débats avec la salle Un manque de visibilité pour les usagers
De la salle : A qui les usagers devront-ils s’adresser dans ce nouveau système de santé ? Nous craignons un manque de visibilité des bons interlocuteurs pour les usagers. Dorothée DEBAECKER : La lisibilité est le problème majeur du dispositif mais également du système existant. On encourage les usagers à recourir aux Chèques emploi service universel (CESU), pourtant les modalités liées à ce nouveau titre de paiement ne sont pas claires. Les personnes handicapées
De la salle (Michel CARON) : La perception de la personne handicapée dans le projet de loi HPST renvoie à une vision datant de la révolution industrielle. Aujourd’hui, la personne handicapée n’est plus du tout considérée comme l’étaient les victimes de guerres, les accidentés du travail, etc. On parle d’ailleurs de personnes en situation de handicap pour souligner que c’est sur l’environnement qu’il faut agir. >> La conclusion de Jean-Luc Desmet
Jean-Luc DEMEST
S’agissant du schéma régional et de son articulation avec le schéma départemental, cela fait un certain temps que les services déconcentrés de l’Etat travaillent avec ceux des conseils généraux. Le schéma du conseil général du Pas-de-Calais pour les personnes âgées a par exemple été présenté à l’ARH. De même, le PRIAC du Nord – Pas de Calais a fait l’objet d’un avis favorable à l’unanimité du CROSMS : c’est bien que les dispositifs que le gouvernement met en place est cohérent.
Les appels à projets ne sont pas des appels d’offres. La nouvelle procédure introduite par la loi HPST garantira la neutralité et la bonne régulation des investissements. Cet outil permettra à l’Etat d’afficher ses priorités, ce qui n’existe pas à ce jour. Le système n’empêchera pas pour autant les projets innovants. Le système tel qu’il fonctionne actuellement aboutit au même résultat. Quels enjeux pour les fournisseurs dans les stratégies d’achats des structures médico-sociales ? Un fournisseur pour le maintien à domicile
Romain WATREMEZ, directeur GIPHARMAD
G ipharmad est une structure de maintien à domicile des patients, et grossiste en dispositifs médicaux. Cette organisation s’adressant aux Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), aux HAD, aux cliniques, etc. s’inquiète du maintien des patients au sein de ces structures avec l’arrivée de la loi.
Durant ces cinq dernières années, le circuit ville s’est rapproché du circuit hospitalier. Le mode de financement du HAD est aujourd’hui un mode de financement hospitalier mais qui entraîne une diminution du budget de médicalisation des patients. Gipharmad reste pessimiste par rapport à l’arrivée du circuit hospitalier en ville : elle craint notamment que l’EHPAD devienne une extension de l’hôpital et que le HAD reprenne progressivement la médicalisation à domicile du patient.
Girpharmad a néanmoins la chance d’avoir atteint une taille critique. Il lui reste des marchés à conquérir. En tant que pharmacie de ville, elle est une structure de terrain, réactive. Devoir se conformer à des règles hospitalières lui demandera un important travail de structuration mais sera pour elle une opportunité. De plus, la nouvelle structuration des achats à l’hôpital pourrait contribuer à ce que les services s’étoffent avec de vrais professionnels.
Un groupement d’achat associatif
E lodie ROELENS, chargée de missions ADERE
ADERE, groupement d’achat associatif du secteur sanitaire, social et médico-social, s’inscrit dans un réseau national réunissant des acteurs du secteur sanitaire, social, médico-social et de l’économie solidaire. Elle regroupe toutes les structures à but non lucratif. En leur proposant des tarifs négociés auprès de fournisseurs et des mises en concurrence annuelles pour le maintien d’une certaine qualité dans les achats des structures, l’association les aide à maîtriser leurs dépenses.
La loi HPST mentionne la création d’une Agence nationale d’appui à la performance (ANAP). Pour que les structures maîtrisent leurs dépenses, l’ANAP leur demande de moderniser leur gestion, d’optimiser leur patrimoine immobilier et d’accroître leurs performances. Mais comment les structures pourront-elles répondre aux attentes de performance, tout en maîtrisant leurs dépenses ? Pour cela, ADERE propose aux 670 structures de se regrouper pour réaliser une économie d’échelle. Pour les structures adhérentes, la qualité de services passe par une mise en concurrence des opérateurs.
Echanges et débats avec la salle Les groupements d’achat
De la salle (Damien PIPART, Eurasanté) : N’y a-t-il pas contradiction entre vouloir traiter avec des acteurs de proximité et vouloir adhérer à un groupement d’achat ? Christian JUDE : A domicile, le patient ne peut disposer d’un matériel médical trop lourd qui a besoin d’entretien et dont on ne peut se servir sans formation (lits médicalisés, fauteuils électriques, etc.). La proximité des acteurs pour installer le matériel, former le patient à son utilisation est donc très importante. Les associations n’ont pas le temps de faire cet accompagnement et doivent nécessairement se reposer sur un réseau de professionnels de proximité. Elodie ROELENS : Notre association se différencie des centrales d’achat. Les groupements d’achat sont aussi l’opportunité de faire davantage travailler des fournisseurs locaux. Romain WATREMEZ : Le marché actuel est subordonné à une baisse des remboursements. Je ne comprends pas que les groupements d’achat demandent aux fournisseurs de baisser le prix des produits en deçà de ces remboursements. Nous vendons une prestation qualitative qu’il est important de ne pas dégrader. Or nous observons une baisse de la qualité des produits et services qui se généralise jusqu’au domicile et nous peinons à faire valoir le coût de nos prestations, pourtant incompressible.

Un fabricant de matériel pour la vie à domicile
Christian JUDE, directeur HMS-VILGO
HMS-VILGO dispose de deux usines : l’une de production de lits médicalisés et l’autre qui fabrique toute une panoplie de matériels pour aider les personnes âgées ou personnes handicapées dans leur vie à domicile. Pour l’entreprise, le développement de l’aide médicale passera largement par la contribution des distributeurs qui constituent son marché cible et qui permettent un maillage de professionnels sur le terrain.
Avant la loi HPST, la réforme des EHPAD avait déjà représenté un important bouleversement pour le financement et la place des professionnels dans ce nouveau financement. Pour les professionnels évoluant entre l’Etat, la maison de retraite par exemple et le patient, la marge récupérée diminue.
En tant qu’industriel, HMS-VILGO investit beaucoup de temps dans la recherche de produits pour répondre aux problématiques de santé publique telles que l’obésité et se veut être force de proposition dans la définition d’un nouveau système de santé. En plus du cadre de remboursement par la sécurité sociale, HMS-VILGO espère une meilleure prise en charge des soins spécifiques et que les personnes concernées puissent en bénéficier plus facilement.
Echange entre intervenants La logique de marché
Jean-Luc DEMEST
Le mot « marché » était employé dans l’atelier précédent dans le cadre de l’autorisation de structures. Ici il est utilisé dans le domaine du fonctionnement des structures qui, comme tous les services de l’Etat, cherchent à rentabiliser au maximum les modalités de fonctionnement. Cela n’aura pas d’impact majeur sur le fonctionnement des hôpitaux. Quoi qu’il en soit, une aide à la performance sera apportée aux établissements.
Echanges et débats avec la salle
Les appels à projets
De la salle : L’approche commerciale des appels à projets est moins inquiétante que l’apparition de centrales d’achat qui se fera au détriment des distributeurs français. Jean-Luc DESMET : Il est normal que les institutions essaient d’optimiser leur fonctionnement et leurs coûts. Et elles ne le font pas au détriment de la qualité des produits et services. Les procédures de marché public font apparaître la notion de mieux disant, plus que celle du moins disant.
La structuration à partir de centrales d’achat ne doit pas être mélangée avec la notion d’appel à projets, c’est une autre question. De la salle (Michel CARON) : Le monde associatif a conscience de vivre dans un monde concurrentiel. Néanmoins, il semble difficile de distinguer les appels à projet (tels que décrits dans le projet de loi HPST) des appels d’offres. La négociation autour du rapport qualité / prix persistera et le manque de régulation de cette nouvelle concurrence risque de peser sur la qualité des produits et services, en particulier dans le médico-social. Jean-Luc DEMEST : Je souhaite repréciser qu’il s’agit d’appels à projets pour la création de structures nouvelles : ils afficheront les besoins d’un secteur et demanderont aux institutions concernées de proposer leur projet. La loi HPST veut clarifier la procédure et permettre à l’Etat d’annoncer ses priorités. De la salle : Les appels d’offres ne semblent pas harmonisés dans toute la France. De plus, dans certains hôpitaux, des devis sont demandés au premier euro. Les marchés et groupements d’achat n’ont pourtant pas lieu d’être pour tout type de matériel. Le président Sarkozy a expliqué qu’il souhaitait que les Petites et moyennes entreprises (PME) puissent aussi profiter des marchés publics.
Les politiques régionales
Jean-Luc DEMEST
Chaque ARS, dans chaque région, adaptera la politique nationale de santé à son territoire. C’est la configuration régionale qui influencera les orientations prises par telle ou telle région. Mais la personnalité des équipes comme celle du directeur des ARS pourra aussi avoir un impact. Néanmoins, la connaissance de la réalité de terrain reste le fondement des décisions politiques.
L’interprétation des textes législatifs
Romain WATREMEZ
Il faudra prêter attention à la bonne interprétation de la loi, des listes des produits et prestations remboursées notamment. Les caisses d’assurance maladie par exemple n’ont pas la même perception de la prise en charge du fauteuil roulant. Les acteurs de notre secteur d’activité ne sont pas aidés dans leur lecture des textes de loi et il arrive qu’une mauvaise interprétation bouleverse un marché : la loi sur les EHPAD a ainsi complètement remanié le marché du maintien à domicile. Un effort de communication devra accompagner la loi HPST.
Les petits distributeurs
Romain WATREMEZ
Beaucoup de petits distributeurs rencontrent des difficultés aujourd’hui. En raison de la réintégration des dispositifs médicaux et des dispositions de l’assurance maladie préconisant, pour le renouvellement de matériels, la location plutôt que l’achat, ces entreprises ont pu faire des résultats exceptionnels en 2008 mais qui seront difficilement reproductibles. Beaucoup de ces petits distributeurs sont à vendre.
Elodie ROELENS
Suite à l’arrêté de mai 2008 qui modifie la liste des matériels entrant dans le budget soin des EHPAD, ADERE a lancé une consultation auprès de ses fournisseurs et s’est aperçu à quel point les petits distributeurs avaient des difficultés à y répondre : la liste de matériels est longue, les matériels spécialisés, etc. Nous avons donc choisi de diversifier les fournisseurs référencés, car il n’existe pas de fournisseur suffisamment important pour être capable de répondre à ce texte.
Echanges et débats avec la salle La notion de territoire
De la salle : Le secteur sanitaire a retenu de la loi HPST la notion de territoire, plus que le secteur médico-social. Quel sera le rôle de l’ARS dans le territoire ? Constatez-vous des changements dans la prise de conscience de ces territoires ?
Elodie ROELENS : Parmi les adhérents de l’association ADERE, certains se regroupent au point qu’ils sont à la limite de la fusion. L’ARS peut-elle imposer des règles de fusion ? Jean-Luc DESMET : Le titre IV de la loi HPST prévoit que le directeur de l’ARS délimite des territoires de santé à la fois cohérents pour le secteur sanitaire, médico-social et social, mais aussi cohérent avec la promotion de la santé. Le dessin du territoire pourra être modifié, en concertation, pour favoriser l’apparition de structures de concertation et de coopération entre acteurs.
>> La conclusion de Jean-Luc Desmet
Jean-Luc DESMET
La création des ARS sera accompagnée par une structure de pilotage national. Des échanges se feront constamment entre l’animation régionale et le pilotage national, permettant de faire remonter les réalités du terrain.
S’agissant de l’introduction de la nouvelle procédure d’appel à projets, le souci de la qualité restera prédominant et le mieux disant sera le premier regardé.
Sigles
ALEFPA : Association laïque pour l’éducation, la formation professionnelle des adolescents
ANAP : Agence nationale d’appui à la formation
ARH : Agence régionale de l’hospitalisation
ARS : Agence régionale de santé
CARD : Cellule d’aide au retour à domicile
CESU : Chèque emploi service universel
CROSMS : Comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale
DDASS : Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DRASS : Direction régionale des affaires sanitaires et sociales
EHPAD : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
HAD : Hospitalisation à domicile
HPST : Hôpital, patients, santé et territoires
PME : Petites et moyennes entreprises
PRIAC : Programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie
SAAD : Service d’aide et d’accompagnement à domicile
SROS : Schéma régional d’organisation sanitaire
SSIAD : Service de soins infirmiers à domicile
UNA : Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile
UNALG : Union nationale des associations laïques gestionnaires
URCAM : Union régionale des caisses d’assurance maladie
URIOPSS : Union régionale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux

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